2023 - 2024
20 septembre 2023
« Classiques et découvertes »
Club du mercredi
Organisateur : Louis Grignon
Cette année, c’est Louis qui a accepté la tâche d’ouvrir le bal. Pour ce faire, il a sélectionné, de sa cave, dix vins relativement matures qu’il nous a présentés sous deux catégories : les « vins classiques, connus et appréciés des membres de l’AVO », on pourrait ajouter servis assez régulièrement à l’Académie et « des découvertes délicieuses et surprenantes », donc des vins avec lesquels beaucoup de membres sont moins familiers.
Il s’agit d’une dégustation à l’aveugle composée exclusivement de vins rouges qui ont tous subi une double décantation quelques heures avant l’événement.
Premier service :
Châteauneuf-du-Pape « Cuvée Tradition » 2010, Domaine Bosquet des Papes
Ce premier vin, fait aux trois quarts de grenache, complété de syrah et de mourvèdre, est très foncé et légèrement brouillé. Le nez est exubérant et offre d’abord un arôme d’égout qui disparaît rapidement, puis du bois vanillé, une note fumée, du poivre, du cuir, peu de fruit et pas mal d’alcool (kirsch). La bouche est plutôt soyeuse, avec une très belle texture, un beau grain, une bonne acidité, des tannins faciles mais présents, de la torréfaction et des fruits noirs cuits (sur-maturité?); le tout est très bien équilibré. La finale est sur les fruits confits, avec une note mentholée, de la chaleur (15,5 % alc/vol), une fine astringence et une très belle persistance aromatique.
Cornas « Les Eygats » 2011, Domaine Courbis
Ce 100 % syrah est aussi foncé, mais plus limpide. Au nez, il est plus évolué, très fumé (certains l’ont pris pour un Côte-Rôtie), très vanillé, avec une note animale et du cuir, du fruit (cerise, framboise) et une bonne dose de bois. Encore une fois, la bouche est assez soyeuse, avec des tanins fondus, des fruits noirs cuits, de la cerise au marasquin, du bois vanillé, une note végétale et une belle acidité; l’équilibre est excellent. La fin de bouche légèrement tanique est un peu pâteuse, très torréfiée (café, chocolat au lait) et très longue. Plus mature et plus complexe que le châteauneuf, c’est le troisième vin le plus apprécié de la soirée.
Deuxième service :
Chinon « les Grézeaux » 2010, Bernard Baudry
Ce vin rouge de la Loire, fait exclusivement de cabernet franc, est grenat pas très foncé, avec une couronne claire. Assez ouvert au nez, il offre des arômes de bois, de fumée, peu de fruit et la note terreuse (betterave) typique des cabernets francs de Loire est bien présente. Il n’est pas très corsé en bouche, peu tanique, avec une texture fine, un fruité (cerise) beaucoup plus présent qu’au nez, une très bonne acidité et un bel équilibre. Ça finit sur une légère astringence, du fruit, de la fumée, de l’olive noire et c’est assez persistant. Un vin bien fait, bien mature (passé son apogée pour certains) et très intéressant. Louis a eu la main heureuse car cette cuvée « bio » de B. Baudry peut parfois être très « écurie » (brett) pour ne pas dire trop. Celui-ci est superbe!
Mas de Daumas Gassac 2007 (Vin de Pays de l’Hérault)
Ce vin du Languedoc a aujourd’hui droit à l’IGP Saint-Guilhem-le-Désert, mais était à l’époque un Vin de Pays de l’Hérault. La contre-étiquette indique qu’il est fait à 80 % de cabernet sauvignon et d’une vingtaine de « variétés rares » pour le reste. Il est grenat, à peine plus foncé que le Baudry. Il est plus discret au nez, avec du bois, de la fumée, du fruit (cerise) — c’est le plus fruité de la volée —, des fines herbes séchées, du cuir, du tabac et une note végétale. Il est plus corsé en bouche, mais assez souple, moins fruité qu’au nez, encore tanique, avec une belle acidité et du pain grillé; l’équilibre est beau. La finale est bien sèche, torréfiée, légèrement végétale, mais pas très persistante. Un très beau Daumas Gassac en début de maturité, mais qui tiendra encore longtemps.
Mas la Plana “Cabernet Sauvignon” 2004 (DO Penedès), Familia Torres
À l’œil, ce 100 % cabernet sauvignon est le plus foncé et le moins évolué des trois; il est grenat, avec des reflets rubis. Il est très intense aromatiquement et très boisé; la noix de coco séchée couvre presque tout, laissant à peine transparaître un peu de fruit, du café et une note minérale. La bouche est grasse, onctueuse, très(!) boisée, avec des tanins solides, une bonne acidité et des fruits cuits; l’équilibre est bon. La fin de bouche est très boisée (évidemment!), vanillée, un peu chaude (14 % alc/vol) et le bois persiste très, très longtemps. D’un millésime exceptionnel en Espagne, ce vin est encore costaud et très jeune; arrivera-t-il à « digérer » tout ce bois?
Troisième service :
Aglianico « Cappellaccio » Riserva 2010 (DOC Castel del Monte), Rivera
Ce vin des Pouilles, fait exclusivement d’aglianico, est moyennement foncé, translucide et assez évolué. Il est bien ouvert au nez, avec un bois magnifique, de la maturité (champignons, pointe d’oxydation) et des épices. L’attaque en bouche est bien sèche, la texture est soyeuse, très fine, ronde, avec du fruit et une belle acidité; l’équilibre est impeccable. La finale est juteuse et chocolatée. Légèrement dépassé, le nez de ce vin n’est pas pour tout le monde, mais pour amateurs de très vieux vins. Un vin d’une vingtaine de dollars qui en a surpris plusieurs.
Sociando-Mallet 2005 (AOC Haut-Médoc)
Ce bordeaux est un assemblage de cabernet sauvignon et de merlot, avec un peu de cabernet franc. Il est grenat assez foncé. Au nez, on détecte du bois vanillé, du fruit, du chocolat et le graphite (mine de crayon) qui permet à certains de l’identifier à tout coup. Il est bien gras en bouche, avec des tanins très fins mais bien présents, une note végétale et du fruit; la bouche suit bien le nez et l’équilibre est irréprochable. La fin de bouche est bien sèche, fraîche, avec une belle astringence, du bois, de la torréfaction et un peu de chaleur (13 % alc/vol); la persistance aromatique est impressionnante. Un vin très apprécié.
Tinto Pesquera Crianza 2005 (DO Ribera del Duero), Bodegas Alejandro Fernández
Ce 100 % tempranillo est grenat aussi foncé que le Sociando, mais avec de légers reflets rubis. Le nez est intense, boisé, vanillé, fruité (griotte) et minéral. La texture en bouche est très belle, les tanins sont assez fondus, bien enrobés, l’acidité est bonne et le vin est bien sec; l’équilibre est parfait. Un vin généreux, puissant, au nez envoutant. Une des deux grandes vedettes de la soirée.
Quatrième service :
Viña Real Gran Reserva 2008 (DOCa Rioja), C.V.N.E. (Compañía Vinícola del Norte de España)
Ce vin de tempranillo contient 5 % de graciano. Il est carrément opaque. Le nez intense est d’abord souffré, mais cette odeur disparaît rapidement pour laisser place au fruit, au chocolat, au bois bien dosé, aux épices et à une très discrète note fumée. La bouche est corsée, très fruitée (presque confiturée), fraîche et parfaitement équilibrée. La finale est juteuse, fruitée, torréfiée, épicée et très, très longue. Un vin puissant, en grande forme, en tout début de maturité, trop boisé pour quelques-uns, mais tout de même l’autre grande vedette de la soirée.
Viña Tondonia Reserva 2010 (DOCa Rioja), R. López de Heredia Viña Tondonia
Cet assemblage de tempranillo (75 %), de grenache (15 %), de graciano (5 %) et de mazuelo (5 %) est grenat pâlot et plutôt évolué. Moyennement ouvert au nez, il sent brièvement la sueur, puis le fruit, les fines herbes, le bois et le cuir. En bouche, il est plutôt léger, bien acide, très peu tanique, fruité, avec du bois et de la tomate. La finale est vive, très sèche et relativement peu persistante. Un vin peu corsé qui, de la part de ce producteur mythique de la Rioja, en a déçu quelques-uns. Il a quand même été très apprécié par les trois quarts des participants.
Dans la volée I, il n’y avait pas vraiment de découverte, les deux vins étant bien connus des participants. La plupart ont identifié le Rhône comme région d’origine. Le Cornas de Courbis a été préféré au Bosquet des Papes.
La volée II a été la moins appréciée de la soirée, malgré de grands noms comme Daumas Gassac et Mas la Plana. Daumas Gassac a été le préféré, mais de très peu.
La « découverte », pour plusieurs, aura certainement été le Chinon de B. Baudry, un vin parfois problématique mais qui vaut toujours la peine d’être essayé.
La volée III, une autre sélection très variée, avec un aglianico, un bordeaux et un Ribera del Duero, présentait trois beaux exemples de vins aux bois bien boisé. La « découverte » de la volée, le Cappellaccio, a eu du mal à impressionner, à côté de classiques comme Sociando et Pesquera. Ce dernier a été un des deux vins les plus cotés de la soirée.
Enfin, la volée IV a été la plus appréciée de la soirée. Deux vins de la Rioja. Deux vins au premier nez peu invitant mais heureusement éphémère. On peut présumer qu’ici, la suggestion de « découverte » de Louis était le Viña Real, un vin rarement servi à l’Académie; excellente suggestion puisqu’il a été le vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le Pesquera.
Les dégustations tout en rouge se font de moins en moins fréquentes à l’Académie, mais celle-ci, par la belle variété des vins sélectionnés (peut-être pas aussi éclectique que Louis avait promis), par les associations intéressantes et par la maturité de la plupart d’entre eux aura été une excellente façon de débuter l’année 2023-2024. Merci Louis.
Alain Brault
27 septembre 2023
« 12 ans après : le millésime 2011 »
Grande dégustation
Organisateur : Alain Brault
L’objectif de cette dégustation annuelle de l’Académie a toujours été de vérifier l’évolution de vins que beaucoup de membres de l’Académie fréquentent depuis des années, mais on ne se prive pas d’y inclure quelques découvertes intéressantes. Comme toujours, cette dégustation se déroule en semi-aveugle, la liste des vins ayant été publiée lors des inscriptions.
Nous avons donc droit, comme annoncé, à cinq vins français, deux italiens, deux espagnols, un libanais et un canadien; dont cinq vins blancs et six rouges. Aucun des vins servis n’a subi de décantation avant le service.
Mise en bouche :
Blanca Cusiné Brut Nature Gran Reserva 2011 (DO Cava), Parés Baltà
Ce mousseux à base de xarel-lo est complété de chardonnay et de pinot noir. Il est d’un bel or pâle et la mousse est abondante même si la pression lors de l’ouverture n’aurait pas pu faire sauter le bouchon très loin. En plus de cette belle robe, ces douze ans lui ont apporté une belle complexité aromatique, avec du fruit (pomme), de la minéralité et de la brioche. L’effervescence est très fine en bouche et le vin est fruité et rafraîchissant. Un très beau cava à pleine maturité.
Les blancs :
Alsace Pinot Gris Grand Cru Furstentum 2011, Bott Geyl
Ce pinot gris produit en biodynamie est jaune doré d’intensité moyenne. Le nez est très intense, épicé, bien fruité (pêche, litchi, certains ont parlé de salade de fruits) et très floral. L’attaque en bouche est grasse; le vin est corsé, avec une acidité à peine suffisante par rapport aux 41 g/l de sucre résiduel et au 13,8 %/vol d’alcool; on y perçoit des épices (muscade, cannelle) et des fines herbes. En finale, c’est du fruit, du beurre, du miel et c’est très persistant. Ce très beau pinot gris d’Alsace très classique s’est classé 3e, tout juste derrière les deux grandes vedettes de la soirée.
Puligny-Montrachet 1er Cru Les Folatières 2011, Domaine B. & T. Glantenay
Ce chardonnay est le plus pâle des vins blancs et, avec ses reflets verdâtres, ne fait vraiment pas son âge. Il est très ouvert au nez, très minéral (pierre à fusil), fruité (agrumes), avec un léger bois et du sésame grillé. L’attaque est fruitée, la texture est ronde, avec une belle acidité qui fait saliver et de la pomme verte; l’équilibre est excellent. La fin de bouche est très sèche, très fraîche, fruitée et assez longue. Un vin en grande forme, qualifié d’« électrisant »; un des deux vins les plus appréciés de la soirée, avec le Kefraya.
Châteauneuf-du-Pape blanc Réservé 2011, Château Rayas
Ce vin blanc du Rhône à la robe dorée est très ouvert au nez, fumé (cendre) et bien fruité (citron confit), avec de la cire d’abeille. La bouche est corsée, presque huileuse, très fruitée et minérale, avec l’acidité qu’il faut pour un très bon équilibre. La finale est bien sèche, un peu chaude (13,5 %/vol) et la persistance aromatique est très bonne. Cet assemblage de grenache blanc et de clairette est très rafraîchissant, comparativement à beaucoup de châteauneufs blancs qui manquent souvent de vivacité. Un vin d’un producteur mythique qui n’a pas été reconnu par tous mais a été généralement très apprécié.
Les rouges :
Châteauneuf-du-Pape Cuvée réservée 2011, Domaine du Pégau
Ce premier rouge est fait de grenache (80 %), de syrah (6 %), de mourvèdre (4 %) et de 10 % des autres cépages autorisés. Il est grenat avec des reflets rubis et une couronne très pâle. Le nez est très ouvert, avec des fruits noirs, une légère note animale et de belles notes de maturité (cuir, champignon, sous-bois). La bouche est moyennement corsée, bien fruitée, avec une très bonne acidité, des tanins enrobés et une belle note végétale; l’équilibre est impeccable. Ça finit sur une belle astringence, des fruits cuits et de la torréfaction. Ce vin ne s’est pas classé parmi les vedettes de la soirée, mais a été désigné le rouge de la dégustation par plusieurs.
Faro 2011, Azienda agricola Palari di Salvatore Geraci
Celui-ci est grenat d’intensité moyenne et plutôt évolué. C’est un assemblage de nerello mascalese (50 %), de nerello cappuccio (30 %), de nocera (10 %) et de 10 % d’autres cépages. Il est très aromatique, très avancé (début d’oxydation, carton mouillé), avec des fines herbes séchées, un peu de fruits noirs, de la fumée, du cuir et du tabac. L’attaque est fraîche et tanique; il est très peu corsé, avec encore du fruit, un beau bois bien intégré, de la tomate et une belle souplesse. La finale est juteuse et très évoluée aromatiquement. On attendait beaucoup de ce producteur emblématique d’une minuscule DOC de l’Etna en Sicile; ceux qui connaissent bien ce vin ont parlé d’une « mauvaise bouteille ». Une des grandes déceptions de la soirée.
Château Cantemerle 2011, Haut-Médoc 5e Cru
Ce bordeaux, fait de cabernet sauvignon (47 %), de merlot (43 %), de cabernet franc (7 %) et de petit verdot (3 %), est plus foncé, plus rubis, très jeune à l’œil. Au nez, cependant, il est plutôt discret, bien fruité, avec de la poussière, du poivre blanc, du chocolat et de la violette. Il est moyennement corsé et très jeune en bouche, avec des tanins encore bien astringents, une assez bonne acidité, un beau fruité et pas mal de bois; l’équilibre est acceptable, malgré une petite lourdeur. On finit par sentir une pointe de maturité en finale, avec le fruit et la torréfaction qui persistent. Un bordeaux plein de vigueur et d’avenir. Ceux qui en ont devront être patients.
Le Grand Vin 2011 (VQA Okanagan Valley), Osoyoos Larose
Un autre assemblage bordelais (48 % merlot, 33 % cabernet sauvignon, 10 % petit verdot, 6 % cabernet franc et 3 % malbec) encore plus foncé (opaque) et très jeune. Il est moyennement aromatique, avec beaucoup de poussière, de l’oignon caramélisé, des fruits cuits et une note végétale (poivron) très bordelaise. La bouche est très corsée, bien boisée, avec des tanins fermes, serrés, une bonne dose de fruits noirs, de la torréfaction (café) et la note végétale qui revient. La finale est très tanique et boisée. Un bébé; certains l’ont trouvé agressif, d’autres délicieux.
Comte de M 2011, Château Kefraya
Ce vin de la vallée de la Bekaa au Liban est un assemblage très intéressant de cabernet sauvignon et de syrah. Il est encore très foncé, avec une légère évolution. Le nez, assez discret, est peu défini; on y détecte de la cerise au marasquin et du chocolat. La bouche est grasse, avec des tanins enrobés, du fruit et une très bonne acidité; l’équilibre est parfait. La fin de bouche est fraîche, fruitée, torréfiée (chocolat noir) et très, très longue. Un vin encore loin de son apogée mais où rien n’accroche; l’autre grande vedette de la soirée, avec le Puligny.
Valpolicella Classico Superiore 2011, Quintarelli
Comme dernier rouge, un vin d’un autre producteur mythique d’Italie, Quintarelli. Ce valpolocella, fait de corvina, de corvinone et de rondinella est grenat clairet plutôt avancé. Le nez est intense, très fruité, avec du sirop de pruneaux, du caramel brûlé et de l’alcool; on dirait un madère. En bouche, il est corsé, gras, bien sec, très chaud (15 %/vol), avec de beaux tanins, des fruits rouges confits (pruneau, cerise), et des noix de Grenoble. La finale est chaude, boisée, fruitée et très, très persistante. Bien reconnaissable par son alcool, il en a déçu plusieurs.
La finale :
Viña Tondonia bianco Reserva 2011, R. López de Heredia Viña Tondonia
On termine avec un grand classique de la Rioja, composé à 90 % de viura et 10 % de malvasia, dont plusieurs millésimes ont été dégustés à l’Académie dans le passé. Il est or pâle, très aromatique, puissant même, avec des épices chaudes, de la vanille (rappelle le gâteau aux carottes) et une note oxydative relativement modérée. En bouche, il est rond, très sec, pas très fruité et plus rancio qu’au nez; l’équilibre est impeccable. En finale, c’est le rancio et le bois (noix de coco) qui persistent très longtemps. Certains l’ont trouvé trop boisé, mais sont optimistes que tout ça va s’intégrer avec le temps, le vin étant encore beaucoup trop jeune. Une merveille d’originalité!
Comme mentionné en introduction, l’objectif de cet exercice était de vérifier l’état des vins du millésime 2011 en général et, en particulier, de certains vins que plusieurs membres de l’Académie ont l’habitude de mettre en cave.
Le mousseux a été une des belles surprises de la soirée. Il a très bien évolué durant ces douze années et a acquis une belle complexité que beaucoup de vins plus réputés (et chers!) ont du mal à atteindre.
La volée de blancs a été, de loin, la plus appréciée des participants. Trois grands vins, très différents les uns des autres, dont deux sont montés sur le podium, le pinot gris de Bott Geyl en 3e place et le Pouligny de Glantenay en 1ière place. Le pinot gris, bien sucré, aurait aussi bien pu être servi en dessert.
Côté rouge, encore une fois, une grande variété de cépages et de styles. D’abord, deux grandes déceptions, le Faro de Palari et le Valoplicella de Quintarelli; on souhaite à ceux qui en ont en cave qu’il s’agisse bien, comme certains l’ont suggéré, de bouteilles qui ont mal vieilli. Ensuite, deux assemblages bordelais, le Cantemerle et l’Osoyoos, qui ont été facilement débusqués par la grande majorité des participants, mais qui ont été intervertis par la plupart, le vin de l’Okanagan ressemblant plus à un bordeaux classique. Enfin, le Pégau qui a été le favori de plusieurs et, l’autre grande surprise de la soirée, le Comte de M de Kefraya, qui a été le plus apprécié des participants, ex aequo avec le Pouligny; malgré que peu de dégustateurs aient été familiers avec ce vin du Liban.
Le Tondonia blanc, pour sa part, a été égal à lui-même et, comme toujours, la moitié des participants (les aficionados) l’ont beaucoup aimé et l’autre moitié moins; ce style de vin rancio n’est pas pour tous les goûts.
Cette dégustation, issue en majorité de la cave de l’Académie, a tout de même requis la contribution de trois généreux membres qui méritent tous nos remerciements : (par ordre alphabétique) Jocelyn Audette, Denis Desjardins et Louis Landry.
Ce thème traditionnel devrait revenir l’automne prochain, avec des vins du millésime 2012, année exceptionnelle en Rioja, en Ribera del Duero, en Afrique du Sud et dans le nord du Rhône; et excellente en Alsace, en Toscane et en Vénétie, pour ne mentionner que les régions déjà sélectionnées. Cette fois encore, un « appel aux caves » sera nécessaire pour compléter la sélection. À l’année prochaine.
Alain Brault
11 octobre 2023
« Hermitage »
Dégustation collective
Organisateur : Philippe Richer
Pour cette grande dégustation collective, Philippe a sélectionné, parmi les offres des membres, dix vins allant du millésime 2003 à 2020, incluant des vins de domaine, de négociant et de coopérative, des vins d’appellation générique et des cuvées parcellaires, des mini-verticales (une en blanc et une en rouge) et deux mini-horizontales; donc de quoi se creuser les méninges durant l’analyse, l’identification et la comparaison des vins. Lors de la programmation, il avait annoncé quatre blancs et six rouges, mais le Tardieu-Laurent 2003, dans une bouteille très foncée, s’est avéré être un blanc.
La dégustation a été conduite en semi-aveugle, la liste des vins ayant été publiée et tous les rouges ont subi une double décantation quelques heures avant l’événement.
Les blancs :
Hermitage 2003, Tardieu-Laurent
D’un jaune doré assez riche, ce premier blanc est très intense au nez, avec un beau rancio, des fruits confits et de la cire d’abeille. Bien sec en bouche, il offre une belle rondeur, une bonne acidité (pour un 2003) et le rancio revient, avec des noix; l’équilibre est correct. La finale est oxydative, chaude et légèrement amère. Très belle réussite pour ce millésime à l’été caniculaire, mais très bien coté dans le nord du Rhône.
Hermitage « Au Coeur des Siècles » 2004, Cave de Tain
D’un millésime moins bien coté, ce vin de sélection parcellaire 100 % marsanne a la même teinte dorée, mais en plus foncé et plus brillant. Encore une fois, un nez très intense, avec de la cire, des noix et une note rancio encore plus marquée. Le corps est moyen, l’acidité très bonne, le vin est très sec et légèrement amer; l’équilibre est meilleur que le 2003. La fin de bouche est vive, encore fruitée et un peu chaude (14 %/vol). Très bon vin de coopérative.
Hermitage « Blanche » 2010, J.L. Chave Sélection
Celui-ci est jaune moyen, beaucoup plus pâle que les deux précédents. Le nez est bien ouvert, fruité, avec du bois vanillé, de la minéralité et un peu de beurre. La bouche est ronde, corsée, très fruitée (pêche), avec une acidité correcte et un beau bois. La finale, légèrement amère, est fruitée, avec une note caramel et elle est très persistante. Le vin avec le plus haut taux d’alcool (14,5 %/vol) qui ne paraissait pas trop; très apprécié, quoique certains l’aient trouvé trop vanillé.
Hermitage « le Chevalier de Sterimberg » 2010, Paul Jaboulet Aîné
Cet autre 2010 est très légèrement doré. L’intensité aromatique est moyenne, avec du fruit, une note fumée, assez de bois, des notes herbacée et animale et un peu de vanille. Il est aussi corsé que le précédent, mais plus vif, bien fruité (fruits exotiques) et parfaitement équilibré. La fin de bouche est très fruitée, juteuse, avec la même note caramel. Un vin encore bien jeune et très prometteur; 2e vin préféré de la soirée.
Hermitage « le Chevalier de Sterimberg » 2020, Paul Jaboulet Aîné
Beaucoup plus jeune, c’est le plus pâle des trois. Il est également plus discret au nez, bien fruité (agrumes) et floral. En bouche, le corps est moyen, le vin bien fruité, vif et très bien équilibré. Une finale tout en fruit qui persiste très longtemps. Le 3e vin le plus apprécié de la soirée.
Les rouges :
Hermitage 2009, Romain Duvernay
D’un millésime exceptionnel, ce premier rouge est opaque, avec des reflets rubis et une couronne très légèrement évoluée. Au nez, il est plutôt discret, avec du fruit compoté, une bonne dose de bois, un peu de fumée et, là encore, un début de maturité. Dès l’attaque, ce sont les tanins qui dominent; le corps est moyen et il y a des fruits cuits, mais pas assez par rapport à l’acidité et aux tanins rugueux pour établir un bon équilibre. La finale est boisée et végétale, avec du fruit. Un vin timide au nez, mais agressif en bouche; le mal aimé de la soirée.
Hermitage « Domaine des Tourettes » 2012, Delas Frères
Celui-ci est à peine plus pâle et la couronne est légèrement orangée. Le nez est intense, médicamenteux et marqué par l’alcool (13,5 %/vol), mais bien fruité (cerise). En bouche, il est également moyennement corsé, mais avec plus de fruit, plus d’acidité, de très beaux tanins, pas de note végétale, une légère note animale et un très bon équilibre. La fin de bouche légèrement astringente et fruitée est assez persistante. Un vin encore bien jeune.
Hermitage « Les Dionnières » 2006, Ferraton Père & Fils
Un vin opaque, aux reflets de jeunesse malgré son âge. Le nez est moyennement intense, fruité, viandeux, avec de la fumée et du poivre. En bouche, il est tout en rondeur, avec du corps, une très belle texture, une bonne acidité et des fruit cuits; l’équilibre est impeccable. La finale est très fruitée et bien longue. La grande vedette de la soirée!
Hermitage « Les Dionnières » 2010, Ferraton Père & Fils
Encore un vin opaque à la couronne légèrement évoluée. Le nez, moyennement intense, est bien boisé, avec des fruits mûrs, une note animale et du goudron. La bouche est corsée, solide, sèche, bien fruitée, assez boisée, torréfiée et encore assez tanique, en plus d’une note végétale; l’équilibre est très beau, La fin de bouche est astringente et bien fruitée, avec un beau bois. Un vin tissé serré, très apprécié et qui mérite d’être attendu.
Hermitage « Les Bessards » 2010, Delas Frères
Ce dernier vin est grenat foncé au pourtour légèrement orangé. Il est plutôt discret au nez, avec du beau bois, des fruits cuits, une légère note médicamenteuse, de la cassonade et du poivre. En bouche, le corps est moyen, les tanins assez discrets et le fruit bien marqué; l’équilibre est excellent. Ça finit sur une belle astringence et des fruits noirs. Le plus rustique des cinq rouges, il a été quand même très apprécié et qualifié de grand vin par plusieurs.
La dégustation a débuté avec deux blancs à pleine maturité (trop pour certains), ayant eu le temps de développer une belle note oxydative et beaucoup de complexité. Les deux vins de la soirée pour quelques-uns, mais pas pour plusieurs, à cause du rancio.
Ont suivi trois hermitages blancs beaucoup plus jeunes, n’ayant pas encore développé de note rancio : un Chave et deux Jaboulet, deux maisons aux styles très différents. Les deux Chevalier de Sterimberg de Jaboulet ont été les vins blancs les plus appréciés. Il est à noter que ce vin évolue très lentement; les deux vins se ressemblaient beaucoup, malgré les dix années qui les séparent.
En rouge, les différences étaient moins marquées, surtout à l’oeil, et les vins un peu moins intéressants, à une exception près. Si beaucoup d’amateurs fréquentent l’appellation surtout pour ses vins blancs, c’est un rouge, Les Dionnières 2006 de Ferraton, qui a été la grande vedette de la dégustation, devant les deux blancs de Jaboulet, quand même.
On constate encore une fois que cette formule de « dégustation collective », coordonnée soigneusement, permet de présenter de très belles sélections de vins et de fournir un large éventail de styles, pour le plus grand plaisir des participants. Alors, un grand merci aux contributeurs : (par ordre alphabétique) Jocelyn Audette, Mario Couture, Denis Desjardins, Philippe DesRosiers, Philippe Muller et, bien entendu, Philippe Richer comme contributeur et coordinateur.
Alain Brault
18 octobre 2023
« Bordeaux 1998 – 25 ans après »
Dégustation collective
Organisateur : Philippe Desrosiers
Pour sa première dégustation de l’année, Philippe nous offre l’occasion, rare pour plusieurs, de déguster dix vieux bordeaux provenant de châteaux réputés, dans huit appellations, dont sept grands crus classés.
1998 est considéré comme une très belle année, négligée à cause de 2000, mais jugée supérieure sur la rive droite. Cela se confirmera-t-il?
La dégustation a été conduite en semi-aveugle, la liste des vins étant connue, mais pas l’ordre de service. Tous les vins ont subi une double décantation quelques heures auparavant.
Première volée : la rive droite.
Château La Cabane 1998 (AOC Pomerol)
Grenat foncé, ce vin à la couronne assez évoluée est très limpide. Au nez, il offre une belle maturité, de la torréfaction (chocolat), de cuir, de la fumée et une note minérale (mine de crayon). En bouche, il est moyennement corsé, les tanins sont très fins, l’acidité est bonne et, aromatiquement, il suit le nez; l’équilibre est excellent. Ça finit sur de la fraîcheur et une belle astringence. Rondeur, finesse, fraîcheur et complexité : un très beau bordeaux classique, à pleine maturité. Ça commence bien.
Château Grand Pontet 1998 (AOC St-Émilion Grand Cru, Classé)
Celui-ci est plus foncé et un peu moins évolué. Un peu plus discret au nez, il est quand même bien ouvert et assez complexe, avec des herbes sèches, des fruits noirs (cerise), du bois et du chocolat noir. L’attaque en bouche est vive, la structure est aussi fine que La Cabane, les tanins encore plus fondus, souples, avec une belle acidité, encore du fruit et une note boisée; l’équilibre est très beau. La finale est juteuse, torréfiée et un peu chaude. Ce vin, qui fait maintenant partie de Château Qvintvs, est encore bien fruité; il s’est classé 4e, à une voix derrière les trois grandes vedettes de la soirée.
Château Beauséjour (Duffau-Lagarrosse) 1998 (AOC St-Émilion Grand Cru, 1er Grand Cru Classé B)
La robe est identique au La Cabane. Le nez est très intense, très torréfié, épicé, avec une note chauffée et une note d’oxydation assez marquée. En bouche, il est plus gros, plus rond que les deux précédents, plus tanique, avec du noyau et l’oxydation qui revient. La fin de bouche est bien fraîche et sur les fruits cuits. En début de madérisation, ce 1er grand cru classé n’a plu qu’à quelques rares dégustateurs; une mauvaise bouteille?
Deuxième volée : la rive gauche.
Château Carbonnieux 1998 (AOC Pessac-Léognan, Grand Cru Classé de Graves)
La robe est grenat évolué. Le nez est assez discret, torréfié, avec une légère évolution (cuir, champignons), des fruits noirs cuits, de la fumée et une note florale. La bouche est corsée, grasse, bien ronde et sèche, avec une bonne acidité et des tanins fins, assez fondus, une légère chaleur (malgré son petit 12,5 %/vol), de la minéralité et encore beaucoup de fruit; l’équilibre est excellent. En fin de bouche, on détecte une légère astringence, une note animale, du fruit et du menthol; la persistance aromatique est très longue. Un très beau vin, à peine évolué, que beaucoup ont reconnu.
Château La Lagune 1998 (AOC Haut-Médoc, 3e Grand Cru Classé)
La robe est semblable, mais c’est la plus pâle de la volée. Le nez est moyennement ouvert et on y détecte un début d’oxydation encore acceptable; il est très torréfié, très sel de céleri, avec des fruits cuits et une note végétale. Il est assez corsé en bouche, avec une belle fraîcheur, des tanins fondus et une note végétale bien marquée (certains ont parlé de garden coktail); l’équilibre est excellent. La finale est grillée, très torréfiée et végétale. Un vin sur son déclin, l’autre mal aimé de la soirée.
Château Calon Ségur 1998 (AOC St-Estèphe, 3e Grand Cru Classé)
Grenat un peu plus jeune, celui-ci est d’abord discret au nez, mais s’ouvre vite sur des notes d’épices, de fruit, de poivron vert classique et d’écurie assez marquée. Le corps est moyen, les tanins encore solides, l’acidité bonne et l’on détecte des fruits cuits et de la réglisse; l’équilibre est parfait. La fin de bouche est astringente, fruitée, boisée, légèrement amère et bien longue. Un grand classique encore loin de son apogée; personne ne l’a identifié, plusieurs l’ayant pris pour le Talbot à cause du brett.
Château Haut-Marbuzet 1998 (AOC St-Estèphe, Cru Bourgeois)
La robe est très foncée et à peine marquée par l’évolution. Au nez, c’est le plus discret de la volée, avec des notes minérale (graphite), torréfiée, florale et un soupçon de maturité. Le corps est moyen, l’acidité très belle, le fruit bien présent et les tanins arrivent, le tout parfaitement équilibré. En finale, c’est une belle astringence, du fruit et du noyau de cerise qui persistent très, très longtemps. Un vin raffiné, encore bien jeune, bien fruité; une des trois grandes vedettes de la soirée, ex aequo avec Talbot et Rauzan-Ségla, trois vins qui ont fait l’unanimité!
Troisième volée : rive gauche (les gros canons).
Château Talbot 1998 (AOC St-Julien, 4e Grand Cru Classé)
Encore un vin grenat presque opaque, à la couronne évoluée. Assez ouvert au nez, il est très fruité (confiture), épicé, minéral, avec du tabac et une note animale. En bouche, il est corsé mais souple, avec des tanins fondus, une belle acidité et de la minéralité; l’équilibre est impeccable. La finale est boisée, torréfiée (café), fruitée et très, très longue. Un vin puissant, élégant et magnifique qui a également fait l’unanimité!
Château Rauzan-Ségla 1998 (AOC Margaux, 2e Grand Cru Classé)
Aussi opaque que le Talbot mais moins évolué, celui-ci est très ouvert au nez, très fruité (cerise), animal, avec des épices asiatiques (citronnelle, gingembre), de l’eucalyptus et du café. En bouche, il n’est pas très corsé, les tanins sont fondus et il a l’acidité qu’il faut pour un équilibre impeccable. La finale est légèrement astringente, juteuse, minérale (mine de crayon) et assez persistante. Encore une note parfaite!
Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1998 (AOC Pauillac, 2e Grand Cru Classé)
La robe est identique au Talbot, mais le nez est plus discret, plus fruité que les deux autres (cerise), avec une note animale marquée, du menthol, un bois subtil et du poivron vert. En bouche l’attaque est franche, le corps moyen, le vin est sec, bien fruité, les tanins assez faciles et l’acidité parfaite; encore un vin à l’équilibre impeccable. Comme le Grand-Pontet, il s’est classé 4e, à une voix de l’unanimité.
Dans la première volée, rive droite, le défi, raté, était d’identifier le 1er Grand Cru Classé, Château Beauséjour. Madérisé, il s’est démarqué, sans aucun doute, mais pas pour la bonne raison; probablement une mauvaise bouteille. La volée a quand même été très appréciée, le Grand-Pontet s’étant démarqué, à une seule voix derrière les trois grandes vedettes de la soirée.
Pour la deuxième volée, nous avons eu droit aux vins de la rive gauche ayant prétendument un moindre potentiel de garde, parmi les sept châteaux sélectionnés. Il y en a quand même eu un, le Haut-Marbuzet, qui s’est hissé en première place, avec une note parfaite.
Pour la troisième volée, on a frisé la perfection, avec deux vins qui ont fait l’unanimité, Talbot et Rausan-Ségla, et Pichon-Lalande qui est passé à une voix d’en faire autant!
Contrairement à ce que l’on attendait, ce sont les vins de la rive gauche qui ont brillé. Tous les vins affichaient un modeste 12,5 % ou 13 % d’alcool par volume; on s’ennuie, avec raison, de cette époque. Peu de ces vins faisaient leur âge, tant s’en faut. Plusieurs se demandent si les bordeaux qu’ils mettent en cave présentement, de facture plus moderne, beaucoup plus accessibles en jeunesse, seront aussi impressionnants à 25 ans. Nous avons eu droit à une dégustation mémorable, la cote d’amour des volées étant allée en crescendo, avec des taux d’appréciation de 60 %, 67 % et 98 %!
C’est la première dégustation à s’inscrire au palmarès cette année, et pas à peu près car elle s’insère en 2ième place. C’est également la première dégustation à inscrire des vins au panthéon des vin ayant fait l’unanimité, avec trois inscriptions, un record. Durant toute cette soirée, Philippe nous a non seulement fait profiter de sa cave, mais aussi de sa grande familiarité avec le vignoble et les producteurs bordelais; tous les participant lui en sont très reconnaissants.
Alain Brault
01 novembre 2023
« Les Magiciens de la Côte d’Or »
Grande dégustation
Organisateur : David Côté
Dès sa deuxième année à l’Académie, David a décidé qu’il était temps pour lui de subir son baptême du feu, en organisant une dégustation. Pour l’occasion, il n’a pas opté pour un thème facile, il a choisi les vins rouges de Bourgogne; la barre est haute!
Il a scindé sa dégustation en trois volées, en ordre de maturité et, possiblement, de complexité. Dans chacune des volées, il a inclus ce qu’il a qualifié d’un « producteur aléatoire » (moins réputé?) que nous aurions la tâche d’identifier. Un autre objectif a été suggéré, celui de vérifier la théorie qui veut que, comme en Piémont, pour choisir ses bourgognes rouges, les critères sont, par ordre d’importance, le producteur, le millésime et le cru.
Dans la dernière volée, il a décidé de remplacer le vin annoncé, le Volnay Premier Cru Caillerets Ancienne Cuvée Carnot 2002 de Bouchard Père & Fils par un Gevrey-Chambertin 1995 du Domaine Geantet-Pansiot. Ce vin communal aura-t-il bien vieilli et fera-t-il le poids à côté 1er Cru et d’un Grand Cru?
Une courte présentation a précédé cette dégustation qui s’est déroulée en semi-aveugle, ou à peine, car la liste des vins était connue pour chaque volée, mais pas l’ordre de service.
Première volée : Petites cuvées, grands producteurs.
Gevrey-Chambertin « Les Seuvrées » 2018, Domaine Michel Magnier
Ce premier vin est grenat relativement foncé, avec des reflets rubis. Moyennement ouvert au nez, il est fruité (fruits noirs), épicé et minéral. Il offre une belle texture en bouche, de la rondeur, beaucoup de fruit, des tanins assez faciles et une bonne acidité, le tout très bien équilibré. La finale est bien sèche, légèrement boisée, fruitée, minérale et légèrement astringente; la persistance aromatique est bonne. Un vin encore sur le fruit, le plus complexe de la volée.
Bourgogne « Cuvée des Peupliers » 2019, Laurent Ponsot
Même robe que le Magnier, mais un peu plus pâle. Le nez est moyen, moins fruité (framboise), avec une note fumée, du bois et des épices. Comme le précédent, une belle texture en bouche, un beau fruité, une bonne acidité et des tanins fins; très bel équilibre. La fin de bouche est juteuse, fruitée, épicée et assez longue. Très intéressant maintenant, mais encore jeune et prometteur.
Bourgogne Passetoutgrain « L’Exception » 2018, Domaine Michel Lafarge
Fait à 50 % de gamay, ce vin, le plus pâle de la volée, est assez ouvert au nez, mais moins bien défini, avec des fruits rouges, des épices et une légère note médicamenteuse. En bouche, le corps est moyen, les tanins très discrets, l’acidité à peine acceptable, et l’équilibre quelconque. Le moins intéressant de la volée.
Beaune 1er Cru « Les Grèves » 2018, Remoissonnet Père & Fils
Comme le Gevrey, ce vin est grenat relativement foncé, avec des reflets rubis. C’est le nez le plus intense de la volée; il est fruité et épicé, avec du bois neuf vanillé. La bouche est grasse, solide, plus tanique que les autres, bien fruitée, avec une note sucrée (cassonade), de la chaleur (15 %/vol), un peu trop de bois et de la torréfaction; côté équilibre, il est un peu lourd. Un style « fabriqué », très fruité, mais sans finesse et de moins en moins intéressant à mesure qu’il se réchauffe; pas pour la longue garde.
Deuxième volée : Premiers crus d’environ 10 ans.
Beaune 1er Cru « Cuvée Maurice Drouhin » 2012, Hospices de Beaune
Celui-ci est grenat pâlot, avec une couronne légèrement évoluée. D’abord assez discret au nez, il s’ouvre et évolue beaucoup dans le verre, révélant son fruit; on y détecte justement du fruit épicé (griotte, cassis), un beau bois et du graphite. Le corps est moyen, les tanins soyeux, l’acidité bonne et il est plus fruité en bouche qu’au nez; l’équilibre est assez bon. Ça finit sur une légère note animale, des fruits cuits et du bois. Un vin aromatiquement encore jeune.
Nuits-Saint-Georges 1er Cru « les Boudots » 2011, Louis Jadot
Il est grenat tuilé, à peine plus foncé, avec de légers reflets rubis. Contrairement au Drouhin, le nez très intense au début mais va en s’atténuant; il offre des fruits rouges (fraise), du bois, des épices, des champignons, une note terreuse et des dates séchées. En bouche, le corps est moyen, le fruit intense, l’acidité très bonne et l’équilibre impeccable. La finale est juteuse et fruitée. Un vin tout en fraîcheur, qui a de l’avenir.
Volnay 1er Cru « Les Mitans » 2015, Benjamin Leroux.
Le plus foncé des trois, il est encore bien jeune à l’oeil. Le nez est moyennement intense, fruité (griotte), boisé, poivré et légèrement fumé; c’est le nez le plus « classique » de la volée. C’est également le vin le plus corsé, avec des tanins plus serrés, beaucoup de fruit et de la torréfaction (chocolat); l’équilibre est excellent. La fin de bouche est astringente, fruitée, torréfiée (café) et très persistante. Le plus rustique des trois, il a quand même fait l’unanimité et se retrouve en première place.
Troisième volée : Les bourgogne matures.
Gevrey-Chambertin 1995, Domaine Geantet-Pansiot
La robe brique assez pâle est légèrement brouillée et très évoluée. Le nez est très intense, très fruité (framboise), avec du chocolat, des notes tertiaires et un soupçon de sel de céleri. La bouche est corsée, avec des tanins fondus, une très belle acidité, encore du fruit et des olives noires; l’équilibre est impeccable. La finale, assez persistante, offre une belle astringence, du fruit et du café. Un vin tout en fraîcheur, encore vibrant malgré son âge, le 3e plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le Grand Cru qui suit.
Échezeaux Grand Cru 2005, François Confuron-Geindre
Le plus foncé et le plus jeune à l’oeil, il est un peu plus discret au nez, avec du bois, des fruits cuits (cerise), du chocolat noir, des épices et des notes terreuse et animale; un nez très complexe. Assez corsé en bouche, il montre une belle évolution, avec de la torréfaction (café noir), des tanins encore bien présents et l’acidité qu’il faut; l’équilibre
est excellent. Ça finit sur l’astringence, les framboises cuites, le café et c’est très persistant. Encore bien jeune pour un 2005, il s’est classé 3e, avec le Gevrey 1995.
Gevrey-Chambertin 1er Cru « Lavaux-St-Jacques » 2005, Joseph Drouhin
La robe ressemble au Grand Cru, mais elle est un peu plus claire et moins évoluée. Le nez est assez ouvert, avec des fruits confits (griotte), des fines herbes séchées et des notes animale, minérale et tertiaires. La bouche est corsée, encore tanique, bien fruitée et un peu chaude; l’équilibre est impeccable. La finale est astringente et très torréfiée (chocolat amer). Moins évolué que l’Échézeaux, c’est tout de même une merveille de maturité et de complexité; l’autre grand champion de la soirée, à l’unanimité.
Lors de la première volée, le jeu consistait à identifier le passetoutgrain, un bourgogne générique contenant du gamay, parmi des vins de pinot noir. Seulement le tiers des participant y est arrivé. Sans grande surprise, c’est le vin de Laurent Ponsot, un bourgogne générique, qui a volé la vedette… le millésime peut-être.
La deuxième volée comptait trois premiers crus encore relativement jeunes mais qui ont été très appréciés. Le Volnay 2015 de Benjamin Leroux a même fait l’unanimité pour finir en tête avec le Lavaux-St-Jacques de Joseph Drouhin.
La troisième volée a été, de loin, la préférée des participants, avec ses trois vins qui ont été très appréciés, dont un à l’unanimité. Elle comportait trois vins matures dont deux crus classés d’un millésime extraordinaire, 2005, et un communal 1995. Tous les participants ont identifié le 1995 qui a quand même partagé la 3e place avec le Grand Cru.
On peut conclure qu’en général, pour avoir une bonne chance d’acquérir un « grand » bourgogne rouge qui tiendra la route, il faut y mettre le prix. Qu’en est-il des critères de sélection des vins de Bourgogne? La théorie énoncée a été assez bien illustrée lors de cette première prestation de David qui nous a offert un programme des plus intéressant, avec une excellente progression des volées, une sélection très homogène des vins dans chacune d’elles, avec des producteurs très cotés et d’autres moins et une superbe finale.
En plus, il a réussi un exploit inédit pour une première dégustation, celui d’inscrire deux vins au panthéon des vins qui ont fait l’unanimité à l’Académie. On a hâte à sa prochaine dégustation. Merci David et chapeau!
Alain Brault
22 novembre 2023
« Château Musar »
Grande dégustation
Organisateur : Louis Landry
Il y a de ces vins sans histoire, anonymes, qui sont conçus dans l’aisance, tout au moins, dans des conditions optimales, à l’abri des aléas et des imprévus. Château Musar n’en fait pas partie. Avant de poser ses lèvres dans un verre de Musar, il faut impérativement prendre le temps d’expliquer dans quel contexte politique, économique, social, géographique, commercial, climatique ce vin est élaboré année après année. Autrement, il serait impossible de saisir ce qui en fait un produit si rare, si unique, si « improbable ».
La soirée a donc été entamée par une courte présentation du Liban, de son histoire tourmentée, de sa géographie minimaliste, de son économie chancelante, de sa situation politique instable, de ses aléas climatiques, de son peuple résilient, généreux, lumineux, toujours prêt à célébrer la vie, l’amitié, même dans les pires épreuves.
Après seulement, on a pu parler du Château, de ses vins, et de la famille Hochar, qui préside à leur élaboration. Le Château Musar est issu de trois cépages, le cabernet sauvignon, le cinsault et le carignan, provenant de trois villages situés dans la Vallée de la Bekaa. Les cépages sont récoltés séparément, et après leur fermentation, ils sont vieillis en fûts de chène de Nevers pendant un an.
Ils sont ensuite assemblés en fonction des forces et faiblesses du millésime, dans des proportions relativement égales. La mise en bouteille se fait sans filtration au terme de la troisième année suivant la récolte. Puis les bouteilles sont mises en veilleuse pour quatre ans, et la mise en marché se fait dans la septième année suivant la récolte.
On sait que le Château Musar a la capacité de vieillir sur de très longues années. Puisque le thème de la dégustation était connu, nous avons choisi exceptionnellement de servir les vins « à découvert », et nous les avons servis dans l’ordre, c’est-à-dire du plus vieux au plus jeune.
Et puisque son élaboration et son identité sont marqués, comme tous les autres vins, par les conditions climatiques propres à son milieu géographique, nous avons donné, pour chaque millésime, un aperçu de climat (pluviosité, période de sécheresse, température) qui a caractérisé chaque millésime dégusté.
La dégustation a permis ainsi d’évaluer l’évolution du Château Musar après 30 ans (1993), presque 25 ans (1999), 20 ans (2003), une quinzaine d’année (2009) et enfin, le plus récent millésime disponible au Québec, le 2016.
Un immense merci à ceux et celles qui ont accepté de fournir les bouteilles qui ont rendu possible cette dégustation hors norme.
Mise en bouche :
Hochar Père et fils 1997
Pour débuter la soirée et activer les papilles, quoi de mieux qu’un autre produit de Musar, le Hochar, issu à 70-80% de cinsault (cabernet sauvignon et carignan pour le reste). Le 1997 est pâle, translucide. Le nez présente un côté kirshé, épices douces, avec une légère acidité volatile. En bouche, le vin est sec, fin, délicat. L’acidité est fraîche, les tannins fondus, et l’alcool apporte une touche de sucrosité, le fruit est bien présent, et l’ensemble est en équilibre. Il ne fait pas son âge. La finale est longue, sur une belle amertume. (10/14)
Le grand vin :
Château Musar 1993
Le millésime 1993 est qualifié de « classique », de « normal », en d’autres mots, « d’excellent ». La couleur est uniforme, évoluée, briquée, pas hyper limpide. Le nez s’ouvre lentement sur des arômes tertiaires : cendre, cuir, zeste d’orange…épices, fruits rouges, cannelle : c’est élégant, délicat. Très belle présence en bouche, on note l’amplitude, la force et la puissance. Les tannins son intégrés, grande structure, longue finale sur le zeste d’orange. Il rappelle les grands vins italiens des années 1960, issus du nebbiolo, par son côté sanguin et ses arômes de cuir. Grand vin. (14/16)
Château Musar 1999
Sur le plan climatique, le millésime 1999 fut exceptionnel, « une des plus grandes années du siècle » selon Serge Hochar. Le vin est rouge grenat très foncé, légèrement brouillé. Beau nez relativement jeune, fraise cuite, jeune cuir, chocolat, moka, sucre d’orge, un léger aspect « funky », on sent la présence de l’alcool. En bouche, le vin est sec, l’acidité est vivifiante, le vin est énergique, un monde de contraste avec le 1993, attaque sucrée et raide, belle structure, tout d’une pièce, tannins efficaces, alcool moyen, belle concentration, longue finale sur une note légèrement saline. (13/16)
Château Musar 2000
L’été a été très chaud, avec plusieurs journées qui dépassaient les 35°C, si bien que la récolte s’est déroulée une semaine plus tôt qu’à l’habitude. Le vin est grenat foncé, opaque, pas très limpide, un peu nuageux. Le nez est oxydatif, « bretté », il y a un aspect végétal qui domine, des arômes de « garden cocktail », de sel de céleri. La bouche est dans le suivi du nez, pas très agréable. Les participants ont poussé le verre de côté; le vin est un produit vivant, il peut mal tourner. Une bouteille qui a été achetée à New York en 2022. Dommage. (0/16)
Château Musar 2001
Le millésime 2001 a été très particulier : un hiver chaud, pratiquement aucune pluie (23 mm) entre mars et août, un été très chaud, ce fut une quatrième année où la pluie a manqué. Le cabernet et le carignan s’en sont bien tirés, mais le cinsault a souffert. La récolte a été amorcée début septembre, l’une des plus hâtives chez Musar. Mais le résultat est époustouflant. Le vin est grenat foncé, assez limpide. Le nez présente des arômes de boîte à cigare, de cèdre, de figue, de chocolat, de fruit confit, de poussière et de cuir, puis de goudron et de pierre è fusil. La bouche est agréable, l’acidité est vivifiante, c’est sec, l’alcool moyen, les tannins efficaces, le style est frais, élancé, il y a de la puissance, de la tension, c’est un vin complexe, l’équilibre est parfait. Un grand vin, il a été unanimement aimé de tous les gens autour de la table. (16/16)
Château Musar 2002
Après quatre années de relative sécheresse, la pluie et la fraîcheur sont revenus, il a fait moins chaud, les raisins ont mis plus de temps à atteindre la maturité. La récolte a été décalée de deux semaines, et même là, il a fallu être sélectif, en fonction des niveaux de maturité. Le vin est rouge grenat, quasi opaque, uniforme. Très beau nez frais, épicé, sur des notes de fruit séchés, confiturés (on dit « plus cerise que fraise), de cèdre, on sent un boisé fin, délicat. En bouche, le vin est très agréable, avec une certaine suavité, une rondeur, sans doute en raison d’un taux d’alcool plus manifeste. Les tannins sont présents, la structure est impressionnante. Très belle longueur, sur une finale saline. Très beau vin. Pour la petite histoire, la bouteille a été achetée à Londres en 2011. (10/16)
Château Musar 2003
L’été fut caniculaire en Europe. Au Liban, le début de l’année fut le plus pluvieux depuis 15 ans, mais après la mi-avril, plus rien n’est tombé du ciel. Cependant, le pays a échappé à la canicule, et les raisins ont atteint une belle maturité, et ce, même si une température anormalement élevée en mai a réduit les rendements de 30%. Le 2003 est rouge grenat très foncé, limpide. Superbe nez sur le fruit sec, il est légèrement boisé. Fruits rouges, on note quelque chose de grillé, de la figue, une certaine sucrosité. En bouche, l’acidité est en retrait, on retrouve ce que l’on sentait au nez, c’est-à-dire une chaleur causée par la présence dominante de l’alcool – c’est « chaud », corsé, avec des fruits compotés. Les tannins sont agréables. En finale, une légère pointe d’oxydation, ce qui a fait dire à des participants que ce vin était « au bout du rouleau ». (7/16)
Château Musar 2004
Le millésime 2004 se décline en deux parties. Un printemps frais, un été clément ont permis aux raisins d’atteindre une belle maturité. Puis au début de la récolte, une vague de chaleur est venu propulser les niveaux de sucre des raisins encore sur la vigne, pour produire « deux récoltes en une » a dit Hochar. Avec ce millésime, on change aussi d’époque, de régime, au visuel comme au nez. Le vin est grenat très foncé, limpide. On n’imagine pas avoir affaire à un vin d’une vingtaine d’année. Superbe nez, encore très jeune, sur le fruit sec, la cerise, le sucre d’orge. En bouche, le vin se présente en force, avec énergie et précision. Avec du fruit en abondance, et un grand équilibre entre fruit, acidité, alcool, et tannins, rien ne dépasse. Très long. De l’avis de plusieurs, voici un 2001 en devenir. (14/16)
Château Musar 2006
En 2006, les conditions climatiques ont été « similaires à celles des années 50 », quand le climat était plus frais, les vents plus légers, la nature, plus clémente. Or, le millésime a failli ne pas être produit, en raison des troubles politiques et des violents affrontements armés. Mais le vin a survécu. Le 2006 est grenat foncé, limpide, avec un nez qui est sur des arômes primaires de fruits rouges de grande qualité, c’est confituré. En bouche, l’alcool est à l’avant-plan, l’acidité en retrait, et l’équilibre est imparfait. Cette bouteille n’a pas fait l’unanimité : certains y ont vu un vin où l’alcool prend trop de place, et où la structure est défaillante, comme dans le 2003, alors que d’autres y ont vu un vin d’un grand potentiel, qui a tout pour « bien vieillir ». Verdict mitigé donc, comme quoi, tous les goûts sont dans la nature. (10/16).
Château Musar 2009
Le 2009 fut mémorable chez Musar, en raison de ce qui a été qualifié de « millésime de l’avant et de l’après le déluge » : toute l’année, les conditions ont été particulièrement idéales, mais à la mi-septembre, le pays a reçu un record de pluie. Cependant, les raisins ne semblent pas en avoir souffert, bien au contraire. Le vin est très foncé, opaque, au point de colorer le verre ou presque. Le nez est sur le fruit noir, réglisse noir, un beau boisé. Très belle fraîcheur en bouche, le vin est sec, c’est « droit », avec une acidité vibrante et un alcool parfaitement intégré. Les tannins sont un peu asséchants, mais ils sont de grande qualité, tout comme la structure. Ce vin a vraiment de la classe, il rappelle le 2001, voici un vin doté d’un grand potentiel. (16/16).
Château Musar 2016
Dans l’ensemble, les millésimes 2010 à 2015 ont été marqués par des conditions climatiques difficiles (canicule, sécheresse, froid, gel printanier). Les rendements ont été moins élevés, les niveaux de production inférieurs à la moyenne, et ces circonstances ont fait en sorte que les propriétaires ont privilégiés leurs marchés les plus fidèles ». Le Château Musar ne s’est pas (ou peu) rendu sur le marché canadien ou québécois, il a été de retour dans le millésime 2016. En 2016, la pluie a été abondante, la chaleur si présente que la récolte du cabernet sauvignon, de très grande qualité, a débuté très tôt, le 16 août. Le vin présente un rouge grenat très foncé, quasi opaque, et un superbe nez de fruit noir, de réglisse noire, de chocolat, d’olive et d’épices. En bouche, le vin est sec, avec un fruité abondant et il exhibe une belle charge tannique. Certains le comparent au millésime 2004 à Bordeaux. Ce vin a un grand potentiel, il a tout pour bien vieillir. (15/16).
Conclusion
On aura retenu que le Château Musar est un très grand vin, qu’il est produit dans un pays où produire du vin relève parfois de l’exploit, souvent de l’entêtement, toujours, d’une inébranlable volonté. Nous avons aussi compris que le Château Musar peut vieillir magnifiquement, que les conditions climatiques, que l’on peut parfois qualifier d’extrême, ont des impacts somme toute limités sur la qualité finale du vin, ce qui est tout à l’honneur de l’équipe qui veille à son élaboration.
Quant aux millésimes, retenons que les participant(e)s ont réservé leurs plus généreux commentaires et donné leurs plus belles notes aux millésimes 2001 et 2009, suivi de près du 2016, suivi des millésimes 2004 et 1993, suivi du millésime 1999, du 2002 et du Hochar Père et Fils 1997, enfin, du 2003. Et le 2000 n’était manifestement pas en grande forme.
Nul doute que les amateurs de vin libanais surveilleront de près l’arrivée éventuelle de nouveaux millésimes de Château Musar. Souhaitons que cette dégustation les amènera par ailleurs à poursuivre l’aventure, en partant à la découverte des autres vins issus de la Vallée de la Bekaa ou d’ailleurs au Liban. Tous n’ont peut-être pas l’envergure ou la personnalité de Musar, mais il y a fort à parier qu’ils leur procureront de vives satisfactions.
Louis Landry
29 novembre 2023
« Deux verticales »
Club du mercredi
Organisateur : Jocelyn Audette et Marc-Étienne LeSieur
Les organisateurs nous avaient promis deux verticales servies à l’aveugle de « crus classiques », l’une en blanc, l’autre en rouge, les deux provenant de terroirs bien connus d’une même région. Ils ont ensuite formulé trois questions : Connaissez-vous vos classiques? Saurez-vous les identifier? Y a-t-il des intrus?
Pour maintenir le mystère intact, les organisateurs ne se sont pas mutuellement dévoilé les cuvées qu’ils allaient servir. Cinq vins blancs ont été servis, suivi de cinq vins rouges, et le dévoilement ne s’est fait qu’au terme de la dégustation des cinq vins respectifs.
L’analyse des vins blancs a permis de dégager des grandes caractéristiques : des vins de couleur jaune doré, des nez « oxydatifs », sur la cire, la noix, en bouche, une présence d’alcool qui prenait le pas sur l’acidité, et de très longues persistances en finale.
Sur la base de ces éléments, trois possibilités ont été évoquées quant à la provenance de ces vins: 1) Châteauneuf-du-Pape ou Hermitage en marsanne-roussanne, 2) Vins blancs de la Loire, Savennières, issu de chenin blanc, et 3) Rioja blanc avec cépage viura.
Après que l’origine des vins blancs eu été dévoilé, il a été assez facile de conclure que la seconde volée de vins rouges provenait de la région de Rioja. Il s’agissait ensuite d’identifier le producteur.
La volée des blancs :
Lopez de Heredia 2002 Vina Tondonia Rioja Reserva
Le vin est jaune doré, aqueux au disque, brillant et limpide. Le nez légèrement oxydatif est à la fois délicat et enveloppant, doux, sur des notes de pâte d’amande, de sucre d’orge, d’abricot, puis d’avoine, de foin séché, de citron confit et de caramel. La bouche est…intense, sur le fruit et l’alcool, l’acidité est en retrait, c’est sec, avec une certaine astringence. On pense roussanne, marsanne, car l’alcool prend beaucoup de place (pourtant, il ne titre qu’à 12,5°!), et le vin est gras, il nappe la bouche. Très long, longue persistance sur des relents d’alcool et une légère astringence. Superbe vin. (8/16)
Lopez de Heredia 2004 Vina Tondonia Rioja Reserva
Le vin est jaune doré profond, très coloré, aqueux au disque, brillance et limpidité moyenne. Le nez est discret, pain, brioche, légèrement oxydatif, avec un côté « tart », austère, un peu tourbé. Par la suite, on sent de la roche mouillée, de la noix de Grenoble, de la cire d’abeille, enfin, un aspect « salin ». En bouche, l’alcool figure à l’avant-plan, c’est sec, l’acidité est moyenne, mais le vin a de la mâche. Il est assez corsé, puissant et ample, avec un aspect tourbé, comme le 2002. Très longue persistance sur du fruit à noyau. Magnifique vin, de la classe, un régal. (13/16) 12,5°
Lopez de Heredia 2006 Vina Tondonia Rioja Reserva
Le vin est jaune doré, doté d’une belle brillance, il est limpide. Le nez est aussi sur des notes légèrement oxydatives, il offre des sensations agréables, on sent un peu de tourbe, de coing, de la craie, un brin de cire et de miel à la fois. En bouche, le vin est sec, l’alcool domine, c’est relativement frais, l’acidité plus fraîche que les deux millésimes précédents, un style plus élancé, belle matière, amertume en milieu de bouche, forte personnalité. Le fruit est présent, tout est en équilibre. Encore une très longue persistance, une finale sur la fraîcheur. (6/16) 12,5°
Lopez de Heredia 2009 Vina Tondonia Rioja Reserva
Le vin est jaune doré, couleur or, doté d’une belle brillance, il est limpide. Le nez rappelle la noix de Grenoble, la noisette, l’ensemble est plus frais, plus délicat que les millésimes précédents, avec un beau fruité (citron confit, miel), fleurs blanches (muguet?), puis un léger aspect salin. En bouche, le vin est très sec, de grande amplitude, l’alcool s’impose sur une acidité fraîche. Après une trentaine de minutes, on dénote au nez des arômes oxydatives et un léger bois., n=bien intégré. Très longue finale. (10/16) 12,5°
Marquès de Murrieta 2009 Rioja Capellania
Le vin est jaune moyen, le plus pâle des cinq blancs, limpide et brillant. Le nez est délicat, citronné (citron meyer), avec un bel aspect floral, puis végétal, avec enfin un côté salin. En bouche, le vin est sec, l’alcool est à l’avant-plan mais il est moins imposant que dans les vins précédents. L’acidité est en retrait. Un goût de noix, de noix de cajou, de la mâche. Belle structure, la finale est agréable, très longue persistance. Très beau vin, mais de loin le moins apprécié de la volée. (2/16)
La volée des rouges :
Faustino 1991 I Rioja Tinto Gran Reserva
Rouge grenat moyen, assez foncé tout de même, évolué au disque, brillant, limpidité moyenne. Le nez est…extraordinaire, sur des notes tertiaires, cuir, chocolat brun, fruit noir, réglisse, puis le sel de céleri (un tout début d’oxydation fort agréable). En bouche, l’attaque est vive, le vin est sec, avec une jolie astringence, l’alcool est bien présent, mais tout est en finesse, en élégance et…en puissance. Un deuxième nez qui rappelle le caramel, la crème (une conséquence du passage en barrique?). Très belle finale sur le noyau de cerise, très longue persistance, il s’agit ici d’un grand vin. Superbe. (9/16)
Faustino 1994 I Rioja Tinto Gran Reserva
Le vin est rouge grenat foncé, de couleur assez intense, jusqu’au disque, limpide et brillant. Le nez est sur la retenue, surtout par rapport au précédent, mais on sent la classe, la finesse, l’élégance, puis ça se précise : cire à chaussure, réglisse noire, un léger aspect goudronné, clou de girofle et cardamome. En bouche, l’acidité domine, il y a du fruit, mais une certaine astringence. Le vin est très élégant, fin, il présente une belle matière, des tannins intégrés, une « main de fer dans un gant de velours », puissance, amplitude, structure impeccable, grand équilibre, on a affaire ici à quelque chose de grand. Très long. Très grand vin, il a fait l’unanimité. (16/16)
Faustino 2001 I Rioja Tinto Gran Reserva
Le vin est rouge grenat foncé, quasi-opaque, il est limpide et brillant. Le nez est sur assez fermé, il se laisse désirer : betterave, terre mouillée, champignon porcini, nous avons ici un vin plus « jeune », avec ensuite des arômes de cerise, de chocolat, avec ce côté « cave humide » qui se maintient. En bouche, le vin est sec, le fruit trône à l’avant-plan, l’acidité est fraîche, c’est racé, envoûtant, l’alcool est moyen, le bois est parfaitement intégré. Très longue persistance, superbe vin, peut-être une version légèrement moins raffinée que les deux précédents, mais combien racé.
(Cette cuvée fut déclarée « Vin de l’année » de la revue Decanter en janvier 2014; avec une note de 97, il s’agit du même score accordé au Château Haut-Brion 2010 et au Château Mouton-Rothschild 2000, deux vins qui se vendent plus de 1,100$ US). (11/16)
Faustino 2005 I Rioja Tinto Gran Reserva
Le vin est rouge grenat très foncé, opaque, avec peu de nuance au disque. Le nez est discret, difficile à cerner au premier abord. On détecte cependant des fruits confiturés, framboise davantage que fraise, des épices, un peu de terre et de poussière et comment dire, une certaine droiture. En bouche, le vin est sec, l’alcool domine, l’acidité est rafraichissante, le vin est corsé, l’ensemble est imposant, et oui, il est « droit ». Les tannins sont bien présents, la finale est quelque peu astringente. (7/16)
Faustino 2011 I Rioja Tinto Gran Reserva
Le vin est rouge grenat très foncé, quasi opaque, limpide et brillant. Le nez est sur le fruit rouge, la fraise cuite, avec un soupçon de cassis et de mûre, beaucoup de fruit, de terre cuite, de vanille, avec un boisé très agréable. En bouche, le vin est sec, austère, mais tout est en équilibre, alcool, acidité, fruit. Le vin est coulant, encore une fois, tout est intégré, mais tout est aussi « en jeunesse », avec des tannins tout de même solides. Grande persistance en finale, le vin est jeune et fougueux, avec l’impression d’une légère sucrosité, peut-être le résultat d’un millésime chaud (3/16)
Conclusion
Les organisateurs ont fait preuve d’une grande générosité en nous présentant de très grands vins à l’aveugle. Des vins certes accessibles, comme le Faustino I, mais qu’il a fallu acheter et garder en cave pendant de longues années, et d’autres qui sont pratiquement introuvables, comme les vins blancs de Lopez de Heredia. Des vins rares qui, en Ontario ou au Québec, sont contingentés, limités à une ou deux bouteilles par client. C’est un privilège de pouvoir déguster des vins si uniques.
Louis Landry
10 janvier 2024
« Chablis »
Club du mercredi
Organisateur : Marc St-Onge
Au lieu de faire une présentation sur Chablis en début de soirée, Marc a préféré intervenir après chaque volée, et fournir de l’information sur les crus, les millésimes et les producteurs présentés.
Cette dégustation aurait dû s’intituler « Chablis Grand Cru » car, sur dix vins, il nous a servi huit grands crus couvrant sept des huit climats de l’appellation (seul Valmur n’a pas été dégusté) avec, pour compléter la sélection, deux 1er Crus issus de climats dont la qualité s’approche des G.C.
Cette dégustation en quatre volées s’est déroulée entièrement à l’aveugle..
Première volée :
Chablis 1er Cru Fourchaume 2017, William Fèvre
Ce premier chablis est jaune brillant assez pâle. Il est bien ouvert au nez, fruité (zeste de citron), beurré, légèrement minéral et floral. La bouche est moyennement corsée et très fruitée (agrumes), avec une acidité de jeunesse. La finale est vive, fruitée, minérale et assez longue.
Chablis Grand Cru Grenouilles 2014, Louis Michel & Fils
Du plus petit climat de l’AOC Chablis Grand Cru, celui-ci est également très brillant mais légèrement ambré. Le nez est très ouvert, épicé (cannelle), avec du caramel, des champignons et une très légère oxydation. La bouche est plus ronde que le précédent, très sèche, avec une belle fraîcheur, du pain grillé, du miel et de la pomme blette; l’équilibre est très bon. La fin de bouche et fraîche et le caramel persiste assez longtemps.
Chablis Grand Cru Bougros 2014, Jean-Marc Brocard
Même jaune pâle et brillant que le premier, il est très aromatique, très minéral (craie), et fruité (abricot), avec une note boisée (qui en a dérangé quelques-uns, tandis que d’autres ont adoré). En bouche, il est plus solide, plus gras que les deux autres, bien fruité (pamplemousse), beurré, avec une vivacité de jeunesse et des notes fumée, iodée et saline. La finale est vive (presque acidulée), bien fruitée, avec un léger caramel et elle est très persistante. Un vin puissant et complexe qui s’est classé 3e, ex aequo avec Les Preuses 2014 de Billaud-Simon, à une voix de l’unanimité.
Deuxième volée :
Chablis Grand Cru Vaudésir 2012, Domaine Billaud-Simon
D’un millésime un peu moins bien coté que 2014, ce premier Vaudésir est jaune très pâle et légèrement verdâtre. Le nez, d’intensité moyenne est fruité (fruits exotiques), minéral et floral. La texture en bouche est très belle, avec du fuit (pêche, agrumes), du beurre, une très belle acidité, un côté salin et un peu de miel; l’équilibre est très, très bon. La fin de bouche fait saliver, avec du fruit et des noix (amande) et elle est très persistante. Un chablis classique, élégant, en début de maturité, parfait pour plusieurs et un des deux vins de la soirée, à l’unanimité, avec l’autre Vaudésir.
Chablis Grand Cru Vaudésir 2014, Jean-Paul et Benoît Droin
Autre chouchou de la soirée ayant fait l’unanimité, ce 2014 est aussi pâle, mais plus brillant. Il est beaucoup plus expressif au nez et bien minéral, avec une légère note saline. La bouche, au corps moyen, est vive, avec un très beau fruit (abricot, agrumes) et un peu de beurre. Ça finit sur la fraîcheur et les fruits exotiques (citron confit). Tous les participants ont beaucoup aimé.
Troisième volée :
Chablis Grand Cru Les Blanchots 2014, Domaine Laroche
Plutôt pâle, ce premier Blanchots est assez discret au nez, fruité (agrumes), minéral (craie) et légèrement herbacé, avec de la cire. En bouche, la texture et très belle, le vin très fruité (citron), et bien frais; l’équilibre est excellent. La finale est très sèche (pâteuse pour certains), fruitée et très fraîche; la persistance aromatique est très belle. Plus austère que les autres, un chablis d’école pour certains.
Chablis Grand Cru Les Blanchots 2014, Domaine Billaud-Simon
Légèrement plus foncé que le Laroche, il est beaucoup plus expressif, plus complexe au nez, éclatant même, bien minéral, fruité (pomme, fruits exotiques), avec une très légère oxydation et du sucre d’orge. La bouche est plus corsée, plus fruitée et bien vive; l’équilibre est impeccable. Ça finit sur la fraîcheur, le fruit (citron confit) et les épices et c‘est très, très long. Un vin d’une belle maturité.
Quatrième volée :
Chablis Grand Cru Les Clos 2014, Jean-Marc Brocard
Issu du climat le plus réputé de Chablis, ce Brocard est vraiment très pâle et assez discret au nez, salin et fruité (citron), avec un peu de bois. L’attaque en bouche est vive, le fruit est bien présent, le vin bien sec et l’équilibre très bon. Un vin puissant et très jeune, qui a beaucoup d’avenir.
Chablis Grand Cru Les Preuses 2014, Domaine Billaud-Simon
Encore une robe bien pâle, mais un nez plus intense, avec une note fumée, de la cire, une note herbacée et du bois; pas très complexe, mais bien typé. En bouche il est droit, serré, avec une acidité pointue, du fruit, de la minéralité (pierre à fusil) et du sucre d’orge. La finale est juteuse, un peu dure, fruitée et assez persistante. Encore loin de sa maturité, mais très apprécié (à une voix de l’unanimité); l’autre 3e, avec le Bougros de Brocard.
Chablis 1er Cru Montée de Tonnerre 2015, Domaine François Raveneau
À peine plus foncé que les deux autres, il est assez aromatique, très complexe, bien fruité (citron), beurré, épicé (poivre blanc), bien boisé et un peu (trop pour certains) alcooleux (rhum agricole). Il est plus gras en bouche, bien rond, avec une acidité plus discrète et des champignons; l’équilibre est parfait. La finale est sur le beurre et un beau bois. Plus Beaune que Chablis de style, ce vin n’a pas plu à tous.
Conclusion
Comme première volée, nous avons eu droit à trois vins de deux millésimes extraordinaires et de styles très différents : un tout en fruit, un plus caramel épicé, plus évolué et l’autre très minéral. C’est ce dernier, le Bougros 2014 de Brocard qui a été le préféré.
La deuxième volée a été celle des deux grandes vedettes de le soirée, deux Vaudésir qui se partagent le haut du podium pour la soirée.
Troisième volée : deux Blanchots d’un même millésime 2014, mais de style très différent, un du Domaine Laroche et l’autre de Billaud-Simon. C’est le Laroche qui a été le plus apprécié des participants.
En dernière volée, Marc nous a servi deux des trois autres climats de l’AOC Chablis Grand Cru, accompagnés d’un 1er Cru (presque G.C), un Montée de Tonnerre. C’est Les Preuses de Billaud-Simon qui a été le plus apprécié, tout juste devant Les Clos de Brocard.
Cette superbe sélection nous a permis de comparer les millésimes, les styles de certains producteurs et les caractéristiques de plusieurs climats de Chablis. Parmi les climats, c’est évidemment Vaudésir qui a été préféré, avec les deux grandes vedettes de la soirée, suivi de très près de Bougros et Les Preuses. Côté producteurs, les plus appréciés ont été, Jean-Paul et Benoît Droin, avec Jean-Marc Brocard et Billaud-Simon.
Un gros merci à Marc qui a été très généreux de partager ces trésors avec nous. Il nous a offert une très grande dégustation que les participant ont d’ailleurs élu au quatrième rang du Palmarès des dégustations les plus aimées depuis 2016.
Alain Brault
17 janvier 2024
« Bulles »
Club du mercredi
Organisateur : Marc-Étienne LeSieur
Pour sa première organisation de l’année, Marc-Étienne a décidé de célébrer le début de 2024 comme il se doit, avec des bulles.
Une dégustation composée exclusivement de vins mousseux; c’est une première à l’Académie. Lors de l’annonce de sa dégustation, il nous a promis « Pureté, fraicheur, minéralité et finesse […] la puissance et l’élégance ». Il a lui-même mis la barre bien haute.
La dégustation s’est déroulée à l’aveugle, seul le thème de chacune des deux volées de cinq vins ayant été dévoilé.
Première volée: un seul cépage
Champagne « Meunier » Extra Brut, Bourdaire-Gallois
Ce premier vin, jaune moyen est le plus pâle de la volée. Au nez, il est ouvert sans plus, très brioché et fruité (agrumes), avec du pain grillé. En bouche, il est bien vif (tranchant même), très fruité (pomme verte) et bien sec, avec une touche saline. La fin de bouche et pointue et fruitée (pamplemousse). Un vin encore bien jeune, où l’acidité prime.
Champagne 1er Cru Cunière « Cuvée Renaissance » Extra Brut, Vadin Plateau
Cet autre 100 % pinot meunier est à peine plus foncé, avec de légers reflets rosés. Il est également un peu plus aromatique, fruité (fraise) et minéral, avec du pain et des noix (arachide, noix du Brésil). Il est plus ample en bouche, un peu moins fruité (pomme cuite, fraise) et moins vif. Un vin en biodynamie plus souple et un peu plus dosé.
Champagne « Solarris » 100 % meunier Brut, Constantine
Assez pâle, celui-ci est bien ouvert au nez, fruité (pomme), brioché et très légèrement rancio. L’attaque en bouche est un peu rêche, la texture très belle, avec une mousse crémeuse, du fruit et l’acidité qu’il faut pour un parfait équilibre. La finale est bien fruitée (pomme blette), avec une note sucrée qui en a dérangé quelques-uns et elle est persistante. Un vin plus évolué, composé à 50% du vin de l’année et 50% de Solera (commencé en 2009); le 3e plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le HBH 2005 de Louis Brochet.
Champagne « Bochot » Extra Brut, Pierre Gerbais
Un vin plus doré, avec des reflets orange. D’abord discret au nez, il s’ouvre assez vite sur le fruit (pêche, compote de pomme), les épices (cannelle) et une note qui rappelle le bouillon de bœuf. Il nappe bien la bouche, avec des saveurs de levure marquées, du fruit, une acidité bien dosée et des noix crues; l’équilibre est excellent. Ça finit sur le fruit et une agréable amertume. D’une belle complexité, c’est le grand favori de la soirée.
Champagne 1er Cru Les Vignes de Vrigny Brut, Egly-Ouriet
C’est le plus foncé (ambré) de la volée, tout en étant très limpide. Le nez est très intense, grillé, très complexe. Avec des notes tertiaires, des champignons, du fruit (coing, écorce d’orange) et de la minéralité (un peu de pierre à fusil). La bouche est belle, bien sèche, encore assez vive et fruitée (fruits confits) et l’équilibre est impeccable. Cet assemblage de 2017 (50%), 2016 (30%) et 2015 (20%), embouteillé en 2018 et dégorgé en 2021 est bien mature, mais encore vif et élégant; il s’est classé 2e de la volée et de la soirée.
Deuxième volée: une verticale
Champagne 1er Cru « Cuvée HBH » 1996, Louis Brochet
Un champagne ambré, presque sans effervescence. Il est bien ouvert au nez, rancio (xérès), avec du caramel, de la cire d’abeille, du miel, des noix et un peu de fruit (coing). La bouche est assez grasse, plutôt sèche, avec une belle fraîcheur, des fruits cuits (pomme) et l’équilibre est assez bon. La fin de bouche légèrement amère offre de la pomme blette, du pain grillé et est bien persistante. Un vin de grande maturité assez complexe et encore bien vivant.
Champagne 1er Cru « Cuvée HBH » 1997, Louis Brochet
Encore plus foncé mais pas plus effervescent, il est encore plus aromatique et plus « xérès » que le précédent; pour le reste, les nez se ressemblent. Il est plus délicat en bouche, avec de la pomme blette, de l’amande amère et du rancio. Encore plus avancé que le 1996, il a été moins apprécié.
Champagne 1er Cru « Cuvée HBH » 2002, Louis Brochet
Encore ambré, mais on pâlit. Il est très aromatique, avec du caramel, de la cannelle, du fruit, de la vanille et une note briochée. En bouche, il est bien vif, encore bien fruité et on retrouve le caramel. L’équilibre est très bon. En finale, c’est le caramel qui reste très longtemps. Belle maturité.
Champagne 1er Cru « Cuvée HBH » 2005, Louis Brochet
Encore plus pâle, il est légèrement doré. Le nez est levuré et très floral, avec des noix. Il offre une belle effervescence en bouche, de l’ampleur, de la minéralité (craie) et il est assez tendu. La fin de bouche est bien fruitée et assez persistante. Le préféré de cette verticale; pour la soirée, il partage le 3e rang avec le Solarris de Constantine.
Champagne 1er Cru « Cuvée HBH » 2008, Louis Brochet
Le plus pâle des cinq, il est moyennement aromatique, fruité (poire) et minéral, avec une note saline et une note fumée bien marquée. En bouche, il est assez gras, bien vif et très sec, avec du fruit et une note de levure. En finale, c’est la note fumée qui persiste.
Conclusion
Volée I : Cinq champagnes non millésimés très différents les uns des autres, malgré leur cépage unique commun. À peu près tous les participants ont dit blanc de noirs, mais une seule personne a réussi à identifier le pinot meunier, la plupart ayant opté pour le pinot noir. Avec trois vins sur le podium, cette volée de champagnes non millésimés a été la plus appréciée.
Volée II : une verticale (de 1996 à 2008) de la même cuvée HBH de Brochet, un assemblage, à parts égales, de pinot noir et de chardonnay. Voici leur classement, par ordre d’appréciation : 2005, 1996(extraordinaire), 2008(extraordinaire), 2002 (remarquable), 1997(remarquable). C’est donc le millésime le moins coté de la série qui a été préféré; pour les autres, l’ordre a été respecté.
Finalement, cette dégustation de « bulles » en aura été une exclusivement de champagnes. Marc-Étienne a aussi offert à plusieurs une occasion de (re)découvrir ce que devient un champagne après quinze, vingt et même plus de vingt-cinq ans de cave. C’était un thème audacieux, considérant que les vins effervescents n’ont jamais été très pratiqués à l’Académie; il a réussi, par sa sélection, à en faire un exercice très intéressant et on l’en remercie.
Alain Brault
31 janvier 2024
« Produttori del Barbaresco »
Club du mercredi
Organisateur : Louis Landry
Avant cette dégustation, tous les participants ont reçu un document d’une douzaine de pages incluant la liste des vins présentés. le thème de chacun des cinq services et décrivant le cépage nebbiolo, la région du Piémont, la DOCG Barbaresco et ses « crus », la coopérative et son histoire, ainsi que chaque vin dégusté. Louis présentait chaque volée en résumant les sections pertinentes de son document.
La liste des vins ayant été distribuée à l’avance, cette dégustation s’est déroulée à bouteille découverte pour les deux premiers services et en semi-aveugle pour les trois autres, l’ordre des vins étant inconnu de dégustateurs. Les vins ont subi une double décantation quelques heures avant l’événement.
Premier service : ces vins peuvent-ils bien vieillir?
Barbaresco 1975, Produttori del Barbaresco
Robe typique, limpide, grenat pâle et couronne brunâtre. Le nez est assez ouvert, avec du goudron, du tabac et des notes tertiaires (sous-bois, champignons). La bouche est bien structurée, ronde, corsée, avec une très bonne acidité, des tanins fondus et encore du fruit; l’équilibre est impeccable. La finale est juteuse, fruitée et assez persistante. À presque cinquante ans, ce vin très raffiné ne montre aucun signe de fatigue, aucune oxydation; la vedette de la soirée, à une voix de l’unanimité.
Deuxième service – comment est le vin « entrée de gamme »?
Langhe Nebbiolo 2010, Produttori del Barbaresco
La robe est semblable au précédent, mais le nez est moins ouvert, fruité (bleuets), épicé, avec un début d’oxydation (carton mouillé). La bouche est aussi ronde, mais avec des tanins plus présents, du fruit, une bonne acidité et des arômes classiques (cuir, goudron, réglisse), le tout très bien équilibré. La fin de bouche, à peine rugueuse, est fruitée, chocolatée et assez longue. Un « petit » nebbiolo d’une année exceptionnelle, qui a très bien vieilli.
Troisième service : un survol des « Barbaresco »
Barbaresco Riserva 2007, Produttori del Barbaresco
Très intense aromatiquement, celui-ci est fruité (cerise), assez classique (réglisse) chocolaté et légèrement évolué (feuille de thé). En bouche, il est solide, carré même, bien fruité, avec des tanins assez fins mis bien présents, et de la chaleur (14,5 %/vol); l’équilibre est très bon. La finale est astringente, bien torréfiée et très longue.
Barbaresco Riserva 2009, Produttori del Barbaresco
Ce 2009 est plus foncé et aussi expressif, fruité (bleuet) et bien typé (cuir, goudron, anis). La bouche est corsée, les tanins bien serrés, avec des fruits cuits et une note terreuse, le tout très bien équilibré. La fin de bouche est aussi torréfiée, mais plus fraîche. Plus austère que le 2007, ce vin qui a beaucoup de potentiel est loin d’être à maturité.
Quatrième service – le millésime 2014 et un survol des « crus »
Barbaresco 2014, Produttori del Barbaresco
Ce barbaresco générique au nez exubérant est très torréfié (cacao), épicé et fruité. La bouche est bien corsée, ronde, avec une belle acidité, et tanins solides et de la réglisse; l’équilibre est très bon. La finale est juteuse, fruitée, grillée et très, très longue.
Barbaresco « Pora » 2014, Produttori del Barbaresco
Un peu plus foncé, ce « cru » est plus discret au nez, plus typé nebbiolo (goudron, réglisse), plus floral, avec du café et une très légère évolution. La bouche, moyennement corsée est enveloppante, un peu plus évoluée que le générique, avec une très belle acidité et des tanins plus délicats; l’équilibre est excellent. La finale, bien sèche, et très fruitée et persistante. Un vin élégant, raffiné (presque suave), qui a été très apprécié.
Barbaresco « Ovello » 2014, Produttori del Barbaresco
La robe est identique au Pora et le nez aussi discret, avec du fruit (framboise) , du cuir et du goudron. Une autre bouche tout en finesse, avec une très belle acidité, des tanins très fins, accessibles et un beau fruité; l’équilibre est impeccable. Ça finit sur une belle astringence et sur le fruit. Le 2e vin le plus aimé de la soirée.
Barbaresco « Montestefano » 2014, Produttori del Barbaresco
La robe est encore plus foncée et plus jeune. Le nez est bien ouvert, très fruité, très épicé, floral (rose), avec une note fumée et du sapinage. La bouche est ronde, grasse bien tanique, plus sévère, mais l’équilibre est tout de même très bon (pour un jeune nebbiolo). Un vin qui a encore un très grand potentiel de garde.
Cinquième service – le “Don Fiorino » versus un grand cru 2016
Barbaresco « Asili » 2016, Produttori del Barbaresco
Grenat relativement foncé, il est assez aromatique, très fruité, grillé et bien réglisse. La bouche est ronde, grasse, très fruitée, l’acidité est très bonne, les tanins assez faciles et l’alcool (15 %/vol) se fait sentir; l’équilibre est très bon. Ça finit sur une belle astringence et du bois. Un autre candidat pour la longue garde; 3e vin le plus apprécié de la soirée.
Barbaresco « Don Fiorino » Riserva 2016, Produttori del Barbaresco
Cette cuvée spéciale est un assemblage des différentes cuvées du Produttori. Le nez, moyennement ouvert est bien fruité, avec un soupçon de goudron et d’anis. La bouche, plus délicate, plus fine est également bien fruitée (certains l’ont qualifiée de « guidoune », avec des tanins fins mais solides et l’acidité qu’il faut pout un équilibre impeccable. La finale, agréablement astringente est bien fruitée est très persistante. Un vin atypique pour Produttori.
Conclusion
I – Au premier service, le 1975, presque cinquantenaire, a clairement démontré le très grand potentiel de garde des vins de Produttori en se classant bon premier dans l’ordre de préférence des participants.
II – Au service suivant, le « petit » Langhe Nebbiolo a montré que, pour un prix beaucoup plus doux et un élevage en cave beaucoup plus court, on peut avoir un nebbiolo de grande qualité.
III – Ensuite, on passe au Barbaresco générique d’assemblage, avec deux millésimes exceptionnels, Louis ayant décidé de servir le 2014 avec les crus du même millésime. Le 2007 a été préféré au 2009 encore beaucoup trop austère, très loin de la maturité.
IV – Les explications de Louis sur les caractéristiques des crus ont beaucoup aidé à l’identification des vins servis et plusieurs participants les ont mis dans le bon ordre : d’abord le générique, suivi des deux « crus » plus délicats Pora et Ovello et, enfin, du Montestefano beaucoup plus costaud. Cette superbe sélection a très bien illustré les différences de style et de qualité entre le générique et les crus et entre les différents crus. C’est le Ovello qui a été le plus apprécié.
V – Enfin, deux 2016 tout en fruit, millésime encore mieux coté que les exceptionnels 2013, ’14 et ’15. D’abord, le « Grand Cru » de Barbaresco, Asili, puis une cuvée d’assemblage spéciale en l’honneur du fondateur de la coopérative, Don Fiorino. Le Asili est monté sur la 3e marche du podium pour la soirée, tandis que le Don Fiorino, beaucoup plus moderne de style, très loin du style « classique » de la maison a été beaucoup moins apprécié.
Louis a réussi un véritable exploit en faisant (enfin! diront certains) apprécier aux membres de l’Académie le nebbiolo, ce grand cépage italien très tanique souvent servi trop jeune. Cette dégustation, inscrite au palmarès des vingt dégustations les plus appréciées depuis 2016 (une deuxième pour Louis cette année!) restera dans les annales. On l’en remercie, ainsi que (par ordre alphabétique) Pierre Bélanger, Denis Desjardins et Philippe Richer, pour leur contribution à la sélection.
Alain Brault
7 février 2024
« Raúl Pérez »
Dégustation collective
Coordonnateur: Denis Desjardins
Denis a débuté par une courte présentation sur le producteur, l’étendue de sa production en Espagne et ses méthodes de vinification.
Il nous a offert quatre volées, dont deux de vins blancs et deux de rouges. Les vins de la 4e volée ont été décantés et la dégustation s’est déroulée à l’aveugle.
Première volée : deux vins blancs
Ultreia Godello 2018 (DO Bierzo), Bodegas y Viñedos Raúl Pérez
Ce premier blanc, 100 % godello, est jaune paille. Au nez, il est bien ouvert, fruité (agrumes, melon, fruits exotiques), minéral et floral, avec du miel. L’attaque en bouche est très vive, tranchante même; le vin est gras, très frais, bien fruité, très sec (presque astringent) et minéral. La finale est fruitée mais asséchante. Un vin digeste, racé, de style chablis, qui a été très apprécié.
La Vizcaína La Del Vivo Lomas De Valtuille 2013 (DO Bierzo), Bodegas y Viñedos Raúl Pérez
Celui-ci est jaune avec des reflets bronze dus autant à l’âge qu’à l’élevage sous voile. Il est composé surtout de doña blanca, complété de palomino et de godello. Il est très intense au nez, rancio, avec de la cire, du miel, du fruit (pêche, pomme blette) une note fumée et des noix; le rancio couvre le fruit. En bouche, le corps est moyen, il est bien sec, fruité (agrumes, pomme), avec un « goût de jaune », la noix qui revient et un équilibre impeccable. La persistance aromatique est impressionnante.
Deuxième volée : trois vins blancs
Ultreia La Claudina Godello 2017 (DO Bierzo), Bodegas y Viñedos Raúl Pérez
On continue dans le blanc, avec un autre 100 % godello, mais celui-ci est très pâle, avec des reflets verdâtres de jeunesse. Le nez est assez discret, fruité, floral, avec de la cire d’abeille, un côté salin, de la minéralité et une belle note boisée (18 mois en fût). L’attaque en bouche est vive, le vin est gras, très sec, vif, bien fruité (citron) et minéral (pierre à fusil, silex), avec des amandes; l’équilibre est très bon. La finale bien sèche est sur la cire d’abeille et le fruit qui persistent très longtemps. Un vin puissant et riche, le vin de la soirée, à l’unanimité.
Sketch 2016 (DO Rías Baixas), Bodegas y Viñedos Raúl Pérez
On passe à un vin 100 % albariño (l’alvarinho du Portugal). Il est un peu plus doré et moins discret au nez, avec du fruit (poire, pruneau, abricot séché), une note de bois vanillé, du beurre et une légère note oxydative et de tourbe. En bouche, il est bien droit, texturé, rond, fruité, vanillé, très frais et on détecte une note fermentaire (yaourt); l’équilibre est excellent. La fin de bouche est juteuse, fruitée, beurrée, avec un léger caramel et le yaourt qui revient, le tout assez persistant.
Rara Avis Blanco 2014 (VT Castilla y León), Bodegas y Viñedos Raúl Pérez
Fait exclusivement d’albarín blanco, un cépage indigène à ne pas confondre avec le précédent, ce dernier blanc affiche la même robe. Il est plus aromatique, minéral, avec une note marine (huître), de l’herbe fraîchement coupée et un peu de moisi (cave humide). Un autre vin très droit en bouche, bien frais, bien fruité, pas aussi corsé, parfaitement équilibré, mais la note moisie persiste. La finale est fraîche, un peu rêche et bien fruitée.
Troisième volée – deux vins rouges
Domaines Lupier El Terroir 2008 (DO Navarra), Bodegas y Viñedos Raúl Pérez
On attaque avec un 100 % garnacha, rubis et très limpide. Il est très intense au nez, très fruité (fraise), avec des notes florale et épicée (cannelle). Il n’est pas très corsé en bouche mais offre quand même une belle texture, avec, là encore, beaucoup de fruit, du chocolat au lait, une note sucrée, tout en étant sec et de la chaleur (14,5 %/vol). Un vin « moderne », tout en fruit, peu tanique et simple; au nez, il rappelle le gamay du Beaujolais.
Rara Avis Tinto 2014 (VT Castilla y León), Bodegas y Viñedos Raúl Pérez
Celui-ci est élaboré à partir d’un cépage indigène du León, le prieto picudo. Il est beaucoup plus foncé, grenat et légèrement trouble. Il est plus discret au nez, plus boisé, plus fruits noirs (cerise), épicé, minéral et chocolaté. En bouche, il est plus corsé, plus tanique, avec un beau fruit, du bois (un peu trop pour certains) et une bonne acidité, sans plus; la bouche suit le nez et l’équilibre est acceptable. La finale est bien astringente, fruitée, épicée et de bonne persistance. Malgré une légère lourdeur, il a été le 2e vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le Las Gundiñas.
Quatrième volée – quatre vins parcellaires à base de mencia
Valtuille Cepas Centenarias 2012 (DO Bierzo), Bodegas y Viñedos Castro Ventosa (Raúl Pérez)
La robe est très foncée, avec des reflets rubis de jeunesse. Le nez est très ouvert, avec des fruits noirs, du bois (10 mois de barrique française neuve), du chocolat, de la réglisse et des notes sanguine, florale et terreuse. L’attaque en bouche est astringente et bien fraîche; le vin est corsé, avec des fruits cuits, une bonne acidité, une belle astringence et l’alcool n’a pas dérangé, malgré ses 14 %/vol; l’équilibre est parfait. Un vin élégant, complexe et bien jeune encore, qui a beaucoup plu.
La Vizcaína Las Gundiñas Lomas De Valtuille 2013 (DO Bierzo), Bodegas y Viñedos Raúl Pérez
Même robe que le précédent, mais plus discret au nez, avec beaucoup de fruit, une note animale, de la terre et un début de tertiaire (sous-bois). En bouche, il est gras, corsé, plein, très fruité, avec des tanins granuleux assez faciles et un bois bien dosé; l’équilibre est excellent. La finale bien fruitée est astringente et fraîche. Un autre vin assez complexe, plus prêt, mais qui tiendra encore longtemps; l’autre 2e préféré de la soirée, avec le Rara Avis rouge.
Ultreia La Cova de la Raposa 2015 (DO Bierzo), Bodegas y Viñedos Raúl Pérez
Un peu moins opaque que les deux précédents, il est moyennement aromatique, boisé, torréfié (chocolat) et épicé, avec une note florale et un côté caoutchouc chauffé. La bouche est grasse, corsée, très sèche, avec de beaux tanins fins mais bien présents et beaucoup de fruit confit; l’équilibre est très bon. La fin de bouche, légèrement amère, est fruitée, torréfiée et assez longue.
Ultreia Petra 2015 (DO Bierzo), Bodegas y Viñedos Raúl Pérez
Encore un rouge bien opaque. Le nez est intense, très fruité, plutôt boisé et épicé (poivre, vannelle), avec une note médicamenteuse. La bouche est très corsée, bien ronde, avec une très bonne acidité, des fruits noirs cuits, des tanins bien enveloppés mais encore fermes et une certaine chaleur (13,5 %/vol); l’équilibre est impeccable. Un vin en début de maturité qui a été très apprécié.
Conclusion
Parmi les blancs, c’est le godello La Claudina, grande vedette de la soirée, qui a été le préféré. Parmi les rouges, deux vins se sont démarqués : le Rara Avis et le Las Gundiñas, à égalité en deuxième place. Durant cette dégustation, deux clans se sont révélés, quant à l’intérêt des vins de Raúl Pérez, ceux des vins blancs et ceux des rouges de mencia. Finalement, ce sont les blancs qui ont prévalu.
Cette dégustation a également démontré que, surtout dans les rouges, les cuvées parcellaires de ce producteur ont vraiment leur raison d’être, avec chacune leur caractère particulier,
Un grand merci à Denis pour sa contribution et pour son travail de coordination, ainsi qu’aux autres contributeurs (par ordre alphabétique) Pierre Bélanger, Mario Couture, Laurent Gémar, Louis Landy, Marc-Étienne LeSieur et Marc St-Onge.
Alain Brault
21 février 2024
« Le Portugal »
Club du mercredi
Organisateurs : François Lamontagne et Louis Landry
Revenant d’un voyage au Portugal, François a proposé ce thème inédit à l’Académie. Il a d’abord brièvement présenté la dégustation, puis Louis a parlé plus en détails du Portugal, de ses zones climatiques, de son encépagement dont de très nombreux cépages indigènes et de son industrie vinicole.
Cette dégustation s’est déroulée à l’aveugle.
Mise en bouche:
Vinho Verde Tinto 2013, Adega de Monção
Grenat d’intensité moyenne, ce premier vin d’une dizaine d’année n’est pas très expressif au nez, mais offre des arômes de fruit, de viande et de fumée. En bouche, on ressent une certaine rondeur, une bonne dose de fruit (fraise), peu de tanins, mais une belle acidité; ce vin, bien vif malgré une note sucrée, trouve son équilibre du côté de l’acidité plutôt que des tanins. La finale est surette et bien fruitée. Cette curiosité (du moins ici), un assemblage des cépages indigènes alvarelhao, vinhão et pedral, est assez simple mais quand même intéressante.
Première volée: les blancs
Parcela Única (DOC Vinho Verde) 2017, Anselmo Mendes
Celui-ci est fait exclusivement d’alvarinho, le grand cépage blanc du Minho. Il est or pâle, très brillant. Au nez, assez ouvert, il est fruité (mangue, pamplemousse, marmelade), bien épicé (cardamome) et floral (tilleul). En bouche, il est bien gras, presque moelleux tout en étant bien sec, avec une note grillée et de la minéralité; l’équilibre est très bon. La fin de bouche, très sèche et fruitée est légèrement amère et on ressent une petite chaleur (13 %/vol). Ce vin, élevé neuf mois sur lies s’est classé 2e, ex aequo avec deux rouges du Douro, le No06 2005 de Quinta da Costa et le Quinta de la Rosa 2004.
Malhandina (VR Alentejano) 2018, Herdade da Malhadinha Nova
Ce second blanc est un assemblage d’arinto (60 %), de viognier (30 %) et de chardonnay (10 %). La robe est identique au vin précédent. Le nez est plus intense, avec des fruits exotiques (mangue) et une note fermentaire. La bouche est plus fine, moins grasse, plus vive, avec de la vanille, un léger caramel, du fruit compoté, un peu de noix, un côté salin et le fermentaire qui revient; l’équilibre est très bon. La fin de bouche est juteuse, fruitée, vanillée et assez longue.
Deuxième volée: deux vins rouges de l’Atlantique
Vinha Barossa Vinha Velha (VR Beiras) 1999, Luis Pato
Ce premier rouge est grenat pâlot, assez avancé et un peu trouble. Il est très intense au nez, plutôt oxydé (carton), très évolué (défectueux?). Pas très corsé en bouche, il est plutôt tanique, avec une très belle acidité, la note oxydée qui revient et la confirmation que le vin est défectueux (bouchon). Malheureusement, un vin passé et bouchonné.
Especial Tonel 5 (DOC Bairrada) 1990, Gonçalves Faria
Celui-ci est plus foncé, avec des reflets rubis et une légère évolution à la couronne. Le nez est très intense, très médicamenteux, avec du fruit noir (cassis), une bonne dose de bois, des pruneaux et du goudron. La bouche est grasse, pleine, avec des tanins enrobés mais fermes, de la chaleur (malgré ses modestes 12,5 %/vol), du noyau de cerise et le même fruit qu’au nez, en plus d’un peu de caoutchouc chauffé. La finale, bien sèche et chaude est fruitée et très persistante. Pas un Douro, mais un vin de style porto sec tout de même.
Troisième volée: deux vins rouges de la plaine
Quinta do Mouro (VR Alentejano) 2003, Quinta do Mouro
Assemblage d’alicante Bouschet, d’aragonez, de cabernet sauvignon, de touriga nacional et de trincadeira, il est grenat foncé, légèrement évolué. Il est bien aromatique, fruité, avec une note animale, du foin et des fines herbes séchées (romarin). Il s’exprime encore plus en bouche, il est bien sec, avec du fruit confit (cerise, cassis) du gras, de la matière, des épices, des tanins assez discrets et du chocolat; côté équilibre, on ressent une petite lourdeur. La fin de bouche est chaude (14,5 %/vol), très fruitée (confiture) et bien longue. Un vin riche, encore très jeune, malgré ses 20 ans, et qui a fait l’unanimité comme vin de la soirée.
Marques de Borba Reserva (DOC Alentejo) 2019, João Portugal Ramos
L’assemblage est semblable : alicante Bouschet, aragonez, cabernet sauvignon,
et trincadeira. Il est opaque, avec des reflets violacés de jeunesse. Le nez, très intense, peu fruité et boisé est très torréfié. La bouche est très sèche, bien tanique, grillée, avec une bonne acidité, des petits fruits rouges, du bois et un peu de chaleur (14,5 %/vol); l’équilibre est très bon. Un vin qui a beaucoup de potentiel, à revoir dans cinq à dix ans.
Quatrième volée: les vins de la montagne
Quinta da Leda (DOC Douro) 2014, Casa Ferreirinha (Sogrape)
De la très réputée maison Ferreira (Barca Velha), ce premier vin du Douro est opaque et très jeune à l’œil. On y retrouve les cépages du porto (touriga franca, tinto cão, touriga nacional et tinta roriz). D’abord discret, le nez s’ouvre dans le verre, avec du fruit, des épices (cannelle), du bois, une note végétale (concombre!), du tabac et du cuir. En bouche, il est très corsé, bien tanique, avec des fruits cuits, des fines herbes séchées (romarin) et une bonne acidité; l’équilibre est excellent. Un vin jeune et racoleur, mais qui a de l’avenir.
No 06 (DOC Douro) 2005, Quinta da Costa das Aguaneiras
Cet assemblage beaucoup plus simple (tinta roriz et touriga franca) est presque aussi foncé et jeune que le Quinta da Leda 2014. Il est un peu plus expressif au nez, avec la même surprenante note de concombre, du bois neuf, des épices (poivre), une note minérale, des feuilles mortes et du cuir. Il est corsé, avec des tanins plus fins mais solides, une très bonne acidité, du fruit (fruits rouges confiturés), de l’alcool et du chocolat; l’équilibre est parfait. La finale est bien sèche et torréfiée. Encore jeune et prometteur, 2e vin le plus apprécié de la soirée, avec deux autres.
Quinta de la Rosa (DOC Douro) 2004, Quinta de la Rosa
Bien foncé, il montre un peu d’évolution. Un autre vin d’abord discret au nez, mais qui s’ouvre dans le verre, torréfié, bien fruité (confiture) et épicé (cannelle), avec une certaine évolution (sel de céleri, thé). La bouche est très grasse, avec une belle astringence, une bonne acidité, du fruit, une note fumée et un équilibre impeccable. Ça finit sur une belle astringence et les fruits cuits qui persistent très longtemps. Un vin complexe et harmonieux, le troisième vin à partager la deuxième place pour la soirée.
Vinha do Fojo (DOC Douro) 2001, Quinta do Fojo
La robe d’intensité moyenne semble encore bien jeune, malgré l’âge du vin. Le nez est plus ouvert que les précédents, avec une note terreuse, un peu de carton (oxydation) de l’eucalyptus et une note médicamenteuse (pastille Vix aux cerises). En bouche, il est bien corsé, avec une très bonne acidité, des tanins assouplis une bonne dose de fruits (cerise, framboise), des fines herbes séchées, du thé et du goudron; un autre équilibre impeccable. Un vin très apprécié qui a bien évolué, à son apogée pour certains, mais pas pour tous.
Conclusion
De la première volée, c‘est le Parcela Única 2017 d’Anselmo Mendes qui a été préféré. Il est à noter qu’en moyenne, les vins blancs ont été aussi appréciés que les rouges.
En dernière volée, celle des Douro, les vins ont été servis du plus jeune au plus vieux, mais bien malins ceux qui s’en sont rendu compte. Nous avions affaire à des « portos secs », c’est-à-dire à des vins élaborés à partir des mêmes cépages que les portos, mais non vinés et vinifiés à sec.
En général, ce sont les vins rouges de la plaine et ceux du Douro qui ont été les plus aimés, ex aequo. Sur le podium, on retrouve, en 1ière place, le Quinta do Mouro 2003, une voix devant trois vins, le Vinho Verde 2017 d’Anselmo Mendes, le No06 2005 de Quinta da Costa et le Quinta de la Rosa 2004, à égalité.
Chapeau à François pour son audacieuse proposition de thème, une autre première à l’Académie. Merci à lui et à Louis pour leur sélection et l’organisation très éclairante de la dégustation, qui a bien démontré au participants les styles des différentes zones vinicoles du Portugal et le grand potentiel de cave des vins rouges. Enfin, merci à Denis Desjardins qui a aussi contribué à la sélection.
Alain Brault
28 février 2024
« Les crus bourgeois 2009 – 15 ans après »
Club du mercredi
Organisateur : Philippe Desrosiers
Ayant fait de nouvelles trouvailles, Philippe a modifié la liste des vins annoncés et a remplacé les deux Fronsac par deux Médoc. Les vins sont tous des Crus bourgeois sauf quelques exceptions, de qualité équivalente.
Il a débuté la soirée par une courte présentation nous rappelant l’histoire des Crus bourgeois et les caractéristiques du millésime 2009, considéré comme atypique, au fruit très mûr et aux tanins faciles. Auront-ils tenu le coup?
Dix vins, tous décantés, dégustés en une seule volée, à découvert, par ordre alphabétique.
# 1 – Château Beaumont 2009 (AOC Haut-Médoc)
Cet assemblage de 50 % cabernet sauvignon, 47 % merlot et 3 % petit verdot est grenat d’intensité moyenne. Au nez, il est très végétal et très torréfié (café), avec des fruits noirs (mûres, cassis). Il est moyennement corsé en bouche, plus évolué qu’au nez, avec des tanins faciles, une bonne acidité et aromatiquement, la bouche suit le nez, avec du camphre en plus; l’équilibre est très bon. La finale est fraîche, fruitée, torréfiée et assez persistante. Certains l’ont trouvé passé date.
# 2 – Château Belgrave 2009 (AOC Haut-Médoc, 5e Grand Cru Classé)
Première exception (ce n’est pas un Bourgeois) composée de 46 % cabernet sauvignon, 46 % merlot, 4 % cabernet franc et 4 % petit verdot. Il est plus foncé, avec des reflets rubis. Le nez, plus discret, est plus évolué (note animale), avec du fruit et des épices. Il est également moyennement corsé, mais plus rond, avec des tanins souples et l’acidité nécessaire à un excellent équilibre; il est bien fruité, avec du chocolat et du menthol. La fin de bouche est assez fraîche, très torréfiée, épicée et plus longue. Un vin plus complexe, qui a été très apprécié.
# 3 – Château Bellevue 2009 (AOC Médoc)
Ce 50 % cabernet sauvignon, 47 % merlot et 3 % petit verdot affiche la même robe que le Belgrave. Assez ouvert au nez, il est fruité (fruits rouges), bien épicé, avec de l’anis (réglisse noire), une note florale et la note végétale typique des bordeaux assez marquée. L’attaque en bouche est très fraîche, la structure moyenne, l’acidité très bonne et les tanins assez fondus; on y détecte des fruits cuits (cerise noire), un beau bois bien dosé et du chocolat noir; l’équilibre est super. La finale est très torréfiée et assez fruitée. Un vin au nez très intéressant, qui s’est classé 2e, ex aequo avec Paloumey et Potensac.
# 4 – Château Caronne Ste-Gemme 2009 (AOC Haut-Médoc)
Cet assemblage de 55 % cabernet sauvignon, 43 % merlot et 2 % petit verdot est grenat d’intensité moyenne. Le nez, d’abord assez discret, s’ouvre lentement dans le verre, avec une bonne dose de bois, une légère note moisie qui finit par s’estomper, des fruits noirs, de la poussière et de la minéralité. Il est plus corsé en bouche, avec des tanins plus présents, plus astringents, encore du fruit et une certaine chaleur. La finale bien sèche et astringente, sur les fruits cuits est assez persistante. Un vin plus austère, plus végétal et minéral que les précédents.
# 5 – Château Paloumey 2009 (AOC Haut-Médoc)
Grenat assez foncé, celui-ci est fait simplement de 50 % cabernet sauvignon et 45 % merlot. Au nez, il est très ouvert, très torréfié, bien boisé, avec des fruits noirs et une légère évolution (cuir). L’attaque est bien fruitée, la structure très fine, avec des tanins plutôt fondus, mais quand même une légère astringence, une très belle acidité, encore du fruit et un bois bien intégré; l’équilibre est très bon. La fin de bouche bien sèche est fruitée, torréfiée, très épicée et de bonne persistance. De la matière, de la puissance, une des belles surprises de la soirée, 2e vin préféré avec Bellevue et Potensac.
# 6 – Château Potensac 2009 (AOC Haut-Médoc)
Pour celui-ci, l’assemblage est 75 % merlot, 17 % cabernet sauvignon et 8 % cabernet franc. Il est grenat moyen et, au nez, c’est le bois et les fruits noirs qui dominent. En bouche, il est bien structuré, tout en étant souple, fin, presque soyeux, avec des tanins fondus, une légère amertume (noyau de cerise), du fruit et du chocolat amer; l’équilibre est très bon et le bois passe mieux qu’au nez. La fin de bouche, légèrement amère, est boisée, fruitée (bleuet), chocolatée et très longue. Un vin à base de merlot alliant puissance et élégance, propriété des Domaines Delon (Léoville Las Cases); autre 2e préféré de la soirée.
# 7 – Château Sainf-Paul 2009 (AOC Haut-Médoc)
Cet assemblage de 50 % merlot, 40 % cabernet sauvignon, 8 % cabernet franc et 2 % petit verdot est grenat bien foncé. Le nez est intense, très fruité, assez boisé, bien végétal (poivron), avec du cuir et du graphite. La bouche est assez corsée, avec une belle astringence, une bonne acidité (sans plus), de la torréfaction, à peine assez de fruit et de la chaleur. La finale est juteuse, agréablement tanique, torréfiée et un peu chaude. Son manque de fruit ne l’a pas aidé.
# 8 – Château Sénéjac 2009 (AOC Haut-Médoc)
Cette fois, l’assemblage est de 60 % cabernet sauvignon, 36 % merlot, 9 % cabernet franc et 4 % petit verdot. La robe, assez pâle, est plus évoluée. Il est bien aromatique, assez fruité, épicé, avec une belle note végétale et un peu de sel de céleri (âge). La bouche est souple, bien fruitée, avec des tanins faciles, granuleux, une très bonne acidité, du tabac, du café et une légère évolution; l’équilibre est impeccable. La fin de bouche est juteuse, bien fruitée et très persistante. Le vin le plus évolué de la soirée, sur sa pente descendante.
# 9 – Château La Tour de By 2009 (AOC Haut-Médoc)
Celui-ci est fait de cabernet sauvignon à 55 %, de merlot à 35 % et petit verdot pour le reste. La robe, d’intensité moyenne, montre encore des reflets de jeunesse. Le nez est plutôt discret, avec du bois vanillé et des notes végétale, crémeuse et florale. La bouche, assez corsée est grasse, avec des tanins bien présents, une bonne acidité et des fruits cuits; l’équilibre est correct. Un vin honnête, mais peu flatteur.
# 10 – Zédé de Labégorce 2009 (AOC Margaux)
Autre exception, il s’agit du second vin du Château Labégorce qui lui est un Cru bourgeois. Il est composé de 60 % cabernet sauvignon et 40 % merlot. Il est grenat d‘intensité moyenne, un peu trouble, avec une couronne légèrement orangée. Un autre vin au nez assez discret, bien fruité, montrant une certaine évolution (notes tertiaires), une note végétale, de la fumée, du cuir et une note animale. En bouche, le corps est moyen, il est bien fruité, avec une bonne acidité, une astringence discrète et agréable, du bois et de la torréfaction; l’équilibre est excellent. La finale est assez fraîche, fruitée, torréfiée (très chocolatée) et bien persistante. Le vin préféré de la soirée, à une voix de l’unanimité.
Conclusion : Ce sont des vins réussis, pas de grande complexité, mais qui apportent quand même beaucoup de plaisir. Ce sont également des vins très différents les uns des autres qui, en deux heures, deux heures et demie, ont beaucoup évolué dans le verre, mais malheureusement pas tous pour le mieux. Alors, pour répondre à la question initiale : quinze ans, pour ce millésime et ce niveau de qualité… c’est trop.
Ce fut tout de même un exercice très intéressant et on remercie Philippe de nous avoir offert cette occasion.
Alain Brault
20 mars 2024
« Horizontales de Bordeaux rouge et liquoreux »
Club du mercredi
Organisateur : Laurent Gémar
Laurent nous a convié à une troisième dégustation de bordeaux cette année. Première partie, une horizontale de sept vins rouges d’une même appellation (avec un ou deux intrus). Quelle est l’année, quelle est l’AOC et quels sont le(s) intrus?… pas évident.
Deuxième partie, trois liquoreux d’un même millésime, mais de trois appellations différentes.
Première volée: les rouges
Château Saint-Pierre 2008 (4e Grand Cru Classé de Saint-Julien), Domaines Henry Martin
Ce premier vin, un assemblage de 75 % cabernet sauvignon, 15 % merlot et 10 % cabernet franc, est grenat bien foncé, brillant et montre un peu d’évolution à la couronne. Au nez, il est bien ouvert, fruité (cerise), épicé, boisé, avec une note animale discrète, un léger sapinage, du sous-bois et du cuir. En bouche, le corps est moyen, il est très sec, les tanins sont assez évolués, fondus et l’acidité est bonne; il est bien équilibré. La finale est fraiche, fruitée et montre un début de maturité. Certains l’ont tout de même trouvé primaire.
Château Talbot 2008 (4e Grand Cru Classé de Saint-Julien), Famille Cordier
Également assez foncé, celui-ci est plus avancé, plus brique. Un peu plus discret au nez, il est fruité et très chocolaté, avec une légère note végétale (poivron vert). La bouche est plus corsée, plus ronde, avec des tanins quand même assez faciles, une belle fraîcheur et un fruit plus épicé. La fin de bouche est fraiche, fruitée et de bonne longueur. Un vin très apprécié; presque tous les participants l’ont correctement placé rive gauche, mais seulement trois en St-Julien.
Montevetrano 2008 (IGT Colli di Salerno), Silvia Imparato
Un intrus compose de 60 % cabernet sauvignon, 30 % merlot et 10 % aglianico. Il est assez discret au nez, bien fruité, avec une note végétale (poivron), un peu de sapinage, de la torréfaction et un peu de sel de céleri (maturité). En bouche, le corps est moyen, il est bien fruité, grillé, très sec, les tanins sont plus solides, l’acidité est bonne et l‘équilibre est excellent. Un excellent vin, très différent des autres, que la plupart ont identifié comme intrus.
Château Langoa-Barton 2008 (3e Grand Cru Classé de Saint-Julien), Famille Barton
Au Château Langoa-Barton, l’encépagement est de 70 % de cabernet sauvignon, 20 % de merlot, 8 % de cabernet franc et 2 % de petit verdot. A l’œil, il montre une légère évolution. Il est bien aromatique, très boisé (le plus boisé du lot), avec des noix, des mûres compotées, des épices et du tabac. La bouche est corsée, solide, très sèche, avec des tanins marqués, encore astringents, du fruit (mûre, cerise), beaucoup de chocolat, le bois qui prend de la place et un peu d’eucalyptus; l’équilibre est bon. La finale est bien boisée (noix de coco), avec de la cerise et du cacao amer; c’est surtout le bois qui persiste. Un vin encore trop jeune pour donner sa pleine mesure.
Château Léoville-Barton 2008 (2e Grand Cru Classé de Saint-Julien), Famille Barton
Cette fois, l’assemblage est de cabernet sauvignon (74 %), merlot (23 %) et cabernet franc (3%). C’est le vin le plus foncé et jeune à l’œil, avec une couronne presque transparente. Il est assez ouvert au nez, assez boisé, avec des fruits confits, du poivron, des champignons, de la minéralité et une note animale assez prononcée. La bouche est ronde, les tanins accessibles, mais tout de même solides, l’acidité est très bonne, le fruit est plus discret en bouche et l’équilibre est parfait. La finale est astringente, sur le chocolat amer est assez persistante. Un vin encore bien jeune, avec beaucoup de potentiel; il a été le préféré de certains.
Château Calon Ségur 2008 (3e Grand Cru Classé de Saint-Estèphe), Famille Gasqueton (jusqu’en 2012)
À Calon Ségur, l’encépagement est de 56 % cabernet cauvignon, 35 % nerlot, 7 % cabernet franc et 2 % petit verdot. Ce quasi-intrus, un St-Estèphe parmi les St-Julien, est moyennement aromatique, bien fruité (fruits rouges), crémeux, avec un bois bien dosé, du chocolat et des épices. L’attaque en bouche est très fruitée, il est assez corsé, très sec, avec des tanins solides, une bonne acidité et une certaine chaleur (13,5 %/vol); l’équilibre est très, très bon. La fin de bouche, sur les fruits cuits et la torréfaction est très longue. Un des rouges les plus fruités, il a été le préféré de la soirée, ex aequo avec le Château de Céron 2007.
Château Léoville-Poyferré 2008 (2e Grand Cru Classé de Saint-Julien), Famille Cuvelier
À Léoville-Poyferré, l’encépagement est de 63 % cabernet sauvignon, 25% merlot, 7 % petit verdot et 5 % cabernet franc. C’est un des vins les plus opaques. Le nez est d’abord d’intensité moyenne, mais finit par s’ouvrir, avec un début d’évolution, du cèdre, du fruit très mûr, de la torréfaction et du cuir. En bouche, le corps est moyen, le vin est bien fruité, avec des tanins au grain agréable, une bonne acidité et du chocolat; le tout très bien équilibré. La finale, très sèche, est torréfiée, avec une note végétale, un léger coconut et du menthol. Un vin très apprécié, puissant en bouche et qui a bien évolué dans le verre.
Deuxième volée: les liquoreux
Château de Cérons 2007 (AOC Cérons), Famille Perromat
Ce premier liquoreux, d’une petite appellation moins connue, Cérons, enclavée dans celle de Graves, est un assemblage de 80 % sémillon, 18 % sauvignon blanc et 2 % muscadelle. Il est or assez pâle, très aromatique, fruité (pêche), avec du botrytis, de la cire d’abeille et beaucoup d’épices. La bouche est ronde et soyeuse, avec l’acidité qu’il faut pour un bon équilibre. La finale est très fruitée, avec du caramel, de la vanille et la persistance aromatique est excellente. Le moins prestigieux des trois liquoreux, mais une des deux vedettes de la soirée, avec le Calon Ségur 2008.
Château Coutet 2007 (1er Grand Cru Classé de Barsac), Famille Baly
À Château Coutet, l’encépagement est de sémillon (75 %), sauvignon (23 %) et muscadelle (2 %). La robe est plus foncée, plus bronze. Le nez est très intense, exubèrent, très botrytisé, épicé, (cardamome, cannelle), fruité (marmelade, zeste) et floral : un nez très complexe. En bouche, la texture est formidable de rondeur, l’acidité est parfaite et l’intensité du sucre amène une petite amertume. Ça finit sur le fruit et le caramel et c’est très, très long. C’est le plus expressif des trois liquoreux, 3e préféré de la soirée, une seule voix derrière les deux vedettes.
Château Guiraud 2007 (1er Grand Cru Classé de Sauternes), Matthieu Gufflet
Ce dernier est composé de sémillon à 65% et de sauvignon blanc pour le reste. Il a la même robe évoluée que le Coutet, mais il est plus discret au nez, bien fruité (agrumes), moins botrytisé, floral, poussiéreux, avec un léger carton (trace d’oxydation). En bouche, ce sont les fruits épicés, le caramel (avec une pointe d’érable), un léger botrytis et l’acidité pour un excellent équilibre. Moins sucré que le Coutet, il a été très apprécié.
Conclusion :
L’AOC des rouges était donc St-Julien (cinq vins), avec un presque intrus, un St-Estèphe et un véritable intrus, un italien de Campanie, tous du millésime 2008, millésime remarquable. Le préféré a évidemment été le Calon Ségur, covedette de la soirée, suivi de près du Talbot. C’est donc un St-Estèphe qui a été le préféré dans une volée de St-Julien.
En liquoreux, un Cérons, un Barsac et un Sauternes du millésime 2007, autre millésime remarquable. Ici, c’est le « petit » Cérons (autre covedette de la soirée) qui a été préféré aux deux 1er Grands Crus Classés! Plusieurs ont identifié le millésime. Et, sans surprises, en moyenne, les liquoreux ont été beaucoup plus appréciés que les rouges.
On remercie Laurent qui n’a pas fini de nous surprendre par la qualité de ses sélections, Pas évident d’organiser la troisième dégustation de bordeaux de l’année. Et dire qu’il y en a une quatrième à venir…
Alain Brault
27 mars 2024
« Le combat des caves 3.0 »
Club du mercredi
Organisateurs : Denis Desjardins et Micheline Vanier
Micheline ayant eux l’appuie de Denis lors de l’élaboration de sa cave au cours des dernières années, elle a voulu faire un petit match amical comparatif afin de voir si la cave de l’élève aurait dépassé celle du maître… Le combat se déroule en 5 rounds qui opposeront chacune un vin de chacune des caves. Les participants à la rencontre voteront pour leur vin préféré parmi les 2 présenté en duel.
Tous les vins sont dégustés à l’aveugle sans réelle présentation.
Période d’échauffement:
Avant de débuter la joute, nous avons eu droit à un Champagne de Roger Coulon, Heri-Hodie, 100% Pinot Meunier. Un vin de couleur paille doré avec une légère teinte saumonée qui laissait déjà présager un cépage rouge. Le nez est invitant avec des arômes de crème pâtissière, une brioche et un petit côté salin. En bouche nous avons une mousse à fines bulles avec les prémices du nez (crème pâtissière, crème soda …) très sec avec une acidité moyenne, une légère amertume en mi-bouche et une finale que nous aurions voulu plus longue. Un avant-match agréable qui fut apprécié par la majorité des convives. (13/16)
1ier round:
Domaine Pattes Loup Chablis 1ier cru Butteaux 2014
Le 2014 se présente avec une robe paille dorée avec léger reflet orange. Le nez est assez discret, mais nous présente des notes de caramel écossais avec une touche saline et un très léger côté oxydatif. La bouche est fraiche a l’attaque et s’accompagne de note de caramel, de noix, d’amandes, un peu rancio, très sec, droit et de bonne longueur. Par contre, très difficile de dire Chablis ici… (12/16)
Domaine Pattes Loup Chablis 1ier cru Butteaux 2017
Le 2017 nous paraît déjà plus jeune à l’œil avec une robe or pâle brillant. Nous avons un nez plus exubérant que le premier vin. On retrouve des similitudes au nez, nous avons encore des notes de noix et d’amandes, mais moins présente, un côté plus miel que caramel ici avec beaucoup plus de présence de fruits que sur le 2014. Un vin avec un bel équilibre, de la minéralité, salinité et un peu plus de matière et de complexité que sont compétiteur. (13/16) Ce vin remporte le premier round [10 vs 4]
2ième round:
Remoissenet Père & Fils Beaune 1er cru Les Grèves 2015
Le Remoissenet est sur les fruits rouges, les épices: la cannelle, le cumin, floral et boisé à la fois. En bouche on retrouve un vin avec un bel équilibre, des tanins plutôt fermes, un boisé assez présent avec une légère astringence et un peu de chaleur. On y retrouve de la cerise, du chocolat et une finale sur le poivre avec une bonne longueur. La plupart ont retrouvé la Bourgogne dans ce vin. (8/16)
Domaine des Croix Beaune Premier Cru Les Cents Vignes 2014
Le Domaine des croix nous présente un nez floral, des fruits rouges légèrement compotés et plus expressifs que celui du Remoissenet. Nous y retrouverons de beaux fruits rouges en attaque, un bel équilibre, des tanins souples, mais bien présents avec une bonne dose d’acidité. La finale est longue sur des notes de chocolat. Un vin tout en finesse et apprécié par la majorité des participants. (14/16) Il est le vainqueur ce round. [11 vs 3]
3ième round:
Château Talbot, Saint-Julien 2009
Le Talbot s’exprime avec des fruits rouges et noirs, de la framboise, de la cerise, du cassis et une légère note d’alcool. La bouche est ronde avec des tanins souples, du chocolat noir avec une touche d’amertume en finale. Un vin apprécié sans faire l’unanimité. (9/16)
Château Gruaud Larose, Saint-Julien 2011
Son opposant présente un nez animal, sanguin, sur le cuir, les fruits de compote, l’extraction et une légère touche de poussière. Certains y trouvent aussi du goudron, de la tapenade et de l’eucalyptus. L’attaque est sur le fruit avec une acidité moyenne, des tanins bien présents avec un peu de chaleur et une finale longue, amère et une touche végétale (poivron). (10/16) Le préféré des 2 vins [11 vs 3]
Très peu ont retrouvé Bordeaux dans ces 2 vins, beaucoup se croyaient en Italie…
4ième round:
Saint-Come, Croze Hermitage 2015
Le premier de ces vins a des notes d’animal, de fruits noirs et une très légère présence de fumé et de tabac. La bouche présente beaucoup de fruits avec une bonne dose d’acidité. On y retrouve le chocolat, des tanins bien présents et un peu d’alcool en finale. Un vin de signature plutôt moderne. (11/16)
Domaine Thalabert, Croze Hermitage 2015
Le deuxième vin de ce round est sur des notes animales (plus présente que sur le premier vin), de la framboise, de la fumée et du goudron. La bouche est sur les fruits noirs, des tanins bien présents, bonne acidité, des notes boisées, un peu de chaleur. Le vin fait très jeune et de style plutôt moderne encore une fois. (13/16). Il sera le gagnant de ce round [12 vs 2]
Dernier round:
Castello Fonterutoli, Chianti Classico 2010
Premier vin de ce round final nous donne des arômes des framboises, compotes, un peu d’épices et un peu de chaleur. Pas le plus expressif des nez. La bouche est puissante avec des tanins serrés et costauds, mais présente un bel équilibre avec des fruits et une acidité élevée. On y trouvera aussi des notes de poivres, du café, du goudron et un peu de poivron. (9/16) Il remportera ce round sans effort. [11 vs 3]
Fontodi Vigna del Sorba Gran Selezione, Chianti Classico 2011
Le dernier vin de la soirée nous présente un nez discret sur des notes de poussières, de goudron, de poivron. La bouche nous donne un vin très robuste, avec des tanins à gros grain, un boisé bien présent, du cassis, acidité bien présente avec une longue finale (que l’on aurait peut-être voulu plus courte ici…) avec une présence d’alcool et d’astringence. Un vin qui nous semble trop jeune, mais pourra-t-il bien vieillir? (0/16)
Conclusion : Le résultat final du combat sera de 3 vins victorieux en provenance de la cave de Micheline (l’élève) contre 2 vins provenant de la cave de Denis (le maître). Nous pouvons donc dire que l’élève a bien appris et a même dépassé le maître lors de ce duel de caves… 😉
Jocelyn Audette
10 avril 2024
« Producteurs à Châteauneuf-du-Pape: Millésime 2010 »
Club du mercredi
Organisateur : Philippe Richer
Cette année, Philippe nous présente une dégustation de vins rouges du Sud du Rhône, d’un millésime extraordinaire, 2010, un des plus grands millésimes des vingt-cinq dernières années.
Avant la dégustation, nous avons eu droit à une courte présentation, couvrant les principales caractéristiques de l’appellation, avec quelques statistiques importantes et les six producteurs servis. La dégustation s’est déroulée en deux parties. La première partie étant composée de trois paires de cuvées spéciales de trois producteurs de styles différents. En deuxième partie, nous sommes passés aux vins vinifiés à100 % grappe entière, en deux volées.
Philippe a fourni trois grilles d’analyse : une pour la première partie et une pour chacune des deux dernières volées. Elles faisaient référence aux styles, aux méthodes de vinification et d’élevage, à l’assemblage, etc.
La liste des producteurs a été fournie, mais pas le nom des cuvées ni l’ordre de service; la dégustation s’est donc déroulée (presque) à l’aveugle. Tous les vins ont subi une double décantation avant l’événement.
Volée I-a : deux cuvées spéciales d’un même producteur
Châteauneuf-du-Pape Vieilles Vignes 2010, Domaine de la Janasse
Le premier vin est un assemblage de 65 % grenache, 20 % mourvèdre, 10 % syrah et 5 % d’autres cépages permis, éraflés à 80 %. Il est grenat foncé, pas limpide, avec une couronne brique. Au nez, il est bien ouvert, fruité (fruits rouges) et torréfié, avec une note animale, de l’olive noire, des épices et un peu de sous-bois. En bouche, il est très délicat, peu corsé, avec des tanins faciles, une très bonne acidité, du fruit et beaucoup de torréfaction; l’équilibre est très bon. La finale est bien sèche, un peu chaude (15,5 %/vol) et les olives persistent. À part l’alcool, un style de châteauneuf tout en finesse.
Châteauneuf-du-Pape Chaupin 2010, Domaine de la Janasse
Celui-ci est 100 % grenache, également éraflé à 80 %. La robe est identique au Vieilles Vignes. Le nez est plus discret, plus fruité, épicé, et minéral, avec une note végétale. La bouche est plus ronde, les tanins plus marqués et on retrouve la même chaleur (15,5 %/vol); l’équilibre est tout de même excellent. La fin de bouche très sèche, est surtout sur l’alcool et la torréfaction. Mieux équilibré et plus juteux, il a été préféré au Vieilles Vignes; on reconnait le style du producteur.
Volée I-b : encore deux cuvées spéciales d’un même producteur
Châteauneuf-du-Pape Les Grenaches de Pierre 2010, Domaine Giraud
Issu de vignes centenaires, ce 100 % grenache est entièrement éraflé. Il est aussi foncé que les Janasse, mais la couronne est plus claire. Le nez est plutôt discret, fruité (cerise, mûre), torréfié (chocolat noir), épicé, poussiéreux et bien chaud (16,5 %/vol). Il est assez corsé en bouche, avec une belle astringence, une très bonne acidité, du goudron et du kirsch; il est mieux équilibré que Les Galimardes. La finale est tanique, torréfiée et très chaude. Un vin de style très moderne, le préféré des deux.
Châteauneuf-du-Pape Les Galimardes 2010, Domaine Giraud
Issu de grenache centenaire à 90 % et de syrah pour le reste, il est un peu plus clair, avec une couronne rubis. Il est bien ouvert au nez, très torréfié (chocolat au lait), fruité (cerise, mûre), animal et on retrouve le kirsch. En bouche, il est corsé, fruité, encore une fois très (trop) chaud (16 %/vol), avec des tanins moyens et à peine assez d’acidité, ce qui laisse une impression de lourdeur. La fin de bouche est très fruitée et assez longue. Un vin de style confiture, très moderne, avec beaucoup d’extraction et d’alcool, mais trop c’est trop.
Volée I-c : toujours deux cuvées spéciales d’un même producteur
Châteauneuf-du-Pape La Combe des Fous 2010, Clos St-Jean
Cette fois, l’assemblage est de 60 % grenache (issu d’une vigne à très faible rendement plantée en 1905), 20 % syrah, 10 % cinsault et 10 % vaccarèse, entièrement égrappés. La robe est grenat moins foncée, plus évoluée. Le nez, d’intensité moyenne, est sur la viande, les fruits et le camphre, avec une note végétale. Il est corsé et rond en bouche, les tanins sont assez fondus, l’acidité est bonne, la note végétale revient (verdeur), la chaleur (16 %/vol) ne dérange pas trop et ça finit sur le sucre d’orge et le kirsch. Comme Giraud, un style très moderne, concentré et chaud.
Châteauneuf-du-Pape Deus ex Machina 2010, Clos St-Jean
On termine cette volée avec la cuvée la plus prestigieuse de Clos St-Jean, également composée de 60 % des mêmes vieilles vignes de grenache, mais complétée seulement de mourvèdre. On retourne au vin bien foncé, moyennement évolué. Au nez, très ouvert, il y a du fruit, une note végétale et de la torréfaction (café). La bouche est assez corsée, chaude (16,3 %/vol), avec des tanins fins mais bien sentis et une bonne acidité; l’équilibre est très bon. En fin de bouche, il reste une belle astringence, du fruit (cerise au marasquin) et beaucoup de torréfaction. Le style de Clos St-Jean est semblable à Giraud, en plus corsé et moins lourd. Un vin très apprécié.
Volée II : deux cuvées régulières de deux grands domaines
Châteauneuf-du-Pape 2010, Domaine Charvin
Ce premier vin à grappe entière, issu de culture biologique, est composé de grenache (85 %), de syrah (5 %), de mourvèdre (5 %) et de vaccarèse (5 %). Il est grenat foncé, à peine évolué. Il est très aromatique; on sent d’abord l’alcool, mais le fruit (framboise) assez primaire mais intense arrive (certains l’ont comparé à un nez de beaujolais), avec beaucoup de torréfaction, de la garigue et de la réglisse. En bouche, il est corsé, ample, avec des tanins encore bien présents, une note végétale et une très bonne acidité; un vin très équilibré et bien droit. La finale est tanique, fruitée, torréfiée et très persistante. Un vin d’une grande fraicheur, qui a été très apprécié.
Châteauneuf-du-Pape Cuvée Réservée 2010, Domaine du Pégau
On passe à un domaine que bien des membres de l’Académie fréquentent depuis très longtemps, Pégau. C’est un assemblage de grenache (80%), de syrah (6 %), de mourvèdre (4 %) et de 10 % d’autres cépages autorisés; on est toujours dans les grappes entières. Il est plus foncé et plus jeune à l’œil. Il est également plus intense au nez, exubérant, moins chaud, plus animal, plus classique, avec une belle note végétale et du menthol. Le corps est moyen, avec de la rondeur en bouche, une très bonne acidité, des tanins plus faciles, mais solides et beaucoup de fruit; l’équilibre est impeccable. La finale, moins astringente est aussi torréfiée et encore plus longue. Puissance et fraîcheur, avec une belle dose de brett; un autre vin très apprécié.
Volée III : trois vins de niveaux différents, d’un même producteur
Côtes du Rhône La Plaiade 2010, Château Rayas
Assemblage : grenache (80%), cinsault (15%) et syrah (5%). Le vin le plus clair, le plus pâle de la soirée, aux reflets assez évolués. C’est le nez le plus exubérant de la volée, avec beaucoup de fruit (groseille), de la tomate séchée, des épices (syrah), de la torréfaction (chocolat au lait), du tabac, du foin et du camphre; un nez très complexe, pour un « petit » vin, avec des arômes nobles. En bouche, le corps est moyen, plus fin que les deux autres, on sent l’alcool, les tanins sont assez fondus, l’acidité est très bonne, le vin est très sec, bien fruité et épicé (poivre blanc); l’équilibre est impeccable. La fin de bouche est fraîche, fruité, très épicée et sans chaleur (ça repose!). Un vin juteux, plus simple, plus primaire, mais tout de même une beauté qui monte sur la 3e marche du podium.
Côtes du Rhône Châteaux de Fonsalette 2010, Château Rayas
Considéré comme le deuxième vin de Rayas même s’il n’a pas l’appellation, ce Fonsalette est composé de grenache (50 %), de cinsault (35 %) et de syrah (15 %). Il est bien foncé et aromatique, avec une note animale importante, du fruit (fraise) et un peu de camphre. Le corps est moyen, les tanins assez fondus, l’acidité très bonne, les fruits rouges bien présents et l’alcool ne parait pas; encore un vin à l’équilibre impeccable. La finale est bien sèche, très fruitée et interminable. Un vin qui n’a pas encore atteint son apogée et qui partage le haut du podium avec le Rayas Réserve et une note parfaite! Le meilleur Fonsalette à vie pour plusieurs.
Châteauneuf-du-Pape Réserve 2010, Château Rayas
Et, pour terminer, le prestigieux Réserve de Rayas, composé à 98 % de grenache et complété de 2 % des différents cépages de l’appellation. Sa robe est identique au Fonsalette. Le nez est bien ouvert, fruité (cerise, noire, mûre, groseille), avec de la cendre, des épices, une note animale, de la garrigue, une note florale (violette) et aucune trace d’alcool, malgré ses 14 %/vol. En bouche, le corps est moyen, les tanins assez fondus (moins que le Fonsalette) et l’acidité est très bonne; c’est en bouche qu’il se révèle, avec du fruit (fraise) et un léger brett. La fin de bouche est bien sèche, chocolatée, grillée et également interminable. Encore assez jeune et en grande forme, c’est l’autre grande vedette de la soirée, à l’unanimité.
Conclusion :
Durant la première partie, celle des trois paires de cuvées spéciales, c’est le Deus ex Machina de Clos St-jean qui a été le préféré, suivi des Grenaches de Pierre du Domaine Giraud.
Avec les cinq vins des deux dernière volées, la dégustation est allée en crescendo. Parmi ceux-là, le producteur vedette de la soirée a été, sans grande surprise, Château Rayas qui occupe tout le podium, suivi de très près par Charvin, Pégau et la cuvée Deus ex Machina de Clos St-Jean.
Au jeu des vins qui ont été « beaucoup aimés », Philippe a encore eu droit à une très haute cote de la part des participants, au point que cette dégustation se glisse au 2e rang du Palmarès des dégustations les plus appréciées depuis 2016, tout juste derrière sa propre dégustation d’avril 2023.
Comme à son habitude, Philippe a aussi demandé un vote, encore plus restrictif, visant à évaluer le nombre de vins « orgasmiques ». Là encore, le résultat est impressionnant, avec un taux qui frise les 40 % et, pour la première fois, un vin a fait l’unanimité dans cette catégorie très exclusive, le Rayas Réserve, évidemment.
Un gros merci à Philippe pour sa grande générosité et pout tout l’effort qu’il met à accumuler ses sélections; celle-ci a dû nécessiter bien des années. Côté qualité, il maintient la barre très haute pour tous les organisateurs à l’Académie.
Alain Brault
17 avril 2024
« Deux verticales en parallèle de Crus Bourgeois 2005-2016 »
Club du mercredi
Organisateur : Stéphane Gagné
Comme la plupart du temps, Stéphan a débuté la soirée par une brève présentation des deux châteaux, de leur histoire, de leurs méthodes de vinification et d’élevage, etc. Il a également commenté les millésimes présentés.
Les vins dégustés étaient le Château Clarke (AOC Listrac-Médoc), un vin composé de merlot (à 70%) et de cabernet sauvignon; et le Château Picard (AOC Saint-Estèphe), fait surtout de cabernet sauvignon (jusqu’à 90 %) avec du merlot; les deux dans les millésimes 2005, 2009, 2010, 2012 et 2016. Cette information était connue des dégustateurs, ainsi que le fait que les vins étaient présentés en paires, par millésime. Restait à déterminer lequel était lequel dans chaque paire (de différencier le cabernet du merlot) et l’ordre des paires, c’est-à-dire des millésimes; donc une dégustation en semi-aveugle (ou presque).
Tous les vins ont subi une double décantation avant l’événement et ils ont été dégustés d’une seule traite.
Les 2009
No 1 – Château Clarke 2009
La robe est foncée et pas très évoluée. Le nez est bien ouvert, avec une bonne dose de fruits noirs, une note végétale et un peu de tertiaire (champignon, tabac). La bouche est moyennement corsée, très fruitée, avec des tanins moyens et une très bonne acidité. La finale est juteuse, astringente, fruitée et assez persistante. A été préféré de beaucoup au Picard.
No 2 – Château Picard 2009
À l’œil, celui-ci semble encore plus jeune que le Clarke. L’intensité aromatique est moyenne et moins évoluée, avec des épices, du fruit et du menthol. La bouche ressemble au Clarke, structure moyenne, fruit marqué et belle fraîcheur, mais tanins un peu plus rugueux.
Les 2010
No 3 – Château Picard 2010
Ce St-Estèphe 2010 est plus pâle et plus évolué que le Listrac et que les 2009. Le nez est ouvert sans plus et dominé par une note végétale. En bouche, la texture est belle sans être corsée, les tanins sont fins mais présents, l’acidité très bonne et le fruit plus présent qu’au nez, La finale est fraîche, très sèche et fruitée.
No 4 – Château Clarke 2010
Le nez est plus discret, torréfié et épicé, avec de la poussière et des fines herbes séchées. La bouche est un peu plus corsée que le Picard, avec du fruit, de la fraîcheur et un bel équilibre. La finale fruitée est assez longue, mais asséchante. À cause de son nez plus complexe, il a été le préféré des 2010.
Les 2005
No 5 – Château Picard 2005
Dans les deux cas, la robe est plutôt foncée pour des 2005 et il montre à peine son âge. Au nez, de bonne intensité, il est bien végétal, très fruits cuits (avec de la banane!), floral, épicé et évolué. En bouche, le corps est moyen, avec des tanins soyeux assez faciles et une acidité marquée; côté équilibre, il est un peu pointu. La finale est juteuse et asséchante, avec une pointe de verdeur. Pas parmi les vins les plus appréciés de la soirée, il a tout de même été préféré, de peu, au Clarke.
No 6 – Château Clarke 2005
Même robe. D’abord plus discret au nez, il s’ouvre lentement sur le fruit, les épices, la torréfaction, le graphite et une note médicinale. La bouche est moyennement corsée, les tanins bien sentis (râpeux pour certains), l’acidité est bonne et le fruit est présent. Sa finale bien astringente ne l’a pas aidé.
Les 2012
No 7 – Château Clarke 2012
Les 2012 sont plutôt pâles et peu marqués par l’évolution. Ce Listrac au nez moyennement intense est tout en fruits noirs mûrs (cassis, mûres, bluet, groseille), avec une note végétale. Il est assez corsé, tout en gardant une texture fine, avec des tanins fondus, une bonne acidité et du fruit; l’équilibre est très bon. La fin de bouche est sèche et fruitée. Il a non seulement été préféré, de beaucoup, au Picard, mais il a été le 3e vin le plus apprécié de la soirée.
No 8 – Château Picard 2012
Avec la même robe que le Clarke, il est plus ouvert au nez, avec les mêmes fruits noirs mûrs et un peu de torréfaction. La bouche est moyennement corsée, bien fraîche et les tanins accessibles. Ça finit sur une belle astringence et du fruit.
Les 2016
No 9 – Château Clarke 2016
La robe des 2016 est un peu plus pâle, avec des reflets rubis de jeunesse. Le nez est intense, fruité et floral. La structure en bouche est bonne, avec de la matière, des tanins assez faciles, une très bonne acidité et du fruit; l’équilibre est impeccable. La finale est bien fraîche et fruitée. Il n’a pas été préféré à son vis-à-vis, mais est tout de même monté sur la 2e marche du podium.
No 10 – Château Picard 2016
Et, pour terminer, le vin de la soirée, au nez un peu plus discret, mais qui s’ouvre dans le verre, avec la note végétale bordelaise, de la torréfaction (chocolat), du fruit, une note florale (violette) et une pointe d’alcool (13 %/vol). En bouche, le corps est moyen. Il est très sec, avec une bonne acidité, du fruit et des épices; un autre équilibre impeccable. Ça finit sur une belle astringence, de la torréfaction et c’est très persistant. Le plus beau nez et la grande vedette de la soirée.
Conclusion :
L’identification des vins n’a pas été une tâche facile et peu de dégustateurs ont réussi à différencier le Clarke du Picard à tout coup. La performance a été bien meilleure pour l’identification des millésimes, avec des 2005 beaucoup plus âgés, des 2012 (un moins bon millésime) moins bien structurés et des 2016 encore bien jeunes à l’œil.
Pour la première paire, les 2009, nous avons eu droit à deux vins très différents, surtout au nez. Ensuite, les 2010 ont paru moins corsé que les 2009. Les 2005 se ressemblaient beaucoup, tandis que les 2012 manquaient un peu de chair et les 2016 étaient les plus en forme.
Les vins les plus appréciés de la soirée ont été Château Clarke 2016, suivi du Château Picard 2016 et du Clarke 2012 (tout de même); ce qui vient confirmer la conclusion de la dégustation de Bourgeois 1995 du 28 février dernier : à ce niveau, il ne faut pas trop dépasser les 10 ans.
Aucun vin n’a fait l’unanimité, quoique le Clarke 2016 soit passé bien près, mais l’exercice a tout de même été très apprécié des participants qui en remercient Stéphan. Ce dernier tient également à remercier Louis Landry qui lui a fourni le Château Clarke 2005.
Alain Brault
1 mai 2024 Classe de maître
« La dégustation analytique »
Atelier
Animateur : Louis Landry
L’Académie cherche toujours à améliorer l’expérience des dégustations, afin que tous les participants en retirent le plus de satisfaction possible. C’est dans cet esprit que Louis a accepté de monter cet atelier.
Avant la dégustation, il a couvert différents sujets comme les types de dégustation et leur applications respectives, les livres que tout amateur de vin devrait avoir lus, quelques sites internet où l’on peut assister à des dégustations de professionnels illustrant le protocole de dégustation analytique et différentes versions de ce protocole depuis celle d’Émile Peynaud, dont celle enseignée par WSET pour former les sommeliers professionnels, celle utilisée lors des examens de Master Sommelier, pour terminer avec celle proposée par notre regretté président Benoit Guy Allaire dans son livre « Goûter le vin », publié en 2009.
Pour nous assister dans les exercices à suivre, il a également distribué deux fiches de dégustation, celle de WSET et celle de Benoit Guy.
La plupart des vins ont subi une double décantation avant l’événement et ils ont tous été dégustés à l’aveugle, à l’exception du dernier.
Le déroulement détaillé de cet atelier est décrit dans le document joint.
8 mai 2024
« Châteauneuf-du-Pape »
Dégustation collective
Coordonnateur : Pierre Bélanger
Après avoir distribué des copies du dossier de presse de l’appellation Châteauneuf-du-Pape, ainsi qu’une carte de la région détaillant les différents sols et situant les principaux producteurs, Pierre nous a offert une courte présentation sur cette région vinicole, berceau de la notion d’AOC, qu’elle a obtenue dès 1936.
Pour donner suite aux discussions récentes sur la pertinence de la dégustation à l’aveugle, Pierre a choisi de déguster à l’aveugle deux minutes par vin pour chaque volée, puis de terminer en semi-aveugle, après avoir distribué une fiche technique pour chaque vin, mais sans révéler l’ordre de service.
Tous les vins ont subi une double décantation avant l’événement et ils ont été dégustés en quatre volées thématiques; mais il a d’abord servi un vin très populaire comme mise-en bouche, afin d’en vérifier la qualité.
Mise en bouche:
Châteauneuf-du-Pape « La Fiole du Pape », Père Anselme (SA Brotte)
La robe est grenat moyennement intense, bien brillante et montre une légère évolution. Le nez, également d’intensité moyenne, est net, fruité, épicé, mais peu défini et assez simple. La bouche est bien sèche, plutôt acide, peu corsée (pour ne pas dire creuse), les tanins sont faciles et l’alcool se fait sentir (14,5 %/vol). Un assemblage de grenache et syrah correct sans plus, manquant totalement de typicité et vendu beaucoup trop cher.
Première volée : Deux producteurs et deux millésimes différents
Châteauneuf-du-Pape « Vieilles Vignes » 2010, Domaine Grand Veneur (Alain Jaume & Fils)
Celui-ci est moitié grenache, 40 % mourvèdre et syrah pour le reste. Il est rouge foncé, avec des reflets rubis de jeunesse. Au nez, il est intense, médicamenteux et bien boisé, avec des fruits cuits et des épices. En bouche, il est très sec, l’acidité est très bonne, les tanins sont assez fins mais encore astringents, le vin est plutôt chaud (15 %/vol) et la texture est tout en rondeur; l’équilibre est bon. La finale est chaude, fruitée et torréfiée.
Châteauneuf-du-Pape « Cuvée des deux Sœurs » 2007, Domaine Tour Saint-Michel
La robe est plus pâle et évoluée. Le nez est très ouvert, presque intense, moins défini, avec une note animale discrète, de la torréfaction, des fruits cuits (datte), du cuir et du goudron. Encore un vin bien sec, très fruité, astringent, avec également 15 %/vol d’alcool mais ça paraît à peine, un corps moyen et du café. La fin de bouche est très fruitée, chocolatée et assez persistante. Un vin à pleine maturité où le petit 10 % de syrah, qui vient compléter le grenache, est bien en évidence.
Deuxième volée : Un producteur, sa grande cuvée et son petit vin, du même millésime
Châteauneuf-du-Pape 2005, Château de Beaucastel (Sté Fermière des Vignobles Pierre Perrin)
Un vin assez foncé mais brouillé. Le nez est intense, alcooleux, très (trop) avancé (oxydé), torréfié (Ovaltine) et très tertiaire (sel de céleri). La bouche est sèche, l’acidité est bonne, les tanins complètement fondus, L’alcool est moyen (14 %/vol), le vin est bien corsé, mais peu fruité; l’équilibre est quand même assez bon. La finale est chaude et chocolatée. Un vin fatigué, le moins apprécié de la soirée (même moins que la Fiole!), de toute évidence, une bouteille défectueuse.
Coudoulet de Beaucastel (AOC Côtes-du-Rhône) 2005, Sté Fermière des Vignobles Pierre Perrin
Malgré son âge, il est encore rubis limpide assez foncé, montrant très peu d’évolution. Il n’est pas très expressif au nez, mais bien net, fruité (cassis), légèrement torréfié (chocolat), avec de la réglisse, de la minéralité (graphite) et un peu de bois. Il est très sec, avec une très bonne acidité, des tanins fondus, une chaleur raisonnable (14 %/vol), beaucoup de corps et de la réglisse; l’équilibre est parfait. La finale est fruitée, chocolatée et très longue. C’est la surprise de la soirée, un vin magnifique et toujours en grande forme. Il occupe la troisième place du podium, tout juste derrière les deux grandes vedettes de la soirée.
Troisième volée : Un producteur et trois cuvées du même millésime
Châteauneuf-du-Pape « Deus-ex Machina » 2010, Clos Saint Jean
Ce premier vin est rubis encore foncé, le plus foncé de la volée. Au nez, il est discret, presque fermé, torréfié (chocolat noir), fruité (fruits noirs, cerise) et épicé, avec de la réglisse et du kirsch. Il est très, très sec, l’acidité est bonne, les tanins sont marqués mais enrobés, il est bien chaud (16,3 %/vol), assez corsé et très torréfié; l’équilibre est bon. La fin de bouche est astringente, fruitée et très longue. Un vin de style très moderne, fait de grenache à 60 % et de mourvèdre.
Châteauneuf-du-Pape « La Combe des Fous » 2010, Clos Saint Jean
Pour cette cuvée, l’assemblage est composé de grenache (60 %), de syrah (20 %), de cinsault et de vaccarèse (10 % chacun). Il est rubis brillant, plus pâle. L’intensité aromatique est moyenne, il est fruité et bien épicé (poivre blanc). Bien sec, il est un peu lourdaud (manque d’acidité), avec des tanins assez faciles, de la chaleur (16 %/vol) et beaucoup de corps.
Châteauneuf-du-Pape 2010, Clos Saint Jean
Cette cuvée générique du Clos Saint Jean est composée de six des cépages noirs permis, dont 75 % de grenache et 15 % de syrah. Il est relativement pâle et moins violacé. Le nez est plus ouvert, fruité (fruits noirs) et épicé. Il est bien sec, l’acidité est bonne, les tanins sont solides, l’alcool est bien évident (15,8 %/vol) et il est moins corsé et très fruité; l’équilibre est acceptable. Un vin plus simple, le plus accessible des trois.
Quatrième volée : Est-ce que les châteauneufs vieillissent bien?
Châteauneuf-du-Pape « La Crau » 2001, Domaine du Vieux Télégraphe
À l’œil, un vin bien pâle et assez avancé; avec un nez net, bien fruité (cerise), un peu de kirsch, une note animale et des arômes tertiaires (cuir, feuille de thé) montrant une belle maturité. La bouche est sèche, fraîche, les tanins faciles, l’alcool tolérable (15 %/vol) et le corps moyen, avec une belle note épicée; l’équilibre est parfait. La finale, très sèche est juteuse, viandée et assez persistante. Un vin de style traditionnel, à pleine maturité mais encore en grande forme, magnifique, délicat et élégant, qui a été très apprécié.
Châteauneuf-du-Pape « Cuvée Exceptionnelle » 1998, Domaine du Vieux Lazaret
Encore plus pâle que le Vieux Télégraphe, il est grenat aux reflets brique de maturité. Le nez est très intense, avec des épices, beaucoup de fruit, une note herbacée et certains ont même parlé de bran de scie. En bouche, il est sec, l’acidité est marquée, les tanins sont complètement fondus, on sent l’alcool (15 %/vol) et il est peu corsé; l’équilibre est tout en fraîcheur. La finale, très intense, est un peu chaude, épicée, encore très fruitée et interminable. Un grand classique, mature mais vraiement bien conservé; une des deux grandes vedettes de la soirée, ex aequo avec le Pégau 2008.
Châteauneuf-du-Pape « Cuvée Réservée » 2008, Domaine du Pégau
Le plus jeune et le plus foncé des trois, au nez bien ouvert, sauvage, animal, avec une note de réduction bizarre et légèrement médicamenteuse. Le vin est bien sec, l’acidité est bonne, les tanins sont enrobés et assez fins, l’alcool est bien dosé (13 %/vol), c’est le plus corsé de la volée et les épices sont bien présentes; l’équilibre est ultra. En fin de bouche, c’est une belle astringence, avec des notes chocolatée et animale et c’est très, très persistant. Un vin à son apogée qui allie élégance et puissance; l’autre grande vedette de la soirée, avec le Vieux Lazaret 1998.
Conclusion :
Pour la première volée, le Tour Saint-Michel a été préféré au grand Veneur, mais de très peu.
Comme deuxième volée, Pierre a voulu répéter la comparaison Coudoulet-Beaucastel pour une quatrième fois. Par le passé, avec les 2010, le Beaucastel avait été préféré de peu; pour les 2009 et 2008, Coudoulet l’avait remporté. Cette fois, avec le millésime 2005, cst encore Coudoulet qui l’a remporté, il a même été le 3e vin le plus apprécié de la soirée. À la décharge du Beaucastel, il faut dire que cette bouteille était défectueuse, malgré le fait que les deux vins aient été conservés toutes ces années, dans la même cave bien fraîche. Ce quatrième essai est donc bien peu concluant.
On continue avec trois Clos Saint Jean provenant également d’une même cave. Cette fois, c’est La Combe des Fous qui a été préféré de peu au Deus-ex Machina; en mai dernier, pour le même millésime, c’était le contraire.
Pour la dernière volée, la plus appréciée, trois vins très matures, dont les deux grandes vedettes de la soirée à égalité, le Vieux Lazaret 1998 et le Pégau 2008. Quant au thème de la volée, si la plupart des châteauneufs peuvent rarement tenir 10 ans, il faut admettre que, venant des meilleurs producteurs et de bons millésimes, certains peuvent durer 15 ans et parfois même plus de 20 ans! Une fois les fiches distribuées, les vins étaient facilement identifiables, juste à la couleur.
On remercie Pierre pour son excellent travail de sélection, les contributeurs (par ordre alpha bétique) Jocelyn Audette, Mario Couture, Stéphan Gagné, Marc André Gagnon, Louis Landry et Richard Milot; ainsi que tous ceux qui ont proposé des candidats (170!) à Pierre. Enfin, on espère que le protocole qu’il a testé et qui a plutôt bien fonctionné fera des petits; il a permis, durant la deuxième partie de chaque volée, de déguster de façon beaucoup plus efficace et instructive, grâce aux fiches techniques.
Alain Brault
22 mai 2024
« Le vin phare du sud de l’Italie: Taurasi »
Club du mercredi
Organisateur : Mario Couture
Cette année, Mario a décidé de faire découvrir aux membres de l’Académie qui ne le connaissaient pas ou peu l’un des secrets les mieux gardés de la viticulture italienne, la DOCG Taurasi, de Campanie. D’abord, le nom, Taurasi, fait référence à l’appellation, bien entendu, mais aussi à la commune près de laquelle ce vin est produit et, enfin, à l’un des trois grands biotypes du cépage aglianico (avec Taburno et del Vulture) qui lui sert de base.
Les vins à base d’aglianico sont souvent comparés à ceux de nebbiolo, à cause de leur forte acidité et de l’astringence de leurs tanins en jeunesse (certainement pas de leur couleur!); certains l’appellent même le « Barolo du Sud ».
Les vins de Taurasi doivent être composés d’aglianico à 85 %, minimum; six autres cépages noirs y sont autorisés : piedirosso, barbera, sangiovese, olivella et, pratiquement jamais utilisés, cabernet sauvignon et merlot. Tous les vins servis ce soir sont faits exclusivement d’aglianico sauf le premier.
Mario a commencé la soirée avec une présentation sur la Campanie et ses appellations, ensuite sur la DOCG Taurasi et son cépage principal, pour continuer après chacune des cinq volées avec des détails sur chaque producteur et chaque vin servi.
Tous les vins ont été décantés avant l’événement et la dégustation a été conduite à découvert.
Première volée : Deux vins d’entrée de gamme, dont un qui n’est pas 100 % aglianico
Taurasi 2003, Tenuta Ponte
Ce vin contient 10 % de piedirosso. Il est grenat assez foncé et montre une légère évolution. Le nez est bien ouvert, net, animal, épicé, fruité (mûre), chocolaté et assez boisé. La bouche est très sèche, avec une bonne acidité, des tanins fondus, l’alcool bien dosé et un corps moyen; l’équilibre est impeccable et les arômes de bouche suivent le nez. La finale est juteuse, torréfiée (chocolat noir), animale et assez persistante. Un vin souple; certains l’ont trouvé un peu fatigué.
Taurasi « Vigna Macchia dei Goti » 2004, Cantine Antonio Caggiano
Celui-ci est grenat très foncé, aux reflets rubis. Il est plus expressif au nez, très boisé, torréfié, terreux, viandeux, avec des fruits noirs, de la fumée, du caramel brûlé, de l’alcool et une note tertiaire (sel de céleri); un très beau nez. En bouche, il est sec, l’acidité est très bonne, les tanins bien sentis, avec une certaine chaleur (14 %/vol), beaucoup de corps, des épices, de la cerise noire et du chocolat amer; l’équilibre est très bon. La fin de bouche est astringente (asséchante), torréfiée (grillée) et très longue. Un vin tout en puissance, provenant d’un des plus grands producteurs de la région et qui a failli monter sur le podium.
Deuxième volée : On monte d’un cran
Taurasi « Contrade di Taurasi » 2008, Cantine Lonardo
Un vin bio, grenat, très brillant, avec des reflets rubis de jeunesse. Le nez, d’intensité moyenne, est torréfié, bien fruité (fruits rouges, framboise, cerise à grappe), avec un beau bois bien dosé. L’attaque est mordante, le vin est très sec, avec l’acidité qu’il faut, des tanins enrobés, un 14,5 %/vol d’alcool qui en a dérangé quelques-uns, un corps moyen, de la souplesse et beaucoup de fruit. Un vin encore assez jeune, sur le fruit et assez fin, d’un très bon producteur.
Taurasi « Vigna Andrea » 2010, Colli di Lapio di Romano Clelia
La robe est plus foncée et peu évoluée. Le nez est plus puissant, plus détaillé, épicé, bien boisé, avec des fruits noirs, une note sanguine et une note de réduction qui finit par disparaitre. En bouche, il est bien sec, l’acidité est très bonne, les tanins soyeux, bien enrobés et l’alcool ne dépasse pas; le corps est moyen, le vin est rond, bien fruité (cerise), avec une note animale et l’équilibre est excellent. La finale est astringente, avec des fruits noirs cuits. Un vin qui allie délicatesse et puissance, la grande vedette de la soirée.
Troisième volée : Un producteur
Taurasi « Fatica Contadina » 2004, Terredora di Paolo
Il est grenat foncé, assez évolué. Le nez est intense, très fruité, alcooleux, chocolaté et épicé. L’attaque est chaude, le vin est bien sec, l’acidité est très bonne, les tanins assez faciles, l’alcool très présent (13,5 %/vol), le corps est moyen et le fruit bien présent; on a parlé de cola. D’un très bon producteur, un vin frais et délicieux, mais l’alcool dépasse.
Taurasi « Pago dei Fusi » 2006, Terredora di Paolo
Comme le précédent, il est grenat foncé, assez évolué. Au nez, il est un peu plus discret, terreux, légèrement « brett » et fruité (cerise noire). Il est bien sec, avec une bonne acidité, des tanins plus présents, plus sentis, un niveau d’alcool plus agréable, plus de corps et une bonne dose de fruit; l’équilibre est très bon. La finale est astringente et tertiaire. Un vin déjà agréable, mais qui tiendra encore longtemps.
Quatrième volée : Deux grands rivaux – classique vs moderne
Taurasi « Radici » 2005, Mastroberardino
D’un très grand producteur historique de Taurasi, celui-ci est grenat très pâle. Le nez est moyen, avec des fruits rouges et des épices. Le vin est sec, avec une très belle fraîcheur, des tanins abordables, un bon dosage d’alcool et un corps tout en rondeur; l’équilibre est parfait. La finale et bien sèche, très fruitée, chocolatée et bien persistante. Un vin soyeux, gouleyant, raffiné et classique; 3e préféré de la soirée.
Taurasi 2010, Feudi di San Gregorio
Beaucoup plus jeune, il est opaque, avec des reflets pourpres. Au nez, assez ouvert, il est boisé, torréfié et fruité (cerise, cassis). Il est très sec, avec une bonne acidité, des tanins plus marqués, un alcool raisonnable et il est très corsé et minéral (graphite); l’équilibre est impeccable. La finale est astringente, un peu chaude et très fruitée. Un vin encore trop jeune et trop sévère pour être apprécié, très puissant, pour la longue garde.
Cinquième volée : La bataille des grands – deux Riserva 2006
Taurasi « Vigna Cinque Querce » Riserva 2006, Salvatore Molettieri
La robe est très foncée, avec une couronne avancée. Le nez, intense, est plutôt évolué, (garden cocklail), oxydé, avec une note animale, de la torréfaction (chocolat au lait), du graphite et un peu de fruit. Le vin est très sec, avec une très bonne acidité, des tanins fondus, soyeux, une certaine chaleur (15,5 %/vol), un corps moyen et encore un peu de fruit; l’équilibre est bon. La finale est très mature, avec du café mais c’est l’oxydation qui perdure. Un vin d’un très grand producteur, tout en délicatesse et qui aurait dû être bu il y a quelques années déjà.
Taurasi « Primum » Riserva 2005, Guastaferro
À l’œil, il est presque opaque et beaucoup plus jeune. Le nez est moyen, bien fruité, avec des fines herbes séchées et il évolue constamment dans le verre. Le vin est très, très sec, l’acidité très bonne, les tanins bien marqués, encore astringents, l’alcool ne dérange pas malgré son généreux 15 %/vol et il est bien corsé; l’équilibre est très bon. La finale est très sèche, astringente, très torréfiée, un peu amère (noyau de cerise) et une des plus persistantes de la soirée. Ce vin se démarque par sa concentration, sa prestance et son intensité; il est encore trop jeune, mais très prometteur. Il a été le 2e vin le plus aimé de la soirée.
Conclusion :
La première volée porte à croire que 20 ans, c’est un peu trop pour les vins de ce niveau. C’est le vin du producteur le plus réputé, Antonio Caggiano, qui a été préféré; il faut dire qu’il s’agissait d’un millésime remarquable, 2004, contre un millésime très ordinaire, 2003.
La volée suivante nous a offert le vin de la soirée, issu d’une toute jeune maison, Colli di Lapio, connue ici surtout pour ses vins blancs. Ce n’est donc pas un des vins les plus rares et les plus chers de la soirée qui a été préféré, mais un vin du millésime le mieux coté (extraordinaire) de la soirée, 2010.
Pour la troisième volée, les vins du plus gros propriétaire de Campanie, Terredora di Paolo, fondée par un membre de la famille Mastroberardino : le vin régulier et une cuvée parcellaire. Une très grande cuvée de ce producteur devait être servie également, mais, défectueuse, elle a dû être retirée. C’était deux millésimes remarquables, 2004 contre 2006 et la cuvée parcellaire Pago dei Fusi 2006 a été préférée au Fatica Contadina 2004.
Pour l’avant dernière volée, deux styles de vin diamétralement opposés ont été servis : le grand classique de Taurasi, Mastroberardino, contre le très moderne Feudi di San Gregorio. C’est le classique qui a prévalu, et de beaucoup, se classant même 3e pour la soirée, malgré le millésime beaucoup mieux coté du San Gregorio, 2010 contre 2005.
Enfin, pour conclure en beauté, la bataille des grands, rares et dispendieux, Salvatore Molettieri contre Guastaferro, d’un millésime remarquable, 2006. C’est le vin de la maison la moins réputée, Guastaferro, qui a été préféré; il est même monté sur la 2e marche du podium.
Pour conclure, l’aglianico est un cépage bien déroutant car nous n’avons pas réussi à trouver de fil directeur durant cette dégustation; il y avait presque autant de styles de vin que de producteurs et tous les dégustateurs étaient d’accord pour admettre qu’ils seraient bien embêtés d’identifier ce cépage à l’aveugle.
On remercie Mario d’avoir eu la patience et la générosité de monter cette magnifique dégustation où tous les participants ont découvert ou appris quelque chose : une vraie dégustation « académique ».
Alain Brault
29 mai 2024
« La bataille d’Italie »
Club du mercredi
Organisateur : Louis Grignon
Quand Louis ne nous demande pas d’identifier les vins servis en demi aveugle, il se rabat sur ce genre de duels entre différents vins apparentés. Cette fois, il a choisi deux régions très réputées d’Italie, le Piémont et la Toscane, et que des vins en DOCG. Pour l’occasion, il a sélectionné, de sa cave, cinq 2006, un millésime extraordinaire et cinq vins de millésimes remarquables, 2004, 2010 et 2015, et ce autant en Toscane qu’en Piémont.
Tous les vins ont subi une double décantation avant l’événement et la dégustation a été conduite presque en semi aveugle, les participants sachant qu’il y avait un vin piémontais et un toscan à chaque volée.
Premier round :
Brunello di Montalcino 2006, Pietranera
Il est grenat plus foncé que son rival, avec une couronne assez évoluée. Le nez est intense, fruité (fruits rouges), boisé, végétal (poivron), animal, tertiaire (terre, champignons) et épicé (poivre); une belle complexité aromatique. En bouche, il est très sec, avec une bonne acidité, des tanins encore astringents, une petite chaleur (14 %/vol) et un corps moyen; l’équilibre est impeccable. La finale est très sèche, tertiaire et très longue. Non seulement il a largement battu son adversaire, mais il est monté sur la troisième marche du podium, ex aequo avec le Barolo de Poderi Colla et celui de Pio Cesare.
Barbaresco 2010, Cantina del Pino
Celui-ci est grenat beaucoup plus pâle, avec une couronne brique. Au nez, il est ouvert sans plus, avec du cuir, du goudron, des fruits noirs, un léger bois, de l’iode et un peu d’alcool. Il est également très sec, l’acidité est très élevée, les tanins très astringents (rêches même), l’alcool paraît et il est peu corsé; côté équilibre, c’est plutôt pointu. La fin de bouche est astringente, très juteuse, fruitée et torréfiée. Un vin qui tiendra très longtemps, mais le fruit reviendra-t-il?
Deuxième round :
Barbaresco Nubiola 2010, Pelissero
Il est grenat pâlot et peu évolué, avec des reflets rubis. Il est assez expressif au nez, animal, fruité, épicé (gingembre), avec une note végétale et des champignons. Il est très sec en bouche, l’acidité est bonne, les tanins astringents mais assez agréables, le corps est moyen et on détecte une amertume; l’équilibre est excellent. La finale est très sèche, bien fruitée, boisée, légèrement amère (noyau de cerise) et très persistante. Un vin puissant et fin à la fois, le vainqueur de ce round.
Chianti Classico Riserva 2006, Marchese Antinori
La robe est rubis très foncé. Le nez est très ouvert, net, bien fruité (cassis), très animal, boisé, torréfié (chocolat), avec de la réglisse et une certaine verdeur. La bouche est sèche, l’acidité est très bonne, les tanins sont souples, enrobés mais bien sentis, l’alcool est bien dosé et il est assez corsé; l’équilibre est très bon. La fin de bouche est très sèche, bien fruitée, chocolatée, boisée et assez longue.
Troisième round :
Barolo Bricat 2006, Giovanni Manzone
C’est le plus pâle des deux, avec une couronne orangée et il est très limpide. Au nez, il est intense, avec du goudron, du cuir, des fruits rouges, des épices, un bois vanillé et du chocolat. L’attaque en bouche est très fruitée, le vin est très sec, avec une bonne acidité, des tanins astringents, solides et l’alcool ne dérange pas malgré son généreux (14,5 %/vol); l’équilibre est très bon. La finale est astringente, fruitée (cerise) et chocolatée. Un vin encore bien jeune et tanique.
Brunello di Montalcino 2006, Fattoria La Gerla
Il n’est pas très foncé non plus, plutôt rubis, avec une légère évolution. Le nez est très ouvert, avec d’abord un arôme rébarbatif (feuille de tomate) qui va en diminuant, du fruit, une note végétale et du chocolat. Il est bien sec en bouche, l’acidité est parfaite, les tanins assez faciles, l’alcool est correct, il est bien corsé, rond et très fruité; l’équilibre est impeccable. La fin de bouche est sèche, fruité et plutôt persistante. C’est le vainqueur de ce round, mais de peu.
Quatrième round :
Brunello di Montalcino 2006, Col d’Orcia
Un vin bio, assez foncé et à peine évolué, avec des reflets rubis. Au nez, il est intense, très tertiaire, animal, avec du goudron, du chocolat, des champignons, du bois et beaucoup d’épices; un nez plutôt complexe. La bouche est très sèche, l’acidité est bonne, les tanins présents mais enrobés, il est un peu chaud (14 %/vol) et plutôt corsé; les fruits cuits, le chocolat et la note animale ressortent. Un vin encore en grande forme, le vainqueur de ce round et un des deux grandes vedettes de la soirée.
Barolo Bussia « Dardi le Rose » 2004, Poderi Colla
Celui-ci est grenat moyen, avec une couronne brique. Il est très ouvert au nez, assez évolué, minéral, avec des fruits noirs et du goudron. Très, très sec en bouche, l’acidité est bonne, les tanins bien sentis, l’alcool bien dosé et le vin est assez corsé et bien fruité; l’équilibre est tout en fraîcheur. La finale est astringente, fruitée et très persistante. Il a perdu le round mais est tout de même monté sur la troisième marche du podium des vins les plus appréciés.
Cinquième et dernier round :
Barolo 2004, Pio Cesare
La robe est grenat clairet, avec une couronne brique. Le nez est bien ouvert, avec de la réglisse, du fruit et du goudron. Le vin est très sec, l’acidité est bonne, les tanins solides, astringents, l’alcool bon et le vin est assez corsé, bien fruité et épicé (cannelle); l’équilibre est parfait. La fin de bouche est très sèche, épicée, bien fruitée et très, très longue. Un vin racé et très frais, encore jeune, mais étonnamment accessible pour un 2004; largement vainqueur de ce round, il s’est également classé 3e pour la soirée.
Badia a Passignano Gran Selezione 2015, Marchese Antinori
Ce dernier vin est rubis foncé et brillant, évidemment encore très jeune. Le nez est très ouvert également, avec des fruits cuits (cerise, pruneau), des épices, du tabac, des noix et une note terreuse. Sec en bouche, il est très bien équilibré, avec une bonne acidité, des tanins enrobés mais marqués et de la chaleur (14 %/vol); le vin est rond, plein, vanillé et fruité. La finale est astringente, fruitée et assez persistante. Un style moderne, chaud et confituré.
Conclusion :
L’origine des vins était relativement facile à identifier, juste à la couleur impartie par leur(s) cépage(s) respectif(s); en espérant que cela n’ait pas trop influencé les votes des participants.
Le premier round a été largement dominé par le vin toscan, un Brunello 2006 de Pietranera (81 %) …l’avantage du millésime? La reprise a été remportée par le piémontais, un Barbaresco 2010 de Pelissero (63 %) …cette fois, en dépit du millésime. Le 3e round, entre deux 2006, est revenu au toscan, un Brunello 2006 de La Gerla (65 %), ainsi que le 4e, un Brunello 2006 de Col d’Orcia (63 %). Au round final, c’est le piémontais, un Barolo 2004 de Pio Cesare, qui a dominé (75 %). La Tocane remporte donc le combat trois rounds à deux, mais de justesse aux points (52,5 %).
D’autre part, sur le podium des vins les plus aimés de la soirée, on retrouve, en 1ière place, ex aequo, un piémontais, le Barbaresco de Pelissero, et un toscan, le Brunello de Col d’Orcia; et sur la troisième marche, deux piémontais, les Barolo de Poderi Colla et de Pio Cesare, et un toscan, le Brunello de Pietranera. Alors, si c’est la Toscane qui a remporté le combat, c’est au Piémont qu’est allée la cote d’amour des arbitres.
On remercie chaudement Louis d’avoir conclu l’année 2023-2024 avec cette superbe dégustation qui s’est d’ailleurs hissée au 4e rang du palmarès des dégustations les plus appréciées des huit dernières années à l’Académie.
Alain Brault