2022 - 2023

21 septembre 2022
« Vins de terroirs » de l’Ontario
Club du mercredi
Organisateur : Louis Landry

Pour lancer la nouvelle programmation de l’Académie, Louis a eu l’idée téméraire de nous offrir une dégustation de vins ontariens, avec l’objectif de nous convaincre que « en matière viticole, l’Ontario se compare avantageusement avec ce qui se fait de mieux sur la planète ».

Comme sélection thématique, il a choisi huit vins parmi ceux proposés par le site winealing,com, provenant d’une douzaine des vignobles les plus réputés et aguerris du Niagara, qui se sont associés pour proposer des cuvées axées sur le thème de « somewhereness », leur but étant de faire ressortir « l’esprit des lieux », le « terroir », soit tout ce qui contribue à forger la typicité des vins du Niagara.

En complément, Louis a ajouté quatre vins de sa cave, afin d’inclure d’autres types de vin et, entre autres, de vérifier leur potentiel de vieillissement. Une dégustation de vins de Prince Edward County étant programmée pour le mois de novembre à l’Académie, il s’en est tenu aux vins du Niagara.

Cette dégustation à l’aveugle a été précédé d’un cours accéléré sur la viticulture du Niagara, incluant l’influence climatique du lac Ontario, les différents terroirs du Niagara, les particularités climatiques, les appellations, la VQA, les cépages les plus cultivés et les différents types de vin produits. En plus, à chaque volée, il a présenté, plus en détail, chaque vin dégusté, son lieu d’origine et son producteur.

Mise en bouche: D’abord, un vin mousseux hors sélection thématique.

Cuvée Rosé Brut (VQA Niagara Peninsula), 13th Street Winery
D’un beau rose assez foncé, ce mousseux de méthode traditionnelle, fait de chardonnay à 54 % et de pinot noir, est très aromatique et surtout fruité (framboise, fraise). La bouche est vive, aussi fruitée que le nez et se termine sur une légère amertume. Un vin assez simple, mais rafraîchissant et délicieux.

Première volée thématique : Trois vins blancs.

Chardonnay Quarry Road Vineyard 2016 (VQA Vinemount Ridge), Tawse Winery
D’un jaune très pale, ce chardonnay est bien ouvert au nez avec, d’abord, une bonne dose de bois vanillé (trop pour certains) et ensuite, du fruit, une note végétale (concombre) et du beurre. La bouche est grasse, avec à peine assez d’acidité, du fruit (poire, agrumes) et de la minéralité. La finale est iodée, beurrée et bien longue, mais dominée par le bois. 

Charles Baker Picone Riesling 2017 (VQA Vinemount Ridge), Stratus Vineyards
Un autre vin jaune pâle, mais avec des reflets verdâtres. Le nez est exubérant, bien minéral (pétrole), fruité et floral avec de légères notes fermentaires. En bouche, il est moins gras que le chardonnay, très minéral, bien fruité (pomme granny-smith), avec une acidité presque tranchante, quand même adoucie par un léger sucre résiduel. La fin de bouche est juteuse et la persistance aromatique est très bonne. Un riesling classique, peu alcoolisé (10 %/vol) et qui s’améliore en se réchauffant.

Riesling 2017 (VQA Beamsville Bench), Hidden Bench Estate Winery
Un autre riesling, beaucoup moins évident celui-là. La robe est très pâle et le nez assez discret, plus fermentaire, floral et fruité (pêche, pamplemousse). Assez gras en bouche et plus sec, il a assez d’acidité pour être équilibré, un fruité discret (pêche) et une certaine chaleur, malgré sa faible teneur en alcool (10 %/vol).

Deuxième volée thématique : Deux vins rouges « légers ».

Gamay Noir “les Villages” 2018 (VQA Niagara Peninsula), Bachelder Niagara
Ce premier vin rouge est grenat très pâle, avec une couronne claire, légèrement tuilée. L’intensité aromatique est moyenne, avec du fruit, du noyau de cerise, des épices (poivre) et une note fumée. L’attaque est fraîche, le vin n’est pas très corsé, il est très sec, vif, fruité et les tannins sont discrets, très fins. Ça finit sur le fruit (fraise) et la longueur est assez bonne. Un gamay qui passe pour un pinot noir. Très intéressant, c’est le 2e vin le plus apprécié de la sélection thématique, avec le Stratus Red 2009.

Pinot Noir 2016 (VQA Vinemount Ridge), Westcott Vineyards
Cette fois, un vrai pinot noir, à peine plus foncé que le gamay et plus rubis. Il est ouvert au nez, fruité (fraise, framboise) et floral. Aussi très sec, il est plus charpenté en bouche, un peu rêche, bien épicé (poivre, cannelle) et fumé, avec des fruits rouges sucrés, des tannins plus marqués sans être très astringents et de la chaleur. La finale est fruitée et légèrement amère mais la persistance aromatique est faible.

Troisième volée thématique : Trois vins rouges plus costauds.

Stratus Red 2009 (VQA Niagara-on-the-Lake), Stratus Vineyards
Un vin d’assemblage composé de cabernet franc (43 %), de cabernet sauvignon (22 %), de syrah (17 %), de petit verdot (13 %) de tannat (4 %) et de merlot (1 %). Il est grenat moyen, avec une légère évolution. Au nez, il est ouvert, épicé, fruité (fruits noirs), sanguin, avec de la poussière et un boisé qui apporte une note terreuse; un vin complexe et assez évolué, presque bordelais de style. En bouche, le corps est moyen, l’acidité bonne, les tannins agréables, le fruité croquant, avec du noyau de cerise et la note de viande qui revient. La fin de bouche est fruitée, fraîche, avec une astringence agréable, de la torréfaction (chocolat noir) et persiste assez longtemps. Un vin très apprécié, 2e parmi la sélection thématique, ex aequo avec le Gamay de Bachelder.

Stouck Farmstead Red 2017 (VQA Lincoln Lake Shore), Malivoire
Ce deuxième assemblage est plus simple : 57 % merlot et 43 % cabernet sauvignon. Le vin est plus foncé et plus jeune à l’œil. Le nez est bien ouvert, fruité (fruits rouges et noirs), épicé (poivre blanc, cannelle, menthol) et légèrement évolué (champignons, note terreuse). La bouche est ronde, soyeuse, délicate, très fruitée, avec des tannins souples, une note animale et le poivre qui revient; l’équilibre est superbe. La finale est fraîche et fruitée. Un vin complexe, savoureux, tout en finesse, le plus apprécié de la sélection thématique.

Cabernet Franc 2018 (VQA Beamsville Bench), Cave Spring
La robe est identique au Malivoire. Le nez, d’intensité moyenne, est très fruité (cerise, confiture de fraises) et légèrement végétal (poivron). La bouche est moyennement corsée, tout en fruit, avec un peu de poivre, un bois discret, intégré et de la chaleur (14 %/vol). La fin de bouche fait un peu bonbon, avec une impression sucrée et chaude. Un vin « gouleyant », avec de la finesse.

Compléments : Trois vins hors sélection thématique, mais qui vont bien avec le thème.

Cabernet Merlot “The Collector’s Choice” 1997 (VQA Niagara Peninsula), Hillebrand Estate Winery
Cet assemblage de cabernet sauvignon, cabernet franc et merlot est grenat d’intensité moyenne, avec une couronne bien tuilée. Il est très aromatique, poussiéreux, très évolué sans être oxydé (champignons, cuir) et terreux, ferrugineux. La bouche, bien tertiaire, suit; elle est bien fraîche et les tannins, encore présents, sont serrés. La finale est juteuse, évoluée et très persistante. Un grand vin mature, le plus apprécié de la soirée.

Stonebridge Sauvignon Blanc Reserve 2020 (VQA Four Mile Creek), Lailey Winery
On retourne au blanc avec ce sauvignon très pâle. Il est très ouvert aromatiquement, fruité (pêche, poire, agrumes), floral et crayeux, avec de la cire et du miel. La bouche est assez grasse, fruitée et sucrée (marmelade), chaude (14,8 %/vol), mais avec assez d’acidité pour bien équilibrer le tout. La persistance aromatique est très, très longue et fruitée (écorce d’orange). 2e position des vins les plus appréciés de la soirée, avec l’icewine qui suit.

Vidal Icewine Proprietors’ Reserve 1997 (VQA Niagara Peninsula), Jackson-Triggs
Ce vin blanc, très mature, a acquis une teinte café assez claire. Le nez est explosif, oxydatif (noix grillées), épicé (cannelle, cardamome), encore fruité (tarte aux pommes et aux pruneaux, pêche), avec du café, du chocolat et du caramel. Le vin est gras, sucré, mais très bien équilibré par une bonne acidité et les arômes du nez reviennent. Il nappe la bouche et finit sur la crème brûlé et les noix grillées; la persistance aromatique est interminable. 2e vin de la soirée avec le Stonebridge précédent.

Des huit vins de la sélection thématique, trois se sont réellement démarqués : d’abord, le Stouck Farmstead Red 2017 de Malivoire, suivi du Gamay Noir “les Villages” 2018 de Bachelder et du Stratus Red 2009, ex aequo. Trois excellents vins qui satisfont pleinement l’objectif que Louis s’était donné.

Ce sont cependant les trois derniers vins, issus de sa cave personnelle, qui ont été préférés : le Cabernet Merlot “The Collector’s Choice” 1997 de Hillebrand, suivi du Stonebridge Sauvignon Blanc Reserve 2020 de Laily et du Vidal Icewine Proprietor’ Reserve 1997 de Jackson-Triggs, ex aequo également.

Si nous avons pu constater ce soir les limites de certains vins ontariens, nous avons pu également constater le grand potentiel de qualité et de vieillissement de plusieurs. De plus, cette dégustation qui tenait plus de l’atelier que de la simple dégustation, tellement elle était bien documentée, a été une occasion pour les participants d’améliorer leurs connaissances et leur familiarité avec les vins du Niagara. Merci professeur Landry, on n’en attendait pas moins de vous.

Alain Brault

28 septembre 2022
« 12 ans après : le millésime 2010 « 
Grande dégustation
Organisateur : Alain Brault

À cause de la crise sanitaire et du grand nombre de dégustations qui ont dû être annulées ou reportées ces deux dernières années, notre traditionnel « 10 ans après » sera dorénavant un « 12 ans après ».

On reprend donc où l’on avait laissé : au millésime 2010 qui a été assez variable en France, il est coté extraordinaire à Bordeaux, en Côte de Nuits et en Côtes du Rhône, et très bon en Alsace (en autres). En Italie, il a été coté extraordinaire en Campanie, en Piémont et en Toscane, et exceptionnel en Vénétie. Enfin, en Afrique du Sud, plus difficile mais excellent chez les meilleurs producteurs. C’est parmi ces régions que les vins ont été sélectionnés.

La question habituelle se pose : dans quel état d’évolution les trouvera-t-on? De plus, la barre est particulièrement haute pour les vins d’Afrique du Sud : répéteront-ils la performance des 2009, qui ont remporté les honneurs il y a trois ans?

Les blancs:

La Rocca 2010 (DOCG Soave Classico), Pieropan
La robe d’un beau jaune doré intense nous annonce un vin plutôt mature. Le nez est bien ouvert, fruité, herbacé, avec un début de maturité. L’attaque est fruitée, la texture est belle (mais il n’a pas le gras qu’on retrouve habituellement dans le Calvarino du même producteur), l’acidité est bonne, le vin bien sec, nerveux, aigrelet même, un peu amère, ce qui, avec l’alcool (13 %/vol) n’avantage pas l’équilibre du vin. La finale est vive, chaude et amère. Un vin sans grands défauts ni grandes qualités, à revoir dans de nombreuses années. Le mal aimé de la soirée.

Chenin Blanc “The FMC” 2010 (WO Stellenbosch), Ken Forrester Wines
Jaune doré à peine plus pâle que La Rocca, il est aussi aromatique, minéral, très fruité (pêche), avec des notes tropicales, de la cire, du miel, des fleurs blanches et un beau boisé. En bouche, il est rond, avec beaucoup de fruit et une bonne acidité; l’équilibre est impeccable. La fin de bouche est vive, fruitée, minérale et assez persistante. Un vin encore bien jeune, mais délicieux.

Riesling “Cuvée Frédéric Émile” 2010 (AOC Alsace), F. E. Trimbach
Troisième vin d’un riche doré, celui-ci est exubérant au nez, très minéral (pétrole), bien fruité (pêche), avec un début d’évolution et du sucre d’orge. L’attaque est très fruitée, le corps moyen, l’acidité vive, le vin est très minéral, avec des notes d’amande et de fumée; l’équilibre n’est pas encore atteint. La finale est fruitée (marmelade), pétrolée, légèrement amère (noyau de pêche) et la longueur est très bonne. Un autre vin qui n’a pas encore atteint son apogée.

Les rouges:

Nuits Saint Georges 1er Cru (AOC) “Les Pruliers” 2010, Domaine Topenot-Merme
Un vin clairet au reflets brique, peu expressif au nez, bien fruité (cerise), légèrement boisé et plutôt évolué (sous-bois, champignons). Le corps est moyen, l’acidité bonne, le fruit encore bien présent, gourmand et l’équilibre parfait; la bouche est plus tertiaire que le nez. La finale est juteuse, fruitée, évoluée, encore astringente et bien persistante. Un grand bourgogne loin d’être prêt, mais déjà magnifique; le 2e vin le plus apprécié de la soirée.

Château de Beaucastel 2010 (AOC Châteauneuf-du-Pape), Famille Perrin
Il est grenat moyennement intense et peu évolué. Le nez est bien ouvert, boisé et fruité (cerise noire). Bien gras, il s’exprime mieux en bouche, avec du fruit (cerise, groseille, framboise), des tannins fins et assez souples, de la réglisse, de la fraîcheur et une belle maturité. La fin de bouche est quand même astringente, chaude (14,5 %/vol) mais très longue. La plupart des participants l’ont reconnu. Il tiendra encore, mais s’améliorera-t-il?

Piano di Montevergine 2010 (DOCG Taurasi Riserva), Feudi di San Gregorio
Grenat presque opaque, ce 100 % aglianico est très aromatique, bien boisé, minéral (graphite), avec des fruits noirs cuits, du bonbon à la cannelle, de la poussière et une note médicamenteuse. Le corps est moyen, les tannins râpeux, asséchants, l’acidité bonne et il est très sec. La finale est boisée et astringente, avec du noyau de cerise. Plusieurs l’ont détesté, qualifiant les tannins de surpuissants. À ne pas retoucher avant une autre dizaine d’années, mais a-t-il le fruit pour tenir?

Shiraz 2010 (WO Tulbagh), Saronsberg
Un vin encore bien foncé et encore jeune avec des reflets rubis, au nez très intense et séduisant, très boisé (trop?), bien fruité (fruits rouges, bleuets), avec du sucre brun et des champignons. La bouche est ronde, ample, presque porto, avec une bonne extraction, des fruits confits, des tannins arrondis, une chaleur agréable malgré son gros 14,5 %/vol et un bon équilibre. La fin de bouche est sucrée (confiture), très poivrée, agréablement astringente et assez persistante, Un vin trop sucré et un peu lourd pour certains, mais qui a quand même été le favori de la soirée.

Château Talbot 2010 (AOC Saint-Julien), Cordier
Ce 4e Grand Cru Classé du Médoc est encore foncé et assez jeune. Le nez est bien ouvert, boisé, avec une note végétale (poivron) et un début d’évolution (cuir, réglisse). Le corps est moyen, il y a encore du fruit, les tannins sont assez fondus la note de poivron ajoute à la complexité et l’équilibre est bon. La finale est fruitée, sèche et assez longue. Un beau bordeaux mature.

Tignanello 2010 (IGT Toscana), Marchesi Antinori
Cet assemblage de sangiovege, cabernet sauvignon et cabernet franc offre une robe brillante et foncée, avec une légère évolution à la couronne. L’intensité aromatique est bonne, il est très boisé, avec un début d’oxydation, de la minéralité, des herbes sèches et du chocolat noir. En bouche, il est rond, soyeux, avec une belle acidité, des tannins fondus mais encore présents, du noyau de cerise, une note animale et il est très sec; l’équilibre est irréprochable. Ça finit sur une belle astringence, du poivre et de la torréfaction et la persistance aromatique est très bonne. Un des très beaux vins de la soirée, avec encore du potentiel de cave.

Domaine de Chevalier 2010 (AOC Pessac-Léognan), O. Bernard
Ce Grand Cru Classé de Graves est composé de 63 % de cabernet sauvignon, 30 % de merlot et 7 % de petit verdot. Il est foncé, avec des reflets rubis de jeunesse. Le nez est bien ouvert, boisé, vanillé, très fruité (mûre, cassis, cerise) et floral. Le corps est moyen, les tannins assez fins, l’acidité bonne et les fruits noirs bien présents, le tout parfaitement équilibré. La finale est fraîche, fruitée, bien sèche et très longue. Un classique encore loin de son apogée.

Première question : l’état d’évolution. Presque tous les vins ont été trouvés encore bien jeunes et nécessitant des années supplémentaires en cave pour atteindre leur apogée. Le seul vin qui a été jugé agréablement mature a été le Château Talbot. À l’autre extrême, le Montevergine était tellement astringent que plusieurs doutent qu’il devienne agréable un jour.

Les deux vins les plus appréciés de la soirée ont été le Shiraz de Saronsberg, suivi de près du Nuits-Saint-Georges de Topenot-Merme; deux belles surprises, surtout pour le Nuits, car dans le passé, lors des « 10 ans après », les bourgognes étaient souvent trop évolués, fatigués. L’Afrique du Sud a donc conservé son titre; merci à Richard Milot qui a fourni ces vins au cours des dernières années et félicitations pour son audace : un vin du Nouveau Monde, qui plus est, un shiraz qui séduit plus de dégustateurs de l’Académie que des classiques français et italiens. Faut le faire!

Notre prochain « 12 ans après » sera le millésime 2011, moins bien coté que 2010 à peu près partout sauf à Bordeaux, au Portugal et en Orégon. On devra donc se fier surtout à la réputation des producteurs pour compléter la sélection. On devrait avoir des vins de France et d’Italie évidemment, mais aussi d’Espagne, du Canada et, peut-être, du Liban ou d’ailleurs.

À l’année prochaine.

Alain Brault

12 octobre 2022
« Les bordeaux 1996 « 
Grande dégustation
Organisateur : Philippe Desrosiers

Autre dégustation retardée à cause de la crise sanitaire, ce « 25 ans après » est devenu un « 26 ans après ». Philippe nous a d’abord présenté le millésime, beaucoup mieux coté sur la rive gauche que sur la rive droite, en insistant sur l’évolution du bordelais depuis toutes ces années, dont les nouvelles installations, la technologie, les pratiques œnologiques et les conséquences sur les vins, en nous faisant remarquer que les bordeaux étaient beaucoup moins forts en alcool qu’aujourd’hui.

Tous les vins ont subi une double décantation plusieurs heures avant la dégustation et la plupart présentaient des dépôts très importants. Cette dégustation a été conduite en semi-aveugle, les participants connaissant la liste des vins, mais pas l’ordre de service.

Château l’Arrosée 1996 (St-Émilion grand cru classé)
Ce premier vin est grenat d’intensité moyenne, avec une couronne montrant de l’évolution. Le nez est très beau, bien ouvert, très fruité (cerise), avec un bois discret et un début de tertiaire (sous-bois, thé, champignon). L’attaque est fruitée, le corps moyen, avec une belle acidité, des tannins agréables, la cerise qui revient, une note végétale marquée (poivron) et de la finesse; l’équilibre est bon. La finale est fruitée et torréfiée, avec une belle astringence et la persistance aromatique est moyenne.

Château Magdeleine 1996 (St-Émilion premier grand cru classé B)
Grenat, c’est le vin le plus clair. Il est très expressif au nez, minéral, fruité (cerise) et floral. La bouche est fruitée, le corps délicat, le vin frais, peu tannique et l’équilibre est excellent. La fin de bouche est très fraîche, fruitée, épicée (poivre), grillée et assez longue. Un vin original, tout en délicatesse, sans être dilué. 2e vin préféré de la soirée, avec le Léoville-Barton.

Château du Tertre 1996 (Margaux, 5e cru)
Celui-ci est plus foncé, plus jeune. Au nez, il est plus discret, floral, fruité (fruits rouges bien mûrs, griotte), avec une note viandée et du graphite. Moyennement corsé et très frais, il est bien fruité en bouche et végétal (poivron vert); les tannins sont assez fondus mais encore bien présents et l’équilibre est très bon. Un vin assez simple, mais agréable.

Château Ferrière 1996 (Margaux, 3e cru)
Il est encore plus foncé que le du Tertre, mais la couronne est légèrement orangée. Il est peu aromatique et peu défini, à part des petits fruits rouges. Pas très corsé en bouche, il est bien fruité, avec des tannins présents mais accessibles et une très belle acidité; l’équilibre est super. La finale est juteuse, fruitée et légèrement tannique et il est très, très long. Un vin peu odorant, mais délicieux.

Château Cos Labory 1996 (St-Estèphe, 5e cru)
L’intensité de la robe continue d’augmenter. Le nez est bien ouvert, minéral, végétal, plus tertiaire (cuir, sous-bois, champignons), avec des fruits noirs, de la barrique brûlée et de la torréfaction (café). Il est plus corsé et plus gras que les deux précédents, avec de la poussière, des tannins encore astringents et une bonne acidité, le tout très bien équilibré. Ça finit sur une belle astringence, du fruit, de la torréfaction (chocolat) et de la fraîcheur et c’est assez persistant. Un vin bien fruité, montrant une belle évolution, le tout très bien intégré : un grand bordeaux.

Château Lafon-Rochet 1996 (St-Estèphe, 4e cru)
À l’œil, il est identique au Cos Labory, mais il est moins expressif au nez, fruité (cerise noire), assez boisé, avec une note fumée, du cuir et du tabac. Il s’exprime mieux en bouche, avec du gras, de la mâche, des tannins encore solides, une bonne acidité, une note végétale bien présente et une note animale fumée. La finale est bien sèche, tannique et torréfiée. Le vin le plus apprécié de la soirée.

Château Haut-Batailley 1996 (Pauillac, 5e cru)
La robe ressemble aux deux précédents, avec une légère évolution en couronne. Le nez est très ouvert, complexe, minéral, avec une note végétale (poivron), des fruits rouges et un beau bois. La bouche est assez corsée, avec de la cerise, des tannins serrés mais assez souples, une belle acidité, de la torréfaction (chocolat) et du graphite; l’équilibre est très bon. La fin de bouche, assez longue, est dominée par les fruits cuits et la torréfaction.

Château Sociando-Mallet 1996 (Haut-Médoc)
Un autre vin grenat bien foncé, mais peu évolué celui-ci. Le nez, envoutant, est encore plus intense, très fruité, avec de la poussière et du tabac. Il est bien corsé, avec des tannins solides mais assez fins, du fruit, une acidité assez vive et des notes épicée et végétale; l’équilibre est impeccable. La finale est bien sèche, fruitée, épicée (cannelle) et très, très longue. Un vin qui offre un début d’évolution, mais qui est encore bien fruité et frais; le plus corsé de la soirée.

Château Haut-Bailly 1996 (Pessac-Léognan, cru classé de Graves)
On reste dans les vins grenats presque opaques. Au nez, intense, il est fruité, animal, très minéral, encore relativement jeune. La bouche est très corsée, végétale, fraîche, très minérale (graphite, mine de crayon), bien fruitée, avec des tannins assez fins. La fin de bouche est astringente et juteuse et la persistance aromatique est très bonne.

Château Léoville-Barton 1996 (St-Julien, 2e cru)
Un dernier vin très foncé et assez jeune. Aromatiquement, il est ouvert, épicé, fruité (groseilles, mûres), sanguin, avec une légère note végétale et un beau bois vanillé. L’attaque est très fruitée; il a du corps, de la fraîcheur, et les tannins arrivent, assez délicats mais fermes. La finale de fruit épicé et de torréfaction est bien sèche et très, très longue. Un vin encore bien jeune; le 2e plus aimé de la soirée, avec le Magdeleine.

Après quelques vins seulement, une conclusion s’imposait : ces vins sont surprenamment jeunes et bien conservés, frais et fruités, pour leur âge.

Ce n’est qu’à partir du Cos Labory, cinquième vin, qu’on retrouve les vins corsés auxquels Bordeaux nous a habitués dans les millésimes de garde. Sans grande surprise, les vins de Saint-Émilion et de Margaux, les quatre précédents, sont moins colorés et moins corsés, mais pas nécessairement moins intéressants. À preuve, le Château Magdeleine s’est classé 2e parmi les vins les plus appréciés, tout juste derrière le Château Lafon-Rochet de Saint-Estèphe qui s’est mérité la plus haute cote d’amour. Le Saint-Julien Château Léoville-Barton a été aussi apprécié que le Magdeleine.

Un cas spécial : seul vin à ne pas être un Grand Cru Classé, le Haut-Médoc Château Sociando-Mallet en a surpris plus d’un. Souvent reconnaissable à sa minéralité (mine de crayon), il a été confondu avec le Haut-Bailly par plusieurs.

On doit remercier Philippe pour cette grande dégustation classique et pour nous avoir fait profiter de sa grande familiarité avec le vignoble bordelais durant toute la soirée. Étant donné la forte demande pour cette dégustation, Philippe et l’Académie pensent l’offrir à nouveau cette année.

Alain Brault

19 octobre 2022
« Trouvez l’intrus « 
Club du mercredi
Organisateur : Louis Grignon

Comme en 2018 et 2019, Louis nous revient avec son jeu préféré, trouver l’intrus parmi des volées de trois ou quatre vins. Il puise dans sa cave de beaux vins bien vieillis qui se ressemblent parfois de façon déroutante, de sorte que trouver celui qui se distingue des autres par le cépage, le pays ou la région de production n’est pas un exercice évident. Les participants réussiront-ils à faire mieux que les fois précédentes?

Tous les vins ont été servis à l’aveugle et aucun indice n’a été fourni durant l’exercice.

Première volée :

Pinot Noir  »Gregory Ranch » 2017 (AVA Yamhill-Carlton), Bergström Wines
Ce pinot noir de Willamette Valley, en Oregon, est rubis pâlot, légèrement tuilé. Le nez est intense, très épicé (poivre, cannelle, menthol), floral (violette), végétal (chou-fleur), terreux, avec une note médicamenteuse et de la réglisse. C’est le plus concentré des trois vins, avec une bouche ronde, des tannins soyeux, mais une acidité plutôt marquée. La finale est confiturée, un peu rêche et pâteuse et assez chaude (13,5 %/vol). Moins agréable en bouche qu’au nez.

Pinot Noir 2014 (VQA Prince Edward County), Stanners Vineyards
Celui-ci est grenat très pâle, brillant et légèrement brique. Il est également intense au nez, très typé pinot noir, avec des fruits rouges et du poivre, plus des notes végétale et viandée et du bonbon à la cannelle. Il n’est pas très corsé en bouche, les tannins sont fondus, l’acidité est bonne et la bouche bien fruitée (framboise) suit le nez; l’équilibre est très bon. La finale est fruitée été légèrement astringente. Deuxième vin le plus apprécié de la soirée, avec le Pontet-Canet 2000.

Mercurey  »La Framboisière » Monopole 2017, Domaine Faiveley
La robe est très semblable au Bergström. Il est bien ouvert aromatiquement, avec des fruits rouges (fraise) et un peu de menthol. Pas gros en bouche, l’acidité est un peu trop élevée, mais le fruit est bien marqué (fraise) et on détecte du chocolat. Un vin plutôt agressif, malgré son beau fruit.

Nous avions donc trois vins de pinot noir, Nouveau Monde vs Vieux Monde, le défi était d’identifier le bourgogne parmi ces trois vins. En fait, ils étaient si différents de style que chacun a obtenu à peu près le même nombre de votes, Le taux de succès a été de seulement 27 %… on ne peut pas dire que ça commence fort.

Deuxième volée :

Château Pontet-Canet 2000 (5e Grand Cru Classé de Pauillac)
L’encépagement de ce domaine est composé de cabernet sauvignon (65 %), de merlot (30 %), de cabernet franc (3 %) et de petit verdot (2 %). Il est très foncé et à peine évolué. Bien ouvert au nez, il est complexe, torréfié, avec des fruits noirs (cerise, mûre), du poivron vert, de l’olive, de la fumée, du café et du cuir. L’attaque en bouche est tanique, le vin corsé, plutôt acide, chaud et très boisé; pas assez fruité pour un très bon équilibre. La finale est astringente, torréfiée, très boisée et assez longue. Un vin beaucoup trop jeune et très austère, qui a quand même été le 2e préféré de la soirée, avec le pinot noir de Stanners.

Château d’Issan 2006 (3e Grand Cru Classé de Margaux)
Ce deuxième bordeaux est également très foncé et peu évolué à l’œil. Le nez est ouvert, plus avancé (tertiaire) que le Pontet-Canet, torréfié et épicé. La bouche est ronde, bien structurée, avec des tannins accessibles, une note végétale et un beau fruité (cassis), le tout assez bien équilibré. La fin de bouche est sèche, fruitée, torréfiée et très persistante.

Badia a Passignano 2009 (DOCG Chianti Classico) Gran Selezione, Marchesi Antinori
À base de sangiovese, ce vin est plus clair et plus évolué à l’œil. Il est très aromatique, fruité (fruits noirs), épicé, torréfié (chocolat noir), très anisé (réglisse noire), avec des noix. La bouche est ronde, solide, chaude (14 %/vol), avec de beaux tannins et la réglisse qui domine; plusieurs l’ont pris pour un amarone. C’est la réglisse qui constituait la principale note de la très longue persistance aromatique. Beau début d’évolution. Il a été assez facile à identifier comme intrus.

Pour cette volée, c’est Bordeaux contre Chianti et les vins sont assez matures, ce qui n’a pas facilité l’exercice. Malgré cela, de style très différent, le chianti a été identifié comme intrus par 60 % des participants, ce qui porte le taux de succès à 43 %. C’est déjà mieux.

Troisième volée :

Domaine de Thalabert 2009 (AOC Crozes-Hermitage), Paul Jaboulet Aîné
Ce premier vin de la dernière volée est grenat d’intensité moyenne et peu évolué. Bien ouvert au nez, il est fruité, avec un bois discret et une note végétale. L’attaque est fruitée (fruits rouges), le corps moyen, les tannins assez fondus et l’acidité bonne, pour un équilibre impeccable; le bois ressort plus en bouche et on détecte de la torréfaction et du poivre blanc. La finale est à peine astringente et très torréfiée. Fraîcheur et belle maturité : Miam! La grande vedette de la soirée.

Le Vieux Donjon 2010 (AOC Châteauneuf-du-Pape)
Ce vin, très évolué, est grenat avec des reflets bruns. Le nez est très intense, très oxydé (carton), avec du chocolat, de la vanille, de la feuille de tomate et de la sauce soya; plusieurs ont refusé de le goûter. La bouche était assez agréable et bien équilibrée, mais aussi dépassée aromatiquement. Un vin madérisé, sans aucun fruit; une bouteille défectueuse.

Domaine des Tourettes 2009 (AOC Hermitage), Delas Frères
Un vin de syrah bien foncé, avec une certaine évolution, et un nez intense, très fruité (cerise), avec un léger arôme de banane et de gomme Bazouka! La bouche est très belle, corsée, bien équilibrée, avec des fruits rouges, des tannins enrobés et assez fondus, une acidité bien présente et de la vanille. La finale laisse une belle astringence, des fruits cuits, des épices et une légère amertume (noyau de cerise). Un vin pas très complexe, mais très bon.

Champelrose 2009 (AOC Cornas), Domaine Courbis
Fait exclusivement de syrah, ce vin est presque aussi foncé que le Delas et assez évolué. Il est très aromatique, avec des fruits cuits, une note végétale, des épices, de la réglisse et une légère oxydation. En bouche, l’extraction est bonne, les tannins fins, serrés et l’équilibre est excellent. Ça se termine sur le fruit, la torréfaction (chocolat), une légère note oxydée agréable et c’est très, très persistant.

Le défi était encore plus difficile pour cette dernière volée, car il s’agissait de trouver le vin méridional parmi quatre vins du Rhône très matures. Le châteauneuf a quand même été choisi par les deux tiers des dégustateurs, ce qui donne un taux de succès final de 51 %, bien au-dessus des 30 % que le hasard nous permettait d’espérer.

C’est donc la troisième fois que Louis nous fait passer ce petit test. La première avait été une vraie déroute, avec un maigre 18 % de succès; on en avait conclu que nous avions bien besoin de pratique. À la deuxième, le taux de succès est monté à 41 %, ce qui était déjà plus respectable, sans pouvoir s’en péter les bretelles pour autant. Cette année, au moins, on a obtenu une note de passage. Ouf! On devrait peut-être s’arrêter là, au cas où…

Les vins les plus appréciés de la soirée ont été le Domaine de Thalabert 2009 de Jaboulet, suivi de très près du Pinot Noir 2014 de Stanners et du Pontet-Canet 2000, ex aequo. L’Hermitage 2009 de Delas et le Cornas 2009 de Courbis n’étaient pas loin derrière.

On constate que Louis a choisi des vins bien matures, ce qui prouve qu’il avait bien l’intention de nous faire mordre la poussière encore une fois, mais ce qui montre surtout sa grande générosité. Merci Louis.

Alain Brault

2 novembre 2022
« Le chenin de la Loire « 
Club du mercredi
Organisateur : Laurent Gémar

Cette dégustation, toute en blanc, a été précédée par une présentation sur le cépage chenin blanc, sur son histoire en France et, plus précisément, en Loire, sur les appellations où il est cultivé dans le vignoble de Loire ainsi que sur les terroirs et leur géologie. Chaque vin et chaque terroir était présenté plus en détails après dégustation.

Une dégustation de douze vins faits exclusivement de chenin lanc, en cinq volées et entièrement à l’aveugle.

Mise en bouche : un vin pétillant.

Nouveau Nez 2020 (AOC Montlouis-sur-Loire), La Grange Tiphaine
Ce vin est un « Pet’Nat », appelé à Montlouis « Pétillant Originel »; il n’a subi qu’une seule fermentation, mais ce n’est pas tout à fait un « méthode ancestrale », car il a été dégorgé après un bon 9 mois sur lattes. Il est d’un beau jaune doré limpide, mais l’effervescence est peu visible (verres Riedel Ouverture). Le nez est bien ouvert, très fruité (pêche), minéral (craie), avec une belle note de levure. L’attaque est très fraîche; il est bien sec et assez rond, et c’est en bouche que l’effervescence se révèle, avec beaucoup de fruit (litchi…), de la brioche et des noix (amande, noisette).

Première volée : quatre vins secs, de producteurs différents.

Clos de Mosny 2015 (AOC Montlouis-sur-Loire), Domaine de la Taille aux Loups
Or pâle, il est bien aromatique, fruité (pomme blette), avec de la cire, du miel, un beau rancio, de la fumée et de la minéralité. La bouche est toute en rondeur, assez bien équilibrée et suit le nez aromatiquement. La finale est très fraîche, fruitée, minérale et assez longue. Un chenin « d’école », encore bien jeune.

L’Insolite 2020 (AOC Saumur), Domaine des Roches Neuves
Celui-ci est jaune très pâle, très brillant. De grande intensité aromatique, il est fruité, herbacé (pipi-de-chat) et un peu vert, avec de la rhubarbe. La bouche est grasse, mais granuleuse, minérale, à peine fruitée et la fin de bouche est un peu rêche. Un vin assez simple, qui fait plus sauvignon que chenin.

Saumur blanc Brézé 2014 (AOC Saumur), Domaine Guiberteau
D’un beau doré d’intensité moyenne, il est très ouvert au nez, avec des fruits tropicaux (ananas), une belle note grillée (bois), un léger côté fermentaire, de l’écorce d’orange, de l’abricot et des épices. Il est bien charpenté, très minéral et boisé, avec du citron confit. Ça finit sur une note surette, légèrement amère, minérale (pierre à fusil) et du sucre d’orge. La persistance aromatique est bonne.

Ephata 2017 (Vin de France), Clos (maintenant Terre) de l’Élu
La robe de ce vin de table est identique au Brézé. Le nez est ouvert, fruité (fruits exotiques, banane), avec du foin sec, du miel et du chocolat blanc. C’est un vin corsé, puissant, très fruité en bouche (pêche) et très bien équilibré, malgré un peu de sucre résiduel. La finale est fruitée, épicée (gingembre) et l’alcool s’y fait sentir (14 %/vol). Un vin de style « nature » encore bien primaire aromatiquement.

Deuxième volée : Trois Savennières.

Clos le Grand Beaupré 2013 (AOC Savennières), Domaine Ogereau
Il est jaune doré, ouvert au nez, minéral, avec de la cire d’abeille, du fruit et une pointe d’oxydation. De bonne tenue en bouche, il est très sec, bien fruité (agrumes), très frais, avec un début de rancio et un excellent équilibre. La fin de bouche est juteuse et fruitée. Un autre chenin d’école, bien typé, classique.

Savennières – Roche aux Moines 2015 (AOC), Domaine aux Moines
Jaune verdâtre pâle, celui-ci est plus discret, fruité (pomme granny-smith), calcaire et floral. C’est le plus vif de la volée, le plus fruité (pêche, pomme); il est très sec et l’on ne détecte aucun rancio. Il finit sur le fruit et la cire d’abeille et la longueur est bonne. Un vin encore bien trop jeune.

Clos de la Coulée de Serrant 2019 (AOC Savennières – Coulée de Serrant)
Jaune doré, c’est le plus foncé de la volée. Le nez est incroyable, intense, fruité (pomme cuite), avec des noix, de la cire d’abeille et un soupçon de botrytis; on s’attend presque à un vin sucré. La bouche est grasse, bien ronde, l’acidité plutôt douce pour un jeune savennières, avec beaucoup de fruits exotiques, du miel et un sucre résiduel. La finale, très persistante, est dominée par le fruit, le miel et la chaleur (15 %/vol). Une des deux vedettes de la soirée, avec le Jasnières qui suit.

Interlude : Un chenin d’une toute petite appellation de Touraine.

Les Rosiers 2015 (AOC Jasnières), Domaine de Bellivière
Il est d’un beau jaune doré assez riche. Le nez est ouvert, bien typé, avec de la cire d’abeille et du miel, et très fruité (pamplemousse, pomme blette, mangue, ananas). L’attaque est sucrée, mais l’acidité vient équilibrer le tout parfaitement; le vin est corsé, frais, avec une note grillée et un peu de botrytis. La fin de bouche est fruitée (pêche), grillée, avec du sucre d’orge et elle est très persistante. Un chenin demi-sec absolument délicieux; le plus apprécié de la soirée avec la Coulée de Serrant.

Dernière volée : Les vins liquoreux.

Coteaux du Layon Rochefort 2013 (AOC), Château Pierre-Bise
Jaune doré, c’est le plus pâle des trois. Le nez est bien ouvert et on y détecte du fruit (pêche), de l’écorce d’orange, du caramel et de la tourbe comme dans certains scotchs (certains ont plutôt parlé de sueur). La bouche est très sucrée, sans être lourde; on y trouve beaucoup de fruit (confiture, marmelade) et ça finit sur le caramel. La persistance aromatique est exceptionnelle. Avec son (relativement) petit 11 %/vol d’alcool, c’est le troisième vin le plus apprécié de la soirée.

Les Rayelles 2005 (AOC Coteaux du Layon Rochefort), Château Pierre-Bise
La robe est d’un beau doré riche, presque orangé. Le nez est très intense, très fruité, très « sucré » et légèrement botrytisé. En bouche, il est onctueux, sirupeux même, très fruité, un peu amer, avec du miel et de la marmelade; côté équilibre, il n’a pas fait l’unanimité, certains l’ayant trouvé un peu lourd. La fin de bouche est grillée, caramélisée, avec de la confiture d’abricot et la longueur est interminable.

Clos du Bourg Moelleux 2007 (AOC Vouvray), Domaine Huet
Or riche, presque bronze, il est d’abord discret, mais finit par s’ouvrir; il est très original, avec du litchi, du thé et de l’eau de rose, mais pas de botrytis. L’attaque est assez fraîche, la bouche fruitée (abricot), avec une légère amertume et, cette fois, un léger botrytis; l’équilibre s’améliore à mesure que le vin se réchauffe dans le verre. La finale est très grillée, presque brûlée. Un vin de très longue garde, absolument incroyable.

Laurent nous avait promis une dégustation portant sur « l’expression du chenin sur les différents terroirs de Loire, que ce soit en mousseux, vin sec ou liquoreux ». Mission accomplie.

Le podium a été occupé par la Coulée de Serrant 2019 et le Jasnières 2015 de Bellivière, à égalité en tête, avec le Rochefort 2013 de Pierre-Bise en 3e place. Ils étaient suivis de très près par quatre vins : le Clos de Mosny 2015 de la Taille aux Loups, le Grand Beaupré 2013 d’Ogereau, la Roche aux Moines 2015 et Les Rayelles 2005 de Pierre-Bise, ex aequo.

La grande majorité des vins servis à cette dégustation ont été beaucoup aimés par les participants. Merci à Laurent d’avoir eu la patience de collectionner les vins nécessaires à une telle dégustation et de l’avoir accompagnée d’une documentation des plus fouillée. Certainement une des grandes dégustations de l’année.

Alain Brault

9 novembre 2022
« Prince Edward County « 
Club du mercredi
Organisateur : Mario Couture

Mario est un habitué de la région de Prince Edward County, dont il vante la beauté et le caractère paisible, mais aussi « ces vins de climat frais et la chaleureuse proximité des gens qui les élaborent ». Il nous a donc préparé une mini visite de ses producteurs préférés, en espérant nous donner le goût d’aller y faire un tour.

 

Tout au long de la soirée, il nous a fourni, pour chaque producteur, des statistiques intéressantes et, surtout, des informations précieuses sur les personnages et sur l’accueil réservé aux visiteurs. Il a également partagé avec les participants son palmarès des dix meilleures « wineries » de PEC, basé sur son expérience personnelle, acquise lors de nombreuses visites de la région. Pour établir ce palmarès, il a utilisé cinq critères : 1) La beauté et le charme des lieux; 2) L’accueil, l’intérêt, le sourire, par le producteur ou non; 3) La dégustation : le processus, l’endroit, l’offre, le coût, les verres; 4) La qualité des vins; et 5) Le prix des vins et le rapport qualité/prix.

La dégustation a été conduite à l’aveugle, en dehors du fait que les cépages des deux dernières volées étaient connus.

Première volée : quatre vins de cépages variés.

Francesca Aura – Pinot gris rosé 2017 (VQA Prince Edward County), Long Dog Vineyard & Winery
La robe rose d’intensité moyenne et très limpide est due à une macération de 24 heures sur les peaux. Le nez, à peine ouvert, est peu défini; il est fruité, floral (rose) et légèrement fermentaire. Pas très corsé en bouche, il est un peu austère; on y détecte mieux les fruits rouges. La finale est juteuse et fruitée, avec une pointe de coconut, même si ce vin n’a jamais vu le bois. Long Dog se classe 2e au palmarès de Mario, surtout pour l’accueil, la dégustation et les prix.

Riesling 2017 (VQA Prince Edward County), Stanners Vineyards
D’un beau jaune assez riche et brillant, ce vin est exubérant au nez, fruité (citron confit), floral, minéral (pétrole), avec un arôme de cendre. La bouche, d’une belle onctuosité, est vive, fruitée (agrumes) et minérale, avec un très léger rancio; l’équilibre est bon. La fin de bouche est fruitée, minérale et la note fumée persiste. Certain lui ont trouvé un style de « vin nature ». Stanners est en tête du palmarès des meilleurs « wineries » de PEC.

Pinot gris 2019 (VQA Prince Edward County), Hubbs Creek Vineyard
Celui-ci est jaune très pâle, avec des reflets verdâtres. Parmi les arômes, d’intensité moyenne, on retrouve beaucoup de fruit (pomme verte, agrumes) et des fleurs. La structure est bonne, l’acidité assez vive, le vin est fruité, vanillé et le tout est très bien équilibré. Au palmarès, Hubbs Creek est 4e.

Blanc de noir/Pinot noir Mysterium 2017 (VQA Prince Edward County), Exultet Estates
D’un beau jaune encore plus riche que le Stanners, ce vin est aussi très aromatique, avec du fruit (poire, pêche, agrumes, litchi), du bois (vanille, caramel) et le nez évolue beaucoup dans le verre. En bouche, il est corsé, rond, fruité, assez boisé, bien équilibré malgré une certaine sucrosité et une chaleur agréable (13,5 %/vol). La finale est assez boisée, avec de l’amande et du miel, et une bonne longueur. Certains l’ont qualifié d’aguicheur. Le préféré (et le plus cher) de la volée. Mario classe Exultet 9e dans son palmarès, tout y étant correct, avec un petit plus pour le site.

Deuxième volée : Quatre chardonnays

Chardonnay 2019 (VQA Prince Edward County), Hubbs Creek Vineyard
Jaune verdâtre très pale, il est assez discret au nez, fruité, un peu bonbon et relativement simple. Le corps est moyen, l’acidité apporte de la fraîcheur, le vin est bien sec et assez fin. Ça finit sur les agrumes et le bonbon revient. Un vin délicat et bien fait, mais on aurait aimé plus de fruit, malgré tout.

Bella Chardonnay Riserva 2016 (VQA Prince Edward County), Long Dog Vineyard & Winery
Il est jaune doré, plus ouvert, assez fruité (coing), vanillé et beurré. L’attaque est souple, le vin est corsé, gras, boisé, très sec et l’acidité apporte un très bon équilibre. La finale est fruitée, mais c’est surtout le bois qui persiste, ce qui n’empêche pas ce vin d’être très élégant. C’est d’ailleurs le vin le plus apprécié de la soirée; il a presque fait l’unanimité.

Chardonnay Signature 2021 (aucune indication), Domaine Darius
La robe est jaune d’intensité moyenne. Le nez est très ouvert, bien fruité (fruits exotiques), avec du beurre, ce qui semble être du bois neuf et des notes secondaires (levures). L’attaque est fruitée, la texture grasse (huileuse), l’acidité bonne, le vin bien sec et équilibré. En fin de bouche, les notes secondaires persistent, avec du noyau, de l’amande et une âcreté regrettable. Un chardonnay original, surprenant et probablement trop jeune. Darius occupe la 5e position au palmarès de Mario.

County Chardonnay 2016 (VQA Prince Edward County), Norman Hardy Winery
Avec la robe la plus foncée des quatre, ce dernier chardonnay est très aromatique, dominé par des arômes fumés (cendre, boucane, soufre), de résine (sapinage) et de chêne. Le corps est bon, l’équilibre aussi, mais c’est la note de boucane qui persiste. Ce qui n’empêche pas Norman Hardy de mériter la 3e position au palmarès de Mario.

Troisième volée : Quatre vins de pinot noir.

Otto Run Free – Pinot Noir 2017 (VQA Prince Edward County), Long Dog Vineyard & Winery
La robe est rubis clairet, très pâle. Le nez est bien ouvert, à peine épicé (cannelle), fruité (cerise), fumé et légèrement végétal. L’attaque est pointue, le corps moyen, le vin très sec, les tannins fins mais astringents, asséchants même, le fruité épicé (griotte, canneberge) et l’équilibre douteux. Ça finit sur le fruit, mais surtout sur l’astringence, la dureté et l’amertume. Le mal-aimé de la soirée.

County Pinot Noir 2017 (VQA Prince Edward County), Norman Hardy Winery
Rubis clair, mais plus foncé que le Long Dog, il est également très ouvert au nez, fruité (fruits rouges), très épicé (poivre), avec des notes de chocolat et de kirsch. Le corps est moyen, l’acidité bonne, le fruit bien marqué, les tannins accessibles, le vin frais, équilibré et gouleyant. La fin de bouche est bien fruitée, chocolatée et très persistante. Un vin fin, élégant; le 2e plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le pinot noir de Darius.

Pinot Noir the Beloved 2015 (VQA Prince Edward County), Exultet Estates
Robe semblable au précédent, mais plus mate et un peu plus évoluée.
L’intensité aromatique est moyenne, avec du fruit, du bois, de la torréfaction (café) et une note médicamenteuse. La bouche est corsée, fruitée, avec du chocolat amer et plus sur l’acidité que sur l’astringence. La finale est fruitée, juteuse et bien sèche.

Pinot Noir 2020 (aucune indication), Domaine Darius
Toujours le même rubis clair, encore jeune. Le nez est exubérant et assez complexe, bien fruité, très épicé (poivre, cannelle, girofle), floral (rose), avec des notes fumée et animale. En bouche, le corps est moyen, le vin très fruité (fraises cuites) et épicé, peu tanique et un peu sucré, tout en gardant une belle fraîcheur. La finale est très fruitée et très longue. Pour plusieurs, le plus beau vin de la volée; 2e vin le plus apprécié de la soirée, avec le County Pinot Noir de Norman Hardy.

Pour compléter ce survol de PEC, Mario a parlé des maisons classées à son palmarès, mais dont il n’a pu servir de vins. Ce sont, dans l’ordre du classement, Keint-He Vineyards (6e), Lighthall Vineyards (7e), Closson Chase Vineyards (8e) et The Old Third Vineyard (10e). Il a également été question des maisons à éviter (on ne les nommera pas ici). Enfin, il a fourni aux participants de nombreux tuyaux sur les endroits où manger et où loger dans la région. Il ne serait pas surprenant que Mario se recycle en agent de voyage après de sa retraite, tellement toute cette information était pertinente et bien présentée.

Somme toute, Mario nous a clairement démontré que la région vitivinicole de Prince Edward County a fait bien du chemin depuis le début des années ’90. Ce que nous avons dégusté ce soir est très loin des vins servis au premier kiosque unique de PEC au Salon des Vins d’Ottawa, à l’époque. À preuve, les vedettes de la soirée : le Bella Chardonnay 2016 de Long Dog, suivi des County Pinot Noir 2017 de Norman Hardy et Pinot Noir 2020 de Darius en 2e place, avec le Mysterium 2017 d’Exultet et le Chardonnay 2019 de Hubbs Creek, tout près derrière; cinq vins de pinot noir et de chardonnay qui se comparent avantageusement à bien de leur semblables issus des régions les plus réputées de la planète.

C’était notre deuxième dégustation de vins exclusivement ontariens cette année. L’Académie serait-elle en train d’évoluer?!. Merci Mario.

Alain Brault

23 novembre 2022
« Les bourgognes rouges: Côte de Nuits « 
Dégustation collective
Coordonnateur: Pierre Bélanger

Pour cette première dégustation collective, dont le thème original était « Les bourgognes rouges », nous avons reçu près de quatre-vingts suggestions de vins, venant d’une quinzaine de membres de l’Académie et couvrant vingt-huit appellations de Bourgogne, de millésimes allant de 2005 à 2019. Nous avons donc décidé de la scinder en deux et de faire d’abord la Côte de Nuits; dix vins de huit contributeurs et de neuf appellations différentes ont été sélectionnés, en varient autant que possible les producteurs, les terroirs et les millésimes.

Pierre a commencé sa dégustation avec une présentation très détaillée, d’abord de la Bourgogne, puis de la Côte de Nuits en particulier, nous en présentant les principales appellations et leurs terroirs. Ensuite, lors du dévoilement des vins, il a complété le travail en présentant chaque producteur plus en détail.

La dégustation a été offerte en semi-aveugle, la liste des vins étant connue, mais pas l’ordre de service. On se rendra compte plus tard que l’ordre des vins était géographique, commençant à Nuits-St-Georges et remontant vers le nord, jusqu’à Gevrey-Chambertin.

La dégustation :

Nuits St-Georges 1er Cru Les Roncières 2010, Domaine Robert Chevillon
Rubis très pâle et d’intensité aromatique moyenne, ce premier vin est bien fruité, légèrement fumé et épicé; un peu simple, mais ça pinote. La bouche est peu corsée, fruitée, bien équilibrée, avec des tannins assez faciles et une belle fraîcheur. La finale est juteuse, fruitée, légèrement astringente, torréfiée (chocolat, café) et assez longue. Un vin encore bien jeune.

Nuits St-Georges 1er Cru Les Didiers 2008, Domaine Hubert Lignier
Celui-ci est plus violacé que le précédent et un peu plus foncé. Il est également plus ouvert au nez, plus complexe, plus animal, fruité (cerise noire), floral (en se réchauffant), avec une note végétale et du poivre blanc. En bouche, il a du corps, du gras, des tannins assez fondus, une acidité marquée, du noyau de cerise et de l’alcool, le tout bien intégré. La fin de bouche est bien sèche, fruitée, torréfiée, un peu surette, boisée et très persistante. Un vin de longue garde, assez classique.

Vosne-Romanée 2012, Domaine Confuron-Cotetidot
La robe est identique au Lignier. Le nez s’ouvre de plus en plus, avec une note animale marquée, de la torréfaction (chocolat noir) également marquée, du sous-bois et une note végétale qui rappelle la rafle. Le corps est moyen, le fruit est là, mais on en voudrait plus, les tannins sont plus présents, astringents, granuleux et l’acidité est bonne; l’équilibre est quand même très bon. Ça finit sur le fruit et une belle astringence. Il est encore bien jeune et a beaucoup de potentiel; un très beau vin de village.

Échezaux Grand Cru 2005, Domaine Nudant
Premier grand cru de la soirée, il est pas mal plus foncé et montre une trace d’évolution. Il est bien aromatique, très fruité (griotte, framboise), épicé (poivre), torréfié (chocolat au lait, moka), avec du bois et du sucre d’orge; certains ont détecté de l’acidité volatile. L’attaque est épicée, poivrée, la texture est belle, ronde, le fruit est bien présent, les tannins plutôt fondus mais encore là, l’acidité est bonne et l’on sent le bois brûlé (caramel); l’équilibre est impeccable. La finale est bien sèche et fruitée, un peu bonbon. Un vin encore jeune, le plus charmeur.

Vougeot 1er Cru Les Cras 2015, François Legros
Un vin assez foncé, au nez plutôt discret, mais superbe, très intéressant, avec des fruits rouges, des épices, des feuilles mortes et un beau bois. En bouche, on sent du gras, de la matière, beaucoup de fruit (cerise), des tannins fondus et de la chaleur (13,5 %/vol); l’équilibre est très bon. Un des plus beaux nez de la soirée, il a été le 2e vin le plus apprécié de la soirée.

Chambolle-Musigny 1er Cru La combe d’Orveau 2005, Domaine Taupenot-Merme
Plus pâle et légèrement évolué, ce premier Taupenot-Merme est intense au nez, enchanteur, complexe, très épicé, viandeux, très fruité, avec de l’olive et du cuir. Il offre une belle matière en bouche, de la rondeur, des tannins encore astringents et une bonne acidité. La finale est chocolatée et elle pinote. La plus belle bouche de la soirée; un très grand vin! Le plus apprécié de la soirée, presque à l’unanimité.

Morey St-Denis 2011, Domaine des Lambray
Plus pâle et légèrement tuilé, il est très brillant. Le nez est très ouvert, très fruité (fraise, agrumes), avec une note bizarre, terreuse et légèrement moisie de patate crue. En bouche, il est fruité, peu corsé, caressant, avec des tannins assez fins et fondus et l’odeur terreuse qui perdure. Un vin tout en finesse, mais au nez déconcertant; le mal aimé de la soirée.

Gevrey Chambertain 2012, Domaine Armand Rousseau
Ce premier Gevrey est très pâle, très aromatique, fruité (mûres), épicé, assez viandeux, floral (violette), avec un début de tertiaire (cuir, champignons). L’attaque est bien fraîche, la structure assez délicate, le fruit marqué (cerise noire), les tannins fondus et l’équilibre excellent. La fin de bouche est fruitée et très, très persistante. Un modèle de typicité, 3e vin le plus apprécié de la soirée; pas mal pour un vin communal.

Gevrey Chambertain 1er Cru Lavaux St-Jacques 2012, Domaine Tortochot
Grenat d’intensité moyenne, celui-ci est également très ouvert au nez, très animal, épicé, floral, avec du cuir et un côté fumé et légèrement soufré qui fait penser à une allumette qu’on vient d’éteindre; certains ont plutôt parlé de cendre ou de café brûlé. En bouche, le corps est moyen, les tannins encore astringents, l’acidité est bonne, le vin est très sec, très fruité et très bien équilibré. Un vin plus austère.

Mazoyères Chambertin Grand Cru 2010, Domaine Taupenot-Merme
Ce deuxième grand cru de la soirée est plus foncé que les autres vins. Son nez est intense, très complexe, très fruité, bien épicé (poivre, cannelle), floral, animal, avec une légère note terreuse. La tenue en bouche est moyennement corsée, la texture est fine, les tannins plutôt fondus et les arômes tertiaires ressortent mieux; l’équilibre est excellent. La finale est sèche, avec des fruits cuits, du chocolat et la cannelle qui revient; la persistance aromatique est exceptionnelle.

Nous avons eu droit à dix vins très différents les uns des autres, ce qui est certainement dû aux différents millésimes, aux terroirs et au style de chaque producteur, comme on l’espérait.

Surprenamment, les deux grands crus 2005, millésime extraordinaire, n’ont pas été les vins les plus appréciés par les participants; ils se sont classés 7e et 6e respectivement. C’est le Chambolle 2005 de Taupenot-Merme qui a remporté la palme, suivi de très près par le Vougeot 2015 de Legros et le Gevrey 2012 de Rousseau.

Un grand merci aux généreux contributeurs (par ordre alphabétique), Jocelyn Audette, David Côté, Mario Couture, Laurent Gémar, François Lamontagne, Cédric Lemaître, Michel Poirier et Philippe Richer. Cette première dégustation collective a été un franc succès et a permis d’offrir une sélection de vins presque impossible à rassembler autrement. Nous allons répéter l’expérience avec les vins de Bandol en janvier et les rouges de la Côte de Beaune en mai.

Alain Brault

28 novembre 2022
« Les vins du Jura « 
Atelier
Organisateur: Marc-André Gagnon

Située à l’est de la Bourgogne, le Jura reste une région méconnue, malgré une production de vin très diversifiée et de grande qualité. Les vins sont présents au Québec, mais en quantité limitée. Comme le dit Nadia Fournier, « les vins du Jura n’essaient pas de ressembler à aucun autre vin de France. Ils sont jurassiens. Point. » Marc André nous a proposé un vaste et exhaustif survol de la production vinicole du Jura, en agrémentant la dégustation d’informations et d’anecdotes recueillies lors de ses séjours dans cette magnifique région française.

Les vins présentés :

Domaine Grand Crémant du Jura Prestige    
Comment ne pas débuter la soirée avec un crémant du Jura? Le vin (à 100% chardonnay) est jaune pâle, d’une grande brillance et d’une grande limpidité; chose étrange pour un mousseux, il ne produit aucune ou peu d’effervescence. Le nez est agréable, discret, avec de légers arômes d’amande, de pomme jaune, de craie. En bouche, une mousse abondante se manifeste à l’attaque, puis le vin s’estompe, puis réapparaît sur un fruit discret. L’acidité et l’alcool sont d’intensité moyenne, le vin est équilibré, et la finale est un peu courte. On aurait aimé plus de vivacité en finale, qui se termine sur une légère astringence.

Rijckaert Arbois Poulsard 2018  
Dans le Jura, souligne Marc-André, il est coutume de servir les rouges avant les blancs. Ce rouge présente une couleur très originale, on le dit « rougeâtre », « rouge-brun », ou « briqué », avec des relents de vieux barolos. Le nez, à la fois discret et complexe, évolue sans cesse, sur des arômes de fraise cuite, de cendre, de tabac, de thé, d’iode. En bouche, l’acidité figure à l’avant-plan, c’est sec, peu tannique. L’alcool, même à 13°, est en retrait. Le vin est fin, léger, digeste. La finale est de longueur moyenne, sur un fruité délicat. Le vin mal aimé de la soirée.

André et Mireille Tissot Singulier Trousseau Arbois 2017 
Le vin est trouble, grenat pâle, il présente un léger nuage. Le nez est expressif, sur un fruit jeune, et avec un aspect manifestement animal, légèrement « bretté », où la groseille, la canneberge, le poivre, la figue se confond avec des notes de cuir. En bouche, le vin est frais, vif, porté par une belle minéralité et une acidité fraîche; le fruit est bien présent, l’alcool est moyen (13°), les tannins serrés. La longueur est fort appréciable. Des participants ont noté une légère piqûre acétique en finale, d’autres, une légère astringence. Un des favoris de la soirée.

Désiré Petit 2013 Trousseau Arbois Pupillin 
Nous avons ici affaire à un rouge limpide, grenat moyen, avec un nez sur le fruit noir, la mûre, la réglisse noire, un nez délicat de cendre un peu poivré, un peu caramel. En bouche, le vin est frais, mais pas le plus agréable, davantage tannique que fruité. C’est bien sec, l’acidité est fraîche, l’alcool moyen, et les tannins sont encore bien présents. La finale est moyenne, sur un fruit léger. Ce vin nous a permis de mettre en relief les qualités du vin précédent, même si ce dernier se vend deux fois le prix de celui-ci. Il faut aussi dire que la météo s’est avérée « capricieuse et déroutante » en 2013, un millésime qualifié de « moyen » – ceci explique peut-être cela.

André et Mireille Tissot La Mailloche Chardonnay Arbois 2017  
Le vin est d’un beau jaune doré, d’une grande limpidité. Le nez est dominé par des notes oxydées, ça sent la noix, l’amande grillée, la fumée. Mais il est aussi très complexe, car on peut y déceler des arômes qui rappellent la canneberge, la chicoutai, le tilleul, l’asperge fraîche, le bois brulé. La bouche est fraîche, agréable, sur le fruit, avec une acidité moyenne, un alcool prononcé, et une texture grasse, lactique. Elle ne présente aucune lourdeur, et on a droit à une très belle finale sur des notes minérales. Ce fut l’un des vins les mieux cotés de la soirée.

Domaine Berthet-Bondet 2009 Côtes du Jura Chardonnay
Le vin est jaune doré, avec un léger nuage. Le nez est très oxydé, il rappelle le xérès, l’amontillado : ces arômes sont très dominants, on sent la noix, la fumée, le cordage salin. Si le nez est prometteur, la bouche est à prime abord quelque peu décevante, car le fruit semble passé, et on a une vague impression de goûter… des huîtres. Cela dit, par la suite, le vin se replace, il présente un superbe équilibre, malgré une légère pointe d’alcool. La longueur est interminable, la finale est tout en finesse. Ce vin n’a pas fait l’unanimité, ne ralliant l’appui que de 50% des participants.

André et Mireille Tissot Arbois Savagnin 2015
On passe ici dans un autre univers, celui du savagnin. Le vin est de couleur jaune doré, il présente une grande limpidité et une grande brillance. Le nez est très expressif : pierre à fusil, fumée, cendre, notes salines, un nez où l’effet de l’oxydation rappelle l’iode, le « bord de mer ». La bouche est agréable, d’une grande amplitude : le fruité tapisse le palais, c’est gras, sur des notes qui cette fois rappelle le caramel, la marmelade, les agrumes. L’alcool est bien présent. La finale est d’une bonne longueur, sur des notes de caramel écossais.

La Cave de la Reine Jeanne 2008 Savagnin Arbois
Le vin est jaune doré, assez foncé, et limpide, sans être totalement translucide. Le nez est relativement moins bien défini, plus délicat, sur des arômes qui rappellent la pomme cuite, le caramel, l’abricot, le citron confit, le zeste d’agrume et la tourbe. La bouche est tout en équilibre, avec de la mâche, l’acidité est fraîche, l’alcool moyen; on y goûte l’amande verte, la noix, et un petit côté salin. Il présente un style plus élancé, plus délicat que le précédent. La finale est fine, et la longueur est d’une grande persistance.

Henri Maire 1986 Château Chalon Vin Jaune (620 ml)
Nulle dégustation de vins du Jura ne saurait se conclure sans la possibilité de siroter un vin jaune. Celui-ci est d’un jaune doré foncé, brillant et limpide. Il présente de très beaux arômes de caramel, d’oignon confit, de cuir vieilli, de pomme cuite, d’épices de noisette, de tabac blond, de rhum, de cari, et on pourrait continuer longtemps…
En bouche, le vin est ample, affable, dans le sens « moelleux », l’acidité est moyenne, efficace, l’alcool bien présent, le corps est plein, et l’ensemble est très rond. La finale est très longue, sur le fruit jaune confit, tout en finesse et en dentelle.

Domaine Grand 2013 Côtes du Jura Vin jaune (620 ml)
Le vin est jaune « or », limpide et brillant. Il s’ouvre sur un beau nez légèrement oxydé, de pomme cuite, d’oignon confit, de caoutchouc, de cendre. Il gagne en intensité, sur des notes de zeste d’orange. En bouche, le vin est ample, imposant, il part très fort, très large, mais il n’est pas très long, plutôt de persistance moyenne. Alors que le vin précédent (d’un âge honorable) était très long, celui-ci est tout le contraire. Il n’a peut-être pas eu le temps de développer sa personnalité.

Marcel Cabellier Côtes du Jura Vin de Paille 2015  
La couleur de ce vin est très originale, elle rappelle la pelure d’oignon très foncé, sorte de cuivre orangé en fait. Le nez, qui annonce un vin sucré, explose sur des arômes de marmelade, de zeste d’agrumes, de cari, de pain d’épice, de cannelle, de raisin sec de bois brulé, de cardamome. En bouche, le vin est frais sur une attaque tout de même ronde, moelleuse, onctueuse. On aimerait voir une concentration légèrement plus grande, mais ce serait peut-être trop. La finale se pointe sur une note d’amande amère, d’amaretto. Ce vin a pratiquement fait l’unanimité autour de la table. Tout à fait magnifique, du beau travail!

Montbourgeau Macvin du Jura
Pour terminer la soirée en beauté, un vin original, 100% chardonnay, muté à 17 °. La couleur est sur un jaune doré très foncé. Le nez est très particulier, sans être déroutant – il est surtout hyper complexe : mastic, pissenlit, savon épices, chicoutai, thé noir, trèfle, réglisse, térébenthine, absinthe, réglisse, lychee, tourbé, orange Cointreau, tout y passe et encore et encore. La bouche parait à prime abord sucré (160g/l de sucre) et alcoolisée, mais c’est parfaitement normal. On y décèle des saveurs d’anis, de mangue et de genévrier. C’est un vin très original, à découvrir.

Louis Landry

11 janvier 2023
« Les vins de Tardieu-Laurent « 
Club du mercredi
Organisateurs: Stéphane Gagné et Richard Archambault

Une rareté à l’Académie : une dégustation des vins d’un négociant-éleveur; en l’occurence, Tardieu-Laurent qui ne produit que des vins du Rhône, à une exception près, un bandol rouge. La dégustation a été précédée d’une présentation de la maison, de sa philosophie et de ses pratiques. Ensuite, dix vins ont été servis, neuf de la vallée du Rhône, suivis du bandol.

Les vins de Tardieu-Laurent étant tous non ou légèrement filtrés, tous les rouges ont dû subir une double décantation quelques heures avant l’événement. La dégustation s’est déroulée à l’aveugle, comme à l’habitude.

Première volée : trois vins blancs.

Condrieu Vieilles Vignes 2016
D’un beau jaune un peu doré et très brillant, ce premier blanc, fait exclusivement de viognier, est très expressif aromatiquement, avec une bonne dose de bois (10 mois de chêne), beaucoup de fruit (melon, fruit de la passion) et une note florale. En bouche, il est gras, fruité (pêche), boisé et chaud (13,5 %/vol), avec une acidité insuffisante pour éviter une petite lourdeur. La finale est légèrement amère, dure et la persistance aromatique est bonne. Un vin entre deux âges, probablement.

Châteauneuf-du-Pape Vieilles Vignes 2016
Ce châteauneuf blanc est composé de grenache blanc (45 %), de roussanne (35 %), de clairette (15 %) et de bourboulenc (5 %). Sa robe est semblable à celle du Condrieu, avec un léger reflet verdâtre. Le nez est bien ouvert, très fruité (pêche), légèrement boisé et on y détecte une note de miel. La bouche est moins grasse, plus acide, bien fruitée et sèche, minérale et relativement équilibrée. La fin de bouche est, encore une fois un peu amère, mais fruitée, quoiqu’assez courte. C’est malgré tout le préféré des trois blancs et le 2e vin le plus apprécié de la soirée.

Hermitage Blanc 2018
Assemblage de marsanne (80 %) et de roussanne, ce vin du Nord du Rhône est le plus foncé des trois. Il est assez expressif au nez, minéral et très fruité (avec des notes tropicales). En bouche, il est gras, assez équilibré et des notes de caramel au beurre et de noisette accompagnent le fruit. La finale est assez fraîche, fruitée et le caramel persiste.

Deuxième volée : les vins rouges du Nord du Rhône.

Cornas Coteaux 2014
Selon le cahier des charges de l’INAO, les vins de Cornas doivent être faits exclusivement de syrah; ce producteur y inclut cependant de la serine qui serait un ancêtre de la syrah actuelle. La robe du vin est rubis, plus pâle que les deux vins suivants. Le nez est assez intense et très agréable; il est fruité (cerise), floral, animal, avec du foin sec, des olives noires et un très léger menthol. L’attaque est fruitée, le corps moyen, les tannins faciles (pour un Cornas) et l’acidité assez élevée; côté équilibre, ça donne un vin un peu pointu. Un vin de garde bien fruité et très long.

Crozes-Hermitage Vieilles Vignes 2016
Un autre 100 % syrah à la robe rubis, plus profonde que le Cornas. Très aromatique, il est fruité (cerise), très épicé (clou de girofle, poivre blanc), avec de belles notes de bois (18 mois) et de chocolat. L’attaque est épicée, la bouche est ronde, moyennement corsée, avec des fruits rouges cuits, une belle acidité et des tannins fins qui finissent par se faire sentir; l’équilibre est très bon. La finale est très fruitée, fraîche, agréablement tanique et la persistance aromatique est bonne. Un autre beau vin de garde.

Saint-Joseph Vieilles Vignes 2016
Un autre assemblage de serine et de syrah. La robe rubis de ce St-Joseph se situe entre les deux autres. Le nez, un peu plus discret, est fruité, boisé (20 mois), épicé et animal. L’attaque en bouche est fruitée, le corps est moyen, avec une belle acidité, beaucoup de fruit, une astringence moyenne et une belle note végétale (1/3 non-égrappé); le vin le plus équilibré de la volée. La fin de bouche est juteuse, fruitée, à peine astringente et de bonne longueur, Un vin complexe, souple, élégant.

Troisième volée : les vins rouges du Rhône méridional et de Provence.

Vacqueyras Vieilles Vignes 2015
Composé de grenache (70 %), de syrah (25 %) et de mourvèdre (5 %), ce premier rouge du Sud est grenat moyennement foncé. Assez discret au nez, il est chocolaté et fruité (cerise), avec des notes de kirsch et de cuir. La bouche est ronde, bien sèche, très fruitée et très bien équilibrée par une bonne acidité et des tannins assez fondus mais toujours présents. La finale est fruitée, avec une belle astringence et une très bonne persistance. Un vin bio, fin, encore jeune.

Châteauneuf-du-Pape 2015
Ce châteauneuf rouge est un assemblage de grenache (70 %), de syrah (25 %) et de cinsault (5 %). C’est le plus pâle de la volée. Le nez est intense, complexe, fruité (cerise), animal, boisé (18 mois), chocolaté, avec de la garrigue, une note minérale et une note végétale (50 % non-égrappé). L’attaque est fruitée, le corps moyen, l’acidité très bonne, les tannins fins et discrets; le vin est bien sec, un peu sucré et chaud (15 %/vol) et l’équilibre est excellent. La fin de bouche est chocolatée, peu tanique et assez persistante. Un vin tout en fraîcheur.

Rasteau Vieilles Vignes 2016
Cette fois, c’est le mourvèdre qui vient compléter le grenache (65 %) et la syrah (25 %). Le vin est grenat foncé, bien ouvert au nez, fruité (cassis, cerise), épicé, avec une note végétale. En bouche, il est gras, corsé, bien tanique, alcooleux (14,5 %/vol) et un peu lourd. La fin de bouche est marquée par l’astringence, la chaleur et les fruits confits. Un vin bien jeune, avec de nombreuses années devant lui. Le vin le plus apprécié de la soirée.

Bandol 2015
Seul vin hors des Côtes du Rhône, ce vin de Provence est composé essentiellement (95 %) de mourvèdre avec un peu de grenache. Sa robe montre encore des reflets violacés de jeunesse. Le nez est plus discret que les vins du Rhône, avec une note végétale assez marquée (mourvèdre) malgré un égrappage entier, une note animale, du chocolat noir, du tabac (cigare) et de la confiture. En bouche, le corps est moyen, l’acidité est bonne, les tannins très présents, costauds, le vin est plus végétal que fruité, assez bien équilibré et assez souple. La finale est tanique, végétale et de bonne longueur, Un bandol loin de son apogée.

Première conclusion générale : la sélection de Stéphan et Richard montre que, comme souvent en Côtes du Rhône, les vins blancs souffrent d’un manque d’acidité, mais ce problème s’applique rarement aux vins rouges, sauf à certains vins faisant dans la super-extraction.

Six des dix vins dégustés affichaient la mention « Vieilles Vignes ». Chez Tardieu-Laurent, cela signifie au moins 30 ans pour la roussanne, 40 ans pour le mourvèdre, 40, 50 ou 60 ans pour la syrah, selon l’appellation, 60 ans pour le grenache blanc, 80 ans pour le grenache noir et plus de 100 ans pour la serine.

Malgré la 2e place du châteauneuf, la volée de vins blancs a été la moins appréciée de la dégustation. C’est la volée du Nord du Rhône, la deuxième, qui remporte les honneurs avec un taux de forte appréciation frisant les 65 %; les trois vins de cette volée ont été également appréciés. La volée des vins du Sud et du bandol s’en tire avec une faible majorité de cas très appréciés, en bonne partie grâce à la vedette de la soirée, le Rasteau Vieilles Vignes 2016. Enfin, une majorité de participants on correctement identifié le bandol, parmi les quatre vins du Sud.

Alain Brault

18 janvier 2023
« Les vins de Bandol « 
Dégustation collective
Coordonnateur: Pierre Bélanger

Pour cette deuxième dégustation collective, Pierre a sélectionné douze vins, parmi plus de soixante-dix proposés par les membres. Il a divisé la dégustation en quatre volées : une pour les blanc et rosé et trois volées de rouge, la réputation de Bandol étant surtout basée sur ses vins rouges : une volée illustrant les principales zones de Bandol, une des « crus » du Domaine Tempier et une dernière pour vérifier le potentiel de garde de ces vins.

Cette fois encore, il a débuté la dégustation par une présentation très fouillée sur Bandol, commençant par un survol de l’AOC, de ses différentes zones et de ses règles; pour la poursuivre durant toute la soirée, sur chaque vin servi, chaque producteur et sur les terroirs concernés.

La dégustation a été faite à l’aveugle et la plupart des vins ont subi une double décantation quelques heures avant l’événement.

Première volée : un blanc et un rosé.

Bandol blanc 2016, Domaine Tempier
Ce vin est généralement fait de clairette (60 %) et d’ugni blanc (30 %), complétés de rolle (vermentino), de bourboulenc et de marsanne. La robe est jaune paille brillant. Le nez est bien ouvert, fruité (agrumes), épicé, minéral, floral, avec un léger bois vanillé et une note de miel. L’attaque en bouche est sèche, le vin est corsé, rond, fruité, minéral (salin) et l’acidité est correcte; aromatiquement, la bouche suit le nez. Un bandol blanc surprenant, surtout par sa tenue en bouche; il s’est classé 2e parmi les vins les plus appréciés de la soirée, ex aequo avec La Tourtine 2012 et Le Galantin 1998.

Bandol rosé 2015, Château de Pibarnon
75 % de la production de Bandol étant en rosé, Pierre se devait d’en inclure un dans cette dégustation. Ce vin de mourvèdre (65 %) et de cinsault (35%) est rose-saumon bien pâle. Il est aromatiquement intense, mais plutôt unidimensionnel, avec des notes de bonbon-banane et de crème. En bouche, il est peu corsé, fruité sans plus, l’acidité est correcte et il est assez chaud (14 %/vol). Un vin simple, mais agréable.

Volée II : les différentes zones de l’appellation.

Bandol 2006, Domaine La Bastide Blanche
On commence à l’extrême nord de l’appellation, avec un assemblage de mourvèdre, grenache, cinsault et syrah. Il est grenat d’intensité moyenne, avec des reflets d’évolution. Au nez, il est bien ouvert, boisé, animal, fruité (fruits confits), épicé, avec une note végétale marquée, un léger carton (début d’oxydation), de l’écurie (certains on dit bouchon) et du goudron. La structure en bouche n’est pas très corsée, mais elle est bonne, avec des tannins fins mais bien présents; le vin est très sec, peu fruité, minéral et assez bien équilibré. Ça finit sur une belle astringence, du chocolat et c’est la note végétale qui persiste. Le mal-aimé de la soirée.

Bandol 2006, Château Pradeaux
Ce bandol, normalement composé de 90 à 95 % de mourvèdre, complété de grenache, est produit à la limite ouest de l’AOC. Sa robe est semblable au précédent, avec un peu plus d’évolution. C’est le plus discret de la volée au nez, mais pas le moins complexe; on y détecte des notes fruitées (confiture), animales, épicées, végétales, torréfiées (chocolat) et tertiaires (champignons, feuille de thé). La bouche est moyennement corsée, astringente, plus fruitée que le nez, végétale, assez évoluée et très bien équilibrée. La finale est juteuse, agréablement tannique, végétale et très, très persistante.

Bandol 2005, Château de Pibarnon
On se déplace au centre de la zone viticole, où l’on trouve plusieurs maisons très réputées. Cet assemblage de 90 % mourvèdre et 10 % grenache est un peu plus foncé. Le nez est très ouvert, vanillé (20 mois de foudres), plus fruité que les autres, épicé (cannelle) et végétal. En bouche, le corps est moyen, les tannins presque soyeux, l’acidité bonne et les fruits rouges bien présents; l’équilibre est excellent. En fin de bouche, on ressent une belle astringence, des fruits confits, de la torréfaction et une certaine chaleur (13,5 %/vol); la persistance aromatique est assez bonne. Un vin bio, le moins mature de la volée, qui a besoin de plus de temps en cave.

Bandol « Cuvée Antoinette » 2011, Domaine du Gros’Noré
La Cuvée Antoinette est une cuvée parcellaire de vieux mourvèdre complétée de grenache et de cinsault. C’est le plus foncé de la volée. Le nez est intense, très torréfié (chocolat), vanillé, avec un arôme de sucre à la crème et une pointe d’oxydation. C’est également le plus corsé; il est gras, rond, les tannins sont encore solides, il est très torréfié, alcooleux (15,6 %/vol), avec des fines herbes séchées, des épices (cannelle, menthol) et beaucoup de fruits confits, le tout très bien équilibré. La finale est agréablement tanique, torréfiée (chocolat, café), fruitée et vraiment très longue. Délicieux maintenant, mais loin de son apogée.

Volée III : les trois cuvées parcellaires du Domaine Tempier.

Bandol « La Migoua » 2014, Domaine Tempier
Cette cuvée est composée de mourvèdre (50 %), de grenache (20 %), de cinsault (26 à 28 %) et de syrah (2 à 4 %). Il est grenat, le plus pâle des trois. Le nez, d’une belle complexité, est très ouvert, animal (léger brett), fruité (mûres, cassis), chocolaté, épicé et agréablement boisé (vanille). En bouche, il est gras, onctueux, fruité, avec des tannins fins et soyeux. La finale est légèrement astringente, vanillée, fraîche, chocolatée et très persistante. Un bandol hyper-classique qui affiche un beau début de maturité, mais qui tiendra encore longtemps.

Bandol « Cabassaou » 2014, Domaine Tempier
Issue d’une petite parcelle située au pied de La Tourtine, c’est la cuvée qui contient le plus de mourvèdre (95 %), avec un peu de cinsault et de syrah. Grenat plus profond, il est plus discret au nez, plus fruité et moins animal. L’attaque est très fruitée, le corps est moyen, les tannins assez fondus et l’équilibre excellent; il s’exprime mieux en bouche qu’au nez, avec du chocolat et du cuir qui viennent s’ajouter au fruit. Ça finit sur une belle astringence, du fruit et c’est très long. Un très grand bandol plein de promesses.

Bandol « La Tourtine » 2012, Domaine Tempier
Pour cette cuvée, la proportion de mourvèdre est d’environ 85 %, complétés de grenache et de cinsault. De même couleur que le Cabassaou, il est également assez discret au nez, fruité et torréfié. En bouche, il est corsé, bien gras, avec une très belle acidité, des tannins accessibles et du fruit (cerise); l’équilibre est impeccable. La finale est légèrement animale, fruitée et un peu chaude (14,5 %/vol); la persistance aromatique est excellente. Malgré le millésime qualifié de plus difficile, ce vin riche et ample a été le plus apprécié des trois; Il s’est classé 2e de la soirée, avec le Tempier blanc 2016 et Le Galantin 1998.

Volée IV : quelques vieux bandols

Bandol 1999, Domaine de la Tour du Bon
Celui-ci est composé de mourvèdre (55 %) de grenache (25 %) de cinsault (15 %) et de carignan (5 %). À l’œil, il est grenat bien évolué. Le nez est assez intense, très complexe, très tertiaire (thé, champignons, sous-bois), encore fruité, avec de la cendre, des herbes sèches et une note animale. L’attaque est chocolatée, le corps est moyen, les tannins encore bien présents et l’on détecte du poivre et de la réglisse; l’équilibre est très bon. La finale est tannique, chocolatée et assez longue. Un vin solide mais élégant qui rappelle les vieux vins du Piémont. Grande vedette de la soirée, il a fait l’unanimité!

Bandol 1998, Domaine Le Galantin
Un vin de mourvèdre à 95 % qu’on voyait régulièrement à la SAQ à une certaine époque. La robe est grenat et très évoluée (brique). Le nez est plus discret que la Tour de Bon, animal, beaucoup plus fruité, mais quand même bien avancé, avec des notes tertiaires puissantes (champignon, sous-bois). À l’attaque, ce sont les fruits confits; la bouche est magnifique, grasse, pleine, bien fraîche, avec des tannins fins, serrés, de la torréfaction, du cuir et du goudron. La fin de bouche est torréfiée, avec une belle astringence, des fruits noirs cuits et une légère verdeur (noyau de pêche); il est très, très long. Un vin puissant, costaud, mature; 2e vin le plus apprécié de la soirée, avec le Tempier blanc 2016 et La Tourtine 2012.

Bandol 1995, Domaine La Bastide Blanche
Ce dernier rouge est plus foncé et très évolué. Il est également assez discret au nez, assez avancé, avec une note d’écurie et une note médicamenteuse. En bouche, il est bien corsé, les tannins sont fondus, très fins; il est minéral, encore fruité et très bien équilibré. La finale est fraîche et fruitée.

Nous avons eu droit à un éventail exceptionnel de vins de Bandol. D’abord avec un blanc et un rosé, vins qui, même s’ils comptent pour 80 % de la production, n’ont généralement rien d’exceptionnel. Le blanc de Tempier en a donc surpris plusieurs en se classant parmi les quatre vins les plus appréciée de la soirée; un autre exemple du sérieux de cette maison. La deuxième volée a bien illustré la grande variété de terroirs et de microclimats sur l’aire de l’AOC et c’est de loin le Pradeaux qui s’est démarqué.

Producteur phare de l’AOC Bandol, le Domaine Tempier a eu droit à sa propre volée. On y a dégusté les trois grandes cuvées de ce producteur, qui ont bien montré que la réputation de la maison est entièrement méritée : ce sont des vins de mourvèdre exceptionnels, classiques, complexes, racés. Cependant, encore bien loin de leur apogée, ils n’ont pas formé la volée la plus appréciée de la soirée, mise à part la deuxième place de La Tourtine. En général, ces trois vins ont semblé moins végétaux et plus fins que les autres bandols rouges (égrappage?).

L’honneur de la meilleure volée est revenu à la dernière, celle des vieux bandols, également les vins les moins chers de la soirée. Cette volée a démontré à quel point, bien conservés, les bandols rouges peuvent vivre longtemps, en conservant une bonne structure, du fruit, et en développant un bouquet complexe et original; et ce même sans nécessairement nous ruiner.

Encode une fois, un grand merci aux généreux contributeurs (par ordre alphabétique), Jocelyn Audette, Pierre Bélanger, Alain Brault, Mario Couture, Laurent Gémar et Louis Landry. Merci également à Pierre, pour son travail de coordination et pour l’excellente présentation (lien à la présentation) qui a accompagné la dégustation. La prochaine dégustation collective de l’année aura lieu au mois de mai et portera sur les vins rouges de la Côte de Beaune.

Alain Brault

1 février 2023
« Le nebbiolo « 
Club du mercredi
Organisateur: Louis Grignon

Louis a commencé la soirée par une présentation du cépage vedette, le nebbiolo, de ses origines et de ses caractéristiques. La dégustation, comptait trois volées avec, comme Louis aime beaucoup le faire, un intrus à chaque volée. Il a cependant précisé que tous les vins étaient italiens. Le jeu consistait donc essentiellement à identifier l’intru et les appellations à chaque volée (pas évident avec un seul cépage).

Les vins ont subi une double décantation quelques heures avant l’événement et la dégustation s’est déroulée à l’aveugle.

Première volée : deux Langhe et un Valtellina.

Rosso di Valtellina (DOC) 2017, ARPEPE

On commence avec un vin grenat, limpide et très, très pâle, avec une couronne brique. Le nez est ouvert, bien typé (goudron, cuir, réglisse), épicé (vanille), avec du fruit rouge et un début de maturité. En bouche, il n’est pas très corsé, plutôt délicat pour un nebbiolo, fruité (mais on en voudrait plus), avec une très bonne acidité et des tannins souples. La fin de bouche est juteuse, mais assez courte aromatiquement.

Langhe Nebbiolo (DOC) Perbacco 2016, Vietti

Celui-ci est plus foncé, avec des reflets rubis. Au nez, il est intense, médicamenteux, épicé, très fruité (fruits rouges), très jeune, floral, avec des herbes sèches et du cuir. L’attaque est fruitée et il est plus corsé, plus gras que le Valtellina, tout en gardant une structure assez fine, malgré des tannins bien présents. La finale est astringente, bien fruitée, épicée et de bonne longueur. Le plus tannique de la volée, mais tout de même le préféré et le 2e vin le plus apprécié de la soirée.

Volée II : les différentes zones de l’appellation.

Langhe Nebbiolo (DOC) 2019, Sottimano

L’intensité de la robe est entre les deux autres vins, elle est moins brique et plus rubis. Aromatiquement, il est bien ouvert, chocolaté, fruité, plus floral, avec un peu de goudron et de menthol. Le corps est moyen, les tannins solides, un peu rêche, sévères, avec une note végétale et une acidité assez élevée. Ça finit très fruité, mais austère.

Deuxième volée : Deux Barbaresco et un Barolo.

Barbaresco (DOCG) 2010, Produttori del Barbaresco

Grenat moyen avec une couronne orangée; visuellement, c’est le plus évolué des trois. Il est bien ouvert au nez, classique (goudron, anis, cuir), peu fruité, alcooleux (14 %/vol), avec des champignons. La bouche est grasse, solide, avec des tannins très présents, une bonne acidité et des fruits cuits. La fin de bouche est très astringente, fruitée et assez persistante. On voudrait plus de fruit, mais il a été quand même très apprécié, le préféré de la volée.

Barbaresco (DOCG) Campo Quadro 2004, Punset

Légèrement plus foncé que le Produttori, il est très aromatique, très chocolaté, mentholé, médicamenteux (on a parlé de vernis), herbacé et terreux, avec une note végétale. En bouche, il est rond, gras, avec des tannins plus faciles, plus soyeux, fruité (fruits noirs), boisé, très minéral et les arômes de bouche suivent le nez. La finale est torréfiée (café), fruitée, avec un soupçon de sel de céleri (évolution) et la persistance aromatique est assez bonne. Pas tout à fait à maturité.

Barolo (DOCG) Riserva 2008, Beni di Batasiolo

La robe est identique au précédent. Le nez est également bien ouvert, le plus animal, avec du fruit et du sous-bois. La bouche est aussi ronde, mais les tannins sont plus solides que le Punset, tout en gardant une texture assez soyeuse; le vin est bien sec, torréfié (café, chocolat), avec du cuir et un bois léger, le tout très bien équilibré, finissant sur une belle astringence. Le plus puissant et le plus fruité des trois, il est encore loin de son apogée.

Troisième volée : trois Barolo et un Barbaresco.

Barolo (DOCG) Monvigliero 2004, Fratelli Alessandria

Il est grenat assez pâle et légèrement tuilé. Le nez est relativement discret, mais très complexe, bien typé nebbiolo, avec du goudron et du cuir, beaucoup de fruits confits, de la vanille, de la cannelle, une pointe de menthol, des herbes sèches (thym) et de la maturité (feuille de thé). En bouche, il est gras, rond, encore bien fruité, très bien équilibré, avec des tannins enrobés et il est assez chaud (14,5 %/vol). Cette chaleur continue en fin de bouche, avec une belle astringence et le fruit confit qui persiste longtemps. Un vin sans défauts qui représente très bien ce qu’on peut attendre d’un nebbiolo arrivant à maturité. Il a été très apprécié.

Barolo (DOCG) Vigneto Monvigliero 2007, Comm. G. B. Burlotto

Celui-ci est plus pâle, mais beaucoup plus aromatique, très fruité (confiture de fraise), épicé, floral (rose), avec une légère note animale. Le corps est moyen, le vin plus frais, très fruité et l’équilibre est impeccable. En finale, c’est la rose et les fraises confites qui persistent. Un vin tout en fruit, jeune mais très accessible. Une des deux grandes vedettes de la soirée, avec le Pio Cesare qui suit.

Barbaresco (DOCG) Sorì Paitin 2008, Paitin di Pasquero-Elia

Ce barbaresco est beaucoup plus foncé, avec des reflets rubis. Le nez est très intense, atypique, très animal (fond brun), torréfié (café) épicé (poivre), fumé, avec de l’échalote rôtie et des champignons. Solide, corsée, la bouche suit le nez aromatiquement; les tannins sont très présents, mais une note sucrée assure l’équilibre. La finale très astringente et très animale est bien longue.

Barolo (DOCG) 2004, Pio Cesare

Ce dernier vin est rubis carrément foncé. Au nez, il est assez ouvert, boisé (noix de coco) et bien typé, avec du goudron et de la réglisse. La bouche est grasse, corsée, très boisée, encore bien fruitée, avec des tannins enrobés mais bien présents, de la vanille et du café; côté équilibre, un peu plus de fraîcheur n’aurait pas nui. La fin de bouche est chaude (14 %/vol) et c’est le bois qui persiste très longtemps. Un vin qui a encore besoin de temps pour se raffiner. C’est quand même la deuxième grande vedette de la soirée, ex aequo avec le Burlotto.

La première volée était composée des trois vins les moins dispendieux, de niveau DOC et tous les trois bien jeunes : deux Langhe et, comme intrus, un Valtellina (Lombardie), seul vin de la dégustation qui ne provienne pas du Piémont. Grande surprise de la soirée, le vin le moins cher, le Langhe 2016 (millésime extra) de Vietti a été le troisième vin le plus apprécié de la soirée.

Pour les deux autres volées, Louis s’en est tenu aux deux grandes DOCG Barolo et Barbaresco, avec quatre vins génériques et trois « cuvées », des années 2010, 2008 et 2004, trois millésimes exceptionnels. Les deux grandes vedettes de la soirée ont été, ex aequo, le Monviglieri 2008 de Burlotto et le simple Barolo 2004 de Pio Cesare.

Comme prévu, le taux de succès au jeu de « trouvez l’intrus » n’a pas été reluisant, avec un faible 30 %. Plusieurs facteurs rendaient cet exercice particulièrement hasardeux dont, en autres, l’unique cépage, l’effet millésime et les différences de style marquées entre les producteurs.

On aurait pu croire, étant donné la relative jeunesse des vins servis, que la dégustation aurait été beaucoup plus difficile, avec des tannins beaucoup trop astringents pour permettre d’apprécier les vins, mais, sauf exception, ce ne fut pas le cas. Certains vins commencent même à montrer des signes de maturité, comme le Campo Quadro 2004 et le Fratelli Alessandria 2004, par exemple. Un gros merci à Louis pour avoir sélectionné, de sa cave, cette dégustation de vins de nebbiolo de grande qualité et très intéressants.

Alain Brault

8 février 2023
« La Sicile « 
Club du mercredi
Organisateur: Jocelyn Audette

Cette année, Jocelyn nous propose une visite de la Sicile vinicole, avec une sélection de vins de l’Etna bien sûr, mais également quelques-uns d’ailleurs sur l’île. En introduction, il nous a présenté un survol de l’histoire viti-vinicole de la Sicile, de l’Antiquité à nos jours, quelques statistiques importantes sur ce vignoble, les cépages qui le caractérisent et les différentes appellations qui le composent.

La dégustation, en quatre volées, a débuté avec un mousseux de Vittoria, dans le sud de l’île. Les deux volées suivantes ont couvert l’appellation phare de la Sicile, Etna Rosso, avec deux mini-horizontales. Enfin, la dernière nous ramène près de Vittoria, avec quelques échantillons des vins d’Arianna Occhipinti.

Première volée : un mousseux.

Extra Brut Metodo Classico 2016 (IGT Terre Siciliane), COS

Œil-de-perdrix, ce mousseux, fait exclusivement de frappato, montre très peu d’effervescence dans le verre (Riedel Ouverture). Le nez, assez discret, est fruité (agrumes) et légèrement fermentaire. L’effervescence, très fine, se réveille en bouche; le vin est très frais, vif même, bien fruité, minéral et très sec. La finale est pointue et fruitée. Un mousseux à servir très frais, bon, mais un peu simple pour le prix.

Deuxième volée : quatre Etna Rosso (DOC) 2018, millésime difficile.

Etna Rosso 2018, Benanti

Fait à 80 % de nerello mascalese et 20 % de nerello cappuccio, ce premier rouge est grenat très pâle, avec une couronne légèrement orangée, presque incolore. Il est assez ouvert au nez, fruité (cerise), épicé (cannelle), avec une note animale et un peu de feuilles mortes. L’attaque est fruitée, la bouche pas très corsée mais ronde, avec des tanins fins mais bien présents, du fruit et une bonne acidité. La fin de bouche est plutôt astringente, fruitée, végétale et la persistance aromatique est bonne.

Passorosso 2018, Vini Franchetti / Passopisciaro

Ce 100 % nerello mascalese est de même couleur pâle que le Benanti. Il est plus discret au nez, très fruité (même cerise) et animal. Encore un fois, une attaque très fruitée, plus de corps en bouche, des tannins plus souples et un meilleur équilibre, avec une finale juteuse.

Pietrarizzo 2018, Tornatore

Un autre 100 % nerello mascalese, plus jeune à l’œil avec des reflets rubis et plus foncé. Le nez est encore plus discret, toujours fruits rouges, plus épicé, minéral et floral. La bouche est encore plus solide, avec du gras, une bonne acidité, beaucoup de fruit et une certaine chaleur (13,5 %/vol). Ça finit sur le fruit, la fraîcheur et une note végétale de rafle.

Feudo di Mezzo « Il Quadro delle Rose » 2018, Tenuta delle Terre Nere

Ce vin de « cru » est également fait uniquement de nerello mascalese. C’est le plus foncé et le plus rubis de la volée. C’est aussi le plus intense au nez, avec toujours le même fruit rouge (cerise), une note médicamenteuse assez marquée et un côté sanguin et fumé. En bouche, le corps est moyen, le fruit très présent, le vin très sec, les tannins agréables et le médicamenteux revient; l’équilibre est assez bon. La finale est sèche, astringente, fruitée et trop alcooleuse (14 %/vol). Un vin beaucoup trop jeune.

Troisième volée : trois autres Etna Rosso, du réputé millésime 2014 cette fois.

Cavanera Rovo delle Coturnie 2014, Firriato

Assemblage des deux nerellos, ce vin est grenat moyennement foncé. Au nez, il est assez ouvert, fruité, minéral, épicé (poivre blanc), avec des notes chauffée, fumée, animale et du tabac. En bouche, il est gras, corsé, avec des tannins souples, une belle acidité, un fruit épicé bien présent et une note terreuse; l’équilibre est très, très bon. La fin de bouche est juteuse, avec une belle astringence et un fruité qui persiste. Le 2e vin le plus apprécié de la soirée.

Martinella 2014, Vivera

80 % n. mascalese et 20 % n. cappussio, celui-ci est moins foncé, mais plus rubis. Le nez, plus intense, offre les mêmes arômes que le Firriato, même fruit rouge, mêmes épices, avec du sucre d’orge et de la prune en plus. Moins gras mais assez riche en bouche, il offre des fruits rouges, des tannins plus présents et tout juste l’acidité qu’il faut pour un bon équilibre. Un vin beaucoup trop jeune et plutôt austère, qui s’est quand même classé 3e de la soirée, ex aequo avec le PT 2017 et le Grotte Acte 2012 d’Occhipinti.

Etna Rosso Riserva 2014, Tornatore

La robe est identique au précédent. Le nez est bien ouvert, très fruité (cerise, framboise, figue) et torréfié. Il est moyennement corsé, très sec, avec un très beau fruit, des tannins fins, presque soyeux, des épices (cannelle), des fines herbes, du chocolat et du goudron, le tout très bien équilibré, malgré un petit côté doucereux. La finale est chocolatée, très fruitée et assez chaude (14 %/vol); la persistance aromatique est très bonne. Le vin le plus onctueux des volée d’Etna Rosso.

Quatrième volée : trois vins de frappato d’Occhipinti.

Il Frappato 2014 (IGT Terre Siciliane), Occhipinti

Ce vin est fait à 100 % de frappato. Il est grenat pâlot, avec une couronne évoluée. Assez expressif au nez, il est encore fruité et assez tertiaire (cuir, champignons), avec un peu d’écurie (brett); un nez complexe, incroyable : un vrai plaisir! En bouche, il est souple, soyeux, fluide, bien fruité, avec des tannins fondus, des notes chocolatées, tertiaires, minérales (salin) et un équilibre impeccable. La fin de bouche est sèche, fraîche, torréfiée, évoluée et bien longue. Un vin à parfaite maturité, le champion de la soirée, presqu’à l’unanimité.

Vino di Contrada PT (Pettineo) 2017 (IGT Terre Siciliane), Occhipinti

Également 100 % frappato, ce vin de « cru » est assez semblable au précédent à l’œil. Le nez, d’intensité moyenne, est fruité (fruits rouges), chocolaté, épicé et moins évolué. La bouche est grasse, onctueuse, fruitée, avec des tannins faciles, assouplis, une très belle acidité, de la minéralité et un équilibre exceptionnel. La finale est légèrement astringente, juteuse, fraîche, encore fruitée et très persistante. Un vin moins complexe que le précédent, mais superbe; 3e préféré de la soirée, avec le Vivera 2014 et le Grotte Acte 2012.

Grotte Acte 2012 (DOCG Cerasuolo di Vittoria), Occhipinti

Celui-ci est composé de frappato et de nero d’Avola à parts égales. La robe est grenat plus foncé, avec des reflets rubis. Il est très aromatique, très fruits confits (fraise, cassis), épicé (poivre) et floral. En bouche, il est rond, gras, avec des tannins faciles, du chocolat, du poivre et un très bon équilibre. Ça finit sur une belle astringence et une torréfaction bien persistante. Moins impressionnant que les autres Occhipinti, mais quand même exceptionnel; également 3e, avec le Rivera 2014 et le PT 2017.

Comme prévu, la première volée d’Etna Rosso, celle des 2018, n’a pas eu un grand succès; les deux producteurs préférés ont été Tornatore et Terre Nere. La volée suivante présentait des vins beaucoup plus costauds, du millésime 2014, et c’est parmi ceux-là qu’on retrouve le deuxième vin le plus apprécié de la soirée, le Cavanera Rovo delle Coturnie de Firriato et un des trois 3e, le Martinella de Vivera.

C’est dans la volée de vins d’Occhipinti qu’on retrouve les deux autres 3e ainsi que la grande vedette de la soirée, presque à l’unanimité, Il Frappato 2014. Un quatrième vin 100 % nero d’Avola, le Siccagno 2014 (DOC Sicilia), devait venir compléter cette volée, mais a malheureusement dû être retiré (bouchonné).

Enfin, Jocelyn a offert aux participants un petit extra, le Nerello Mascalese (DOC Sicilia) de Cantine Amato, offert par son agence, Olkades.

Merci Jocelyn pour cette belle sélection de vins qui a bien démontré que, comme promis, « de grands vins de qualité sont maintenant produits sur l’île ».

Alain Brault

22 février 2023
« Bolgheri vs Bordeaux « 
Club du mercredi
Organisateurs: Marc Aubry et Anne-Marie Murphy

Cette dégustation avait d’abord été programmée au printemps 2020, mais a dû être remise à cause de la crise sanitaire. Lorsque Mark et Anne-Marie ont eu l’idée de ce thème, en 2018, on en était encore souvent à comparer tous les super-toscans de Bolgheri aux vins de Bordeaux. Mais c’était déjà moins pertinent, car beaucoup de ces grands vins ne sont pas des assemblages bordelais; cette prémisse ne tenait plus. Ils ont donc remplacé, en grande partie, l’objectif original d’une compétition entre les deux régions par celui de mettre en lumière leurs caractéristiques respectives, leurs similitudes et leurs différences.

Nous avons d’abord eu droit à une présentation  très documentée, où Anne-Marie a commencé par situer les appellations concernées en Italie, pour continuer avec l’histoire de la région, surtout à travers celle de son vin phare, Sassicaia. Ensuite, elle nous a présenté les règles qui régissent ses appellations, sa topographie, ses sols et, son climat. Anne-Marie nous a également présenté les principales similarités et différences (théoriques) entre les régions et les vins de Bordeaux et de Bolgheri.

Cette dégustation, à l’aveugle, de onze vins rouges, précédée d’un vin blanc comme mise-en-bouche, s’est déroulée en trois volées : la première portant sur le thème original, la deuxième sur une catégorie de vins de Bolgheri de plus en plus recherchée, les vins de monocépage et la troisième visant à illustrer l’influence des producteurs et des terroirs. Pour cette dernière volée, elle nous a demandé de noter chacun des cinq vins sur une échelle de 0 à 10 et l’a intitulée « Le jugement de l’Académie 2023 ».

Mise en bouche : un vin blanc.

Poggio alle Gazze dell’Ornellaia 2002 (IGT Toscana), Ornellaia e Masseto

Composé de sauvignon blanc, de vermentino et de viognier, ce vin blanc est jaune doré très brillant. Au nez, il est intense, très herbacé (pipi-de-chat) et fruité (agrumes). En bouche, il a de la rondeur, de la mâche, un fruit sucré et une acidité tout juste suffisante. La finale est fruitée, herbacée et un peu amère, avec du zeste de citron.

Volée I : deux assemblages bordelais et un bordeaux.

Chateau Pavie Macquin 2016 (Saint-Emilion Grand Cru Classé B)

Pavie Macquin est un assemblage de merlot (84 %), de cabernet franc (14 %) et de cabernet sauvignon. Sa robe, légèrement brouillée, est d’un grenat profond, montrant un début d’évolution. Le nez est bien ouvert, exubérant même, plutôt boisé (bois toasté), torréfié (café moka), avec des fruits noirs (cerise) et de la minéralité (graphite). La bouche est corsée, charpentée, avec des tanins fins mais astringents, des fruits noirs, des fines herbes séchées, une bonne acidité, une certaine chaleur (14,5 %/vol) et un très bon équilibre. La finale est fraîche, fruitée, tannique, boisée et très torréfiée; la persistance aromatique est très bonne.

Argenteria 2015 (DOC Bolgheri Superiore), Tenuta Argentiera

Celui-ci est aussi foncé, avec des reflets rubis. Il est fait de cabernet sauvignon (45 %), de merlot (45 %) et de cabernet franc. Il est aussi expressif au nez, aussi fruité, avec une note animale, mais c’est le bois qui domine. Il est un peu plus corsé et plus sec que le précédent, encore mieux équilibré, avec des tannins ronds, enrobés; il nappe le palais. La finale est sèche, astringente, torréfiée (chocolat), avec un bois vanillé et elle est très, très longue.

Castello di Bolgheri 2015 (DOC Bolgheri Superiore)

70 % cabernet sauvignon, 15 % cabernet franc et 15 % merlot, ce deuxième bolgheri est de même couleur, mais moins foncé et semble plus jeune que les deux autres. Le nez est ouvert, envoutant, fruité (cerise, figue), épicé (cannelle), avec un bois vanillé et des notes végétale et minérale. Bien sec, mais plus fin, plus délicat en bouche, il offre des fruits noirs cuits, un boisé plus discret, des tanins plus fondus et de la fraîcheur. La fin de bouche est fruitée, avec une note végétale et de bonne longueur. Un vin élégant, très prometteur.

Volée II : trois monocépages

Messorio 2011 (IGT Toscana), Le Macchiole

On commence avec un merlot à la robe opaque, un peu trouble et aux reflets évolués. Le nez, assez discret est très torréfié (chocolat, café), avec un gros fruit, des herbes sèches, des épices et de la barrique brûlée. La bouche est ronde, grasse, l’acidité est très bonne, les tanins assez fondus et la torréfaction revient, avec une note végétale. La finale bien sèche et légèrement amère, sur des notes de bois vanillé, de fruit et de cacao; elle est très persistante. Un vin onctueux qui s’est classé 2e parmi les préférés de la soirée, ex aequo avec le Camarcanda 2016 et le Sassicaia 2007.

Cavaliere 2016 (IGT Toscana), Michele Satta

Ce vin, fait exclusivement de sangiovese, est relativement pâlot, avec des reflets d’évolution à la couronne. Au nez, il est très ouvert, intéressant, avec des herbes sèches (thé matcha), du cuir, du tabac blond, du noyau de cerise et une note végétale (tomate). En bouche, il est fruité (fraise, cerise), tout en finesse, avec des tanins plus présents, le thé et le tabac qui reviennent, de la fraîcheur et un équilibre impeccable. La fin de bouche est juteuse, fruitée (cerise), poivrée et assez longue. Un vin qui approche la maturité.

Scrio 2012 (IGT Toscana), Le Macchiole

La robe de ce 100 % syrah se situe entre les deux autres. Le nez est aussi ouvert, complexe, racé, avec du fruit, des épices et un bois discret. Il est plus corsé en bouche, plus carré, avec des tanins solides, beaucoup de fruit confit (groseille), un très beau bois, de la minéralité et, encore une fois, un équilibre impeccable. Ça finit sur une belle astringence, du fruit, de la torréfaction (café, chocolat noir) et des épices; et c’est très, très persistant. Le vin le plus accessible de la volée.

Volée III : « Le jugement de l’Académie 2023 ».

Camarcanda 2016 (DOC Bolgheri), Ca’Marcanda

Cet assemblage de cabernet sauvignon (80 %) et de cabernet franc est grenat d’intensité moyenne. Au nez, il est ouvert sans plus, torréfié, légèrement médicamenteux, épicé (poivre) et fruité (groseille). En bouche, il est rond et délicat, peu fruité (un peu de fruits rouges), torréfié, avec des tannins granuleux très fins, du cuir et du graphite; l’équilibre est parfait. La finale est animale, tertiaire, chocolatée, légèrement végétale et assez longue. Un vin fin et puissant où rien n’accroche. 4e au « Jugement » avec une note de 83 %, il a quand même été l’un des trois 2e vins préférés de la soirée, avec le Messorio 2011 et le Sassicaia 2007.

Guado al Tasso 2012 (DOC Bolgheri Superiore), Marchesi Antinori

Celui-ci est composé de quatre cépages : le cabernet sauvignon (55 %), le merlot (25 %), le cabernet franc (18 %) et le petit verdot. Il est très foncé, et plutôt discret au nez, avec du bois vanillé, des épices (camphre), du café et une note terreuse. Il est moyennement corsé en bouche, bien rond, très sec, avec des fruits confits, des tanins fins mais bien présents, beaucoup d’extraction et un très bon équilibre. En fin de bouche, astringente, on sent un beau bois et c’est la torréfaction qui persiste. Il s’est classé 5e au « Jugement », avec une note de 81 %.

Château Ducru-Beaucaillou 2015 (AOC St-Julien)

Ce 2e Cru Classé du Médoc est composé essentiellement de cabernet sauvignon, complété d’un petit 5 % de merlot. Il est grenat d’intensité moyenne et très aromatique, avec une note végétale très bordelaise, de la torréfaction (chocolat, beaucoup de café), une note animale, des fruits rouges, une note iodée et un début de maturité. Le corps est moyen, les tanins fins, soyeux, l’acidité bonne et l’équilibre impeccable, avec une belle torréfaction, la note végétale qui revient en bouche et de la tarte aux fraises. La finale fraîche, fruitée et torréfiée (chocolat au lait, café moka) est vraiment très longue. Non seulement il s’est mérité la 2e place au « Jugement », avec une note de 87 %, mais il a été le vin le plus apprécié de la soirée.

Ornellaia 2018 (DOC Bolgheri Superiore), Ornellaia e Masseto

Encore un assemblage assez complexe (40 % cabernet sauvignon, 51 % merlot, 7 % cabernet franc et 2 % petit verdot), grenat plus foncé. Le nez est assez ouvert, grillé, avec du fruit, du sous-bois, des notes terreuse et végétale, et une légère oxydation (carton); on a même parlé de bouillon de bœuf. En bouche, il est plus corsé que les précédents, plus gros, plus tannique tout en demeurant assez soyeux, concentré, très fruits noirs et bien équilibré; il s’exprime beaucoup mieux en bouche qu’au nez. La finale, bien astringente, bien longue, est surtout sur les fruits concentrés et les épices. Avec une note de 85 %, il s’est classé 3e au « Jugement ».

Sassicaia 2007 (DOC Bolgheri Sassicaia), Tenuta San Guido

85 % cabernet sauvignon et 15 % cabernet franc, ce super super-toscan a droit à sa propre DOC. Il est grenat d’intensité moyenne et légèrement trouble. Il est bien aromatique, plutôt végétal, très animal, fruité (fraise, cassis) et épicé (poivre blanc). La bouche suit aromatiquement, avec un corps moyen, des tanins soyeux et l’acidité qu’il faut pour un excellent équilibre. La finale est juteuse, fruitée, torréfiée et bien persistante. Un vin tout en fraîcheur, qui frise la perfection. Grand vainqueur du « Jugement », avec une note de 91 %, il a dû se contenter d’une 2e place parmi les préférés de la soirée.

Lors de la première volée, c’est le Pavie Macquin qui a été préféré, tout juste devant le Castello di Bolgheri. Pour ce qui est d’identifier le bordeaux, le résultat n’a pas été très glorieux, les trois vins ayant obtenu le même nombre de voix. Il faut dire que le Pavie Macquin avait un style plutôt Nouveau Monde, peu végétal et assez élevé en alcool.

La deuxième volée était encore plus difficile, le jeu étant d’identifier le cépage pour chaque vin. Pour le Messorio 2011, la majorité des participants y est arrivé; pour le Cavaliere 2015, seulement 30 % ont dit sangiovese; et un seul participant a identifié la syrah dans le Scrio 2012. La préférence est allée aux deux vins de Le Macchiole.

La dernière volée consistait d’abord à établir un classement des cinq grands vins servis, mais on savait aussi qu’un bordeaux s’y cachait; on s’est donc amusé à essayer de le débusquer. À ce jeu, c’est le Sassicaia qui a eu le plus de voix, alors que le vrai bordeaux, Ducru-Beaucaillou n’en a obtenu que 40 %. Il faut mentionner qu’un des participants (Pierre Bélanger pour ne pas le nommer) a correctement placé et nommé ces deux vins¸ en plus de l’Ornellaia : faut le faire! Pour « Le jugement de l’Académie 2023 », c’est le Sassicaia 2007 qui a remporté la palme, mais c’était serré, toutes les notes se trouvant entre 91 % et 81 %.

Voilà une dégustation mémorable, la plus appréciée de l’année à date, qui s’inscrit au palmarès des plus grandes dégustations de l’Académie, depuis 2016. Merci Anne-Marie et Mark.

Alain Brault

1 mars 2023
« Les régions favorites de Micheline »
Club du mercredi
Organisatrice: Micheline Vanier

Micheline nous revient comme organisatrice de dégustations, avec un thème bien « vague » : ses régions favorites. À quoi peut-on s’attendre? Aucune idée. C’est donc avec beaucoup d’anticipation que les dégustateurs s’y sont présentés, espérant y déguster quelques beaux joyaux. Personne n’a été déçu.

La dégustation s’est déroulée complètement à l’aveugle et aucun indice n’a été fourni.

Mise en bouche : un mousseux.

Natur Zero dosage 2016 (VQA Beamsville Bench), Hidden Bench

D’un beau jaune assez riche et brillant, il est peu effervescent à l’œil. Le nez est intense, fruité et minéral, avec un beau rancio. En bouche, l’effervescence est discrète également, le vin est rond et bien fruité (pomme). La finale est un peu pointue, fruitée (compote de pomme) et assez longue. Il a été très apprécié.

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Volée I : une mini-horizontale de Givry 1er Cru.

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Givry 1er Cru Les Bois Chevaux 2017, Domaine Joblot

Ce premier rouge est grenat clairet avec des reflets rubis, malgré une légère évolution à la couronne. Au nez, il est très ouvert, animal, épicé (cumin), fruité (cerise), avec du cuir, un peu de bois et une note mentholée. L’attaque est fruitée et souple, le vin est bien sec, pas très corsé, vif et les tanins sont assez faciles; l’équilibre est très bon. La fin de bouche est très fruitée, minérale, chocolatée et légèrement amère; la persistance aromatique est très longue. Le 3e vin le plus apprécié de la soirée.

Givry 1er Cru Clos Du Cellier Aux Moines 2017, Domaine Joblot

Dans celui-ci, les reflets rubis sont plus prononcés. Il est bien ouvert aromatiquement, avec les mêmes arômes épicés que le précédent (cumin), mais il est plus torréfié (chocolat) et plus animal. Il est également peu corsé, bien fruité, avec une note végétale et on a même parlé de gomme Bazooka; il est très bien équilibré par une bonne acidité et des tanins un peu plus présents. La finale est juteuse et très fruitée, avec une belle astringence et une bonne longueur. Un vin jeune, avec du potentiel.

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Givry 1er Cru Servoisine 2017, Domaine Joblot

Rubis très clair, c’est le moins évolué des trois. Le nez est plus discret, moins fruité (fraise), épicé (même cumin, mais moins intense) et fumé. L’attaque est bien fruitée, le vin est plus corsé, avec des tanins plus marqués, beaucoup de fraîcheur et un peu de chaleur (13,5 %/vol, comme les deux autre d’ailleurs); l’équilibre est excellent. La fin de bouche, fruitée et tannique, fait saliver et est très persistante.

Volée II : trois vins de nebbiolo.

Barolo 2010 (DOCG), Pio Cesare

Grenat clairet, légèrement brique. Au nez, il est très intense, très épicé, torréfié, minéral, avec des fruits cuits (cerise), de la rose et du goudron (typé nebbiolo). Le corps est moyen, il est très, très sec, avec des tanins fins mais un peu rugueux, une bonne acidité, beaucoup de bois (coconut), du fruit et de l’alcool (kirsch, 14,5 %/vol). La finale est fraîche, boisée, très torréfiée et légèrement amère. Un vin qui approche la maturité.

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Gattinara 2011 (DOCG), Antoniolo

Il est plus clair, limpide, plus évolué à l’œil. Plus discret au nez, il est végétal (concombre), fruité, épicé, bien terreux, floral, assez nebbiolo (goudron, réglisse) et torréfié (chocolat, café). Il est un peu plus corsé, bien fruité, avec des tanins présents mais pas trop agressifs, une très bonne acidité et un équilibre parfait. Il finit sur les fruits confits, la chaleur (14 %/vol), une légère oxydation et du café; la persistance aromatique est très bonne. Un vin puissant qui n’a pas fini de s’améliorer.

Somarovina 2009 (DOCG Valtellina Superiore Sassella), Mamete Prevostini

Celui-ci est plus foncé, avec des reflets brunâtres. Le nez est très intense, avec une note xérès qui va en diminuant, peu de fruit; c’est le plus avancé des trois, avec de la feuille de thé, du café et du zeste d’orange. Il est assez corsé, mais avec des tanins fondus, enrobés, qui donnent une belle rondeur, des fruits cuits (dattes), de la torréfaction, une bonne acidité et la note xérès qui revient. La finale est grillée, bien chaude, assez tertiaire et très longue. Un vin très complexe, le plus apprécié de la soirée, presqu’à l’unanimité, ex aequo avec l’Armailhac 2000.

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Volée III : une verticale de Château d’Armaihac, 5e cru classé.

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Château d’Armailhac 2000 (AOC Pauillac)

Il est grenat assez clair et évolué. Moyennement aromatique, il offre des fruits cuits (groseilles, bleuets), une note animale, un peu de cave humide (brett), de la mine de crayon (certains l’ont pris pour un Sociando), des épices (poivre) et une note de sous-bois. L’attaque est fruitée, le corps moyen, les tanins faciles, enrobés, l’acidité très bonne et l’équilibre est impeccable; on retrouve des notes animale, grillée, terreuse et végétale (poivron vert). La fin de bouche est fraîche, évoluée, torréfiée et très persistante. Le champion de la soirée, avec Sassela 2009.

Château d’Armailhac 2002 (AOC Pauillac)

Celui-ci est plus foncé, plus rubis, moins évolué. Le nez est très ouvert, très fruité (mûres), avec une note végétale et légèrement médicamenteuse. La texture en bouche est riche, fine, les tanins fins mais encore fermes, l’acidité est très bonne tout comme le fruité (fruits noirs cuits); la note poivron vert fait très bordeaux, le vin est bien sec et l’équilibre est excellent. La finale est juteuse, fruitée et montre un peu d’évolution. Élégance et puissance, un bordeaux d’école.

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Château d’Armailhac 2005 (AOC Pauillac)

Encore plus foncé, il est très aromatique, très semblable au précédent, fruité, torréfié et végétal. La bouche est plus enrobante, plus crémeuse, malgré des tanins assez marqués (l’astringence en a dérangé quelques-uns); elle est fruitée, bien fraîche et assez bien équilibrée. Ça finit sur la fraîcheur, le fruit et la torréfaction. Un vin encore bien jeune.

Château d’Armailhac 2009 (AOC Pauillac)

Même robe que le précédent. Le nez est plus discret, plus torréfié, bien fruité (cassis), minéral avec, encore une fois, la note végétale bordelaise. L’attaque est fruitée (cassis), le vin est corsé, concentré, puissant, avec des tanins et une acidité bien dosés; il montre un début d’évolution. La finale est très sèche, torréfiée (chocolat noir), tertiaire, légèrement amère et très, très longue. Un vin joufflu, d’une belle maturité, avec un incroyable potentiel.

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Les trois vins de la première volée étaient tellement semblables que plusieurs ont suggéré qu’il s’agissait de trois millésimes d’un même bourgogne : assez proche, car il s’agissait de la même appellation (Givry 1er Cru) et du même producteur (Joblot), mais d’une horizontale plutôt que d’une verticale. C’est le 1er Cru Les Bois Chevaux qui a été préféré.

Pour la volée suivante, le nebbiolo a été rapidement identifié. Les trois vins ont été très appréciés, mais c’est le Sassela qui a remporté la palme; c’est d’ailleurs un des deux favoris de la soirée. Surprenamment, c’est cette volée qui a été la plus appréciée des participants, malgré l’âge relativement peu avancé de ces vins de nebbiolo.

À la dernière volée, là encore, on a vite deviné qu’il s’agissait de bordeaux, mais contrairement à la première volée, les vins étaient trop différents les uns des autres pour que quelqu’un pense à une verticale du même château. L’Armailhac 2000 a été l’autre grande vedette de la soirée.

Ainsi, Micheline s’est offert un retour très remarqué comme organisatrice de dégustations à l’Académie, car sa dégustation s’inscrit en 8e place au palmarès des plus appréciées depuis 2016. Félicitations et un gros merci! On a hâte à sa prochaine prestation.

Alain Brault

22 mars 2023
« Voyage au coeur de l’Alsace »
Club du mercredi
Organisateurs: Cédric Lemaître et Marc St-Onge

Le 15 mai 2019, Marc et Cédric avaient présenté une superbe dégustation intitulée « Les terroirs d’Alsace ». Quatre ans plus tard, ils récidivent avec douze vins de cette même région. Une autre dégustation toute en blanc, chose impensable à l’Académie autrefois, mais de plus en plus fréquente depuis quelques années.

Cédric a d’abord voulu mettre à jour nos connaissances sur l’Alsace, avec une présentation très étoffée sur les appellations, les types de vins, les crus, quelques statistiques importantes, le climat, la géographie et les différents types de sol. La présentation s’est poursuivie après chaque volée, fournissant des détails sur les cépages, les crus et les producteurs. Marc est intervenu à l’occasion, pour ajouter des précisions sur les différents millésimes dégustés.

Comme c’est la coutume à l’Académie, toute la dégustation s’est déroulée à l’aveugle.

1ière volée : trois vins blancs hors des sentiers battus.

Sylvaner 2020 (AOC Alsace), Domaine Albert Boxler
Jaune doré d’intensité moyenne, ce premier vin est bien ouvert au nez, minéral, mais surtout sur le fruit (carambole). La bouche moyennement corsée est souple, ronde, légèrement sucrée et très fruitée, avec de la cire d’abeille; l’équilibre est bon. La finale fruitée fait saliver et est assez longue. Un vin très apprécié qui commence bien la dégustation.

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Muscat 2019 (AOC Alsace Grand Cru Spiegel), Domaine Dirler-Cadé
Ce vin, fait à 97 % de muscat ottonel et 3 % de muscat d’Alsace, est un peu plus pâle que le précédent, avec des reflets verdâtres. Le nez est exubérant, très fruits tropicaux, bien muscaté, avec du litchi. En bouche, il est moins gras que le sylvaner, mais bien sec, avec une bonne acidité et de la chaleur (13 %/vol); côté équilibre, il est un peu vif. La finale, tout en fruit, est très persistante. Un vin certainement encore trop jeune.

Pinot Blanc Amzelle 2019 (AOC Alsace), Marc Tempé
Un autre assemblage, cette fois 70 % pinot blanc et 30 % auxerrois, plus discret au nez, fruité, floral et minéral (salin). La bouche, aromatiquement très différente du nez, est moyennement corsée, ronde, bien fruitée, avec une belle acidité, des agrumes (citron confit) et du sucre résiduel (12 g/l); c’est le plus équilibré des trois. La fin de bouche est juteuse et très fruitée. Un vin peu complexe, mais délicieux.

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2ième volée : quatre rieslings grands crus.

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Riesling Vieilles Vignes 2015 (AOC Alsace Grand Cru Kaefferkopf), Domaine Jean-Baptiste Adam
La robe est jaune moyennement intense et très brillante. Le nez est très ouvert, très minéral et fruité (abricots). Le corps est moyen, l’acidité assez tranchante, la bouche bien sèche et minérale, avec du zeste de citron. La finale, très fraîche est bien fruitée, légèrement amère et très longue. Un riesling surprenant, très peu « pétrolé », qui a beaucoup d’avenir; 2e vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le gewurztraminer 2012 de Rolly-Gassemann.

Riesling 2016 (AOC Alsace Grand Cru Kaefferkopf), Domaine Meyer-Fonné
Il est doré riche, bien ouvert au nez, avec une belle note légèrement rancio, un peu de caramel, de la cire et de la minéralité. La bouche, peu corsée, est fruitée (pêche), un peu chaude (13,5 %/vol) et le caramel revient; l’équilibre est excellent. La fin de bouche est bien fruitée, minérale et légèrement amère; la persistance aromatique est bonne. Un vin d’une belle complexité.

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Riesling 2015 (AOC Alsace Grand Cru Schlossberg), Domaine Paul Blanck
La robe est identique au précédent. Le nez, d’intensité moyenne, est épicé (bonbon à la cannelle), fruité (abricot) floral et minéral, avec un soupçon de botrytis. La bouche est grasse, presque onctueuse, bien fruitée, légèrement fumée et on ressent un sucre résiduel malgré son petit 10 g/l; l’équilibre est très bon. Un vin très persistant, construit pour la longue garde.

Riesling “Cuvée Ste-Catherine” 2015 (AOC Alsace Grand Cru Schlossberg), Domaine Weinbach
Même robe que les précédents, mais plus expressif au nez, fruité (pêche), avec sucre d’orge, de la cire et un début d’évolution (légère oxydation, rancio). Encore une fois, du gras, de la charpente en bouche, du fruit, moins de sucre, mais certains auraient aimé un peu plus d’acidité. Ça finit sur le fruit, le caramel et le rancio et c’est très long. Un très grand vin, mais plutôt avancé pour ses sept ans.

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3ième volée : trois gewurztraminers grands crus.

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Gewurztraminer Vieilles Vignes 2014 (AOC Alsace Grand Cru Furstentum), Domaine Meyer-Fonné
La robe est jaune doré assez riche. Le nez est intense, très épicé, fruité (agrumes), floral, avec de la cire d’abeille et de l’écorce d’orange. Il est bien gras et nappe la bouche, bien fruité (abricots secs), avec du caramel brûlé et du sucre résiduel (57 g/l); côté équilibre, il est un peu plat. La finale de caramel brûlé est très longue. D’un millésime difficile, il se tire plutôt bien d’affaire.

Gewurztraminer 2012 (AOC Alsace Grand Cru Altenberg de Bergheim), Domaine Rolly-Gassemann
Doré plus pâle, celui-ci est plus discret au nez, fruité (très litchi), floral (lavande), avec un très léger botrytis. Il est gras en bouche, très fruité (abricots secs), bien sucré, épicé, avec de la crème caramel, tout juste l’acidité qu’il faut et un léger menthol; c’est surtout en bouche qu’il s’exprime. La fin de bouche de caramel amère est interminable. Le 2e préféré de la soirée, avec le riesling 2015 de J.-B. Adam.

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Gewurztraminer 2010 (AOC Alsace Grand Cru Sonnenglanz), Domaine Bott-Geyl
La robe est dorée très riche, avec des reflets orangés. Le nez est assez expressif, grillé et moins fruité, mais on y détecte quand même du zeste d’orange. L’attaque est fruitée et sucrée; le vin est moins gras, mais plus frais, beaucoup mieux équilibré, malgré un taux de sucre résiduel de 62 g/l. En finale, c’est du fruit, du caramel et de l’orange confite et c’est très persistant.

4ième volée : deux sélections de grains nobles.

Riesling SGN 2007 (AOC Alsace Grand Cru Furstentum), Domaine Paul Blanck
2007 est considéré comme un très grand millésime pour les vendanges tardives et les sélections de grains nobles en Alsace, ce que nous avons pu constater. Avec seulement 15 ans d’âge, ce vin est ambré, avec des reflets orangés. Expressif mais pas exubérant au nez, il est botrytisé, avec des fruits confits, du thé, de la pelure d’orange et des abricots secs. En bouche, il est rond, gras, encore fruité et parfaitement équilibré par une belle acidité. La finale de marmelade est fraîche et très, très longue. La vedette de la soirée, à l’unanimité!

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Pinot Gris SGN « Parcelles Pflostig et Sporen » 1989 (AOC Alsace), Domaine Hugel
Un autre millésime exceptionnel pour VT et SGN d’Alsace. On dirait un très vieux vin rouge tellement il est foncé. Le nez est intense, très caramel brûlé, encore fruité (confiture), légèrement oxydé et grillé. La bouche est ronde, très grasse, très sucrée (135 g/l), avec une belle acidité (mais on en voudrait plus), des raisins secs et une belle torréfaction. La finale est grillée, sucrée, un peu amère et interminable. Vin très riche, c’est un dessert en soi. Les amateurs de très vieux vins se sont régalés.

Lors de la première volée, Cédric et Marc nous ont présenté des vins de cépages moins populaires, le sylvaner (8 % de la production), le muscat (2 %) et le pinot blanc (21 %); trois vins très différents. Le sylvaner 2020 de A. Boxler et le pinot blanc 2019 de M. Tempé ont été préférés au muscat. C’est d’ailleurs un gewurztraminer 2005 de Marc Tempé qui avait remporté la palme en 2019.

Pour beaucoup d’aficionados, l’Alsace est d’abord et avant tout le royaume du riesling; on y produit certains des plus grands vins blancs de la planète. Comme 2e volée, nous avons eu droit à quatre rieslings grands crus de 2015 et 2016 (deux millésimes exceptionnels), provenant d’excellent producteurs. C’est le G.C. Kaefferkopf 2015 de J.-B. Adams qui a été préféré, presqu’à l’unanimité.

Pour la volée de gewurztraminer, trois millésimes plus difficiles : 2014, 2012 et 2010. Parmi ces trois vins assez matures, c’est le G.C. Altenberg de Bergheim 2012 de Rolly-Gassemann qui a été le plus apprécié, encore une fois, presqu’à l’unanimité.

Finalement, avec la dernière volée, Marc et Cédric nous ont vraiment gâtés, avec deux sélections de grains nobles de millésimes exceptionnels, surtout pour cette catégorie de vins très recherchés. Le riesling G.C. Furstentum 2007 de P. Blank, le champion de la soirée, a été plus apprécié que le pinot gris 1989 de Hugel, jugé trop riche et trop vieux par certains.

Une autre grande dégustation de vins blancs d’Alsace, qui a réussi à supplanter celle de 2019 par deux positions au palmarès. Merci Cédric et Marc.

Alain Brault

12 avril 2023
« Le niveau des vins »
Club du mercredi
Organisateur: Philippe Richer

Comme chaque année, Philippe a célébré son anniversaire en organisant une dégustation à l’Académie. Cette fois, il a choisi un thème peu évident qu’il a intitulé « le niveau des vins ». Il s’agissait de vérifier la pertinence des différentes façons de classer les vins, selon la région de production; par exemple, le classement à Bordeaux, le 1er et 2e vin toujours à Bordeaux, les grands crus, les 1ers crus et les non-classés en Bourgogne et en Champagne, les cuvées dans le Rhône et ainsi de suite.

À chaque volée, il a servi deux vins d’un même producteur et du même millésime, mais de « niveaux » différents. Le jeu consistait donc, pour chaque paire, à identifier l’origine du vin, le type de classement, lequel des deux vins est le « grand vin », la différence de prix entre les deux, etc.

Le tout, évidemment, à l’aveugle.

1ière volée : deux mousseux non-millésimés, du même producteur et du même cépage.

Arpège Blanc de Blancs Brut Nature (AOC Champagne 1er Cru), Pascal Doquet

100 % chardonnay, il est jaune doré moyen, peu effervescent à l’œil (verres Riedel Ouverture). Le nez, d’intensité moyenne, est fruité et légèrement brioché, avec une note d’amande. La bouche, bien effervescente, est grasse, ronde, fruitée et un peu pointue. La finale est surette, fruitée et légèrement amère; la persistance aromatique est correcte. Certainement beaucoup trop jeune.

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Horizon Blanc de Blancs Brut Nature (AOC Champagne), Pascal Doquet

Un autre chardonnay à la robe identique. Le nez est plus intense, avec du fruit, du bois, du caramel et un peu de brioche. Il est moins gras en bouche, l’effervescence est plus délicate et il est mieux équilibré, avec du fruit et de la minéralité. La fin de bouche est juteuse et bien sèche, avec de la pomme cuite. Un vin plus accessible que le précédent.

 Plus des 2/3 des participants ont correctement identifié le « grand vin » qui a également été le préféré, mais de très peu.

2ième volée : deux vins blancs, 1er crus de Beaune, même millésime, même cépage, et même négociant.

Beaune du Château 2017 (AOC Beaune 1er Cru), Domaine Bouchard Père & Fils

On continue avec du chardonnay. Il est jaune assez pâle, très brillant. Assez discret au nez, fruité, légèrement vanillé, plus minéral que le suivant, avec du beurre et de la pâte d’amande. En bouche, il est gras, charnu, bien fruité et minéral, avec un beau bois, mais un léger manque de fraîcheur. La finale fruitée, boisée et caramel est très longue. Une des cinq vedettes de la soirée.

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Meursault Perrières 2017 (AOC Meursault 1er Cru), Domaine Bouchard Père & Fils

Jaune un peu plus riche, il est également plus aromatique, plus complexe, plus vanillé (bois neuf), avec du fruit (pomme, pêche), une note fumée, de la minéralité (roche mouillée), de la pâte d’amande et plus de beurre. La bouche est corsée, bien ronde, plus tendue et le bois est bien dosé. La finale juteuse et fruitée est encore plus persistante que le précédent. Une autre vedette de la soirée.

 Encore une fois, plus des 2/3 des participants ont correctement identifié le « grand vin ». Il y a même un participant (Pierre Bélanger) qui a identifié le Meursault Perrières sans hésiter. Les deux vins ont été également aimés, les deux presqu’à l’unanimité. Il s’agit de la volée la plus appréciée de la soirée.

3ième volée : deux bordeaux blancs, du même château, du même millésime, le château et le second vin

La Croix de Carbonnieux 2018 (AOC Pessac-Léognan), Famille Perrin

Cet assemblage de sauvignon blanc et de sémillon est jaune pâle. Le nez, intense, est très herbacé (pipi-de-chat), avec une note fumée (presque brûlée), de la minéralité, du fruit (pêche, fruit de la passion, pamplemousse), de l’oignon cru, un peu de bois et une note de sapinage. La bouche, assez corsée est également très (trop pour certains) herbacée, fruitée, boisée, bien fraîche et équilibrée.

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Château Carbonnieux 2018 (AOC Pessac-Léognan), Famille Perrin

Pour ce Grand Cru Classé de Graves, grand frère du précédent, l’assemblage est de 70 % sauvignon blanc et 30 % sémillon. La robe est un peu plus riche. Au nez, il est moins intense, moins herbacé, plus fin, plus racé, fruité (pêche), avec de la tourbe (scotch) et du sapinage. En bouche, il est assez corsé également, un peu plus boisé, plus rond et l’équilibre est impeccable. La finale est fruitée, légèrement fumée, agréablement herbacée et très persistante. Un vin équilibré et complexe, une autre des vedettes de la soirée.

Le pire score de la soirée : à peine plus du tiers des participants ont correctement identifié le « grand vin » qui a cependant été le plus apprécié des deux.

4ième volée : deux bordeaux rouges, du même château, du même millésime, le grand vin et le second vin

Les Fiefs de Lagrange 2005 (AOC Saint-Julien)

Ce premier rouge, composé de 55 % de cabernet sauvignon, 41 % de merlot et 4 % de petit verdot, est grenat, avec des reflets rubis. Le nez est bien ouvert, très torréfié, avec un beau bois, des fruits cuits et la note végétale typique des bordeaux. En bouche, le corps est moyen, le vin bien sec, avec la même torréfaction et les fruits cuits (pruneaux), peu d’astringence et l’acidité qu’il faut pour un très bel équilibre. La fin de bouche est bien sèche, boisée, végétale et assez longue.

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Château Lagrange 2005 (AOC Saint-Julien)

Ce 3e Grand Cru Classé est composé des mêmes cépages, mais dans des proportions différentes : 75 % cabernet sauvignon, 17 % merlot et 8 % petit verdot. Il est grenat plus évolué et un peu plus foncé. Il est assez expressif au nez, plus fruité (cassis), plus végétal, moins boisé, avec du poivre et des champignons. Encore une fois, le corps est moyen, le vin est rond, légèrement médicamenteux (camphre), fruité, plus frais et les tanins ont commencé à fondre. Ça finit sur les fruits cuits, la torréfaction, un beau bois, la note végétale typique et c’est bien persistant. Un bordeaux d’école et encore une des vedettes de la soirée.

Pour cette volée, à peu près tous ont reconnu le bordeaux, mais seulement 45% des participants ont correctement identifié le « grand vin », qui a été préféré au second vin du château, mais de peu.

5ième volée : deux toscans rouges, du même producteur, du même millésime

Montevertine 2013 (IGT Toscana), Azienda Agricola Montevertine

Fait de sangiovese (90 %), de canaiolo (5 %) et de colorino (5 %), ce toscan est grenat pâlot, très limpide et plutôt évolué. Le nez, assez discret, est peu défini, avec des fruits rouges (cerise), un peu de réglisse, une note viandée et une légère oxydation. La bouche est ronde, fruitée, équilibrée, avec une belle fraîcheur, des tanins marqués mais assez fins et une agréable amertume. Avec sa belle astringence, la finale juteuse est bien fruitée (presque sucrée) et assez longue. Un très beau vin, encore bien jeune.

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Le Pergole Torte 2013 (IGT Toscana), Azienda Agricola Montevertine

Défectueux, ce vin fait exclusivement de sangiovese a dû être retiré de la dégustation.

Le Pergole Torte étant bouchonné, il n’y a pas eu de comparaison ici. Il nous restait donc à coter le « petit » Montevertine, qui en a fait hésiter plusieurs; la robe et les tannins suggéraient un nebbiolo, mais pas le nez. C’est la cinquième des grandes vedettes de la soirée.

6ième volée : une rareté en Châteauneuf-du Pape, un producteur qui ne produit qu’une seule cuvée, en blanc comme en rouge.

Le Vieux Donjon 2012 (AOC Châteauneuf-du-Pape), A.E.R.L. Michel Lucien

75 % grenache, 10 % syrah, 10 % mourvèdre et 5 % cinsault, ce vin du Rhône méridional est rubis pâlot avec une couronne évoluée. Il est exubérant au nez, très fruité (fruits confits), avec des notes terreuse, fumée, chocolatée et l’alcool qui ressort (14 %/vol). En bouche, il est corsé, il a de la mâche, il est très fruité (fruits cuits), les tannins sont encore fermes, mais enrobés, presque soyeux, l’acidité est bien dosée et il est très sec. La fin de bouche est torréfiée (chocolat noir), très, très longue, chaude et agréablement tannique. Un vin fin et élégant malgré l’alcool qui prend trop de place pour certains.

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Pour l’identification du « grand vin », le taux de succès a été de 55 % (rien de bien impressionnant), mais le « grand vin » a été le plus apprécié dans les quatre volées où la comparaison a été possible.

Surprenamment, lors de cette dégustation de très haut niveau, aucun vin n’a fait l’unanimité mais, chose jamais vue à date, cinq vins (dont deux « petits vins ») se retrouvent en tête ex aequo, à une seule voix de l’unanimité. Selon son habitude, Philippe a demandé, en plus du vote régulier sur les vins qui ont été « beaucoup aimés », un autre vote sur les vins qui ont été considérés comme « orgasmiques ». Si on utilise ce critère supplémentaire, on peut classer les cinq vedettes de la soirée comme suit : (1er) le Meursault Perrières 2017, (2e) le Montevertine 2013, (3e) le Beaune 1er Cru 2017, (4e) le Château Lagrange 2005 et (5e) le Château Carbonnieux 2018.

On croyait Philippe indélogeable de la tête du palmarès, avec sa dégustation intitulée « Grands blancs de France » d’avril 2019, mais il a lui-même battu son record, avec cette dégustation mémorable où le taux d’appréciation des vins a frisé les 80 %, une note qui n’est pas prête d’être battue… même par Philippe lui-même. Chapeau!

Alain Brault

19 avril 2023
« L’Afrique du Sud »
Club du mercredi
Organisateur: Richard Milot

Lors de l’annonce de cette dégustation, Richard nous disait : « Le vignoble sud-africain a connu un remarquable essor qualitatif au cours de la décennie 2000-2010 alors que s’amenuisait la mainmise des grands monopoles étatiques et que les domaines familiaux se forgeaient une réputation d’excellence. Ce sont d’abord les cépages bordelais et la région de Stellenbosch qui apparaissent sur le radar des critiques internationaux. Tout juste de retour d’un séjour dans ce vignoble, Richard nous propose un retour sur cette décennie avec le concours de quelques belles pépites tissées serrées, extirpées du fond de sa cave ».

Cette dégustation, à l’aveugle, s’est déroulée en deux volées de cinq vins, précédées d’une mise en bouche. La première volée a porté sur les assemblages bordelais 2003 et 2005 de Stellenbosch et comptait deux intrus à identifier. La deuxième volée était composée de cinq vins de Stellenbosch également, des millésimes 2008 à 2010, en monocépage, sauf un intrus; on saura plus tard qu’il s’agissait de deux paires de monocépages à identifier également.

Mise en bouche

Cuvée Royale Cap Classic Blanc de Blancs Brut 2017, Simonsig

Simonsig a réussi à produire son « grand » mousseux en 2017, malgré la sécheresse qui a marqué ce millésime. La robe est d’un beau jaune doré et l’effervescence est bien visible, chose exceptionnelle dans un verre Riedel Ouverture. Le nez est très ouvert, exubérant même, bien brioché et fruité (pêche, pomme), avec une note minérale (craie). L’attaque est vive et la structure moyenne, avec une certaine rondeur; le vin est très sec, bien mousseux en bouche, fruité (pomme verte) et légèrement rancio. Un mousseux de très haut niveau, fait pour la longue garde. Le vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le Tiara 2005 du même producteur. Il s’agit d’un vin présentement offert par l’agence de Richard, IVSP.

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Volée I

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Estate Reserve 2003 (WO Stellenbosch / Schapenberg Pocket), Morgenster

Ce premier assemblage bordelais, vinifié par Pierre Lurton (Cheval Blanc, Yquem), est composé de cabernet sauvignon (39 %), de cabernet franc (31 %) et de merlot (30 %). Il est grenat moyennement foncé et légèrement brique à la couronne. Au nez, il est intense et complexe, avec une note végétale, du fruit (cerise noire, cassis), des herbes séchées, un beau bois, de la torréfaction (café, chocolat), un peu d’écurie et une note fumée. La bouche est peu corsée, avec une structure fine, une très bonne acidité, des tannins fondus, un beau bois et du fruit; l’équilibre est excellent et, aromatiquement, la bouche suit le nez. La finale est juteuse, avec une pointe d’astringence; elle est fruitée, torréfiée et très longue.

Château Sociando-Mallet 2001 (AOC Haut-Médoc), Jean Gautreau

Ce premier intrus, Cru Bourgeois du Médoc jusqu’en 2002, est un assemblage de 55 % cabernet sauvignon, 40 % merlot et 5 % cabernet franc. La robe est plus foncée et plus rubis. Le nez est assez intense, fruité (fruits rouges), très torréfié, avec de la cendre et une note végétale. Le corps est moyen, avec des tannins faciles, soyeux, du fruit, un bois assez discret, du poivre, la cendre qui revient et la note végétale plus marquée qu’au nez; l’équilibre est très bon. La fin de bouche est fraîche, agréablement astringente, torréfiée (chocolat, café) et très persistante. Un vin fin et racé.

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Le Grand Vin 2005 (VQA Okanagan Valley), Osoyoos Larose

Autre intrus de la volée, ce vin canadien est fait de merlot (67 %), de cabernet sauvignon (23 %), de cabernet franc (4 %), de petit verdot (4 %) et de malbec (2 %). Il est encore plus foncé que le Sociando, presque opaque. L’intensité aromatique est moyenne et on sent les fruits rouges, du goudron, du cacao, une note végétale et un côté crémeux qui fait assez Nouveau Monde. L’attaque en bouche est bien fruitée, le vin est rond, souple, avec des tanins discrets, une bonne acidité, une certaine chaleur (13,5 %/vol), un bois vanillé bien présent et une bonne dose de fruit (figue); l’équilibre est correct. La finale est très sèche, torréfiée (café) et assez persistante. Un vin à maturité.

The Bell Tower 2005 (WO Stellenbosch-West), Asara Wine Estate

On retourne au thème, avec un autre assemblage de cabernet sauvignon, cabernet franc, merlot, petit verdot et malbec. Également bien foncé, il est intense au nez, fruité, encore plus cendre que le Sociando, épicé, floral (pivoine), avec des fines herbes et du menthol. La bouche est corsée, pleine, bien fruitée, avec des tanins plus marqués, mais bien enrobés, une bonne acidité, de la chaleur (14 %/vol), de la torréfaction (café noir) et du goudron. Ça finit sur une astringence moyenne, du chocolat noir et du fruit (cerise noire) et c’est très, très long. Un vin droit, encore jeune, 3e préféré de la soirée, très près des deux vedettes.

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Tiara 2005 (WO Stellenbosch / Simonsberg Ward), Simonsig

Cette fois, c’est 65 % cabernet sauvignon, 4 % cabernet franc, 29 % merlot et 2 % petit verdot. Il est légèrement plus pâle et plus évolué. Le nez est moyen, fruité (cassis), légèrement végétal et minéral (graphite), avec une note animale. La bouche est ronde, solide, avec du fruit (cerise), des tanins bien sentis, un bois bien dosé, bien intégré et un super équilibre. La finale est juteuse, légèrement astringente et le fruit persiste longtemps. Une des 2 vedettes de la soirée, avec la Cuvée Royale.

Volée II

Paul Sauer 2008 (WO Stellenbosch / Simonsberg Ward), Kanonkop

Rubis assez foncé, il s’agit de l’intru, un assemblage de 69 % cabernet sauvignon, 22 % cabernet franc et 9 % merlot. Le nez, d’intensité moyenne, est bien végétal (style bordeaux), assez boisé, fruité (cerise noire) et torréfié (chocolat noir). En bouche, la texture est très belle, le corps moyen, les tanins présents mais pas agressifs, le boisé marqué (24 mois de fûts français neufs) et l’équilibre très beau. La finale est chaude, tannique, fruitée et assez longue.

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Cabernet Franc 2009 (WO Stellenbosch / Polkadraii Ward), Raats Family

Ce vin est fait exclusivement de cabernet franc et la robe est identique au précédent. Le nez est moyennement intense, plus fin, moins végétal, fruité (fruits rouges), épicé, un peu cave humide et terreux. En bouche, il est rond, serré, bien sec, avec des tanins bien présents, la même note végétale, le fruit qui ressort mieux et une certaine verdeur. La finale très sèche est chaude (14 %/vol), avec des aromes persistants de torréfaction et de fruits cuits.

Cabernet Franc 2010 (WO Stellenbosch / Simonsberg Ward), Warwick

Un autre pur cabernet franc à la robe rubis foncé, élaboré celui-ci par Norma Radcliffe, co-propriétaire et œnologue canadienne. Il est intense au nez, très boisé (coconut) (27 mois de bois français, 45 % neuf), fumé, avec une note médicamenteuse (menthol), du chocolat et du tabac. Il est assez corsé en bouche, avec des tanins marqués, le bois qui domine, un peu de fruit, de la vanille, une bonne acidité et une note végétale; l’équilibre est quand même bon. La fin de bouche est astringente et très boisée; c’est la noix de coco qui persiste longtemps. Un vin très apprécié mais malheureusement pas exporté pour le moment.

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Classico 2010 (WO Stellenbosch), Della Cia

On passe au cabernet sauvignon (100 %). Il est plus foncé et plus rubis que les cabernets francs. L’intensité aromatique est moyenne, avec des herbes sèches, des fruits noirs confits, du café et du tabac. La bouche est très corsée, charnue, bien sèche, plus pointue, avec une belle astringence, des fruits cuits et un assez beau bois; l’équilibre est très bon. Giorgio della Cia, créateur du Rubicon de Meerlust, est considéré comme le « père » du modèle bordelais en Afrique du Sud.

Cabernet Sauvignon 2008 (WO Stellenbosch / Annandale Pocket), Guardian Peak

On termine avec un autre 100 % cabernet sauvignon, encore plus foncé et plus jeune à l’œil. Le nez, bien ouvert, est très fruité (fruits rouges et noirs), vanillé, boisé et légèrement médicamenteux. La bouche corsée, très concentrée, dénote une forte extraction, avec une bonne dose de bois, des tanins solides mais assez agréables, beaucoup d’alcool (15 %/vol), du noyau de cerise, de l’olive noire et un côté terreux (betterave); l’équilibre est correct, les tanins compensant un léger manque d’acidité. La finale astringente est fruitée (presque sucrée), boisée, légèrement végétale et bien longue.

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Lors de la première volée, nous avons eu droit à cinq vins très semblables dont certains, malgré leur âge, sont encore relativement peu évolués. La similarité des vins était telle que peu de participants ont réussi à identifier les intrus; chose curieuse, ces deux vins (Sociando et Osoyoos) ont été nommé par des participants, mais au mauvais endroit. Cette volée, dont deux vins sont montés sur le podium, a été préférée de peu à la suivante.

À la deuxième volée, constatant le peu de succès des participants à identifier l’intrus et les cépages, Richard a fourni un indice, précisant qu’il y avait deux paires de monocépages. Malgré cela, le succès n’a pas été spectaculaire. Le chouchou de la volée a été le cabernet sauvignon Classico 2010 de Della Cia.

Les vins les plus aimés ce soir, à une voix de l’unanimité, ont été les deux vins de Simonsig, le mousseux Cuvée Royale 2017 et l’assemblage bordelais Tiara 2005, suivis de très près par un autre assemblage bordelais, le Bell Tower 2005 d’Asara.

Par cette dégustation, Richard a fait montre d’un talent redoutable de sommelier, en sélectionnant des vins de factures tellement semblables qu’il était pratiquement impossible de débusquer les intrus. Cela n’a cependant rien enlevé au plaisir de l’exercice, car nous avons pu profiter de sa connaissance intime du vignoble d’Afrique du Sud et de son histoire ainsi que de ses nombreux contacts parmi les meilleurs producteurs. Et on n’a couvert que Stellenbosch; il reste donc encore beaucoup de territoire à explorer. Merci mon colonel!

Alain Brault

3 mai 2023
« Les bourgognes rouges – La Côte de Beaune »
Dégustation collective
Coordonnateur: Pierre Bélanger

Pour notre troisième dégustation collective, après Bandol et la Côte de Nuits, on se déplace en Côte de Beaune, à une exception près, un Givry de la Côte chalonnaise. Il s’agit en fait de la deuxième moitié du projet initial d’une dégustation de bourgognes rouges qui a dû être scindée en deux à cause du trop grand nombre de vins proposés par les membres. Cette fois encore, huit membres de l’Académie ont contribué un ou plusieurs vins afin de monter cette dégustation.

Pierre a accompagné sa dégustation d’une présentation très documentée sur la Côte de Beaune ainsi que sur les producteurs et les vins présentés.

La dégustation a été offerte en semi-aveugle, la liste des vins étant connue, mais pas l’ordre de service. Tous les vins ont subi une double décantation quelques heures avant la dégustation. Défectueux, le Santenay 1er Cru Beaurepaire Collection Bellenum 1998 de la Maison Roche de Bellene qui avait été annoncé a été retiré et remplacé par un Pommard les Vaumuriens 1990 de Robert Ampeau et Fils.

Volée I

Monthélie 1er Cru Les Duresses 2011, Hospices de Beaune, Joseph Drouhin

Un vin grenat assez pâle, avec une couronne brique. Le nez est plutôt discret, fruité (fraise), floral, avec de l’oignon cru, de la crème et des champignons. La bouche est peu corsée, sans être aqueuse, l’acidité est marquée, les tanins solides mais assez discrets; côté équilibre, c’est un peu pointu. La finale est surette, fruitée et moyennement persistante. Un vin de bouffe, probablement dans une phase ingrate; le mal aimé de la soirée.

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Givry 1er Cru Clos Marole 2015, Domaine Joblot

D’un millésime extraordinaire, celui-ci est plus foncé, avec des reflets rubis. Au nez, il est un peu plus ouvert, c’est le plus fruité des trois, le plus épicé (poivre), avec une note animale et une légère évolution. En bouche, il est plus corsé, plus charnu, mais encore assez fin, avec des tanins plus présents, beaucoup de fraîcheur, beaucoup de fruit et un peu de chaleur (13 %/vol); l’équilibre est très bon. Ça finit sur la fraîcheur, une belle astringence, du fruit et c’est assez long. Mieux intégré que le précédent, c’est le 3e vin le plus apprécié de la soirée, tout près des deux grandes vedettes.

Chassagne-Montrachet 1er Cru Clos St-Jean 2010, Jean Noël Gagnard

La robe est très pâle et assez évoluée. Le nez est bien ouvert, bien fruité, légèrement tertiaire, avec des herbes sèches, des champignons, du tabac, du sous-bois et un début d’oxydation. La bouche est peu corsée, les tanins très fins, l’acidité très bonne et le fruit bien présent; l’équilibre est excellent. La fin de bouche est juteuse et légèrement astringente; la persistance aromatique est très bonne. C’est le plus avancé des trois au nez, mais pas en bouche.

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Volée II

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Pernand-Vergelesses 1er Cru Les Vergelesses 2016, Rapet Pêre & Fils

Le vin est rubis moyen, peu évolué. Moyennement aromatique, il est bien fruité (cerise noire, groseille, bleuet), fumé, bien épicé, avec du cuir, un peu de vanille et de l’alcool (13,5 %/vol). La bouche est ronde, grasse, les tanins sont soyeux, l’acidité est bonne, le vin est bien sec et l’équilibre est excellent. La finale est juteuse, avec une belle astringence, beaucoup de fruit, de la torréfaction, des épices, et elle est assez longue. Un vin au nez invitant, mais encore bien jeune et un peu austère.

Savigny-lès-Beaunes 1er Cru Les Charnières 2014, Capitain Gagnerot

La robe est grenat pâle et montre un début d’évolution. Le nez est discret, peu défini, animal, terreux, avec du fruit et du cuir. En bouche, il est moins corsé et plus frais que le précédent, les tanins sont aussi accessibles, mais on détecte une légère verdeur et une note poussiéreuse; l’équilibre est impeccable. La fin de bouche est bien fraîche, fruitée et très persistante. Un vin tout en finesse; le préféré de la volée.

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Volnay 1er Cru Taillepieds 2010, Domaine Marquis d’Angreville

À l’œil, celui-ci se situe entre les deux autres, pour l’intensité et l’évolution, et il est moins brillant. Au nez, il est bien ouvert, très épicé, fruité (cerise, mûre, prune), animal, avec des notes tertiaires (champignons, tabac). La bouche est corsée, charnue, bien sèche, les tanins sont serrés mais assez fondus, le fruit et les épices sont bien présents et il a l’acidité nécessaire pour un excellent équilibre. Ça finit sur la torréfaction (chocolat au lait) et une bonne dose de bois vanillé (trop pour certains). Un vin suave, bien apprécié.

Volée III

Pommard Épenots 1er cru 2016, Dubreuil-Fontaine

Ce premier pommard est grenat avec des reflets orange. Il est moyennement aromatique et bien fruité, avec un début d’évolution. En bouche, il est corsé, solide, tout en étant soyeux, il est bien fruité (groseille), chaud (13,5 %/vol), avec des tanins très fins, une très bonne acidité, des olive noires et une note végétale; l’équilibre est excellent. La finale fruitée, boisée et amère est très longue. Un vin beaucoup trop jeune pour être apprécié, mais qui a beaucoup de potentiel.

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Pommard les Vaumuriens 1990, Robert Ampeau et Fils

Le deuxième est plus foncé, mais moins limpide et beaucoup plus évolué, avec une couronne brunâtre. L’intensité aromatique est moyenne, le nez est bien évolué, avec des fruits cuits, des champignons, du sous-bois, de la feuille de thé, de la viande, de la fumée et une note oxydée (trop pour certains, superbe pour d’autres). Le corps est moyen le fruit encore présent et le vin est bien frais. La fin de bouche est juteuse, assez fruitée et moyennement persistante. Un beau bourgogne mature mais encore en grande forme; le préféré des deux, mais de très peu.

Volée IV

Corton Grand Cru Les Bressandes 2010, Domaine Chardon de Briailles

Le plus jeune des cortons est grenat d’intensité moyenne et légèrement évolué. Le nez est bien ouvert, très fruité, épicé, légèrement animal et terreux, avec une pointe de tapenade. Le corps est moyen, le vin est très souple, les tanins assez accessibles, l’acidité plutôt vive, le fruit bien marqué, avec une certaine minéralité, une légère touche végétale (aneth) et de la cannelle; l’équilibre est très bon. En finale, bien sèche, ce sont les arômes de fruit et de sous-bois qui persistent. Un vin racé, avec un beau début de maturité; le vin le plus aimé de la soirée, ex aequo avec le Beaune 1er Cru qui suit.

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Beaune 1er Cru Les Teurons 2010, Domaine Rossignol-Trapet

Du même millésime, à l’œil, c’est le plus pâle et le plus évolué des trois. Il est très aromatique, très pinot noir, avec du fruit (fraise, cerise), des épices (poivre, cannelle), une note animale et pas aussi évolué au nez qu’à l’oeil. Le corps est moyen, les tanins bien intégrés, ce qui donne une belle rondeur, et encore beaucoup de fruit; l’équilibre est impeccable. La finale est juteuse, fruitée et très, très longue. Un grand bourgogne classique, le plus apprécié de la soirée, avec le Corton-Bressandes.

Corton-Perrières Grand Cru 2005, Domaine Michel Juillot

D’un millésime extraordinaire, dont les vins sont généralement encore bien jeunes, cet autre grand cru est beaucoup plus foncé que le 2010, avec des reflets rubis de jeunesse. Il est moins aromatique que les deux autres, mais quand même assez expressif, surtout sur les fruits cuits et les épices. La bouche est corsée, bien tannique, torréfiée, avec des fruits cuits, une très bonne acidité et un très bel équilibre; il s’exprime beaucoup mieux en bouche. La fin de bouche est minérale, plutôt astringente, torréfiée, fruitée et très persistante. Un grand vin qui a de la puissance et beaucoup d’avenir.

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La première volée nous a offert des vins bien pâles, assez peu expressifs au nez et plus léger en bouche, mais le Givry 1er Cru 2015 de Joblot est quand même monté sur le podium. Comme deuxième volée, nous avons eu droit à trois vins beaucoup plus concentrés; le Savigny 1er Cru 2014 de Capitain Gagnerot s’est démarqué. La troisième volée, celle des deux pommards, a été la moins appréciée de la soirée, malgré qu’elle comptait le plus vieux vin de la dégustation, un 1990, millésime exceptionnel dont les vins sont maintenant à pleine maturité; les dégustateurs ont reconnu les Pommard.

Enfin, la dernière volée, la plus prestigieuse et de loin la plus appréciée de la soirée, comptait les deux grandes vedettes de la soirée, à une voix de l’unanimité, d’un millésime exceptionnel, mais pas de longue garde, 2010 : le Corton-Bressandes de Chardon de Briailles et le Beaune 1er Cru de Rossignol-Trapet. On s’est également amusé à essayer d’identifier le « vieux » Corton et le Beaune; pour le 2005, un seul participant y est arrivé, tellement il est encore loin de la maturité, et 47 % des participants ont identifié le Beaune 1er Cru, un vin véritablement de niveau Grand Cru.

Un grand merci aux généreux contributeurs (par ordre alphabétique), Jocelyn Audette, David Côté, Denis Desjardins, Philippe DesRosiers, François Lamontagne, Marc-Étienne LeSieur, Philippe Richer et Marc St-Onge. Merci également aux autres membres de l’Académie qui ont proposé des vins pour cette occasion. Enfin, merci à Pierre pour son excellent travail de sélection (que des vins de millésimes exceptionnels ou extraordinaires), pour sa documentation fouillée, pour l’ordre de service parfait et pour l’animation de la soirée.

Après trois dégustations collectives, dont les deux dernières se retrouvent au palmarès, il ne fait plus aucun doute que la formule sera de plus en plus utilisée dans les années à venir. Les propositions de thèmes commencent déjà à arriver.

Alain Brault

10 mai 2023
« Côtes-du-Rhône septentrionales »
Club du mercredi
Organisateur: François Lamontagne

Dans la programmation, François nous propose « un périple dans le fief de la syrah », nous permettant de vérifier si les appellations prestigieuses, telles Hermitage, Côte-Rôtie ou Condrieu sont toujours dignes de leur passé mythique. Pour Condrieu, faudra se reprendre, mais il nous a servi cinq de ces grandes AOC du Rhône du Nord.

Il a commencé sa dégustation par une présentation brève mais assez complète sur la région thématique : sur son histoire, ses sols et son climat, sur le vignoble, les appellations, les cépages autorisés, en plus de quelques statistiques sur la production. Cette dégustation de onze vins, répartis en quatre volées, s’est déroulée à l’aveugle.

Première volée : les blancs

Saint-Peray 2021, Pierre Gaillard

La robe limpide est jaune doré d’intensité moyenne. Le nez est ouvert, fruité (agrumes, pomme blette, melon), floral, légèrement boisé et minéral. La bouche est bien grasse, presque huileuse, très fruitée, minérale, avec une légère amertume et une acidité à peine correcte, qui laisse le vin un peu mou. La finale, chaude (13 %/vol) et un peu amère, est fruitée et plutôt longue. Un assemblage de marsanne et de roussanne, où le 30 % de roussanne se fait sentir.

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Hermitage « Chante-Alouette » 2018, M. Chapoutier

Ce 100 % marsanne est jaune doré plus foncé et plus brillant. Il est intense au nez, fruité (pêche, carambole) et floral, avec du beurre et un peu de chêne. L’attaque en bouche est très fruitée, le vin est moyennement corsé, très frais et très minéral; l’équilibre est très bon. La fin de bouche est bien fruitée et assez persistante. Un hermitage blanc d’une belle complexité aromatique et encore bien jeune. Le vin de la soirée, ex aequo avec le Thalabert 2011.

Deuxième volée : trois rouges faits exclusivement de syrah.

Cornas « Cuvée Casimir Balthazar » 2012, Frank Balthazar

À l’œil, il est rouge rubis assez foncé, avec une légère évolution. Au nez, il est complexe, très ouvert, fruité (fruits noirs et rouges), très épicé (poivre), animal et boisé, avec des olives et du cuir. Le corps est moyen, les tanins fins, soyeux, l’acidité correcte, avec beaucoup de fruit, une note animale, du camphre et de la chaleur (13.5 %/vol); l’équilibre est assez bon. La finale est juteuse, fruitée et très longue. Issu d’un millésime chaud, c’est un des plus beaux nez de la volée.

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Cornas « Champelrose » 2014, Domaine Courbis

Même couleur que le précédent, mais un peu plus foncé et moins évolué. Le nez est moyennement intense et peu défini, avec du fruit (cerise) et du poivre. La bouche n’est pas très corsée, les tanins sont assez faciles et l’acidité est correcte sans plus; un beau fruité et un peu de bois complètent le tout. Un vin bien fait, tout en fruit, mais plus simple.

Hermitage 2010, E. Guigal

Encore plus foncé et moins évolué, celui-ci est bien ouvert au nez, très fruité, avec du bois vanillé, des épices, de la réglisse, du cuir et une note animale. En bouche, le corps est moyen, le vin est plus tannique (un peu pâteux pour certains), bien rond, fruité, avec une très bonne acidité et une bonne dose de bois; l’équilibre est excellent. La finale est très fraîche, bien fruitée, très boisée (noix de coco), chocolatée et très, très longue. Un vin pour la longue garde, le plus apprécié de la volée, à une voix des deux grandes vedettes.

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Troisième volée : encore trois rouges 100 % syrah.

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Crozes-Hermitage 2011, Domaine de Thalabert

La robe est rubis assez foncé, avec une légère évolution à la couronne. Le nez est assez discret, bien fruité, légèrement fumé et boisé, avec de l’eucalyptus, un peu d’olive, du poivre et une note animale. L’attaque est soyeuse, le vin est plutôt gras, les tanins arrivent mais ils sont assez fins, assez fondus et il a l’acidité qu’il faut pour un très bon équilibre; il est plus évolué en bouche qu’au nez, avec une légère note végétale. La fin de bouche, bien longue, est torréfiée (cacao), avec des fruits cuits et du bois vanillé. Un vin d’une belle maturité, le plus aimé de la volée et une des deux grandes vedettes de la soirée, avec le Chante-Alouette 2018.

Hermitage 2009, Domaine Belle

D’un millésime extraordinaire, il est rubis très foncé, presque opaque, sans trace d’évolution. Il est ouvert au nez, très fruité (cerise, mûre), très fumé et très animal, avec du bois et une légère note médicamenteuse. Il offre la même attaque soyeuse que le Thalabert, mais il est plus gras et plus boisé, avec des tanins solides mais assez agréables; l’équilibre est bon. La finale est astringente et c’est le bois qui persiste. Un vin délicieux, le plus tannique et le plus prometteur des trois.

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Crozes-Hermitage « La Guiraude » 2007, Alain Graillot

La robe de celui-ci est rubis, légèrement évoluée, entre les deux autres. Le nez est très ouvert, très olive, fruité (griotte, canneberge) et fumé, avec de l’aneth, une note animale et une pointe d’acidité volatile. Il est peu corsé, peu fruité en bouche, iodé et très vif. La fin de bouche est surette et oxydée. Un vin polarisant, mais dont la bouche a été qualifiée de « détestable » par plusieurs participants.

 

Quatrième volée : toujours trois rouges de syrah

Côte-Rôtie « Laurus » 2017, Gabriel Meffre

Un vin rouge aux reflets rubis, mais assez évolué pour son âge. L’intensité aromatique est moyenne, le nez est vraiment fruité (groseille), légèrement végétal, avec des fines herbes (thym, basilic), une belle note animale, des champignons, du cuir, du poivre blanc et une note médicamenteuse. La bouche est bien grasse, tout en restant élégante, très fruits cuits; les tanins sont assez faciles, l’acidité est très bonne, le bois bien dosé et l’équilibre est excellent, malgré une certaine chaleur (13,5 %/vol). La finale est juteuse, fruitée, boisée et bien longue. Un vin superbe, complexe et encore jeune.

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Côte-Rôtie « Terrasses » 2018, Jean-Luc Jamet

Celui-ci est plus foncé et plus rubis. Le nez est bien ouvert, très fruité (fruits rouges), fumé et épicé, avec une belle note végétale et de l’olive. La bouche est ronde, veloutée, avec des tanins présents mais assez fondus, une très bonne acidité, beaucoup de fruit et des épices; l’équilibre est parfait. Ça finit sur une belle astringence, beaucoup de fruit épicé et c’est très, très persistant. Un merveilleux vin, tout en élégance et au nez sublime; plusieurs l’ont qualifié de « vin parfait », le plus apprécié des trois, mais de peu.

Hermitage « Monier de la Sizeranne » 2013, M. Chapoutier

Encore assez jeune à l’œil, c’est le plus pâle des trois. Il est bien expressif au nez, très fruité (cerise), légèrement boisé, avec des fines herbes et du poivre. Encore une bouche ronde et soyeuse, beaucoup de fruits, des épices, des tanins assez discrets, une grande minéralité et un équilibre impeccable. La fin de bouche, bien sèche, est juteuse, très fruitée et bien longue. Un autre « vin parfait » avec un avenir incroyable.

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Nous avons donc eu droit à deux vins blancs et neuf rouges de millésimes allant de 2007 à 2021 et couvrant cinq des huit appellations communales de la région.

L’ordre de service était très intéressant, François ayant décidé d’utiliser l’AOC Hermitage comme fil conducteur, comme vin de référence, à chaque volée. Ainsi, en blanc, il a servi un Saint-Péray à côté d’un Hermitage, avec un résultat assez prévisible; l’Hermitage blanc 2018 de Chapoutier ayant été une des deux grandes vedettes de la soirée. À la volée suivante, c’est Cornas qui s’est mesuré à Hermitage et c’est l’Hermitage 2010 de Guigal qui a été préféré; il s’est même classé bon troisième tout juste derrière les deux vedettes de la dégustation. Pour la volée III, on passe au Crozes-Hermitate et, cette fois, le Thalabert 2011, l’autre grande vedette de la soirée, a damé le pion à l’hermitage. Enfin, à la dernière volée, Côte-Rôtie vs Hermitage, un combat beaucoup plus équitable, c’est le Côte-Rôtie 2018 de Jamet qui a été préféré.

L’énorme différence entre la syrah rhodanienne et tous les « shiraz » du Nouveau Monde est bien connue, mais cette comparaison entre les différents visages que ce cépage peu prendre dans une même région, selon les producteurs, les terroirs et les millésimes, est très intéressante. Un gros merci à François pour sa générosité. Il nous a permis de déguster des vins de producteurs réputés, pour la plupart, et de millésimes extraordinaires dont 2009, 2010, 2011 et 2018.

Alain Brault

24 mai 2023
« L’Argentine »
Club du mercredi
Organisateur: Patrice Laquerre

Pour sa première prestation à l’Académie, Patrice a décidé de nous présenter des vins d’un pays où il a vécu plusieurs années, l’Argentine, en fouillant généreusement dans la cave qu’il en a rapportée. Il nous a promis des « vins difficiles ou impossibles à trouver ici »; on s’attendait donc à des vins très originaux avec, on l’espérait, quelques vins de malbec.

Il a débuté la soirée par une courte présentation de chiffres-clés sur l’Argentine et son vignoble, pour poursuivre, après chaque volée, avec l’information détaillée sur chacun des vins dégustés. Cette dégustation à l’aveugle comprenait treize vins, répartis en trois volées : une de vins blancs, une de vins rouges de mono-cépages non bordelais et une de vins contenant du malbec.

Première volée : quatre vins blancs qui ont le chardonnay en commun.

Millésime 2006 (IG Valle de Uco), Bodega Cruzat

Sur l’étiquette, on peut lire « Blanc de noir », mais ce mousseux de méthode traditionnelle contient en réalité 15 % de chardonay, en plus du pinot noir; il n’est produit que lors des millésimes exceptionnels comme 2006, 2014 et 2017. Il est jaune assez riche et, comme c’est souvent le cas dans les Riedel Ouverture, l’effervescence est pratiquement invisible. Au nez, il est bien ouvert, fruité (pomme verte), floral et légèrement rancio. Dès l’attaque en bouche, on sent bien l’effervescence, le vin n’est pas très gras, il est bien sec (non dosé), très frais, vif même, très fruité, minéral et brioché. La finale est vive, légèrement amère et bien fruitée. Un mousseux très apprécié pour son mordant en bouche et sa belle évolution aromatique.

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45º Rugientes 2017 (IG Patagonia), Otronia

La robe de ce premier blanc tranquille, composé de gewürztraminer (60 %), de pinot gris (25 %) et de chardonnay (15 %), est jaune assez pâle et très brillante. Le nez est intense, très fruité (melon, poire, fruit de la passion), floral et légèrement pétrolé, avec des notes de cire et de fumée. La bouche est ronde, très fruitée également, pas totalement sèche, légèrement boisée, bien fraîche et très bien équilibrée. La fin de bouche est rafraîchissante, fruitée, fumée et très persistante. Un vin bio très aromatique et très agréable.

Fosil 2019 (IG San Pablo / Valle de Uco), Zuccardi

Identique au précédent à l’œil, ce 100 % chardonnay est le plus discret de la volée, tout en étant assez expressif au nez; il est fruité, plus floral et minéral, avec une note herbacée. En bouche, il a une belle texture, du corps, du fruit (agrumes), du bois vanillé, une bonne acidité et de la chaleur (13,5 %/vol); l’équilibre est très bon. La finale est juteuse et fruitée. Un vin tendu, style chablis, encore bien jeune; le préféré de la volée.

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Edad Media 2018 (IG Tupungato / Valle de Uco), Altar Uco

Ce dernier blanc est un assemblage de chardonnay (70 %), de chenin (20 %) et de sauvignon blanc (10 %). C’est le plus foncé, avec des reflets dorés. Le nez est puissant, fruité (poire, citron), minéral (pierre à fusil) et épicé, avec une légère note fermentaire. La bouche est un peu moins grasse que le précédent, plus en finesse, plus vive, un peu moins fruitée (pomme granny-smith) et assez chaude (13 %/vol), avec un bois discret et de la noisette; l’équilibre est très bon. La fin de bouche est très rafraîchissante, bien fruité et très longue. Un vin assez complexe et savoureux.

Deuxième volée : quatre monocépages rouges non-bordelais

Parcela La Totora 2018 (IG Valle de Calingasta), Cara Sur

Avec sa robe œil-de-perdrix, ce premier vin rouge, fait exclusivement de criolla chica (le país du Chili, le mission de Californie), est plus près du vin rosé que du rouge. Il est ouvert au nez, sans plus, fruité (fraise, framboise), un peu bonbon et légèrement chocolaté. Le corps est moyen, les tanins bien présents et l’acidité très bonne; Il est fruité, juteux et très sec. Il finit sur l’astringence, une légère amertume, les fruits épicés et le chocolat noir. Un vin beaucoup plus intéressant en bouche qu’au nez; il a dû être décanté et filtré avant dégustation, tellement il y avait de dépôt.

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Troisième volée : encore trois rouges 100 % syrah.

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Bonarda 2016 (IG Vistalba / Luján de Cuyo), Matias Riccitelli

La robe de celui-ci est rouge violacé et opaque. Le nez est moyennement intense, avec des fruits noirs, du bois, des fines herbes (romarin, basilic), des épices (poivre) et une note terreuse. La bouche est ronde, moins corsée que ce que la robe annonçait, les tanins sont serrés mais assez fins et on y détecte des fruits confits, du bois et de la torréfaction; il est bien équilibré, sans aucune lourdeur. La finale est fruitée, torréfiée (chocolat noir), assez chaude (14 %/vol) et bien persistante.

Lote Especial Tannat 2018 (IG Valle Calchaquí / Salta), Bodega Colomé

À l’œil, il est identique au précédent, mais il est plus expressif au nez, avec des fruits cuits, de la cendre, de la fumée, du poivre, une note animale et de la feuille de tomate, L’attaque en bouche est florale (pivoine, violette), il est plus corsé, plus fruité, les tannins sont plus astringents et on y trouve un beau bois, de la torréfaction, une note médicamenteuse et la feuille de tomate qui revient. La fin de bouche, sur les fruits cuits, le bois et le chocolat, est très longue. Un vin riche et jeune, avec la note chauffée des rouges chiliens.

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Pinot Noir Cincuenta y Cinco 2016 (IG Patagonia), Bodega Chacra – Piero Incisa della Rocchetta (Tenuta San Guido – Sassicaia)

Ce pinot noir est rubis clair, légèrement évolué. Il est très aromatique, bien fruité (fraise, cerise), épicé et floral, avec un peu de caramel et de tabac. La bouche, peu corsée, est soyeuse, bien fruitée, les tannins sont discrets, l’acidité est bonne et on y détecte de la rose, du poivre blanc, du cuir, du café, du tabac et du cacao; l’équilibre est très bon. La finale est fruitée, fumée et de bonne longueur. Les dégustateurs ont facilement identifié ce pinot noir bien typé et très bien fait, le vin préféré de la soirée.

Troisième volée : cinq vins rouges contenant du malbec (un peu, beaucoup…)

J Alberto 2019 (IG Rio Negro / Patagonia), Bodega Noemía

Ce premier malbec contient 5 % de merlot. Il est grenat foncé, avec des reflets rubis. Au nez, il est ouvert et bien fruité (mûre), avec une note végétale (poivron vert), un beau bois, du chocolat et de la réglisse. La texture est très belle en bouche, toute en rondeur, mais l’alcool prend beaucoup de place (14 %/vol); le vin est bien fruité, les tanins sont enveloppés, la barrique est bien dosée et l’équilibre est assez bon, malgré l’alcool. Ça finit sur les fruits cuits, le bois, la note végétale et c’est très persistant. Un vin (en biodynamie) moins complexe que les autres, plus jeune, encore sur le fruit.

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Gran Enemigo Single vineyard Gualtallary Cabernet Franc 2016 (IG Tupungato / Valle de Uco), El Enemigo

Cette fois, le malbec laisse la priorité au cabernet franc (85 %). Plus foncé et aussi rubis que le précédent, il est plus discret au nez, avec des fruits noirs, du bois vanillé, un côté terreux, une impression sucrée (alcool) et du cuir; le nez évolue constamment dans le verre, il s’ouvre, il s’améliore. Le vin est moyennement corsé en bouche, très torréfié (cacao, café), l’acidité est très bonne et les tanins bien enrobés quoiqu’un peu pâteux; l’équilibre est excellent. La finale est fruitée, torréfiée, très vanillée et très longue. Un vin très apprécié des participants.

Mendel Finca Remota 2017

Ce 100 % malbec est de même couleur, mais en plus opaque. Le nez est intense et fruité, avec une note oxydée, de la farine de blé entier, des épices, de la fumée, une note florale, du cacao, de l’eucalyptus et de la barrique brûlée : un nez très complexe. La bouche est plus corsée, les tannins sont plus astringents, l’alcool est plus présent (14,5 %/vol), mais l’équilibre reste impeccable; on y détecte des arômes de fruits cuits, de bois torréfié et une note animale. La fin de bouche est chaude, fruitée, mentholée, très boisée et interminable. Le vin le plus frais de la volée et le 2e préféré de la soirée, même si le bois en a dérangé quelques-uns.

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Vistalba Corte A 2015 (IG Vistalba / Luján de Cuyo), Bodega Vistalba

Pour celui-ci, l’assemblage est de 70 % malbec, 16 % cabernet sauvignon et 14 % bonarda. Encore une fois, robe identique, mais beaucoup moins d’intensité aromatique, avec du fruit (bleuet), des épices (poivre blanc), une note végétale, du bois, du café, du cuir et des notes terreuse et animale. L’attaque est très fruitée, le corps est moyen, les tanins assez fins mais bien sentis et l’équilibre est très, très bon; on y goûte les fruits cuits, le bois vanillé et beaucoup d’épices. Ça finit sur une belle astringence, de la confiture, de la torréfaction et c’est très persistant.

Yacochuya 2016 (IG Valle Calchaquí / Salta), Bodega Yacochuya (Michel Rolland)

Un autre 100 % malbec, toujours de la même couleur, mais avec des signes d’évolution à la couronne. Encore un nez intense, très fruité, très chocolaté et fumé, avec une note volatile qui finit par s’estomper et être remplacée par du concombre : le plus beau nez de la volée pour plusieurs. En bouche, il est très sec, corsé, bien gras, tout en restant fin et racé; on y retrouve de beaux tanins serrés, encore les fruits cuits, le bois, la torréfaction, la chaleur (15 %/vol), mais un peu plus d’acidité n’aurait pas nui. En fin de bouche, c’est une belle astringence, des fruits confits, du bois vanillé et c’est super long. Un vin magnifique, encore jeune et très prometteur; le 3e plus aimé de la soirée.

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Nous avons d’abord eu droit à un magnifique mousseux qui a de quoi faire rougir bien des champagnes. Ensuite, trois beaux vins blancs dont deux assemblages qui sortent de l’ordinaire : du gewurztraminer avec du chardonnay et du chardonnay avec du chenin et du sauvignon; mais c’est le 100 % chardonnay de style très chablisien qui a été préféré, après le mousseux, évidemment.

La première volée de rouge en a surpris plusieurs, d’abord par l’originalité de ses cépages (de la criolla, de la bonarda, du tannat) et par la qualité et la complexité des vins, surtout celles du pinot noir de Piero Incisa della Rocchetta, le Chacra, qui a été la grande étoile de la soirée.

C’est la volée de malbec qui a été la plus appréciée de la dégustation, avec cinq vins servis en ordre géographique, de la vallée du Rio Negro en Patagonie dans le sud à Cafayate dans le nord, en passant par Tupungato, Altamira et Luján de Cuyo, dans Mendoza. Les cinq vins étaient très semblables à l’œil, malgré les différents assemblages et millésimes, mais ils avaient chacun leur personnalité propre et témoignaient d’un bel usage de la barrique (sauf exception), bien loin de style lourdaud et sucré que les vins du Nouveau Monde nous offrent encore trop souvent; seul bémol, les taux d’alcool généralement élevés.

Alors, sur le podium : 1er, le pinot noir Cincuenta y Cinco 2016 de la Bodega Chacra; 2e, le malbec Mendel 2017 de Finca Remota et 3e, le malbec Yacochuya 2016.

Merci Patrice pour ce beau voyage à travers l’Argentine vinicole qui en a surpris plusieurs. Il nous a permis de mettre à jour nos connaissances sur les vins de ce pays et de remettre en question plusieurs de nos préjugés à leur sujet.

Alain Brault