2019 - 2020

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11 septembre 2019
Le pinot gris
Club du mercredi
Organisateur : Laurent Gémar

Venez découvrir ou redécouvrir cette mutation du pinot noir qui a su s`implanter dans le monde entier. Cette dégustation s`efforcera de retracer son histoire plus que demi-millénaire avant de se pencher sur son potentiel de maturation et de vieillissement sur le terroir alsacien. Saurez-vous différencier les pinot gris, ex-tokay d’Alsace, pinot beurot, pinot grigio et grauburgunder?

« Le pinot gris »

L’année 2019-2020 de l’Académie démarre sur les chapeaux de roues, avec une dégustation de douze pinots gris, agrémentée tout au long de la soirée d’une excellente présentation sur ce cépage sous-estimé. L’objectif de Laurent était de faire découvrir aux participants les différents visages que peut prendre le pinot gris, selon le terroir d’origine et les méthodes de production et d’élevage ainsi que de montrer son potentiel de garde, pour les vins d’Alsace en particulier.

La soirée s’est déroulée en trois volées thématiques de quatre vins, tous servis en double aveugle.

La première volée, intitulée « Terroirs d’origine », a pour sous-titre « Petite histoire du pinot gris en quatre vins ». Elle débute avec un vin de Bourgogne, berceau supposé de ce cépage appelé localement pinot-beurot et autorisé dans un grand nombre d’AOC (même dans certains grands crus). Suivent trois vins de régions où le pinot gris est cultivé depuis très longtemps, le Pays de Bade allemand, le Haut-Adige italien et le Burgenland autrichien.

Marsannay Pinot Beurot 2014, Domaine Fougeray de Beauclair
Vin jaune pâle au nez bien ouvert, de fruit (pomme verte) épicé; il est très sec, minéral, très vif, un peu raide même, donc à l’équilibre approximatif. La finale est fruitée et assez longue, mais surette et amère; un vin austère (défectueux pour certains).

Grauburgunder Achkarrer Schlossberg GG 2016 (Baden), Weingut Dr. Heger
Le GG (Großes Gewächs) signifie qu’il s’agit d’un vin sec venant d’un vignoble classé Grand Cru (Große Lage) par l’association VDP. D’un jaune doré un peu plus foncé, il est moyennement aromatique, avec des notes fruitée, florale, minérale, épicée, et un peu de bois. En bouche, il est gras, rond, fruité (pêche, mangue), mais un peu lourd (léger manque d’acidité). La fin de bouche, très longue, est minérale et beurrée. Vinifié à la bourguignonne, il ressemble à un chardonnay.

Pinot Grigio « Unterebner » 2015 (DOC Alto Adige/Südtirol), Cantina Tramin
Un peu plus foncé que le Heger, il n’est pas plus intense aromatiquement, mais beaucoup plus floral et épicé; il fait presque gewurztraminer. C’est une bombe de fruit (litchi, pêche, poire) avec de la minéralité, toute la fraîcheur qu’il faut et il finit juteux et fruité. Délicieux.

Pinot Gris Graupert 2017 (DAC Neusiedlersee), Meinkland
Sa robe orange et brouillée indique déjà qu’on a affaire à un vin « nature ». Il est très aromatique, très fruité (tangerine, pamplemousse rose) et légèrement oxydé. La bouche est mince, un peu âcre, avec un léger perlant, beaucoup de fruit, une note de levure et une acidité volatile assez marquée. La finale est très vive et fruitée, mais légèrement vinaigrée. Certains apprécient ce style.

Deuxième volée : « Ancien vs Nouveau ». Ici, l’idée est de comparer le style de vin « traditionnel » pratiqué en Europe, représentée par deux vins d’Alsace, avec celui des vins du Nouveau Monde, représenté par l’Oregon et la Nouvelle-Zélande. Les participants ont correctement identifié l’origine des vins dans 57 % des cas.

Pinot Gris 2016 (AVA Willamette Valley), Willamette Valley Vineyards
Or pâle très légèrement rosé, c’est un vin aux arômes subtils de fruit (agrumes) et de vanille. Il est corsé, gras, presque sirupeux, fruité (pamplemousse, pêche, poire), légèrement sucré, mais assez bien équilibré. La finale est fruitée, vive, très minérale, un peu amère, granuleuse et de bonne longueur.

Pinot Gris Fronholz 2015 (AOC Alsace), Domaine Ostertag
De couleur un peu plus intense, c’est un vin moyennement aromatique, fruité (poire confite) et épicé (poivre). En bouche, il est fin, soyeux, très fruité et très bien équilibré, sans être très complexe. La fin de bouche est fraîche, fruitée et persistante.

Pinot Gris « Cuvée Ste-Catherine » 2016 (AOC Alsace), Domaine Weinbach
Un vin jaune pâle, au nez d’intensité moyenne mais assez complexe, fruité (pêche), floral, avec une note végétale (courgette crue), du miel et de la cire. Il est très gras, assez sucré, fruité et équilibré en bouche et très long.

Pinot Gris 2016 (GI Martinborough), Dry River
Aussi pâle que le Weinbach, mais plus ouvert, assez complexe également, bien fruité (poire), épicé, avec une intéressante note d’échalote crue et du miel. La bouche est grasse, sucrée, mais avec l’acidité nécessaire pour un très bel équilibre, des épices (poivre blanc, piment de la Jamaïque, cardamome) et de l’amande grillée. La fin de bouche est crémeuse, fumée, mais un peu courte. Un des vins les plus appréciés de la soirée, ex aequo avec le Saint-Imer et le Saint-Théobald de la dernière volée.

Troisième volée, la plus appréciée des trois : « Terroirs historiques d’Alsace ». Laurent en a profité pour présenter un survol de l’histoire de pinot gris en Alsace et, tout particulièrement, de son nom, passant avec les époques et les traités de pinot gris à tokay, puis à tokay d’Alsace, pour revenir à pinot gris, après une période de transition en tokay pinot gris.

Quatre vins issus de deux Grands Crus d’Alsace, Rangen et Goldert. D’abord, deux millésimes du Pinot Gris « Clos Saint Urbain » Rangen de Thann (AOC Alsace Grand Cru Rangen) du Domaine Zind-Humbrecht, un 2001 et un 2008.

Le 2001 est d’un bel or ambré. Le nez est bien ouvert, légèrement botrytisé, épicé, fumé, avec une note rancio et un début d’oxydation. La bouche est grasse et sucrée, avec l’acidité pour un équilibre impeccable; on retrouve les arômes du nez, en plus d’une note d’amande grillée. La finale est très fumée et très persistante.

Le 2008 est jaune doré brillant, beaucoup moins évolue que le 2001; en fait, de beaucoup le moins avancé de la volée. Le nez est explosif, fruité et très épicé (pain d’épice). En bouche, il est gras, sucré, plus vif, avec un fruit éclatant et une belle fraîcheur; un autre vin à l’équilibre parfait. La fin de bouche est juteuse, fruitée et très longue. Un vin encore bien jeune. Le vin le plus apprécié de la soirée.

Dégusté à l’Académie en mai 2018, ce 2008 avait été décrit comme « or pâle », très « expressif », avec comme arômes, « la cire d’abeille, le litchi, la pêche, l’abricot, un peu de poivre et, également, le miel et l’acacia », bien « équilibré, malgré ses 46 g/l de sucre » et avec une finale d’agrumes confits fraîche et épicée. Il semble avoir peu évolué depuis.

Pinot Gris « Clos Saint-Imer » La Chapelle 2010 (AOC Alsace Grand Cru Goldert), Domaine Ernest Burn
Ce vin est orangé, un peu plus foncé que le Saint-Urbain 2001, plutôt avancé pour un 2010. Le nez est moyen, peu botrytisé et fruité, avec une note de caramel. En bouche, il est gras, fruité (poire), avec du sucre d’orge et il est très bien équilibré, malgré une certaine amertume, une dureté. Il finit sur le caramel brûlé tout en fraîcheur et est très, très long. Finalement, encore assez jeune, malgré sa robe.

Tokay Pinot Gris « Clos Saint-Théobald » Sélection de Grains Nobles 2002 (AOC Alsace Grand Cru Rangen), Domaine Shoffit
Doré assez foncé et très brillant, ce dernier vin est très aromatique, très grillé, avec des épices et de la tire-éponge. Il est également très gras, onctueux même, bien sucré, mais assez bien équilibré par son acidité et très fruité (abricot, marmelade). La fin de bouche est botrytisée, très sucrée, avec une pointe d’amertume; on dirait un vieux sauternes.

Alors, les vedettes de la soirée sont : le Clos Saint Urbain 2008, suivi du Dry River 2016, du Clos Saint-Imer 2010 et du SGN Clos Saint-Théobald 2002, ex aequo; quatre très grands vins.

Laurent nous a offert une dégustation qui tenait plus de l’atelier que de la simple dégustation – un participant l’a même qualifiée de classe de maître – le tout accompagné d’une présentation très documentée. Douze vins très intéressants, certains encore jeunes et d’autres à maturité, regroupés de façon à favoriser les comparaisons et la discussion … que demander de plus?

Alain Brault 

18 septembre 2019
Trouvez l’intrus – Tome II
Grande dégustation
Organisateur : Louis Grignon

La dégustation est un sport extrême. Dans une dégustation à l’aveugle, trouver le vin qui n’appartient pas à la même catégorie que les autres est parfois très difficile, surtout quand c’est Louis qui choisit les vins. Cette fois encore, il nous convie à cet exercice périlleux et délicieux. Parions que nous aurons beaucoup de plaisir dans cette dégustation et espérons que nous ferons mieux que lors du premier « Trouvez l’intrus »…

« Trouvez l’intrus – Tome II »

Pour la deuxième année consécutive, Louis nous propose de participer à un jeu qu’il apprécie particulièrement et qui consiste à identifier l’intrus parmi trois ou quatre vins assez semblables. L’an passé, l’exercice s’est avéré beaucoup plus difficile que ce à quoi s’attendaient les participants, avec un maigre 18 % comme taux de réussite.

Pour cette deuxième édition, la seule information connue des dégustateurs était que les critères différenciant l’intrus dans chaque volée pouvaient être le cépage, le pays/région, ou les deux ensembles. Dix vins ont été servis, en double aveugle, répartis en trois volées; il y avait donc trois intrus, ce qui donnait aux participants un objectif minimum de 30 % de réussite dans l’identification des intrus.

La première volée est sur le thème du pinot noir :

Pinot Noir GG Löchle 2012, Weingut Burg Ravensburg
Ce vin est un Großes Gewächs, issu du Grand Cru Löchle (Große Lage de VDP). Il est clairet et légèrement tuilé. L’intensité aromatique est moyenne et le caractère peu déterminé, fruité (cerise), terreux, assez tertiaire (pour un 2012), avec un peu de vanille. En bouche, il est plutôt délicat, presque mince, bien vif, peu tannique, assez évolué, avec des fruits confits et du chocolat et l’équilibre est assez bon. La finale est torréfiée, un peu pointue et très longue. Ce vin avait beaucoup impressionné lors d’un atelier sur les vins allemands animé par Philippe Muller, en octobre 2017.

Pinot Noir 2014, Le Vignoble du Ruisseau
C’est un vin de Dunham, dans les Cantons-de-l’Est. Plus pâle et plus orangé, il est également plus limpide, brillant. Le nez est intense, grillé, plus fruité (cerise), avec une note fumée. La bouche n’est pas grosse non plus, il est fruité (un peu bonbon) et il semble un peu plus avancé, avec une note animale et une pointe d’oxydation; l’équilibre est acceptable (certains l’on trouvé plat). La fin de bouche est juteuse et un peu rêche.

Gravity Pinot Noir 2013 (VQA Twenty Mile Bench), Flat Rock Cellars
Un vin du Niagara en Ontario. Il est également assez tuilé. Il est très aromatique, terreux, fruité (cerise), épicé (poivre), avec une note fermentaire qui n’a pas plu à tous. Il a du corps, de l’ampleur, est plus tannique, plus jeune, avec du fruit, de la chaleur et on retrouve les mêmes arômes fermentaires et caoutchouteux qu’au nez. La finale est astringente, torréfiée (chocolat noir) et assez longue.

Trois pinots noirs, un allemand et deux canadiens; c’est donc ce premier qui est l’intrus. Tous ont reconnu le pinot noir comme thème, mais seulement 23 % des participants ont correctement identifié l’intrus. Les deux tiers ont choisi le vin québécois, à cause de sa couleur et de son style aromatique.

Deuxième volée : On s’en va à Bordeaux, avec un intrus surprenant, un Ribera del Duero. La volée la plus appréciée des trois.

Château Montrose 2003 (AOC Saint-Estèphe), J.-L. Charmolüe
C’est un 2e Grand Cru Classé. Il est grenat foncé et limpide. Le nez est bien ouvert, fruité (fruits rouges, cassis), avec une note de bois grillé, un style bien bordelais. En bouche, l’attaque est soutenue, il est corsé, bien tannique et fruité (fruits cuits), avec de la vanille; il est assez jeune et très bien équilibré. En fin de bouche c’est l’astringence et les fruits cuits qui persistent. C’est le deuxième vin le plus apprécié de la soirée, malgré son millésime difficile (canicule de 2003), ex aequo avec le Pontet-Canet.

Tinto Pesquera Reserva 2005 (DO Ribera del Duero), Bodegas Alejandro Fernández Tinto Pesquera
Un Ribera del Duero fait exclusivement de tempranillo, qui tenait très bien sa place parmi trois bordeaux. Il est rubis très foncé, moyennement aromatique, torréfié, épicé, avec du bois vanillé (mais rien à voir avec ce qu’offre habituellement Pesquera), de l’eucalyptus (surprenant) et l’on sent l’alcool. La bouche est ronde, bien fruitée (fruits noirs, confiture, pruneaux, un peu bonbon), épicée, chocolatée, avec des tannins assez soyeux, le tout bien équilibré. Ça finit sur les fruits cuits et une belle astringence. Presque tous l’ont pointé comme intrus, mais peu l’ont reconnu.

Château Pontet-Canet 2000 (AOC Pauillac), G. et A. Tesseron
5e Grand Cru Classé et autre deuxième vin le plus apprécié, avec le Montrose, il est rubis brillant, presque opaque. Le nez, de style bordeaux classique, est intense, fruité (cassis), épicé, torréfié (café), avec du cuir et une note végétale. L’attaque est souple; il n’est pas très corsé, mais bien rond, avec des tannins fins et un parfait équilibre. La finale est juteuse, un peu astringente, végétale, fumée, assez tertiaire et de bonne longueur. Un vin superbe!

Château Léoville Barton 2003 (AOC Saint-Julien)
Un autre 2e Grand Cru Classé du millésime 2003 caniculaire. Il est grenat très foncé et le nez est intense, bien boisé, très torréfié (café noir), avec des fruits noirs et de l’encre. La bouche est bien ronde et fruitée (fruits noirs), avec une belle acidité et une note minérale (graphite) et les tannins arrivent, bien marqués, mais sans empêche un très bon équilibre. La fin de bouche est astringente, fruitée (fruits cuits), avec un peu de menthol. Un vin encore très jeune, avec beaucoup de potentiel.

Encore une fois, tous les participants ont bien reconnu Bordeaux comme thème de la volée mais, cette fois, la grande majorité (69 %) a correctement identifié le Pesquera comme étant l’intrus. Ceux qui se sont trompés ont tous cru que c’était le Pontet-Canet, à cause de sa grande souplesse et de son caractère plus végétal que les trois autres.

Le thème de la troisième volée est le nebbiolo. Comme pour la première volée, trois vins pâlots et tuilés.

Barolo Cascina Dardi – Bussia Riserva 2004 (DOCG Barolo), Alessandro e Gian Natale Fantino
Le nez est bien ouvert, fruité, alcooleux et d’abord légèrement soufré. L’attaque est serrée, le vin est gras, rond, torréfié, avec une belle acidité, un début d’oxydation, des fruits confits (note brûlée), du noyau de cerise, des épices et un bon équilibre de jeunesse. La finale est très sèche, astringente, un peu rêche même et la persistance aromatique est très bonne.

Barolo Ciabot Tanasio 2009 (DOCG Barolo), Sobrero
Il est brillant, un peu plus pâle et plus tuilé que le précédent. Aromatiquement , il est intense, torréfié (chocolat au lait), fruité (fruits rouges), floral et un peu épicé. L’attaque est soyeuse, le vin est vif et bien fruité; il est plus élégant, moins concentré, la structure plus fine et l’astringence plus discrète et il n’est pas très nebbiolo de style; ceux qui l’ont pris pour l’intrus ont cru avoir affaire à un nerello de l’Etna. C’est le vin le plus apprécié de la soirée, à un vote près de l’unanimité.

Grande Reserve Naoussa 2008 (AOP Naoussa), Boutari
Un vin grec, fait de xinomavro. Encore plus rouge et tuilé que les deux autres, il est aussi intense aromatiquement et, avec une note marquée de tabac, fait très nebbiolo. Il est gras, rond, corsé, torréfié (chocolat), astringent, assez bien équilibré et finit sur l’astringence et une note terreuse.

Cette volée a été la plus déroutante (mais pas la pire) quant à l’identification de l’intrus; les choix ont été répartis à peu près un tiers, un tiers, un tiers pour chaque vin. Le taux de réussite est donc de 31 %.

Avec un taux de réussite final de 41 %, on peut certainement oublier la déroute de l’année dernière. L’exercice, qu’on croirait assez facile (pensez : identifier un Pesquera parmi trois bordeaux!), n’est pas si évident, surtout lorsque l’âge (des vins, pas des dégustateurs) s’en mêle.

Finalement, le jeu est bien amusant, mais il demeure un prétexte à Louis pour nous gâter en puisant généreusement dans sa cave pour en sortir dix vins très intéressants, dont certains classiques assez prêts à boire.

Alain Brault

2 octobre 2019
10 ans après : le millésime 2009
Grande dégustation
Organisateur : Alain Brault

Cette année, c’est au tour de 2009, millésime encensé à peu près partout sur la planète, d’être évalué lors de notre « Dix ans après » traditionnel. Nous allons déguster des vins provenant des trois plus grands pays producteurs, l’Italie, la France et l’Espagne, en plus de l’Afrique du Sud.

 

« Dix ans après – Le millésime 2009 »

Le millésime 2009 a été coté de très bon à très grand, parfois même excellent, selon les critiques et les régions. Il s’agit d’un millésime soleil; on peut donc s’attendre à beaucoup de maturité (lire sucre) à peu près partout.

Cette dégustation de onze vins a couvert quatre régions de France, la Loire, la Bourgogne, le Rhône et Bordeaux; une d’Italie, la Toscane; une d’Espagne, la Rioja; ainsi que l’Afrique du Sud.

Les vins ont été servis à l’aveugle, les participants connaissant l’identité des vins, mais pas l’ordre de service.

D’abord, le Vouvray Pétillant Brut Réserve 2009 du Domaine Huet. Nous sommes en Touraine, pays du chenin blanc, au centre de la Loire, où l’effet millésime est toujours important. 2009 y a été coté « très bon millésime » et le vin devrait avoir atteint sa maturité il y a quelques années et devrait tenir encore une dizaine d’années. Il est jaune doré et bien pétillant. Le nez est intense, fruité (pomme, pêche, coing), minéral et légèrement brioché. L’attaque est vive, l’effervescence éclate en bouche et l’on retrouve les mêmes arômes qu’au nez, avec un léger rancio; l’équilibre est très beau. La finale est juteuse, fruitée, un peu dure et très persistante. Un des vins les plus appréciés de la soirée.

Viennent ensuite deux chardonnays faciles à différencier juste au nez : le Meursault Collection Bellenum 2009 de la maison Roche de Bellene et le Chardonnay Five Soldiers 2009 de Rustenberg.

En Côte de Beaune, 2009 est considéré comme un « très grand millésime » pour les blancs, malgré un manque d’acidité généralisé et un risque de surmaturité. On est également en pleine période ou les bourgognes blancs souffraient souvent d’oxydation prématurée. Ce Meursault est plutôt pâlot et assez discret, mais n’est pas oxydé; il est fruité (agrumes, écorce de citron, pomme blette) et peu boisé. En bouche, la texture est correcte, le vin est bien sec, l’acidité acceptable et l’on détecte des arômes de noix (amande), de beurre et d’agrumes. La fin de bouche est très sèche, un peu dure et très chaude.

En Afrique du Sud, il y a eu canicule, ce qui a demandé une bonne irrigation. Five Soldiers est un clos particulier dans le ward Simonsberg-Stellenbosch (Coastal Region). Ce Rustenberg est fait exclusivement de chardonnay et a passé quinze mois sur lies, en barriques de chêne français (70 % neuf). Le vin est un peu plus foncé. Il est très aromatique, très boisé, vanillé, assez fruité (pomme, citron), avec une légère note soufrée au début. Il est très gras en bouche et le bois (coconut) couvre le fruit; on y détecte quand même des fruits mûrs (pomme, poire), du beurre, du poivre blanc et l’acidité donne un très bel équilibre. Ça finit très sec, un peu rêche même, un peu chaud et fruité, mais surtout boisé et c’est très, très long. Un vin encore bien jeune.

Suivent trois vins rouges très différents, également facilement identifiés : le Pinot Noir Seven Flags 2009 de Paul Cluver, l’Imperial Rioja Gran Reserva 2009 de CVNE et le Saint-Joseph 2009 de Vincent Paris.

Le Seven Flags est un assemblage des meilleures cuvées de pinot noir de ce producteur. Ce vin vient du district Elgin (Cape South Coast), juste au sud de Stellenbosch, où 2009 est considéré un « très bon millésime » pour le pinot noir, le riesling, le sauvignon blanc et le cabernet sauvignon. Avec sa robe pâle, assez évoluée, ce pinot noir a évidemment été immédiatement reconnu par les participants. Le nez est très ouvert, bien typé, un peu chauffé, assez tertiaire, fumé, épicé, fruité (fruits noirs, mûres), avec une note végétale. Il est rond en bouche, moyennement corsé, bien sec, peu fruité, avec une belle vivacité, des tannins assez fondus mais bien présents et une note animale. La finale est astringente, fumée et assez longue.

En Rioja, on parle de gros rendements en 2009 et de vins à boire jeune. Le millésime est classé « très bon », même si la température moyenne y a été plus élevée qu’en 2003! L’Imperial est rubis opaque peu évolué. Il est bien ouvert au nez, avec du bois vanillé et des épices. En bouche, il est soyeux, pas gros, tout en finesse, avec des tannins souples, le bois vanillé typique, du tabac, du fruit (framboise, fraise, cerise) et l’acidité du tempranillo qui donne un très bon équilibre. La fin de bouche est torréfiée (café noir) et très persistante.

Dans le Nord du Rhône, on compare le millésime 2009 à 1990, excellent en quantité et en qualité, ayant donné des vins délicieux jeunes, mais pouvant vieillir. Le Saint-Joseph, grenat pâle, est le plus évolué des trois vins. Il offre un très beau nez, ouvert, complexe, fumé, avec du fruit, de la viande, du cuir, du poivre et de l’olive. En bouche, il est tout en rondeur, bien sec, encore bien fruité, avec une très bonne acidité, peu de bois et un équilibre parfait. La finale est juteuse, fruitée, très fumée et très longue. Un vin très fin, prêt à boire; troisième vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le sauternes.

On arrive aux « gros canons » : deux super-toscans, Luce 2009 de Frescobaldi et Tignanello 2009 de Marchesi Antinori, servis à côté de deux bordeaux, Château Clerc-Milon 2009 de Rothschild et Clos du Marquis 2009 de Léoville-Las-Cases. En Toscane, 2009 a donné des vins généralement concentrés, énormes même et souvent confiturés, les meilleurs ayant un fruité riche, mais une bonne acidité. À Bordeaux, on parle d’un millésime extraordinaire, très (trop?) mûr, ayant donné des vins très extraits, mais certains châteaux ont réussi à faire des vins superbes.

Avec le Luce, on est à Montalcino et le vin est un assemblage de sangiovese et de merlot. Il est bien foncé. Au nez, il est torréfié (chocolat) et bien boisé, avec un peu de sel de céleri. En bouche, il est très corsé, costaud, plutôt boisé, avec des tannins encore austères, un beau fruit et un bon équilibre. La fin de bouche est fraîche, très astringente, plus boisée que fruitée et très, très persistante. Un vin encore bien jeune.

Le Tignanello est un assemblage de sangiovese, de cabernet sauvignon et de cabernet franc. Il est rubis foncé, peu évolué, mais au nez, il semble plus avancé, avec des fruits cuits (raisins de Corinthe), de la réglisse noire, du tabac et même du « garden cocktail » et une note végétale. Il est beaucoup plus rond, plus soyeux que le Luce en bouche, plus fruité aussi (fruits noirs cuits), avec des tannins quand même bien présents, une bonne acidité et un bois relativement discret. La finale est juteuse, astringente, fruitée, torréfiée (chocolat au lait) un peu chaude et assez longue.

5e grand cru classé de Pauillac, le Clerc-Milon est fait de cabernet sauvignon (50 %), de merlot (44 %) et de cabernet franc, petit verdot et carmenère. La robe est très foncée et un peu plus évoluée que les trois autres. L’intensité aromatique est moyenne et le vin montre des signes d’évolution avec une note sauvage qui s’ajoute aux fruits rouges et à la note végétale typiques. En bouche, la texture est très belle, malgré des tannins bien présents, mais assez fins et l’équilibre est impeccable; on y détecte des arômes de torréfaction (chocolat noir),de la cerise noire et un début de maturité. En fin de bouche, c’est un beau bois, de la torréfaction, de la générosité et une grande persistance aromatique. Une merveille qui n’a pas encore atteint son apogée. Le vin de la soirée!

Pour sa part, le Saint-Julien Clos du Marquis est un assemblage de cabernet sauvignon (70 %), de merlot (20 %), de cabernet franc (8 %) et de petit verdot. Encore bien jeune à l’œil, le vin est très ouvert au nez, exubérant même; il est très fruité, chocolaté et minéral (graphite). L’attaque est végétale et il est assez rond, bien charpenté en bouche, avec des tannins assez souples, des fruits cuits (griotte), de la minéralité, de la chaleur et un équilibre irréprochable. La finale est fraîche, astringente juste ce qu’il faut et très, très longue. Mérite encore 5 à 10 ans de cave. C’est le deuxième vin le plus apprécié de la soirée.

Et, pour dessert, un grand sauternes, Château Doisy-Daëne 2009, 2e grand cru classé de Barsac, voisin du Château Climens. Le millésime 2009 est considéré comme exceptionnel dans la région, avec le botrytis qui est arrivé tard en septembre, ce qui a obligé à vendanger très vite, parfois même par grappes entières au lieu des tries successives habituelles. Le Doisy-Daëne est fait à 88 % de sémillon et 12 % de sauvignon. La robe est d’un bel or riche, à peine évolué. Le nez est très intense, très fruité (agrumes, pelure d’orange confites, marmelade), avec du miel et de la cire d’abeille. L’attaque est sucrée, mais fine, sans lourdeur; on retrouve le miel, le botrytis est moyen, le fruité intense, très agrume, avec de la pêche et l’équilibre assez bon quoique certains auraient aimé un peu plus d’acidité. La finale sucrée, passerillée et botrytisée est très persistante. Troisième vin le plus apprécié de la soirée avec le Saint-Joseph.

En conclusion, quelques très belles surprises – les trois bordeaux, le Clerc-Milon surtout – et quelques déceptions – les super-toscans et le bourgogne. On voit que le millésime a été très chaud. Certains vins ont atteint leur apogée, certains sont encore jeunes et d’autres sont fatigués. Une dégustation très intéressante qui a fait réfléchir plusieurs participants sur l’avenir à réserver aux 2009 qu’ils ont en cave.

L’an prochain… le millésime 2010, un peu moins coté que 2009 en France sauf, peut-être, dans le Rhône, mais considéré comme supérieur à peu près partout ailleurs.

Alain Brault

9 octobre 2019
Le combat des autres caves!
Club du mercredi
Organisateurs : Jocelyn Audette et Marc-Étienne Lesieur

L’académie… véritable pépinière de caves illustres. Deux s’affronteront pour perpétuer cette tradition! Leur combat se déroulera sur plusieurs niveaux. Des régions et des cépages seront à l’honneur. Mais aussi le mercantilisme sera mis à l’épreuve de l’impitoyable jury. Ainsi, David (le vin du peuple) et Goliath (celui du riche) seront sur le ring… L’étiquette prestigieuse parviendra-t-elle à vaincre ou mordra-t-elle honteusement la poussière? Ceux qui y seront le sauront.

« Le combat des autres caves »

Pour la troisième mouture du « combat des caves », Marc-Étienne et Jocelyn ont carrément réinventé le concept. Au lieu d’un combat entre les caves des deux organisateurs, ils ont imaginé de confronter deux caves virtuelles, celle du pauvre et celle du riche. Tout collectionneur sait qu’il doit accepter de payer une prime, parfois salée, pour avoir accès à des vins prestigieux, mais cela en vaut-il toujours le prix?

À chaque round, nos organisateurs font s’affronter deux vins très semblables, sauf par leur prix, l’un des vins étant de deux à plus de trois fois plus cher que son adversaire. Qui l’emportera, le vin du peuple ou le vin du riche? Et les participants sauront-ils les identifier?

Cinq volées de deux vins, tous servis en double aveugle.

Premier round, deux mousseux du même millésime, mais d’assemblage et d’origine différents : le Vive-la-Joie 2010 (AOC Crémant de Bourgogne) des Caves Bailly-Lapierre contre le Satèn 2010 (DOCG Franciacorta) de Ca’ del Bosco, les deux servis dans des flûtes.

Le Vive-la-Joie (30 $), moitié pinot noir et moitié chardonnay,  est jaune pâle et l’effervescence est assez discrète. Le nez est explosif, superbe, fruité (pomme blette, pêche, citron), floral (fleurs blanches), crémeux (crème Chantilly), assez complexe et très intéressant. L’attaque en bouche est sucrée (dosée) malgré ses très raisonnables 6,7 g/l de sucre; la texture est ronde, le vin est minéral, bien fruité (suit le nez), levuré (brioche) et très vif, mais assez fin, quoique certains l’ont trouvé un peu trop acide. La finale est juteuse, nerveuse, grillée et très persistante. Le chouchou de la soirée!

Le Satèn (74 $), 80 % chardonnay et 20 % pinot blanc, est jaune paille, un peu plus foncé, plus brillant et le train de bulles est si fin qu’il est à peine visible. Au nez, le vin est plutôt discret, fruité (fruits tropicaux, pomme verte), avec de la cire; il s’ouvre en se réchauffant et montre une légère évolution. En bouche, l’effervescence est bien présente; l’acidité est moins marquée que dans le vin précédent, au point qu’il semble un peu lourd. On y détecte de la mie de pain, un boisé discret et de l’alcool; ça demeure assez simple. La fin de bouche est fruitée, quand même fraîche et bien sèche, même un peu pâteuse et la persistance aromatique est décevante.

Pour cette première volée, 86 % des participants ont correctement identifié le vin le moins cher, le Crémant de Bourgogne, et 71 % l’ont préféré au Franciacorta qui est pourtant une des grandes cuvées de cette maison.

Deuxième confrontation, deux 100 % chardonnay 2012 de la même région : le Chablis Grand Cru « Les Clos » 2012 de William Fèvre versus le Chablis 1er Cru « Vaillons » 2012 du Domaine Jean Dauvissat.

Les Clos (124 $) est très pâle, avec des reflets verdâtres de jeunesse. Le nez est bien ouvert, très fruité avec des notes exotique (poire, coing, ananas), florale (rose), épicée (poivre blanc), légèrement herbacée (échalote) et boisée. En bouche, il est gras, bien charpenté, avec une belle acidité, du bois, de la fraîcheur, de la chaleur et un très bon équilibre. La finale est surette, un peu rêche, bien fruitée, fumée, avec une note de caramel et elle est assez longue.

Le Vaillons (40 $… on n’a plus les vins du pauvre qu’on avait, m’enfin!) est à peine plus foncé, plus doré, mais très limpide. Il est plus discret, un peu poupoune, avec du fruit , de la cire, un peu de bois. En bouche, il est peu complexe, avec une note terreuse (patate crue) et une acidité qui n’empêche pas une légère lourdeur. La fin de bouche est fruitée (citron) et un peu verte; la longueur est correcte. Le vin le moins apprécié de la soirée, il a semblé défectueux à plusieurs.

Cette fois, évidemment, c’est la cave du nanti qui a prévalu; seulement 21 % ont préféré le vin le moins cher mais, et c’est plutôt rigolo, seulement 21 % également ont réussi à l’identifier.

Troisième round, deux bourgognes 2009: le Clos des Mouches 2009 (AOC Beaune Premier Cru) du Domaine Chanson fait face au Ladoix 1er Cru « La Corvée » 2009 du Domaine Michel Mallard.

Le Clos des Mouches (94 $) est grenat pâle, un peu évolué à l’œil, mais très jeune au nez et en bouche. Il est très aromatique, très fruité (un peu bonbon), très épicé (poivre, cannelle, girofle, camphre), bien typé pinot noir. En bouche, il est bien sec; c’est une bombe de fruit, avec une belle acidité, une note végétale et une chaleur (13,5 %/vol) assez marquée; l’équilibre reste très beau. La finale est très fruitée, bien sèche, légèrement astringente, épicée (cannelle) et fumée; la longueur est très bonne.

Le Ladoix (55 $… ouch! ça ne s’arrange pas pour la plèbe) est de la même teinte, mais plus évolué, plus foncé, légèrement brique sur la couronne. Le nez est moins exubérant mais bien ouvert, avec des fruits (noirs et rouges) et des épices (poivre). L’attaque est grasse et soyeuse; il est plus charpenté, plus complexe, bien fruité, avec des tannins fins, très enrobés, une note terreuse et du sucre d’orge (on a parlé de cola). La fin de bouche est terreuse, grillée et assez persistante.

Le vin préféré a été, à 64 %, le Ladoix, le moins cher, et il a été correctement identifié comme tel par 71 % des participants.

Prochain combat, deux DOCG Bolgheri à base de merlot : le Ruit Hora 2013 de Caccia al Piano 1868 rencontre Le Serre Nuove dell’Ornellaia 2011 d’Ornellaia e Masseto  Società Agricola.

Le Ruit Hora (payé 14 € en Italie), 65 % merlot, 25 % cabernet sauvignon, 5 % petit verdot et 5 % syrah, est rubis foncé, plutôt jeune. Il est assez ouvert au nez, avec des fruits noirs compotés (cerise, mûres), de la réglisse et une bonne dose de bois, mais quand même élégant. L’attaque est vive, le corps moyen, le vin sec, bien fruité, astringent et terreux, avec une note végétale assez marquée et l’équilibre est plutôt bon. La finale est fruitée, juteuse et très, très longue. Une trouvaille! Le deuxième vin le plus apprécié de la soirée. On rêve de voir ce vin disponible au Québec un jour.

Le Serre Nuove (70 $), 57 % merlot, 17 % cabernet sauvignon, 14 % petit verdot et 12 % cabernet franc, est de la même couleur, mais plus foncé, opaque même. Au nez, il est bien ouvert, très boisé (noix de coco), vanillé et très fruits cuits (cerise, bleuet, pruneau). En bouche, il est très sec, gras, très extrait, pour ne pas dire énorme, tannique et bien fruité, avec une note médicamenteuse et de la chaleur; c’est une brute un peu lourde. Il y a quand même une certaine fraîcheur en fin de bouche, avec du fruit, du chocolat, de la fumée et du menthol, mais ça demeure asséchant; c’est très persistant.

Cette fois, seulement 21 % des participants ont correctement identifié le vin le moins cher (quoiqu’on ne sait pas combien il coûterait à la SAQ), mais 79 % l’ont préféré.

Dernier round, deux Côtes-du-Rhône du même millésime et du même producteur, la famille Perrin : le Coudoulet de Beaucastel 2010 (AOC Côtes-du-Rhône) affronte le Château de Beaucastel 2010 (AOC Châteauneuf-du-Pape).

Le Coudoulet (29 $), un assemblage de grenache (30 %), de mourvèdre (30 %), de cinsault (20 %) et de syrah (20 %), est grenat assez foncé. Il est très aromatique, très fruité, épicé (cannelle), floral (lavande), avec de l’amande amère, une note minérale et de l’alcool (grappa, kirsch). La bouche est grasse, onctueuse, avec des tannins assez fondus, beaucoup de fruit (groseille, bleuet) et l’acidité qu’il faut pour un super équilibre. Ça finit sec, sur les fruits cuits, le chocolat et l’alcool qui domine la longue persistance aromatique.

La robe du Beaucastel est identique. Ce vin contient tous les cépages autorisés dans l’appellation : 30 % de grenache, 30 % de mourvèdre, 10 % de counoise, 10 % de syrah, 5 % de cinsault et 15 % des huit autres (vaccarèse, terret noir, muscardin, clairette, picpoul, picardan, bourboulenc et roussanne). Le nez est plus discret, crémeux, fruité (fraise, olive), avec une note noyau légèrement médicamenteuse, du chocolat, du café et du tabac. L’attaque est grasse et soyeuse, puis l’alcool et les tannins arrivent, sans dureté; le vin est très fruité mais pas lourd. La finale chaude et fruitée rappelle le porto et est très, très longue.

Pour cette dernière confrontation, le pointage a été très serré. D’abord, les deux tiers (68 %) des participants ont correctement identifié le premier vin comme étant le moins cher, mais seulement 57 % ont préféré le grand vin.

Qu’en conclure? Il va de soi que l’échantillonnage était bien petit, mais le choix des vins s’est révélé très intéressant et très efficace, félicitations aux organisateurs. En gros, le moins cher a été identifié comme tel trois fois sur cinq et il a été préféré à son vis-à-vis dispendieux aussi trois fois sur cinq; il est cependant raisonnable de croire que les deux décisions n’étaient pas totalement indépendantes l’une de l’autre. Globalement, les résultats sont beaucoup moins tranchés : Dans 56 % des cas, les participants ont préféré les vins du peuple et dans 51 %, ils les ont correctement identifiés comme tels.

Pour revenir à la question initiale — cela en vaut-il toujours le prix? — la réponse est, sans grande surprise, non, du moins pour la sélection de vins qui nous a été soumise ce soir. Reste à voir comment ces vins performeraient à pleine maturité; par exemple, dix ans, c’est super pour Coudoulet, mais bien jeune pour Beaucastel; Vive-la-Joie est fait pour être apprécié jeune, Satèn pour la longue garde; et bien d’autres facteurs pourraient être analysés.

Quoi qu’il en soit, l’exercice est rassurant : pas nécessaire d’hypothéquer sa maison pour se monter une belle cave, faut juste savoir choisir; ce que, de toute évidence, Jocelyn et Marc-Étienne semblent parfaitement maîtriser.

Alain Brault

6 novembre 2019
Le pinot noir en Amérique du Nord
Grande dégustation
Organisateur : Philippe DesRosiers

Nous connaissons tous le pinot noir par son expression ultime, les Bourgognes. Cependant, il y a d’autres climats qui sont très bourguignons et qui font de grands pinots. Je propose une comparaison de pinot noir de la Californie, de l’Oregon et du Canada. Nous aurons trois pinots de trois régions de Californie (Santa Rita Hills, Russian River Valley et Central Coast), trois pinots de régions de l’Oregon (Dundee et Willamette) et 3 pinots du Canada, un de Colombie-Britannique (Okanagan) et deux de l’Ontario (PEC). Évidemment, un 10e vin est requis et celui-là nous viendra d’un continent (pays) de l’autre côté de l’océan. Un vin coté 18.5 par Jancis Robinson. Saurez-vous le trouver parmi les autres? Peut-on déceler les différences entre les régions? Est-ce que ceux-ci vieillissent bien? Venez trouver la réponse à ces questions.

« Le pinot noir en Amérique du Nord »

L’annonce de la dégustation de Philippe commençait comme suit : « Nous connaissons tous le pinot noir par son expression ultime, les bourgognes. Cependant, il y a d’autres climats qui sont très bourguignons et qui font de grands pinots. Je propose une comparaison de pinot noir de la Californie, de l’Oregon et du Canada ».

S’il est relativement aisé de différencier les pinots noirs du Nouveau Monde de ceux de la Bourgogne, l’est-il autant de les différencier entre eux? On entend depuis longtemps dire des pinots noirs canadiens qu’ils manquent de chair, des californiens qu’ils en ont trop et de ceux de l’Oregon que ce sont ceux qui s’approchent le plus du style bourguignon; mais est-ce toujours le cas?

Afin de le vérifier, Philippe n’a inclus aucun bourgogne parmi ses dix pinots noirs, de sept millésimes allant de 2017 à 2003, qu’il a répartis en trois volées, chacune comparant des vins d’origine différente : la Californie, l’Oregon, Prince Edward County ou l’Okanagan; un seul intrus, quand même bien loin du style français, un vin de Nouvelle-Zélande. Tous les vins ont été servis en double aveugle.

La première volée comprend trois vins, de la Californie, de l’Oregon et de Prince Edward County respectivement.

Le Pinot Noir 2013 (AVA Santa Rita HIlls) de Lompoc Wine Co. est grenat pâlot et assez tuilé. Le nez est extraordinaire, d’une belle complexité, bien ouvert, très typé pinot noir et relativement peu évolué, avec des fruits rouges, des épices douces, une note végétale (fougère) et un peu de tabac et de cuir. En bouche cependant, on détecte un début d’évolution; l’attaque est fraîche, la texture soyeuse, l’acidité bien dosée, avec du fruit, de la minéralité et une note salée (qui n’a pas plu à tous). La finale est fruitée, juteuse et bien persistante. Un californien qui ressemble à du bourgogne; ça commence mal pour nos hypothèses.

Suit le Pinot Noir 2006 (AVA Dundee Hills) de Thistle. Il est rubis (malgré sont âge) très foncé pour un pinot noir et assez trouble (pas collé, pas filtré). Le nez est très intense, très torréfié (chocolat), avec des notes animale et végétale (légumes bouillis), un peu de bois et un début d’oxydation. La bouche est corsée et assez bien équilibrée, avec des tannins enrobés, des fruits cuits et une note terreuse. La fin de bouche est dure, sèche et très alcooleuse (14 %/vol). Le (très) mal-aimé de la soirée. Un vin surextrait, sans fraîcheur, qui ressemble bien peu à du pinot noir. Un représentant de l’Oregon qui n’a rien du style bourguignon; ça ne s’arrange pas.

Et un canadien, le Pinot Noir JCR 2017 (VQA Prince Edward County) de Rosehall Run est rouge très clair avec une couronne aqueuse. Il est moyennement aromatique, peu fruité, épicé (poivre, cannelle), un peu bonbon (plus gamay que pinot noir). En bouche, il est rond, pas très corsé, assez délicat, avec des tannins faciles, une bonne dose de fruit et une impression de sucre résiduel assez agréable. Il finit bien, très fruité et assez frais. Finalement assez simple, mais pas mauvais.

On monte d’un cran, en qualité, avec la volée suivante qui compare un vin de Californie avec un d’Oregon et un d’Okanagan Valley.

D’un producteur mythique de la Californie, le Pinot Noir 2014 (AVA Central Coast) de Calera est très pâle et peu évolué. Le nez est bien typé pinot noir, très ouvert, très épicé, avec des petits fruits rouges (fraise, griotte). En bouche, il est soyeux, peu corsé, tout en finesse, assez fruité, avec l’acidité nécessaire à un bon équilibre, des tannins discrets, une note chocolatée et une certaine rondeur. La finale est sèche sans excès, fruitée, fraîche et assez longue. Un vin encore bien jeune, tout à fait ce qu’on attend habituellement d’un bon pinot noir californien. Une des deux vedettes de la soirée, avec le vin de Central Otago de la dernière volée.

Le Pinot Noir Eileen Vineyard 2010 (AVA Eola-Amity Hills, Willamette Valley) de Cristom présente une robe d’intensité normale, mais légèrement orangée. Aromatiquement, il est très ouvert, complexe, bien grillé, plutôt évolué, avec des notes animale (presque faisandée), de fines herbes séchées, de sous-bois et minérale. La bouche est ample, pleine, presque onctueuse, bien corsée, avec des tannins au grain assez fins qui lui donnent de la mâche, une bonne acidité, des fruits très mûrs, des champignons et une chaleur qui en a dérangé quelques-uns. Belle finale fruitée assez fraîche et de bonne longueur.

Encore une fois, la volée se termine avec un vin canadien, le Pinot Noir 2016 (VQA Okanagan) de Burrowing Owl. La robe est plus rubis, plus foncée que les deux autres et elle est très limpide. Le nez, d’intensité moyenne, est très fruité (fraise, canneberge), plutôt bonbon, dans un style qui rappelle la macération carbonique, avec du bois vanillé et une note médicamenteuse de jeunesse. En bouche, il est gras, rond, plein, très fruité (encore une fois un peu bonbon), avec des tannins fins mais présents et une note de caramel; l’équilibre est très beau. La fin de bouche est fruitée (fruits cuits), torréfiée, assez chaude (14 %/vol) et très persistante. Sans être un grand vin, il est loin de l’hypothétique petit pinot noir acidulé canadien.

Avec la dernière volée, on monte encore d’un (gros) cran. On y compare l’intrus de Nouvelle-Zélande à des représentants de la Californie, de l’Oregon et de Prince Edward County pour le Canada.

D’abord l’intrus, le Pinot Noir 2003 (GI Central Otago) de Perigrine. Il est grenat d’intensité moyenne, limpide et assez évolué à l’œil. Au nez, il est très intense, éclatant, très fruité et épicé, avec des notes d’olive, de cuir, de réglisse, de sauce soja et de tomates confites. Avec une superbe attaque de fruit épicé, la bouche et très grasse, solide, avec une structure exceptionnelle et un équilibre impeccable; on y retrouve des fruits noirs et une belle note boisée. Ça finit sur la fraîcheur, la torréfaction et un peu trop de chaleur pour certains. Un grand pinot noir du Nouveau Monde qui arrive à peine à maturité.

Le Pinot Noir Dutton Ranch 2015 (AVA Russian River Valley) de Dutton Goldfield est rubis assez foncé, avec des reflets violacés de jeunesse. Le nez est intense,  assez complexe malgré sa jeunesse, très fruité (confituré), épicé, boisé (cèdre), floral (lavande, violette) et terreux. Le vin est rond, solide, équilibré, avec des tannins bien présents mais agréables et beaucoup de fruit.. La finale est juteuse, avec de l’eucalyptus et une bonne longueur. Un des deux vins les plus appréciés, après les deux vedettes, ex aequo avec le Drouhin qui suit.

Pour l’Oregon, cette fois, c’est le Pinot Noir Laurène 2006 (AVA Dundee Hills) du Domaine Drouhin. Il est rubis assez foncé et montre des signes d’évolution. Le nez, d’intensité moyenne, est subtil, légèrement boisé, très floral (pivoine) et assez tertiaire (sous-bois, champignons, feuilles mortes). L’attaque est mentholée, la texture est très fine et le vin est équilibré et encore bien fruité. Ça finit sur le fruit et une certaine chaleur et c’est bien persistant. La preuve qu’il y a des pinots noirs du Nouveau Monde qui peuvent très bien vieillir.

Et, pour terminer, le vin canadien, le Pinot Noir 2006 (VQA Prince Edward County) de Stanners Vineyard, une curiosité à la robe très, très pâle (rosée), presque aqueuse. Au nez, il est discret et peu précis, peu pinot noir, mais quand même intéressant, avec du fruit et une légère note de saucisson. Il est aussi surprenant en bouche, assez simple, peu fruité, sans tannins détectables, mais quand même équilibré, avec une note fermentaire et de la pelure d’orange. La finale est fruitée et juteuse. Un vin de soif.

Notons que Philippe a choisi de servir ses pinots noirs à la température de la pièce plutôt qu’à la température idéale de service, plus fraîche. Cela a permis une dégustation beaucoup plus sévère, surtout en ce qui concerne l’acidité et la teneur en alcool, tout en augmentant l’intensité aromatique. Il en a résulté que plusieurs vins ont semblé moins fruités et, surtout, beaucoup plus alcooleux que s’ils avaient été servis plus frais. Un exercice un peu plus difficile, pour les vins comme pour les dégustateurs.

Alors, qu’en est-il de nos hypothèses du début? Les pinots noirs canadiens manquent de chair? Les californiens en ont trop? Ceux de l’Oregon ressemblent tous à des bourgognes? Peut-être autrefois, mais ce n’est certainement plus toujours le cas. On a pu voir que les styles sont beaucoup moins monolithiques et que, en choisissant bien, on peut trouver de superbes pinots noirs du Nouveau Monde.

Alain Brault

13 novembre 2019
Le riesling et ses meilleurs terroirs
Club du mercredi
Organisateurs : Alexandre Craig, Philippe Muller et Nicolas Raymond

Le riesling, cépage noble, est toujours agréable à déguster entre amis. Son acidité vive le porte très bien au vieillissement, même plus que les rouges dans certains cas!
Nous ferons un premier survol de quatre grands terroirs du riesling dans le monde : l’Autriche, l’Alsace, l’Australie et bien sûr, l’Ontario.

Ensuite, en deux volées de trois vins chaque, nous dégusterons des vins de deux grandes appellations allemandes. Le défi sera de deviner l’âge (ils auront entre 10-32 ans d’âge) et le style du prädikat. Les niveaux de sucre vont également varier entre ‘sec’ et moelleux, pour compliquer la tâche!

« Le riesling et ses meilleurs terroirs »

Cette dégustation de onze vins faits exclusivement de riesling est surtout centrée sur les vins allemands, mais les organisateurs ont également voulu montrer le potentiel de ce cépage ailleurs dans le monde. Ils ont divisé leur dégustation en trois volées, une première présentant quatre vins venant de quatre pays autres que l’Allemagne, une deuxième sur les vins du Rheingau et une troisième sur ceux de la Mosel. Tous les vins ont été servis en double aveugle.

Première volée : l’Alsace, l’Autriche, l’Australie et le Canada

Le Riesling Kaefferkopf « Vieilles Vignes » 2015 (AOC Alsace Grand Cru) de J.-B. Adam est jaune verdâtre assez pâle et très brillant. Le nez est très ouvert, très pétrolé, fruité (pêche, pomme verte) et floral, avec une note de miel. L’attaque est chaude, le vin assez gras en bouche, bien vif, très fruité, plutôt sec (très légèrement sucré) et l’équilibre est là. La finale est très, très fruitée, juteuse et chaleureuse.

Riesling Kapuzinerberg  2013 (DAC Kremstal) de Weingut Fritsch. Jaune très pâle, celui-ci est encore plus ouvert, aussi pétrolé, fruité (zeste d’agrume), avec une note florale. L’attaque est grasse (presque huileuse), le vin est bien sec, avec une belle acidité, bien fruité (pommes mûres), assez chaud et bien équilibré; la bouche suit le nez. La fin de bouche est très fruitée (agrumes), avec un léger caramel et elle est assez persistante.

En Autriche, comme en Allemagne, c’est une association de producteurs, la Österreichische Traditionsweingüter (ÖTW), qui s’occupe de classer les vignobles. On en compte une cinquantaine classés erste lage (premier cru), identifiés par ce sceau auquel seuls les membres de l’ÖTW ont droit :  1ÖTW

Gilbert + Gilbert Single Vineyard Riesling 2015 (GI Eden Valley) de Gilbert Family Wines. Ce troisième vin est jaune encore plus pâle, presque incolore. L’intensité aromatique est moyenne, la minéralité plus discrète; il est fruité (pomme Granny Smith) et légèrement vanillé. En bouche, il est moyennement corsé, moins vif (l’acidité, correcte sans plus, ne fait pas saliver), moins fruité, moins minéral, peu complexe. Ça finit sur le sucre et une pointe d’amertume. Encore bien jeune, mais pas pour la longue garde.

Riesling CSV 2003 (VQA Niagara Peninsula) de Cave Spring. Il est plus foncé, plus doré et limpide. Le nez est bien ouvert, fruité (mangue, ananas, abricot), avec une légère note rancio. La bouche est grasse, sucrée, épicée, fruitée (pomme mûre), pas trop chaude (11,5 %/vol), mais un peu lourde, avec une surprenante nuance qui rappelle la croûte de Brie. En finale, ce sont les fruits exotiques et une note aigre-douce. Le vin le plus apprécié de la volée.

Avant de s’attaquer aux deux volées de rieslings allemands, Alex a offert une présentation concise, assez complète et éclairante, sur la nomenclature des vins allemands. Un sujet en particulier a généré beaucoup de questions et de discussions : celui du classement des crus; plus précisément, la signification des indications erste lage, grosse lage, erstes gewächs et grosses gewächs.

En Allemagne, l’association de producteurs Verband Deutscher Prädikatsweingüter (VDP) a entrepris un classement des vignobles de ses membres. Ce classement sur quatre niveaux ressemble à celui de la Bourgogne et les quatre mentions en question correspondant aux niveaux bourguignons premier cru et grand cru.
 
Au sommet de la pyramide du VDP, on retrouve Grosse Lage (grand site), suivi de Erste Lage (premier site). Les vins provenant de ces lieux-dits peuvent afficher le logo VDP et la mention optionnelle VDP. GROSSE LAGE® ou VDP. ERSTE LAGE®, selon le classement de la parcelle. De plus, les vins secs issus d’un vignoble classé grosse lage sont appelés Grosses Gewächs (grands crus), mais, pour des raisons légales, seule l’indication GG apparaît sur la bouteille.
 
La mention Erstes Gewächs est un cas spécial. Elle a été réservée légalement (contrairement au classement VDP) par l’association de producteurs du Rheingau (Charta), pour ses meilleurs crus. Ainsi, ceux qui ne sont pas membres de Charta n’y ont pas droit; ils doivent s’en tenir, pour leurs vins secs, à la mention VDP. ERSTE LAGE® accompagnée de la mention Troken. Du côté du Rheingau cependant, plusieurs vins classés Erstes Gewächs de producteurs qui font également partie du VDP sont devenus des VDP. GROSSE LAGE®/GG.
 
Donc, si vous désirez un vin allemand sec de niveau 1er cru bourguignon, recherchez le logo VDP accompagné de la mention VDP. ERSTE LAGE® ou, dans certains cas en Rheingau, la mention et le logo Erstes Gewächs. Pour un grand cru sec, recherchez le logo VDP accompagné de la mention VDP. GROSSE LAGE® (optionnelle) et la mention GG ou, dans bien des cas en Rheingau, les mêmes mentions et le logo Erstes Gewächs.
 
Espérons qu’ils s’entendent un jour pour intégrer les deux classements. En attendant, il semble que la mention Erstes Gewächs soit en train d’être remplacée par Rheingau Grosses Gewächs/RGG. Pas sûr que ce soit un progrès.
 

Deuxième volée : quatre vins du Rheingau, une région qui produit surtout des vins secs. Les rieslings y sont généralement assez corsés et marqués par une forte minéralité.

Riesling Berg Schlossberg Rüdesheim GG 2015 de Weingut Leitz. Il est jaune paille bien jeune, mais sans reflets verts. Le nez est ouvert, bien fruité (zeste), floral (camomille), minéral mais peu pétrolé, avec une touche de tourbe rappelant le scotch. L’attaque est vive, le vin bien sec, avec de la rondeur tout en restant très délicat; l’acidité est bonne, la minéralité importante et l’équilibre impeccable. La finale est juteuse, bien fruitée, avec une note de miel et elle est très, très longue. Un vin encore bien jeune. Deuxième vin le plus apprécié de la soirée.

Riesling Kabinett Hallgartener Jungfer 1995 de Balthasar Ress. Celui-ci, or orangé très brillant,  est beaucoup plus évolué.  Il est assez aromatique, avec des fruits jaunes (coing, abricot), du miel, et une note rancio, oxydée que certains ont prise pour du bouchon. En bouche, il est assez ample, tout en restant délicat, il est fruité (pomme blette), tout juste assez frais (on aurait aimé un peu plus d’acidité), avec une note de cire d’abeille. Il est difficile de croire que ce vin soit bouchonné, car un des participants l’a identifié (producteur et millésime!)

Riesling Kabinett Hattenheimer Wisselbrunnen 1987 de Weingut Schloß Reinhartshausen. Même robe que le précèdent. Le nez est ouvert, avec de la cire d’abeille, de la fumée, du caramel et de l’oxydation. La bouche est rêche, très oxydée, peu agréable. Un vin périmé, le moins apprécié de la soirée.

Riesling Spätlese 2005 de Schloss Vollrads. Il est jaune doré assez riche et intense aromatiquement, assez complexe, bien pétrolé, avec des fruits tropicaux, une belle minéralité et une légère oxydation. Parfaitement équilibré en bouche, il est bien gras et bien fruité (pêche), avec une texture onctueuse. La fin de bouche est agréablement sucrée, fruitée, avec une note de caramel et elle est très persistante. Le vin de la soirée, à l’unanimité!

Troisième volée : trois vins de Mosel (appelée Mosel-Saar-Rüwer jusqu’en 2007), où l’on produit des rieslings plus fruités, plus délicats et, là aussi, de plus en plus secs.

Riesling Kabinett Saarburger Rausch 2002 (M-S-R) de Weingut Forstmeister Geltz-Zilliken. Ce vin est jaune pâle, encore très jeune. Le nez est assez discret, fruité (poire, agrumes), avec de la cire et une note pétrolée. En bouche, c’est une très belle texture, tout en rondeur et en finesse, avec l’acidité qu’il faut pour un très bon équilibre; les 35 g/l de sucre ne paraissent pas et l’alcool est limité à 8 %/vol. La finale est juteuse, fruitée (agrumes), d’une belle légèreté et très, très longue. Troisième vin le plus apprécié de la soirée, avec le suivant.

Riesling Auslese Zeltinger Sonnenuhr 2009 de Selbach-Oster. D’un jaune doré assez riche et très limpide, ce vin est assez discret au nez, avec une légère minéralité, un peu de caramel au beurre et un début de rancio. L’attaque en bouche est onctueuse, sucrée, le vin est bien fruité (fruits confits) et l’acidité est bonne; la bouche suit le nez. Ça finit sur le caramel et c’est très persistant. Troisième vin de la soirée, ex aequo avec kabinett précédent.

Riesling Auslese Brauneberger Juffer Sonnenuhr (Mosel) 2005 de Weingut Wwe. Dr. H. Thanisch. Il est jaune doré un peu plus pâle. Le nez est intense, bien pétrolé, fruité, avec une note de sucre grillé. L’attaque est fraîche et l’on détecte une belle maturité, avec du caramel, du beurre, un léger botrytis et de la tire d’éponge; certains l’ont trouvé un peu trop sucré, d’autres parfaitement équilibré. La finale est très fruitée (pomme mûre, fruits exotiques), légèrement amère et très, très longue.

Une superbe dégustation, couvrant quatre décennies, avec 13 ans d’âge moyen d’âge, ce qui a permis de bien apprécier l’évolution de ces vins avec les années. Il ne fait aucun doute que le riesling est un très grand cépage et cet exercice a montré les différents visages qu’il peut prendre, selon son terroir d’origine et son âge.

Alain Brault

27 novembre 2019
Les trois mousquetaires
Club du mercredi
Organisateurs : Richard Archambault et Stéphan Gagné

Cette dégustation a pour thème « Les trois mousquetaires » qui représentent trois producteurs œuvrant tous dans la même région et donc dans les mêmes appellations. Saurez-vous trouver qui se cache derrière Athos, Porthos et Aramis et de quelle région/appellations proviennent les vins? Mais comme les trois mousquetaires étaient en fait quatre, saurez-vous identifier d’Artagnan le petit nouveau qui s’est joint récemment au groupe?

« Les trois mousquetaires »

Voici comment Stéphan et Richard ont présenté leur dégustation : « Cette dégustation a pour thème « Les trois mousquetaires » qui représentent trois producteurs œuvrant tous dans la même région et donc dans les mêmes appellations.  Saurez-vous trouver qui se cache derrière Athos, Porthos et Aramis et de quelle région/appellations proviennent les vins?  Mais comme les trois mousquetaires étaient en fait quatre, saurez-vous identifier d’Artagnan le petit nouveau qui s’est joint récemment au groupe? ».

On apprendra (pour ceux qui ne les ont pas identifiés), dès la première volée, qu’il s’agit de trois producteurs réputés du Nord du Rhône, le Domaine Pierre Gaillard, la Cave Yves Cuilleron et le Domaine François Villard, mais il faudra attendre la conclusion de la dernière volée pour découvrir qui se cache derrière d’Artagnan.

Donc, trois volées et, à chaque volée, un vin de chacun de ces producteurs, avec un quatrième vin (presque) intrus à la dernière volée, le tout à l’aveugle comme toujours.

Première volée : Trois vins blancs de viognier, de la même appellation, mais de millésimes différents.

Condrieu « Les Terrasses du Palat » 2017 de François Villard. Il est jaune pâlot, de bonne intensité aromatique, fruité (litchi), muscaté, légèrement herbacé, avec du beurre; c’est le plus floral des trois. Il est gras en bouche, bien sec, presque huileux, équilibré par une bonne acidité, fruité et épicé (poivre), avec une note saline. La fin de bouche est juteuse, légèrement chaude (14 %/vol) et amère, mais bien fruitée et assez longue.

Le Condrieu 2014 de Pierre Gaillard est jaune doré, plus foncé, le plus évolué des trois. Le nez est ouvert, minéral, floral, beurré et très légèrement oxydé. La bouche est corsée, bien fruitée, avec du miel et du poivre, mais on aurait aimé un peu plus d’acidité. La finale est fruitée et saline, mais un peu courte.

Le Condrieu « Les Chaillets » 2016 d’Yves Cuilleron est de même teinte que le précédent, mais un peu plus pâle. Il est moyennement discret au nez, avec du beurre (presque chardonnay), des fleurs blanches, de la poussière et un léger muscat. La texture est bonne, il est bien fruité, épicé (poivre blanc) et, comme le précédent également, un peu mou. Il finit sur le fruit, les fleurs et la vanille, avec plus de persistance.

Les organisateurs ont présenté la deuxième volée comme étant leur volée « ceteris paribus » : même appellation et même millésime, seul le producteur varie. Évidemment, les participants connaissaient maintenant l’identité des trois mousquetaires; restait à reconnaître leur style personnel en Saint-Joseph.

On débute avec le Saint-Joseph « Cavanos » 2015 d’Yves Cuilleron. Il est, comme les deux autres, très peu évolué, rouge violacé foncé. Il est assez ouvert au nez, fruité (fruits noirs), bien épicé (poivre), avec une note animale (écurie). L’attaque est fruitée et fraîche; il n’est pas très corsé, les tannins sont relativement discrets et il présente un bel équilibre avec de la vivacité; il est fruité, épicé et chocolaté. La finale est fraîche, bien sèche (à peine astringente), un peu chaude (13 %/vol) et de bonne longueur. Un vin bien jeune, avec beaucoup de potentiel.

Le Saint-Joseph « Mairlant » 2015 François Villard est moyennement aromatique, fruité, avec une note chauffée, légèrement médicamenteuse. L’attaque est austère, le vin a du corps, de la mâche, les tannins sont assez rugueux, mais l’équilibre est quand même très bon et une note de noyau vient s’ajouter au fruit. La finale de fruit épicé est astringente et également chaude (13 %/vol); la persistance aromatique est bonne.

Enfin, le Saint-Joseph « Clos de Cuminaille » 2015 de Pierre Gaillard est plus ouvert au nez, très fruité, vanillé, alcooleux, avec de l’amande. En bouche, il a de la matière, du gras, un fruité bien poivré; l’équilibre est excellent, il est plus soyeux, plus accessible que le précédent; on croque dedans. La fin de bouche est fruitée, sèche mais moins astringente, un peu plus évoluée et très longue.

Pour la troisième et dernière volée, un quatrième mousquetaire vient se joindre aux trois premiers, mais on peut difficilement l’appeler d’Artagnan, car c’est en réalité le produit des trois mêmes vignerons combinés, un vin de la maison Les Vins de Vienne, qu’ils ont fondée conjointement en 1996. Cette fois, c’est quatre appellations différentes, quatre millésimes différents et une bonne dose de maturité. La volée de la soirée!

Ça commence très bien avec un millésime plus vieux du cinquième vin, le Saint-Joseph « Mairlant » 2011 de François Villard, deuxième vin le plus apprécié de la soirée. Il est grenat légèrement tuilé, assez ouvert au nez, très torréfié (chocolat noir), peu boisé, avec de la poussière et une note que certains ont associée à du plâtre ou du latex. Le corps est moyen, les tannins encore bien présents quoiqu’assez fondus et l’on y détecte du fruit et de la fraîcheur; l’équilibre est très bon. La finale est plutôt classique, mais un peu alcooleuse.

Le Cornas « Les Barcillants » 2010 des Vins de Vienne est rubis opaque, avec un dépôt. Le nez est bien ouvert, très fruité et très épicé. En bouche, le corps est moyen le fruit bien présent, tout comme l’acidité, les tannins sont plus faciles et l’équilibre est impeccable. La fin de bouche, légèrement médicamenteuse est quand même assez astringente et la persistance est bonne.

Suit le Côte Rôtie 2009 de Pierre Gaillard. Il est grenat moyen, plus pâle. Le nez est très intense, très évolué (tertiaire), torréfié (café), bien fumé, poivré et terreux. La bouche est assez solide, encore bien fruitée, avec une note végétale, de beaux tannins et un très bon équilibre.  Ça finit très sec et frais, sur les fines herbes séchées. Ce vin a encore du temps devant lui.  Servi à l’Académie par les mêmes organisateurs le 14 octobre 2015, ce vin avait été bien mal reçu par les dégustateurs; cette fois, c’est la note parfaite, le vin de la soirée, à l’unanimité! On revient toujours au vieux dicton : « Il n’y a pas de grands vins, il n’y a que de grandes bouteilles ».

On termine avec un autre Saint-Joseph de Cuilleron, « Les Serines » 2001. C’est le vin à la robe la plus tuilée, la plus avancée de la soirée, brouillée par le dépôt. Il est très ouvert au nez, exubérant même, magnifique, bien fumé, très mature, avec du tabac, de la poussière. La bouche, fumée et encore bien fruitée, est marquée par la rondeur, la finesse, la complexité et un équilibre parfait. La finale est sèche, viandeuse et très, très persistante. Troisième vin le plus apprécié de la dégustation, c’est un grand classique, comme le précédent.

Cette dégustation restera sûrement parmi les beaux souvenirs de l’année (c’est la plus cotée à date). Trois grands producteurs dont on a pu apprécier le sérieux, la rigueur, à travers leurs vins à différents stades de leur évolution.

Nous avons eu droit à des vins du même cépage, produits dans la même région, mais de styles bien différents autant en structure qu’aromatiquement. De plus, on entend souvent que, sauf pour quelques rares producteurs ou très grands millésimes, les vins du Nord du Rhône arrivent à maturité après sept ou huit ans et déclinent assez rapidement après la dixième année. La dernière volée a clairement démontré le contraire, à moins que ces trois « mousquetaires » fassent partie de ces rares exceptions.

Chapeau! Richard et Stéphane. On a bien hâte de voir ce que vous nous réservez pour l’an prochain.

Alain Brault

22 janvier 2020
Les vins de la vallée de L’Okanagan
Club du mercredi
Organisateur : François Lamontagne

« Les vins de la vallée de l’Okanagan »

Après le franc succès obtenu l’an dernier avec sa dégustation de bordeaux, François a opté cette année pour un thème beaucoup plus audacieux. Non seulement il a décidé de servir des vins canadiens, mais il a aussi choisi de mettre l’emphase sur un producteur en particulier, Burrowing Owl, établi à Oliver, dans le sud de l’Okanagan.

La dégustation comprenait onze vins, servis en quatre volées, le tout en double aveugle, comme à l’habitude.

Burrowing Owl produit trois vins blancs : un chardonnay, un pinot gris et un sauvignon. La première volée comptait deux de ces vins.

Le Sauvignon blanc (VQA Similkameen Valley) 2016 contient 4 % de sémillon. Il est couleur paille légèrement verdâtre. Le nez est très ouvert, très fruité (pêche, poire, agrumes), floral, avec du miel, de la fumée et une note herbacée, très légère pour un sauvignon. L’élevage en chêne (30% neuf) est à peine perceptible. En bouche, la texture est moyenne et le vin est encore plus fruité qu’au nez (citron); l’acidité est assez forte et l’on retrouve le miel. La finale est chaude (13,5 %/vol), un peu pointue, toute en fruit et très longue.

Le Chardonnay (VQA Okanagan Valley) 2014 est un peu plus foncé. Il est d’abord intense aromatiquement, mais ça s’estompe assez rapidement; il est très fruité, beurré, assez boisé (80 % de chêne français, 30 % neuf), avec des noix, mais il est plus simple que le sauvignon. Il est plus gras, bien sec, légèrement amer, minéral, mais moins complexe en bouche également. La fin de bouche est juteuse, avec un léger caramel et elle est encore plus persistante.

Côté rouges, Burrowing Owl produit neuf vins : deux assemblages, un « porto » à base de syrah et six vins de monocépage dont quatre ont été servis à la deuxième volée; ne manquaient que le cabernet franc et le petit verdot.

Le Pinot noir (VQA Okanagan Valley) 2012 est grenat pâlot, bien brillant. L’intensité aromatique est moyenne, le vin fruité (petits fruits rouges), épicé (cannelle) et vanillé. L’attaque est fruitée, la structure assez ronde, l’acidité moyenne (un peu plus n’aurait pas nui), le tout bien fruité et plutôt chaud (14 %/vol). En fin de bouche, on retrouve les fruits cuits, la vanille et l’alcool.

Le Merlot (VQA Okanagan Valley) 2007 est grenat opaque, légèrement tuilé. Le nez est bien ouvert, plutôt boisé (vanillé), avec de la torréfaction (tabac, chocolat) et une légère note animale. L’attaque est fraîche, la structure est belle, toute en finesse et très bien équilibrée; le vin est fruité, moins boisé qu’au nez, peu tannique et légèrement sucré (trop pour certains). La finale est très agréable, avec du fruit épicé et une note salée. Un vin à maturité que certains ont trouvé un peu racoleur.

Le Syrah (VQA Okanagan Valley) 2013 est rubis foncé avec des reflets violacés. Il est très ouvert, bien fruité et bien boisé également. C’est le bois qu’on détecte en premier en bouche; le vin est gras, bien charpenté, bien extrait et un peu lourd. C’est également le bois qui domine en fin de bouche, avec de la vanille, de la torréfaction (chocolat), une bonne astringence et de la chaleur (14,5 %/vol). C’est le troisième vin le plus apprécié de la soirée.

Le Cabernet sauvignon (VQA Okanagan Valley) 2012 est rubis opaque, légèrement tuilé. Le nez est plus discret, presque fermé, avec des fruits noirs (mûre, cerise noire), du poivre vert et une légère torréfaction. L’attaque est sur les fruits noirs, le corps est moyen, les tannins assez fermes mais bien intégrés, l’acidité assez forte et l’on retrouve de l’olive noire et une note terreuse (patate crue) assez marquée. La finale est terreuse, fruitée et bien astringente; un vin à attendre des années.

Restent cinq assemblages bordelais (meritage), servis en deux volées. D’abord, le Meritage de Burrowing Owl, servi entre deux vins d’autres producteurs de la région :

Le The Creek (VQA Okanagan Valley) 2014 de Tinhorn Creek (53 % cabernet sauvignon, 19 % merlot, 17 % cabernet franc, 9 % malbec et 2 % petit verdot) est grenat pâlot. Le nez est discret et assez peu défini, avec un peu de cuir, de la torréfaction (café) et une légère note médicamenteuse. Le corps est moyen, l’acidité bonne, les tannins fins et serrés, le fruit bien présent et l’équilibre excellent. Un vin tout en fraîcheur, gouleyant, pas candidat à un long vieillissement, mais quand même le second choix des participants.

Le Meritage (VQA Okanagan Valley) 2013 de Burrowing Owl (39 % merlot, 28 % cabernet sauvignon, 20 % cabernet franc, 10 % petit verdot et 3 % malbec) est grenat foncé et limpide, assez aromatique, fruité et raisonnablement boisé. L’attaque et sur le gros fruit; il est plus corsé, plus astringent, les tannins plus asséchants et l’acidité et le fruité (mûre, confiture) sont bons. La finale est fruitée et assez longue.

Le Compendium (Osoyoos East, VQA Okanagan Valley) 2014 de Mission Hill (45 % cabernet sauvignon, 37 % merlot, 18 % cabernet franc et 2 % petit verdot) est grenat moyen, à peine plus ouvert que le précédent, bien torréfié (chocolat noir), avec de la vanille et du cassis. Encore une fois, c’est le gros fruit en attaque; le vin est très corsé, bien astringent, avec des tannins rugueux de jeunesse, un bon fruit et de la torréfaction. La fin de bouche est très fruitée, chaude (14,5 %/vol) et astringente. Un vin qui a beaucoup de potentiel et qui a été bien apprécié.

Et, finalement, deux vins plus matures d’un même producteur, la grande vedette de la région (du moins pour les Québécois), Osoyoos Larose.

Le Grand Vin (VQA Okanagan Valley) 2005 est composé à 67 % de merlot, 23 % de cabernet sauvignon, 4 % de petit verdot, 4 % de cabernet franc et 2 % de malbec. La robe est plutôt évoluée. Au nez, d’intensité moyenne, on retrouve des fruits noirs, des épices, du cacao, une note végétale et des arômes de maturité (champignons, raisins de Corinthe), avec une légère oxydation. En bouche, il est corsé, complètement sec (style Vieux Monde), avec un beau bois, des tannins fins plutôt fondus, un fruité intense, du poivre, une touche d’olive et des champignons; l’équilibre est parfait. La finale torréfiée est bien sèche, mais à peine astringente et très, très persistante. Un vin à maturité, mais qui tiendra encore. Le vin de la soirée!

Le Grand Vin (VQA Okanagan Valley) 2007, composé également de merlot (70 %), de cabernet sauvignon (21 %) de cabernet franc, de petit verdot et de malbec, est grenat intense, moins évolué. Le nez est plus discret, mais va en s’ouvrant; il est plutôt boisé, avec des fruits noirs (cassis, mûre), ainsi que des notes végétale et animale dans un style bien bordelais. L’attaque est fruitée, la structure plus fine, moins corsée, mais quand même solide, les tannins plus astringents, avec du graphite et plus de chaleur. La fin de bouche, très astringente et torréfiée, est moins persistante aromatiquement. Un vin qui a beaucoup d’avenir.

Cette dégustation de sept vins de Burrowing Owl a été très intéressante et a permis aux participants de bien connaître le style de la maison : des rouges très Nouveau Monde, avec beaucoup d’extraction, une bonne dose de bois et un taux d’alcool assez élevé; un style très bien mis en évidence pas la présence des vins d’Osoyoos Larose, de facture beaucoup plus européenne.

Une expérience à répéter. Merci François.

Pour plus d’information, voir l’article de Marc André Gagnon, sur vinquebec.com : https://vinquebec.com/node/15804

Alain Brault

4 décembre 2019
Bio vs Biodynamie
Club du mercredi
Organisateur : Marie-France Champagne

« Bio vs biodynamie »

Cette année encore, Marie-France nous a organisé un atelier, plus qu’une dégustation, visant à nous familiariser avec le monde des vins biologiques et biodynamiques. On en entend de plus en plus parler, on les goûte de temps à autre, mais sait-on vraiment ce que ces certifications signifient? Quelles sont les règles qui les définissent? Nous avons pu en apprendre un bout sur le sujet, avec la présentation étoffée de Marie-France et la dégustation des vins qu’elle a sélectionnés pour l’occasion.

On commence avec un mousseux, le Champagne Rosé Brut NM de Leclerc Briant, composé de chardonnay (95 %) et de pinot noir vinifié en rouge, donc un assemblage de blanc et de rouge, technique autorisée seulement en Champagne. Le tirage a été effectué en 2017 et le dégorgement en 2019. La maison Leclerc-Briant est en biodynamie depuis la fin des années 50. La robe est saumon et l’intensité aromatique moyenne, avec un beau fruit épicé, une note florale et légèrement briochée. L’attaque est bien vive, le vin pas très gras, mais très fruité (fraise, framboise, concombre); un vin croquant à l’équilibre un peu pointu de jeunesse. Ça finit un peu amer. Beaucoup trop jeune, mais quand même le deuxième vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le margaux servi plus tard.

Suit une présentation sur les vins bios : quelques statistiques importantes, les techniques et traitements permis ou proscris, les diverses certifications à travers le Monde, ce qu’elles signifient et comment les reconnaître, etc., et la dégustation de deux vins blancs de chardonnay, un millésimé, un non millésimé, un bio et un en biodynamie.

Le Pouilly-Fuissé « Vers Châne » 2016 du Château de Lavernette vient d’un domaine en bio et, depuis 2007, en biodynamie également. Il est or pâle et assez aromatique. Plutôt boisé (bois vanillé), beurré, fruité, avec de l’ananas et de la citrouille. Le corps est moyen, le vin bien fruité, très sec et assez chaud; la bouche suit le nez et l’équilibre est bon. La finale est boisée, fruitée, assez fraîche et persistance aromatique est bonne.

Le Chardonnay Bonterra NM de Fetzer Vineyards  est un petit vin générique à moins de 20 $ qui en a surpris plusieurs. Le vignoble est en bio et biodynamie depuis 1987. Ce vin fait exclusivement de chardonnay est jaune verdâtre, très brillant. Le nez est intense, exubérant même, très fruité (agrumes, fruits tropicaux), floral, très herbacé (rappel le sauvignon blanc), avec un bois plus discret que le Pouilly-Fuissé. Il n’est pas très corsé, mais assez rond, bien fruité en bouche et très bien équilibré. La fin de bouche est juteuse, un peu rêche, fruitée, herbacée, un peu caramel et la longueur est bonne. Ce chardonnay fait vraiment très sauvignon blanc.

Pour la troisième volée, la présentation de Marie-France continue avec la biodynamie, son origine, ses objectifs, les différentes « préparations » qu’elle emploie et les certifications. Cette fois, ce sont deux vins de pinot noir.

Le Pinot Noir Laundry Vineyard (VQA Lincoln Lakeshore) 2016 de Southbrook Vineyards qui est le premier vignoble certifié Demeter (biodynamie) au Canada. Il est rouge pâlot. Le nez est intense, médicamenteux, alcooleux (peu agréable pour beaucoup), avec des notes d’amande et de fumée et, tout de même, du fruit (cerise). Il est beaucoup plus agréable en bouche, avec une belle texture assez fine, des tannins faciles, un peu de levure, le tout assez sec sans être rêche et raisonnablement équilibré. La finale, sur les fruits rouges et l’amertume, est très longue. Le mal-aimé de la soirée.

Le Momo Pinot Noir (GI Marlborough, N.-Z.) 2017 de Seresin Estate s’en tire mieux.  Il vient d’un vignoble certifié bio, mais qui travaille aussi en biodynamie. Il est bien pâle, mais plus rubis. Au nez, bien ouvert, le pinot noir de style Nouveau Monde est évident; le vin est bien fruité (fraise, cerise, petits fruits rouges épicés), avec une note fumée et une impression qui rappelle le bois neuf. Il n’est pas gros en bouche (presque mince), très sec, très fruité, avec une bonne acidité qui fait saliver et un assez bon équilibre; il finit sur le fruit, mais un peu rêche et vert. Contrairement au précédent, il est plus beau au nez.

Volée suivante : deux vins du même pays, un bio et un en biodynamie.

L’Etna Rosso « de Aetna » 2016 de Terra Costantino Di Fabio Vincenzo  est un assemblage de nerello mascalese et de nerolle cappucio issus de culture biologique. Il est d’un rouge clairet, typique des vins de nerello. Le nez est discret, peu défini, mais tout de même fruité (fraise) et assez minéral (graphite). On ressent un léger perlant en attaque, mais il disparait assez vite. Le vin n’est pas très corsé et même un peu creux, jusqu’à l’arrivée des tannins; il est bien sec et minéral. La fin de bouche est astringente, bien fruitée, assez juteuse et la longueur est correcte.

Le Colle Massari Poggio Lombrone (DOCG Montecucco) 2013 de Castello Colle Massari, fait exclusivement de sangiovese, est rubis plus foncé. Il est assez ouvert au nez, bien fruité (cassis, cerise rouge), épicé, avec une note fumée et une dose de bois. En bouche, il est corsé, gras, il a de la mâche, avec des tannins granuleux assez fins, des fruits cuits, de la torréfaction (chocolat noir, café) et un boisé rappelant le sapinage;  l’équilibre est excellent. La finale de fruits cuits est chaude et boisée et il est très, très persistant.

Cinquième paire : un bio et un en biodynamie.

Le Gallen de Château Meyre (AOC Margaux) 2015, certifié bio depuis 2011, est fait de merlot à 79 % et de cabernet sauvignon. Il est rubis assez foncé et très ouvert aromatiquement, avec des fruits noirs, de la fumée, des épices, du bois vanillé et une note chauffée. La bouche est grasse, corsée, fruitée (cassis), avec des tannins plutôt faciles pour un 2015 et la note chauffée qui revient (rappelle les jeunes rouges chiliens); l’équilibre est très bon. La finale est bien sèche, avec du bois brûlé et de la torréfaction, mais pas très persistante. C’est le deuxième vin le plus apprécié de la soirée, avec le champagne du début.

Le Koyle Royale Cabernet Sauvignon Los Lingues Vineyard (Colchagua Valley, Chili) 2016 de Koyle Family Vineyards, élaboré en biodynamie, est un assemblage de cabernet sauvignon (86 %), avec du malbec, du merlot et du petit verdot. La robe est du même rubis limpide.  Le nez est assez discret, fruité (cassis, mûres, framboises), avec de la réglisse, une note végétale et le caractère chauffé fréquent au Chili. En bouche, il est moyennement corsé et bien fruité, avec des tannins assez fins, une bonne acidité (très bel équilibre), une certaine chaleur et la note chauffée toujours présente. Il finit sur le fruit et le chocolat, avec une fine astringence et est assez persistant.

Pour la dernière paire : des vins d’assemblage, un du Nouveau Monde et un d’Europe :

Le Coyam Los Robles Estate (Valle de Colchagua, Chili) 2016 d’Emiliana Organic Vineyards , le plus gros producteur bio au monde, avec 3000 ha, dont une bonne partie est en biodynamie, est fait de 49 % syrah, 22 % carmenère, 16 % cabernet sauvignon, 5 % mourvèdre, 4 % malbec, 3 % grenache et 1 % tempranillo. Il est rubis opaque et très intense au nez, fruité (on reconnait bien la syrah), avec des fines herbes, du poivre vert et de la vanille; la note chauffée est très discrète dans ce cas-ci. L’attaque et fruitée (bleuets), le vin gras, corsé, plein, avec une bonne acidité, des tannins peu astringents, des fruits noirs cuits (cerise, mûre) et de la vanille; l’équilibre est impeccable. La fin de bouche est sèche, onctueuse, très torréfiée (chocolat noir), avec une belle amertume (noyau de cerise) et elle est très, très longue. Un des vins très appréciés de la soirée.

Le Gigondas Terre des Ainés 2016 du Domaine Montirius (80 % grenache et 20 % mourvèdre) est en biodynamie depuis 1999. Il est rubis un peu plus transparent et brillant. Le nez est bien ouvert, fruité (cerise), un peu boisé, avec de la garrigue et de la pâte d’amande. L’attaque est vive, le corps moyen, le vin bien fruité (fruits rouges et bleuets), les tannins assez fins, le tout très bien équilibré, malgré une certaine chaleur. En finale, les fruits cuits reviennent, avec le bois et une belle astringence et la persistance aromatique est très bonne. Un vin délicieux.

Et, pour finir en beauté, une gâterie comme dessert :

Le Riesling Alsace Grand Cru Altenberg de Bergbieten Sélection de Grains Nobles 2015 du Domaine Loew certifié bio et biodynamique. La robe est d’un beau doré riche et scintillant. Le nez est intense, fruité (abricot), botrytisé, avec du miel et une minéralité relativement discrète. La bouche est très fruitée, bien sucrée mais sans amertume, sans lourdeur, grâce à une très belle acidité. Ça finit sur les agrumes (orange, mandarine) et c’est vraiment très persistant. Le vin de la soirée, à l’unanimité!

Nous voici donc mieux informés sur ces formes de viticulture et sur la grande variété des vins qui en sont issus. Marie-France a également suggéré une vidéo (en anglais) sur la biodynamie : https://www.youtube.com/watch?v=tUvdpbDpmT8.

Cet exercice a évidemment généré beaucoup de discussions, parfois favorables, parfois moins. Mise à part l’impression d’une certaine phobie (justifiée ou non) des sulfites, la culture biologique semble passer sans problèmes, mais la biodynamie est perçue avec beaucoup plus de scepticisme, surtout pour ses pratiques qualifiées d’« homéopathiques » et même d’« ésotériques » par plusieurs. Cette pseudoscience demeure très controversée et, pour ceux qui désirent approfondir le sujet, on trouve de nombreuses discussions dans l’internet, parfois avec la participation de professionnels dont la crédibilité est bien établie; en voici un exemple : https://les5duvin.wordpress.com/2019/09/07/secheresse-et-biodynamie/

Alain Brault

29 janvier 2020
La vallée de la Loire
Club du mercredi
Organisateur : Marc André Gagnon

« La vallée de la Loire »

Cet atelier-dégustation de Marc André a débuté par une présentation générale de la région vinicole de la Loire, son étendue géographique, sa grande variété de sols et de climats, quelques statistiques importantes, etc. Ont suivi quelques indications sur le déroulement de l’exercice : premièrement, il a décidé de s’en tenir aux vins blancs secs, en se concentrant sur les trois principaux cépages, le melon de Bourgogne, le chenin blanc et le sauvignon blanc.

Onze vins ont été servis en double aveugle, les dix premiers présentés en paires, afin de faciliter les comparaisons.

La première paire de vins dégustée était composée de deux Muscadets, un vin d’entrée de gamme et un des vins « communaux » de l’appellation :

La Sablette Muscadet de Sèvre et Maine sur Lie en a surpris plusieurs. Jaune très pâle, le vin est bien aromatique, fruité (poire, fruits tropicaux, agrumes, pomme verte), avec une note florale. Bonne texture en bouche, belle acidité, avec un léger perlant; un vin vif, croquant, assez équilibré, qui finit tout en fruit et est assez long.

Le Muscadet de Sèvre et Maine Clisson 2015 de la Famille Lieubeau est jaune doré plus riche. Le nez, d’intensité moyenne, est plus complexe; en plus des fruits, on y détecte de l’oignon et des épices. La bouche est plus grasse, moins fruitée et moins acide, mais plus minérale. Du caramel au beurre s’ajoute en finale, mais c’est un peu court. Plus fin et plus complexe, il a été préféré au précédent par 72 % des participants.

Cette première volée s’est terminée avec une présentation plus détaillée sur l’AOC Muscadet, sur ses crus communaux et sur son cépage, le melon de Bourgogne.

Avant la deuxième volée, Marc André a présenté les différents cépages autorisés en Loire. Les vins de la deuxième paire sont faits de chenin blanc.

Le Jasnières 2017 du Domaine de la Roche Bleue est or pâle, moyennement aromatique, fruité (pomme verte, agrumes) et floral. L’attaque est fruitée (compote de pommes), le corps moyen et l’acidité très bonne. La finale est légèrement végétale, pointue et un peu rêche. Un vin plutôt unidimensionnel, peu typé chenin aromatiquement.

Chinon Blanc Le Coteau de Sonnay 2017 du Domaine Fabrice Gasnier. Le vin blanc ne représente qu’entre 2,5 et 3 % de la production de Chinon. D’un beau doré assez riche, il est plus discret au nez, avec du fruit et une note épicée qui rappelle le botrytis. La bouche est grasse, corsée, moins vive, légèrement sucrée, ce qui rend le vin un peu mou; on y détecte du caramel, du beurre, du miel, de la cire d’abeille et du fruit (pêche). Un vin très différent, préféré au Jasnière par 94 % des dégustateurs.

Cette volée a inclus une présentation sur la région de Touraine, sur l’AOC Jasnière et sur le cépage chenin blanc.

Pour la troisième paire, c’est Vouvray contre Saumur, deux autres chenins :

Le Venise (Vin de France) 2017 du Domaine de la Taille aux Loups de Jacky Blot est fait de raisins provenant du territoire de l’AOC Vouvray, mais il n’a pas droit à l’appellation parce qu’il est vinifié à Montlouis, de l’autre côté de la Loire, ce qui n’est plus permis depuis 2014. D’un jaune très pâle avec de légers reflets verdâtres, il est assez ouvert au nez, fruité, avec de surprenantes notes de champignon et d’oignon cuit. En bouche, la texture est très belle, avec de la fraîcheur, du fruit (agrumes, ananas), une belle amertume et un équilibre impeccable. La fin de bouche est très fruitée, un peu chaude (13 %/vol) et de bonne longueur. Cette fois, c’est pratiquement l’égalité : ce presque-Vouvray n’a obtenu qu’une seule voix de plus que le Saumur.

Le Clos de l’Échelier (AOC Saumur) 2017 du Domaine des Roches Neuves de Tierry Germain est jaune plus foncé, verdâtre, très brillant. Aussi ouvert que le précédent, il a moins de caractère; il est fruité et floral (fleurs blanches), avec un peu de miel et semble plus évolué. Il a du corps, de la rondeur, une belle fraîcheur, du fruit et une belle amertume de zeste d’orange. Un vin vif, très sec et très persistant.

La présentation continue, avec la région Anjou-Saumur et les AOC Vouvray et Saumur.

Pour la volée suivante, on reste dans les vins de chenin, avec leur appellation la plus célèbre, Savennières :

Le Parc (AOC Savennières) 2015 du Domaine FL de la famille Fournier-Longchamps est jaune paille très pâle. Plus ouvert que le Clos du Papillon, il est bien fruité (citron confit). En bouche, il est corsé, très vif, bien fruité et minéral. On détecte de la pomme en finale et la longueur est très bonne. Un savennières qui a encore besoin d’un long séjour en cave pour s’adoucir et se développer. Il a quand même été préféré au Clos du Papillon par 60  % des participants. C’est le vin de la soirée.

Le Clos du Papillon (AOC Savennières) 2015 du Domaine du Closel est un grand savennières dont la SAQ nous a privés durant plusieurs années. Il est également assez pâle, mais très brillant. Le nez est ouvert, fruité, avec du miel, de la laine mouillée, de la cire et une très légère oxydation. La bouche est grasse, charpentée, très fruitée (abricot, coing), mieux équilibrée, avec une bonne acidité et du miel. La finale est vive, fruitée (pomme granny smith) et la persistance aromatique est excellente. Deuxième vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le Monts Damnés de la volée suivante.

Suit une présentation détaillée de l’AOC Savennières, de ses grands crus La Coulée de Serrant et La Roche-aux-Moines et des deux producteurs dont les vins ont été servis.

Pour la dernière paire, on arrive en Centre-Loire, pays du sauvignon blanc, avec deux sancerres très fruités, d’un même producteur :

Le Sancerre 2018 de Paul Prieur et Fils est jaune pâlot. Il est très aromatique, minéral (silex), bien herbacé et fruité (pamplemousse). Il est moins corsé que le Monts Damnés, plus frais, bien fruité (pêche, abricot), avec du poivre vert et aucune note boisée. La fin de bouche est très fruitée, florale, herbacée (typique), un peu chaude et de bonne longueur.

Le Sancerre Monts Damnés 2017 de Paul Prieur et Fils est aussi pâle mais plus verdâtre. Le nez est intense, très fruité, floral, plus minéral (pierre à fusil) qu’herbacé et un peu boisé. La bouche est grasse, d’une grande fraîcheur, plus herbacée qu’au nez, avec une minéralité austère et du bois. La finale est très fruitée, minérale, avec un léger caramel et elle est très, très persistante. Cette cuvée issue de Chavignol a été préférée au précédent par 81 % des participants et est le de deuxième vin le plus apprécié de la soirée, avec le Clos du Papillon)-.

Encore une fois, la dégustation a été complétée par une présentation détaillée sur l’appellation, dans ce cas l’AOC Sancerre

Pour conclure l’atelier, MAG nous a présenté les vins effervescents de la Loire, les « fines bulles », leurs appellations et leurs cépages, tout en servant un autre vin de Jacky Blot, un pétillant naturel (petnat) fait exclusivement de chenin blanc :

Le Triple Zéro du Domaine de la Taille aux Loups; triple zéro pour zéro chaptalisation, zéro liqueur de tirage et zéro dosage (un vin embouteillé avant la fin de la seule première fermentation). Il est or assez riche et, servi dans des verres  Riedel Ouverture, peu effervescent à l’œil. Le nez est intense, fruité, avec du sucre d’orge, du sirop d’érable et une bonne dose d’oxydation. En bouche, on découvre une belle mousse bien persistante, une très bonne acidité, du fruit (pomme verte, kiwi) et un peu de beurre. Un vin très original, très sec, qui finit un peu rêche, très fermentaire (levure) et que Marc André a qualifié d’« exercice de style ».

Nous avons eu droit à un atelier-dégustation très documenté, agrémenté d’anecdotes de voyages en Val de Loire et étayé par une sélection de vins illustrant bien les principaux cépages blancs de la région et servis en paires assez homogènes pour permettre de bien comparer les différents terroirs.

Voilà pour les vins blancs secs de la Loire; merci Marc André. À quand les rouges? Et les grands vins moelleux?

Alain Brault

12 février 2020
La côte ouest de l’Amérique
Club du mercredi
Organisateurs : Charles Bérubé et Éric Michaud

« La côte ouest de l’Amérique »

Forts de leurs nombreuses visites dans les vignobles, au pays et à l’étranger, Éric et Charles ont proposé à l’Académie une sélection de vins du Nouveau Monde, plus précisément de l’Ouest américain. Ils ont sous-titré leur dégustation « Les coups de cœur de Charles et Éric » : dix vins servis en trois volées, en double aveugle.

Volée 1 : Trois chardonnays de producteurs réputés, un de Colombie-Britannique, un de Californie et un de l’Oregon.

Le Chardonnay Reserve 2015 (Namarata Bench VQA Okanagan Valley) de La Frenz Winery est jaune paille brillant, bien ouvert au nez, très fruité (fruits tropicaux), avec une note végétale (échalote crue), des noix, du beurre et une minéralité qui rappelle le Chablis. En bouche, le vin est très sec, bien gras, avec du fruit et une acidité moyenne, pour un bon équilibre. La finale est crémeuse, fruitée et chaude (13,6 %/vol) et la longueur est assez bonne. C’est le champion de la soirée.

Le Chardonnay 2009 (AVA Napa Valley) d’Antica Winery (Antinori) est plus doré, plus foncé, avec un nez assez ouvert, fruité (fruits tropicaux, pêche, citron confit), crémeux, avec du caramel au beurre, de la cassonade, de la noix de coco et des arômes de maturité. La structure est solide, bien ronde, avec une très bonne acidité et une note de pain grillé; le vin est très sec et l’équilibre est impeccable. La fin de bouche est pâteuse, fruitée mais quand même évoluée, assez chaude (14,4 %/vol) et très, très persistante.

Rose Rock Chardonnay 2015 (AVA Eola-Amity Hills) de Drouhin. La robe est identique au premier vin. Le nez, d’intensité moyenne, est fruité (melon miel), avec de la cire, des fines herbes séchées, du beurre, un léger rancio et des notes terreuse et saline. Le corps est moyen, moins gras que le précédent, avec une belle acidité; un vin très sec, assez fruité, qui goûte ce qu’il sent et qui est bien vif. La finale est terreuse et austère.

Volée 2 : Trois vins de pinot noir, d’un même millésime, un de Colombie-Britannique et deux de l’Oregon.

Pinot Noir Reserve 2014 (Namarata Bench VQA Okanagan Valley) de La Frenz Winery. Il est grenat très pâle, presque rosé, assez limpide. Le nez est fruité (fraise, cerise), épicé (poivre, clou de girofle) et floral (rose). La bouche est moyennement corsée, fruitée (cerise, zeste d’orange), peu boisée, avec une belle acidité, des tannins poudreux, délicats, à peine perceptibles et du sucre (trop pour certains). Ça finit sur le fruit, la vanille, la fraîcheur, un peu de chaleur et une très légère amertume.

Le Pinot Noir Cuvée Mt. Jefferson 2014 (AVA Willamette Valley) de Cristom Vineyards est grenat à peine plus foncé et très limpide. Il est moyennement aromatique, très terreux, fruité (cerise) et épicé (poivre, muscade). Le corps est moyen, la texture assez fine, l’acidité très agréable et les tannins fins (équilibre impeccable); la bouche est fruitée (fraise) et poivrée, mais la note de terre humide domine et c’est elle qui persiste en fin de bouche. C’est quand même le troisième vin le plus apprécié de la soirée.

Pinot Noir 2014 (AVA Willamette Valley) de Beaux Frères Vineyards. Rubis plus foncé, légèrement brouillé, il semble beaucoup plus jeune. C’est le plus ouvert aromatiquement, avec des petits fruits rouges, de la prune et une note fumée. Il est corsé, bien rond en bouche, avec beaucoup de fruit (cerise), beaucoup d’extraction, une note sucrée, des tannins plus présents mais assez fins, de la chaleur et une belle astringence en finale. Un style très Nouveau Monde, un peu lourd et pâteux.

Volée 3 : Quatre vins rouges plus âgés, deux paires très différentes; d’abord, deux vins californiens à base de zinfandel, du même producteur et du même millésime, suivis d’un cabernet de Washington et d’un meritage de Colombie-Britannique.

Le Geyserville 2005 (AVA Sonoma County) de Ridge Vineyards est un assemblage de  zinfandel (77 %), de carignane (17 %) et de petite syrah (6 %). Il est grenat assez foncé, bien ouvert au nez, médicamenteux, alcooleux (14,6 %/vol), avec des fruits noirs confits; il fait recioto, presque porto. La bouche est ronde, assez corsée, très sèche, très médicamenteuse, avec des fruits cuits, de l’amande amère, du goudron et des tannins assez astringents; c’est en bouche qu’il s’exprime : une explosion de saveurs. La finale est fruitée, bien astringente et très chaude.

Mêmes cépages pour le Lytton Spring 2005 (AVA Dry Creek Valley) de Ridge Vineyards, mais dans des proportions différentes : 77 % de zinfandel également, mais 6 % de carignane et 17 % de petite syrah. Presque opaque, il est d’un rouge plus évolué. Intense aromatiquement, il est très boisé et poussiéreux au nez. Il est bien corsé en bouche, moins extrait, moins fruité et plus boisé que le Geyserville, avec une bonne acidité, du poivre, du café, et du chocolat. La fin de bouche est fruitée, boisée (coconut) et assez chaude également (14,4 %/vol).

Le Cabernet Sauvignon Feather 2007 (AVA Columbia Valley) de Long Shadows Vintners, composé exclusivement de cabernet sauvignon, a été élaboré par le réputé producteur de Napa, Randy Dunn. Il est rubis très foncé,  presque opaque, moyennement aromatique, mais assez peu défini au nez, crémeux, avec du fruit (fraise) et des fines herbes séchées (thym). Le corps est moyen, la bouche ronde, ample, très bien équilibrée, avec un beau fruité, des tannins agréables, une note grillée et un bois bien dosé. C’est le fruit qui domine en finale. Un vin peu complexe, mais encore bien jeune.

L’Oculus 2004 (VQA Okanagan Valley) de Mission Hill est un assemblage de merlot (74 %), de cabernet sauvignon (13 %), de cabernet franc (10 %) et de petit verdot (3 %). Il est rubis encore plus foncé que le Feather. Le nez est plus intense, beaucoup plus complexe, crémeux, avec du thym, du chocolat et de l’olive noire. Il est corsé, costaud, avec des tannins serrés, du fruit, une note végétale et un très beau bois; il fait presque bordeaux. La fin de bouche est plutôt astringente, avec des fruits cuits et de l’amertume; elle est très, très persistante. Un vin pour la cave, mais quand même délicieux maintenant; le deuxième vin le plus apprécié de la soirée.

Connaissant les organisateurs et leurs voyages passés, tous s’attendaient à déguster au moins un vin du Chili, mais ils ont choisi de s’en tenir à l’Amérique du Nord, avec un vin canadien dans chaque volée. Ces vins de Colombie-Britannique ont d’ailleurs très bien paru, remportant les première, deuxième et quatrième places auprès des participants.

Beaucoup rejettent les vins du Nouveau Monde sous prétexte qu’ils sont toujours trop extraits, trop sucrés, mais on constate qu’il s’y fait des cuvées qui peuvent rivaliser avec les grandes appellations européennes, comme ce chardonnay de La Frenz, et que, même parmi la catégorie des « bêtes à concours », certains développent, avec les années, beaucoup de caractère et se raffinent, comme l’Oculus de Mission Hill.  On doit aussi savoir que des zinfandels sérieux, qui ne sont pas de la confiture et qui peuvent vieillir, ça existe.

Merci Messieurs.

Alain Brault

19 février 2020
Vins blancs de la Côte de Beaune
Club du mercredi
Organisateurs : Marc St-Onge et Laurent Gémar

« Quelques (grands?) vins blancs de la Côte de Beaune »

Après deux années de « Combat des caves », Laurent et Marc nous ont conviés cette année à une dégustation thématique « pointue » (selon leur propre terme), se concentrant sur quelques appellations seulement et privilégiant l’analyse comparative, avec un intrus par volée.

Onze vins de la Côte de Beaune, servis en double aveugle, en trois volées.

Mais d’abord, comme mise en bouche, un véritable intrus : un chardonnay québécois de Saint-Bernard-de-Lacolle, en Montérégie.

Chardonnay Réserve 2017 du Vignoble Camy. Jaune doré, il est moyennement aromatique, fruité, minéral, floral, avec de l’oignon cru, de l’amande et un bois discret. L’attaque est fruitée; il est bien gras, bien fruité (citron confit), très bien équilibré par une belle acidité et très beurré, avec une note terreuse. La finale est juteuse, fruitée et assez persistante. Il a été bien apprécié des dégustateurs.

Pour la première volée, Marc et Laurent nous emmènent dans l’appellation Saint-Aubin, voisine de Chassagne-Montrachet et de Meursault, avec trois 1ers crus du même millésime, 2014 et (l’intrus) un 2013.

Le Saint-Aubin 1er Cru « Derrière chez Édouard » 2013 d’Hubert Lamy est, comme les trois autres, jaune pâle et brillant. Le nez, d’abord très discret, s’ouvre à mesure que le vin se réchauffe; il est fruité (pomme), très minéral (pierre à fusil) et très légèrement oxydé, avec une note terreuse. En bouche, le corps est moyen; il est fruité (agrumes, citron confit), minéral et assez fin, malgré une acidité plutôt tranchante de jeunesse. La finale minérale fait saliver et on l’aurait aimé plus persistante.

Le Saint-Aubin 1er Cru « La Chatenière » 2014 de Pierre-Yves Colin-Morey est très aromatique, très minéral, avec du beurre, de la vanille, de l’amande, un boisé bien dosé et des notes assez déroutantes d’échalote cuite, de fumée et d’huile de sésame. La bouche est fine, élégante, très bien équilibrée, fruitée (compote de pommes), bien beurrée; elle suit le nez, quoiqu’on s’attendait à plus de corps. La fin de bouche est vive, rafraîchissante, fruitée, bien boisée et très longue.

Le Saint-Aubin 1er Cru « En Remilly » 2014 du Château de Pouligny-Montrachet est légèrement verdâtre. D’abord discret, le nez s’ouvre; il est fruité, épicé, un peu moins minéral, mais plus floral. La tenue en bouche est meilleure, plus ronde, avec un beau fruité équilibré par une bonne acidité. La finale est bien sèche et fruitée.

Le Saint-Aubin 1er Cru « Derrière chez Édouard » 2014 d’Hubert Lamy est aussi légèrement verdâtre. Au nez, peu intense, on retrouve la pierre à fusil, du beurre, de la crème, du fruit (pomme, citron), des fleurs blanches et de l’amande. L’attaque est très fraîche et fruitée; en bouche, assez corsée, on retrouve les arômes du nez et le vin est encore bien vif. La fin de bouche est fruitée, beurrée, un peu pointue et de bonne persistance. Un vin délicieux.

Comme deuxième volée, quatre Puligny-Montrachet : une miniverticale de trois millésimes d’Étienne Sauzet, et (l’intrus) un vin d’Alain Chavy.

Puligny-Montrachel 2014 d’Étienne Sauzet. Or pâle, il n’est pas très aromatique, avec de légères notes minérale et saline. En bouche, il est rond, fin, très bien équilibré, fruité (citron), pas boisé et l’on retrouve la note saline. La finale est bien juteuse et très fruitée, avec une belle amertume et elle est très, très longue.

Puligny-Montrachel 1er Cru « Les Folatières » 2014 du Domaine Alain Chavy. Or un peu plus foncé, il est plus expressif, fruité (coing, un peu bonbon), avec une note herbacée, du beurre, du bois. La bouche est plus grasse, plus corsée, bien fruitée, avec une bonne acidité, du beurre, une note saline également et une légère amertume; certains l’on trouvé un peu pâteux et chaud. La fin de bouche est fraîche et bien fruitée, avec une note de miel; c’est le plus persistant de la volée. Un très beau chardonnay pour la longue garde.

Puligny-Montrachel 2010 d’Étienne Sauzet. Même robe que le Chavy. Il est bien ouvert, avec des noix (amande), un beau bois, du citron, un peu de noix de coco, une note épicée (anis) et un début d’oxydation. Le corps est moyen; il est bien fruité (pomme blette) légèrement boisé et très bien équilibré. Il finit sur le fruit, un beau bois vanillé et il est assez persistant. Un vin assez simple, mais élégant.

Puligny-Montrachel 2013 d’Étienne Sauzet. Or pâle comme le 2014, il est encore plus discret au nez, moins défini; il est plus minéral, plus jeune. Pas très gros et tout en fraîcheur, il est bien fruité (agrume) et on ne détecte pas de bois; l’équilibre est très réussi. La fin de bouche est fraîche et fruitée. Un autre candidat pour la garde.

Avec deux 1ers Crus de Meursault et un Grand Cru de Corton, la troisième et dernière volée a été, de loin, la plus appréciée de la dégustation.

Le Meursault-Charmes Premier Cru 2014 du Domaine du Château de Meursault est or paille très brillant, plus foncé que les deux autres même si c’est le plus jeune. Au nez, il est plutôt discret, moins complexe que les deux autres, fruité (agrume), avec du beurre et un peu de cire. L’attaque est bien fruitée, le vin est gras en bouche, bien beurré, avec un beau bois, l’acidité qu’il faut pour un super équilibre, une note végétale et de la minéralité. La fin de bouche est fruitée, légèrement boisée et de bonne longueur. Le troisième vin le plus apprécié de la soirée, derrière les deux suivants.

Le Corton-Charlemagne Grand Cru 2011 du Domaine Bouchard Père & Fils est jaune paille avec des reflets verdâtres. Il est très ouvert aromatiquement, fruité, avec du beurre, des noix et une forte minéralité. La structure, moyennement corsée, est d’une grande finesse, tout en gardant une belle onctuosité, avec une impression sucrée, un beau bois discret, l’amertume des noix et un équilibre irréprochable. La finale, sur le beurre, le bois et les fruits, est très longue. Le vin de la soirée, ex aequo avec le suivant.

Le Meursault-Perrières Premier Cru 2011 du Domaine Bouchard Père & Fils, un peu moins expressif que le Corton, est très semblable au nez : fruit, beurre, noisette et minéralité, avec une légère note fumée en plus. En attaque, on retrouve la noisette; la bouche est grasse, ample, avec un beau bois, beaucoup de fruit et un équilibre impeccable. C’est le vin le plus persistant de la soirée, sur des notes de beurre et de caramel. La deuxième grande vedette de la dégustation, avec le Corton du même producteur.

C’était un exercice de dégustation comparative très efficace : des vins de styles très semblables mais de millésimes différents, ensuite, les vins d’un même producteur comparés à celui d’un voisin, pour terminer avec un Grand Cru parmi d’excellents Premiers Crus. Évidemment, tous n’ont pas réussi à pointer l’intrus à chaque volée, mais tous ont pu apprécier la grande qualité des vins servis et la pertinence des associations. Merci aux organisateurs; ils ont même réussi à servir onze bourgognes blancs dont aucun ne souffrait d’oxydation prématurée.

Une immense dégustation! On peut, sans hésiter, retirer le point d’interrogation du titre de l’événement.

Alain Brault

11 mars 2020
Le nord-ouest de l’Italie hors B&B
Club du mercredi
Organisateur : Pierre Bélanger

« Le nord-ouest de l’Italie hors B&B »

Ces dernières années, Pierre a organisé plusieurs dégustations de très vieux vins. Pour celle-ci, il est retourné dans le Piémont, mais sans se limiter au seul nebbiolo et en se permettant trois intrus issus d’autres régions italiennes, la Lombardie, le Latium et la Toscane. Les autres cépages sont le merlot, le sangiovese, la barbera et le dolcetto. Évidemment, pour respecter le thème, il n’y avait ni Barolo ni Barbaresco. Il est à noter que presque tous ces vins ont été élaborés avant la création de l’appellation à laquelle ils auraient droit aujourd’hui.

Étant donné le caractère exceptionnel de l’événement, la dégustation s’est déroulée en semi aveugle; la liste des vins a été présentée (dans le désordre) en début de soirée :

* Barbera Riserva Castello di Gabiano 1967 de Cattaneo Giustiniani
* Montiano 1997 (IGT Lazio) de Falesco
* Riserva Ducale 1967 (DOC Chianti Classico) de Ruffino
* Dolcetto d’Alba Rossana 1970 de Riccardo Ceretto
* Spanna del Piemonte Riserva 1964 (Vino da Tavola), Cantine Manfredi d’Umberto Fiore
* Sassela 1964 de Nino Negri
* Ghemme 1964 de la Cantina Ponti
* Spanna Riserva Castello della Dionisa 1964, Cooperativa Agricola Gattinarese
* Spanna Castello di Lozzolo 1964 de Fratelli Berteletti
* Lessona Picone Tenuta S. Sebastiano allo Zoppo 1967 de A. G. Sella

La dégustation a débuté par une présentation détaillée de chaque vin, incluant le producteur, la région, le(s) cépage(s) et un historique du producteur et des appellations dans la zone de production.

Tous les vins, sauf le substitut, ont subi une double décantation quelques heures avant la dégustation.

Volée 1 :

Spanna del Piemonte Umberto Fiore Riserva 1964 (Vino da Tavola) de Cantine Manfredi. Spanna est le nom donné au nebbiolo dans les provinces de Vercelli (Bramaterra, Gattinara) et Novara (Boca, Fara, Sizzano, Ghemme et une partie de l’appellation Gattinara), dans le nord-est du Piémont. Cantine Manfredi est situé à Gattinara, dont la DOC a été créée en 1967 et a été promue DOCG en 1990. Aujourd’hui, l’appellation exige un minimum de 90 % de nebbiolo et permet 10 % de bonarda di Gattinara (uva rara) et 4 % de vespolina. À l’œil, le vin est grenat assez pâle, brillant, avec une couronne bien tuilée. Le nez est très ouvert, plutôt alcooleux (malgré son 10 %/vol) et oxydé (fruits secs, champignons), rappelant plus un xérès ou un amarone qu’un gattinara. En bouche, l’attaque est souple mais surette; on sent tout de suite que le vin est très vieux. La structure est très délicate, avec des tannins complètement fondus, une trace de fruit et des arômes très évolués. La finale est pointue, oxydée et assez longue. Un vin périmé, malheureusement.

Le Montiano 1997 (IGT Lazio) de Falesco (famille Cotarella), fait exclusivement de merlot) a été inclus dans cette dégustation comme référence à ce qu’on considère habituellement comme un vin italien très mature (entre 20 et 25 ans). Légèrement brouillé, il a encore des reflets rubis de jeunesse. Il est plus discret au nez que le spanna, très fruité malgré ses 23 ans (bleuet, cerise), avec des notes épicée et animale; il évolue beaucoup dans le verre. L’attaque est bien fruitée, le corps est moyen, l’acidité très bonne, les tannins fins, granuleux, encore bien présents et les arômes assez matures (cuir, tabac, terre, cèdre). Ça finit sur le fruit et c’est un peu court.

Volée 2 :

Le Spanna Castello di Lozzolo 1964 de Fratelli Berteletti est un autre nebbiolo de ce qui est aujourd’hui la DOCG Gattinara. La robe est très avancée, mais avec encore une certaine profondeur et des reflets rouges plus jeunes. Le nez est assez intense, oxydé, alcooleux, avec des fruits secs (canneberges séchées). En bouche, il est peu corsé, soyeux, délicat, complètement fondu, assez chaud et oxydé; il manque de fruit. Un autre vin beaucoup trop vieux.
Le millésime 1967 de ce vin, servi à l’Académie par Pierre en janvier 2017, avait beaucoup mieux paru. Il était encore assez foncé, très nebbiolo mature classique au nez (goudron, cuir, anis), avec du corps, de l’équilibre et de la persistance. Les attentes étaient donc très élevées.

Le Sassela 1964 de Nino Negri est défectueux. Dommage, car c’était le seul nebbiolo ne venant pas du Piémont, Sassela étant un des crus communaux de l’appellation Valtellina crée en 1968 (DOCG Valtellina Superiore en 1998), située dans le nord de la Lombardie, à la frontière avec la Suisse.
En remplacement, Louis Landry a offert un Spanna 1962 de Franco Franchino. Franco Franchino était situé à Lozzolo, qui fait aujourd’hui partie de l’appellation Gattinara. Il est bien évolué à l’œil et un peu brouillé (le fond de la bouteille). Le nez, d’intensité moyenne, est très complexe et très tertiaire (goudron, champignons, cuir, etc.). En bouche, il est encore rond, plein, avec du fruit (cerise), de la torréfaction (chocolat), une belle fraîcheur et des tannins bien fondus; l’équilibre est parfait. Il est très long et la finale n’a rien de celle d’un vieux vin, malgré ses 58 ans. Génial! Tout comme le barbera servi en dernier, il a fait l’unanimité comme vin de la soirée.

Riserva Ducale 1967 (DOC Chianti Classico) de Ruffino. Lors de la création de la DOC Chianti, en 1967 justement, Chianti Classico n’était qu’une sottozona de l’appellation; elle aura sa propre DOCG en 1996. C’est un vin assez foncé, mais plutôt fermé au nez, peu défini; ça commence sur une note florale et continue sur la torréfaction, la farine de sarrasin, le foin séché et une note de réduction qui a déplu à quelques-uns. En bouche, il est gras, assez corsé, avec des tannins graveleux, rêches, mais encore du fruit. La finale est pointue, épicée, légèrement oxydée et assez longue.

Volée 3 :

Le Dolcetto d’Alba Rossana 1970 de Riccardo Ceretto précède également la création de la DOC Dolcetto d’Alba en 1974. La robe est très pâle et généralement brouillée; on dirait un vin orange. Le nez d’abord très intense s’efface lentement; il est surprenant, fumé, épicé, avec une note de viande, mais peu de fruit. Il n’est pas très corsé, très fin et souple, assez vif, peu fruité (canneberge), avec des tannins bien fondus et une très légère oxydation. La finale est torréfiée (chocolat noir), un peu surette et assez persistante. Un dolcetto assez bien conservé et très apprécié.

Lessona Picone Tenuta S. Sebastiano allo Zoppo 1967 de A. G. Sella. La DOC Lessona, créée en 1976, est située dans le nord-ouest du Piémont, tout près de la Vallée d’Aoste. Elle produit des vins à base de nebbiolo, avec un maximum de 15 % d’uva rara ou de vespolina. Le vin est grenat avec une couronne brique. Il est assez aromatique et ça va en augmentant; on y détecte des herbes séchées, de la fumée, une note végétale (céleri cru), du goudron, des épices, du graphite et du fruit (zeste d’agrume). Moyennement corsé, il offre une belle fraîcheur, des tannins assez fondus mais encore asséchants et un peu de fruit (zeste, canneberge). En fin de bouche, c’est bien sec, avec de l’orange, des champignons et de la minéralité et c’est très long. C’est le troisième vin le plus apprécié de la soirée, à une voix des deux vedettes.

Volée 4 :

Le Ghemme 1964 de la Cantina Ponti a été produit trois ans avant la création de la DOC en 1967 (DOCG en 1997), mais l’étiquette affiche tout de même Vino a Denominazione d’Origine Controllata. Malheureusement, il est bouchonné.

Le Spanna Riserva Castello della Dionisa 1964 de la Cooperativa Agricola Gattinarese est assez foncé et le pourtour est carrément brun, comme un xérès oloroso. Le nez est très intense, très fruité (dattes, figues, raisins secs), légèrement oxydé, avec du goudron, du noyau et du cola; un des nez les plus complexes de la soirée. Il est corsé, solide malgré des tannins fondus, encore fruité, un peu chaud et lourdaud pour certains. La finale est fruitée, grillée, avec des champignons, une légère amertume et une bonne longueur. Un très beau vin, avec beaucoup d’intensité, beaucoup de caractère.

Le Barbera Riserva Castello di Gabiano (Gabiano Monferrato) 1967 de Cattaneo Giustiniani a été élaboré trois ans avant la création de la DOC Barbera del Monferrato en 1970 (DOCG depuis 2008); Gabiano a sa propre DOC depuis 1983. Il est grenat assez foncé, limpide, avec une couronne brique. D’abord discret, le nez s’ouvre; il est floral (rose), avec de la vanille, du cuir et de la réglisse. En bouche, il a du gras, de la rondeur, une belle acidité, un très bel équilibre et il est très torréfié (grillé). La fin de bouche est juteuse, très fraîche, fruitée, torréfiée et très, très persistante. L’autre grande vedette de la soirée, à l’unanimité.

Il n’y a donc pas que le nebbiolo qui puisse tenir durant des décennies; les autres cépages s’en sont très bien tirés aussi. On note également que, pour les vins de cet âge, la réputation du millésime ne garantit plus grand-chose et que les tableaux de classement des millésimes, même récents, ne sont plus très fiables; la variation de bouteille est trop grande. Parmi les millésimes dégustés, 1964 et 1967 sont les plus réputés, mais certains de ces vins se sont révélés complètement passés. D’un autre côté, une des grandes vedettes de la soirée est du millésime 1962, millésime qualifié d’élégant mais ordinaire. On pourrait dire : « vaut mieux se fier au producteur », mais dans bien des cas, le producteur n’existe même plus et, de toute façon, l’élaboration des vins aujourd’hui a certainement beaucoup évolué par rapport à celle des années 1960.

Magnifique dégustation! Du bonbon pour tous ceux qui ont développé ce goût pour les très vieux vins. Dommage qu’on ne puisse pas s’en offrir de comparables plus souvent, ces vieux flacons étant difficiles à trouver et généralement inabordables, sans parler du risque élevé de tomber sur une bouteille défectueuse. Cela dit, on espère pouvoir compter sur Pierre pour récidiver dès que possible.

Alain Brault