Comptes rendus

20 septembre 2023
« Classiques et découvertes »
Club du mercredi
Organisateur : Louis Grignon

Cette année, c’est Louis qui a accepté la tâche d’ouvrir le bal. Pour ce faire, il a sélectionné, de sa cave, dix vins relativement matures qu’il nous a présentés sous deux catégories : les « vins classiques, connus et appréciés des membres de l’AVO », on pourrait ajouter servis assez régulièrement à l’Académie et « des découvertes délicieuses et surprenantes », donc des vins avec lesquels beaucoup de membres sont moins familiers.

Il s’agit d’une dégustation à l’aveugle composée exclusivement de vins rouges qui ont tous subi une double décantation quelques heures avant l’événement.

Premier service :

Châteauneuf-du-Pape « Cuvée Tradition » 2010, Domaine Bosquet des Papes
Ce premier vin, fait aux trois quarts de grenache, complété de syrah et de mourvèdre, est très foncé et légèrement brouillé. Le nez est exubérant et offre d’abord un arôme d’égout qui disparaît rapidement, puis du bois vanillé, une note fumée, du poivre, du cuir, peu de fruit et pas mal d’alcool (kirsch). La bouche est plutôt soyeuse, avec une très belle texture, un beau grain, une bonne acidité, des tannins faciles mais présents, de la torréfaction et des fruits noirs cuits (sur-maturité?); le tout est très bien équilibré. La finale est sur les fruits confits, avec une note mentholée, de la chaleur (15,5 % alc/vol), une fine astringence et une très belle persistance aromatique.

Bosquet des Papes 2010
Courbis 2011

Cornas « Les Eygats » 2011, Domaine Courbis
Ce 100 % syrah est aussi foncé, mais plus limpide. Au nez, il est plus évolué, très fumé (certains l’ont pris pour un Côte-Rôtie), très vanillé, avec une note animale et du cuir, du fruit (cerise, framboise) et une bonne dose de bois. Encore une fois, la bouche est assez soyeuse, avec des tanins fondus, des fruits noirs cuits, de la cerise au marasquin, du bois vanillé, une note végétale et une belle acidité; l’équilibre est excellent. La fin de bouche légèrement tanique est un peu pâteuse, très torréfiée (café, chocolat au lait) et très longue. Plus mature et plus complexe que le châteauneuf, c’est le troisième vin le plus apprécié de la soirée.

Deuxième service

Chinon « les Grézeaux » 2010, Bernard Baudry
Ce vin rouge de la Loire, fait exclusivement de cabernet franc, est grenat pas très foncé, avec une couronne claire. Assez ouvert au nez, il offre des arômes de bois, de fumée, peu de fruit et la note terreuse (betterave) typique des cabernets francs de Loire est bien présente. Il n’est pas très corsé en bouche, peu tanique, avec une texture fine, un fruité (cerise) beaucoup plus présent qu’au nez, une très bonne acidité et un bel équilibre. Ça finit sur une légère astringence, du fruit, de la fumée, de l’olive noire et c’est assez persistant. Un vin bien fait, bien mature (passé son apogée pour certains) et très intéressant. Louis a eu la main heureuse car cette cuvée « bio » de B. Baudry peut parfois être très « écurie » (brett) pour ne pas dire trop. Celui-ci est superbe!

Baudry 2010
Gassac 2007

Mas de Daumas Gassac 2007 (Vin de Pays de l’Hérault)
Ce vin du Languedoc a aujourd’hui droit à l’IGP Saint-Guilhem-le-Désert, mais était à l’époque un Vin de Pays de l’Hérault. La contre-étiquette indique qu’il est fait à 80 % de cabernet sauvignon et d’une vingtaine de « variétés rares » pour le reste. Il est grenat, à peine plus foncé que le Baudry. Il est plus discret au nez, avec du bois, de la fumée, du fruit (cerise) — c’est le plus fruité de la volée —, des fines herbes séchées, du cuir, du tabac et une note végétale. Il est plus corsé en bouche, mais assez souple, moins fruité qu’au nez, encore tanique, avec une belle acidité et du pain grillé; l’équilibre est beau. La finale est bien sèche, torréfiée, légèrement végétale, mais pas très persistante. Un très beau Daumas Gassac en début de maturité, mais qui tiendra encore longtemps.

Mas la Plana “Cabernet Sauvignon” 2004 (DO Penedès), Familia Torres
À l’œil, ce 100 % cabernet sauvignon est le plus foncé et le moins évolué des trois; il est grenat, avec des reflets rubis. Il est très intense aromatiquement et très boisé; la noix de coco séchée couvre presque tout, laissant à peine transparaître un peu de fruit, du café et une note minérale. La bouche est grasse, onctueuse, très(!) boisée, avec des tanins solides, une bonne acidité et des fruits cuits; l’équilibre est bon. La fin de bouche est très boisée (évidemment!), vanillée, un peu chaude (14 % alc/vol) et le bois persiste très, très longtemps. D’un millésime exceptionnel en Espagne, ce vin est encore costaud et très jeune; arrivera-t-il à « digérer » tout ce bois?

Plana 2004

Troisième service :

Cappellaccio 2010

Aglianico « Cappellaccio » Riserva 2010 (DOC Castel del Monte), Rivera
Ce vin des Pouilles, fait exclusivement d’aglianico, est moyennement foncé, translucide et assez évolué. Il est bien ouvert au nez, avec un bois magnifique, de la maturité (champignons, pointe d’oxydation) et des épices. L’attaque en bouche est bien sèche, la texture est soyeuse, très fine, ronde, avec du fruit et une belle acidité; l’équilibre est impeccable. La finale est juteuse et chocolatée. Légèrement dépassé, le nez de ce vin n’est pas pour tout le monde, mais pour amateurs de très vieux vins. Un vin d’une vingtaine de dollars qui en a surpris plusieurs.

Sociando-Mallet 2005 (AOC Haut-Médoc)
Ce bordeaux est un assemblage de cabernet sauvignon et de merlot, avec un peu de cabernet franc. Il est grenat assez foncé. Au nez, on détecte du bois vanillé, du fruit, du chocolat et le graphite (mine de crayon) qui permet à certains de l’identifier à tout coup. Il est bien gras en bouche, avec des tanins très fins mais bien présents, une note végétale et du fruit; la bouche suit bien le nez et l’équilibre est irréprochable. La fin de bouche est bien sèche, fraîche, avec une belle astringence, du bois, de la torréfaction et un peu de chaleur (13 % alc/vol); la persistance aromatique est impressionnante. Un vin très apprécié.

Sociando 2005
Pesquera 2005

Tinto Pesquera Crianza 2005 (DO Ribera del Duero), Bodegas Alejandro Fernández
Ce 100 % tempranillo est grenat aussi foncé que le Sociando, mais avec de légers reflets rubis. Le nez est intense, boisé, vanillé, fruité (griotte) et minéral. La texture en bouche est très belle, les tanins sont assez fondus, bien enrobés, l’acidité est bonne et le vin est bien sec; l’équilibre est parfait. Un vin généreux, puissant, au nez envoutant. Une des deux grandes vedettes de la soirée.

Quatrième service :

Viña Real Gran Reserva 2008 (DOCa Rioja), C.V.N.E. (Compañía Vinícola del Norte de España)
Ce vin de tempranillo contient 5 % de graciano. Il est carrément opaque. Le nez intense est d’abord souffré, mais cette odeur disparaît rapidement pour laisser place au fruit, au chocolat, au bois bien dosé, aux épices et à une très discrète note fumée. La bouche est corsée, très fruitée (presque confiturée), fraîche et parfaitement équilibrée. La finale est juteuse, fruitée, torréfiée, épicée et très, très longue. Un vin puissant, en grande forme, en tout début de maturité, trop boisé pour quelques-uns, mais tout de même l’autre grande vedette de la soirée.

Vina Real 2008
Tondonia 2010

Viña Tondonia Reserva 2010 (DOCa Rioja), R. López de Heredia Viña Tondonia
Cet assemblage de tempranillo (75 %), de grenache (15 %), de graciano (5 %) et de mazuelo (5 %) est grenat pâlot et plutôt évolué. Moyennement ouvert au nez, il sent brièvement la sueur, puis le fruit, les fines herbes, le bois et le cuir. En bouche, il est plutôt léger, bien acide, très peu tanique, fruité, avec du bois et de la tomate. La finale est vive, très sèche et relativement peu persistante. Un vin peu corsé qui, de la part de ce producteur mythique de la Rioja, en a déçu quelques-uns. Il a quand même été très apprécié par les trois quarts des participants.

Dans la volée I, il n’y avait pas vraiment de découverte, les deux vins étant bien connus des participants. La plupart ont identifié le Rhône comme région d’origine. Le Cornas de Courbis a été préféré au Bosquet des Papes.

La volée II a été la moins appréciée de la soirée, malgré de grands noms comme Daumas Gassac et Mas la Plana. Daumas Gassac a été le préféré, mais de très peu.
La « découverte », pour plusieurs, aura certainement été le Chinon de B. Baudry, un vin parfois problématique mais qui vaut toujours la peine d’être essayé.

La volée III, une autre sélection très variée, avec un aglianico, un bordeaux et un Ribera del Duero, présentait trois beaux exemples de vins aux bois bien boisé. La « découverte » de la volée, le Cappellaccio, a eu du mal à impressionner, à côté de classiques comme Sociando et Pesquera. Ce dernier a été un des deux vins les plus cotés de la soirée.

Enfin, la volée IV a été la plus appréciée de la soirée. Deux vins de la Rioja. Deux vins au premier nez peu invitant mais heureusement éphémère. On peut présumer qu’ici, la suggestion de « découverte » de Louis était le Viña Real, un vin rarement servi à l’Académie; excellente suggestion puisqu’il a été le vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le Pesquera.

Les dégustations tout en rouge se font de moins en moins fréquentes à l’Académie, mais celle-ci, par la belle variété des vins sélectionnés (peut-être pas aussi éclectique que Louis avait promis), par les associations intéressantes et par la maturité de la plupart d’entre eux aura été une excellente façon de débuter l’année 2023-2024. Merci Louis.

Alain Brault