2018 - 2019

Vous retrouverez la majorité des comptes rendus complet des dégustations sur la page Facebook

Dégustation du 12 septembre 2018
« Les Crus du Beaujolais »
Organisée par Marc-Étienne LeSieur

 

Pour inaugurer l’année 2018-2019 de l’Académie, Marc-Étienne a fait preuve de beaucoup d’audace, en nous offrant une dégustation de beaujolais. Autour de l’an 2000, le beaujolais avait bien piètre réputation. La mode était alors à la production du beaujolais nouveau (ou primeur) qui compte alors pour la moitié du beaujolais et le tiers du beaujolais-villages. Environ le tiers de la production du restait invendable et une bonne partie devait être distillée ou transformée en vinaigre. En 2002, un article de Lyon Mag traitait le beaujolais nouveau de « vin de merde ». C’est seulement parmi les « crus » du Beaujolais qu’on avait une chance de trouver un vin digne de ce nom. Un producteur très connu a même été condamné pour fraude après avoir tenté de commercialiser du beaujolais ordinaire en « crus ».

Mais depuis, certains producteurs ont la prétention de faire du grand vin en Beaujolais. Là où une bouteille à plus de 15 $ était impensable, on en a bientôt vu à 50 $ et ça dépasse maintenant les 100 $ la bouteille pour certains producteurs vedettes. Le renouveau est-il réel ou est-ce simplement une mode? C’est ce que Marc-Étienne a voulu vérifier avec nous lors de cette dégustation de 10 vins issus de quatre des dix « crus » du Beaujolais.

Première volée, quatre vins d’un producteur très coté, le Domaine Jules Desjourneys, les beaujolais les plus chers offerts à la SAQ : L’Interdit 2008 (55 $) un Fleurie déclassé pour cause d’atypicité, le Moulin-à-Vent 2008 (83 $), le Fleurie les Moriers 2010 (83 $) et le Moulin-à-Vent les Chassignols 2010 (114 $!).

Le premier est rouge violacé assez léger, avec un nez d’intensité moyenne, terreux, fruité (framboise) et un arôme douteux ressemblant à un début de bouchon. Le corps est moyen, les tannins et l’acidité bien présents, avec assez de fruit pour équilibrer, à peu près, le tout et une finale plutôt rêche, astringente et amère. Un vin bizarre, le moins apprécié de la soirée.

Deuxième vin, le plus pâle de la volée, le Moulin-à-Vent 2008 est rubis avec une très légère teinte d’évolution. Le nez, d’intensité moyenne, est assez élégant, avec des fruits rouges (fraise, framboise), des notes florale, minérale et un léger boisé. Un peu plus corsé que le précédent, il est plus rond, avec des tannins plus soyeux, un beau fruité et une finesse qui en font un vin gouleyant qui se démarque par son équilibre et finit tout en fruit et en fraîcheur.

Suit le Fleurie les Moriers 2010, beaucoup plus expressif, plus alcooleux (kirsch), tout en fruit (très, très mûr), bien typé gamay et un peu bonbon. Le corps est moyen, les tannins aussi et l’on détecte une note médicamenteuse de jeunesse. La fin de bouche est chaude et juteuse. Un très beau vin bien fait, avec un bon potentiel de vieillissement.

Dernier vin de la volée, le Moulin-à-Vent les Chassignols 2010, rouge violacé assez clair, est peu expressif, plutôt bonbon, très fruité (cerise), épicé, très gamay, mais assez simple. En bouche, il est bien structuré, fruité, poivré, avec de beaux tannins fins, une note florale et une belle fraîcheur. De loin le préféré de la volée, mais 114 $?

Deuxième volée, deux vins très jeunes : le Morgon 2016 de Jean Foillard et le Fleurie 2016 du Domaine Joseph Chamonard; les deux à prix beaucoup plus raisonnable.

Le Foillard, rubis plus foncé bien violacé, est très ouvert, crémeux, bien typé, avec du fruit épicé (groseille). L’attaque est fruitée, le vin moyennement corsé, assez vif, légèrement astringent et un peu médicamenteux. L’équilibre est approximatif, la finale fruitée et un peu rêche.

Le Chamonard est plus clair et un peu plus évolué. Le nez est bien ouvert, plus complexe, plus « bourgogne », un peu terreux, avec une note florale (violette, pivoine). En bouche : du gras, beaucoup de fruit, des tannins souples, une belle note végétale et un très bel équilibre; un vin presque onctueux, assez long, terminant sur le fruit et la fraîcheur. Deuxième vin le plus apprécié de la soirée.

Troisième volée, trois vins encore assez jeunes : le Brouilly Pierreux 2016 et le Moulin-à-Vent les Trois Roches 2016 du Domaine du Vissoux et le Moulin-à-Vent Terres Dorées 2012 de Jean-Paul Brun.

Le Brouilly, rubis moyen, est bien ouvert, fruité (confiture de framboise), très typé mais plutôt simple. Le vin est vif et très, très fruité en bouche, avec un gras qui donne presque une impression de sucré, assez bien équilibrée par une légère astringence. La finale est fruitée, chaude, astringente et bien longue. Simplement trop jeune.

Le Moulin-à-Vent du Vissoux est rubis un peu moins violacé. Le nez, d’intensité moyenne, est plus complexe, avec du pain grillé, des épices, un début d’évolution et une légère note soufrée. L’attaque est souple, la structure également; le vin est soyeux, plus fruité en bouche (mûres), avec de la minéralité et un côté cuit, confit et terreux. La finale est juteuse, grillée, légèrement oxydée et assez persistante.

Enfin, le Terres Dorées est rouge assez évolué. Le nez est intense, épicé, mais douteux (chou bouilli) et fatigué (début d’oxydation); probablement une bouteille défectueuse. Une deuxième bouteille est apparue beaucoup plus épicée, plus complexe et assez classique. En bouche, le premier vin est rond, encore fruité, mais trop évolué; le second est gras, bien fruité, moins austère, un peu évolué, mais solide et équilibré. Le vin préféré (la deuxième bouteille) des dégustateurs.

Dernière volée, un seul vin : le Morgon Côte de Puy 2015 du Château des Jacques de Louis Jadot.

Un vin presque noir, violacé, opaque, très jeune, au nez assez intense, très épicé, très boisé (10 à 12 mois en fûts de chêne) et légèrement caoutchouc. En bouche, il est gras, corsé, riche, pulpeux, épicé et concentré, presque sirupeux; rien à voir avec du beaujolpif (vinification bourguignonne). La fin de bouche est chaude, tannique et de longueur moyenne. À mettre en cave.

Une dégustation qui a très bien atteint son objectif : montrer aux dégustateurs de l’Académie que le Beaujolais a beaucoup évolué et peut maintenant produire des vins très originaux, selon les différents terroirs et les techniques de vinification et d’élevage utilisées. Une expérience à répéter.

Alain Brault

Dégustation du 26 septembre 2018
«Dix ans après: le millésime 2008»
Organisée par Alain Brault

La tradition continue. Cette année encore, nous vérifions l’état de certains de nos vins qui atteignent leur dixième année. C’est donc le tour de 2008, un millésime jugé très bon ou même excellent un peu partout, sauf pour le Nord du Rhône, le zinfandel de Californie et certains vins d’Australie (selon Wine Advocate). Les vins produits cette année-là ont-il évolué aussi rapidement qu’on s’y attendait?

Les vins ont été servis à l’aveugle (simple), c’est-à-dire que les participants connaissaient la liste des vins, mais pas l’ordre de service.

D’abord, comme mise en bouche : le Champagne Grand Cru 2008 Pères d’Origines brut, non dosé de la coopérative Sanger.


2008 a été un millésime plutôt frais et pluvieux en Champagne, racheté, en partie, par quelques semaines de beau temps juste avant et pendant les vendanges. Ce grand cru est composé de 60 % de pinot noir de la Montagne de Reims et 40 % de chardonnay de la Côte des Blancs. Or pâle, avec une belle mousse crémeuse, il est très aromatique, très brioche et bien fruité (pomme verte). La structure est bonne, il emplit bien la bouche, l’acidité est agréable et une note grillée ainsi qu’un début de rancio viennent compléter le bouquet très persistant.

Ensuite, deux vins blancs : le Vergelegen 2008 de Stellenbosch en Afrique du Sud et le Riesling Niedermenniger Herrenberg Spätlese 2008 de Markus Molitor en Mosel.

En Afrique du Sud, 2008 a été une année assez difficile également, avec du temps frais et pluvieux; elle a donné des vins généralement peu concentrés. Les meilleures maisons auraient cependant réussi à produire certains vins très élégants. Le Vergelegen, considéré par beaucoup comme le meilleur vin blanc d’Afrique du Sud, est un assemblage bordelais (Schaapenberg sauvignon blanc aux deux tiers et sémillon). Il est d’une couleur dorée très riche et très brillante. Ce vin, fermenté et élevé en chêne français durant 9 mois, est très expressif, très complexe, épicé, avec de l’ananas, des agrumes, du beurre, des champignons et un côté exotique. Plusieurs ont identifié l’assemblage bordelais.

 

En bouche, il est rond, gras, un peu huileux même, très sec (presque tannique) et très bien équilibré, il nappe le palais; aux arômes de fruits exotiques, viennent s’ajouter la mangue et une note de bois fumé. La finale est sèche, fraîche, très fruitée et très, très longue. Une superbe découverte pour la plupart des participants.

L’année 2008 en Allemagne, assez fraîche, a produit surtout des raisins de maturité propre à la production de vins moins sucrés comme les kabinett et spätlese. Ce riesling vient du village de Niedermennig en Saar. Il est jaune légèrement doré et semble plutôt jeune. Élevé sur lies durant 8 mois, il est aromatiquement bien ouvert, avec la minéralité typique du riesling allemand, mais plus pierre-à-fusil que pétrole, en plus d’une note de camphre et d’un léger caramel. En bouche, il est assez gras, avec une douceur agréable, bien équilibrée par l’acidité; les arômes de fruits se développent (pomme verte, kiwi jaune, pêche), la finale est bien fraîche malgré le sucre et le faible taux d’alcool (7,5 %/vol) est très agréable.

Un superbe riesling.

Un autre vin blanc sera servi comme dessert, mais d’abord, sept vins rouges de France (Bourgogne, Bordeaux, Rhône), d’Espagne (Ribera del Duero), d’Italie (Toscane) et d’Afrique du Sud (Stellenbosch).

On attaque avec le Savigny-lès-Beaune 2008 de Mongeard-Mugneret. Millésime miraculé (selon Jancis Robinson) en Bourgogne, 2008 a été sauvé par le beau temps et le vent à partir de la mi-septembre, mais beaucoup d’experts recommandent de le boire jeune. La robe de ce Savigny est très évoluée, avec des reflets orange, tirant sur le brun. Le nez est également très avancé, tertiaire (champignons, feuille de thé, tabac, sous-bois) en plus de notes de torréfaction et de vanille. Il n’est pas très corsé (certains l’ont trouvé dilué), mais il est très sec, légèrement amer, à peine fruité (fraise) et aussi évolué en bouche (grillé, début d’oxydation) qu’au nez. Un vin assez équilibré et très long, mais certainement passé son apogée. Le moins apprécié de la soirée.

Suivent trois vins d’assemblage bordelais : le Bolgheri Guado al Tasso 2008 de Marchesi Antinori, le Saint-Émilion Grand Cru Classé Château Grand Mayne 2008 et le 3e cru classé de Margaux Château Malescot St. Exupéry 2008.

À Bolgheri, le millésime 2008 est coté excellent, supposément prêts à boire selon Parker, mais avec un bon potentiel de garde selon Robinson. L’été chaud y a donné des raisins parfaitement mûris (antinori.it). Le Guado (65 % cabernet sauvignon, 20 % merlot, 12 % cabernet franc et 3 % petit verdot) est très foncé, opaque, peu évolué. C’est le plus discret des trois; il est assez complexe, plutôt boisé, fruité (cerise, cassis, pruneaux), avec de l’eucalyptus et une légère minéralité. Assez corsé, il est parfaitement équilibré par une bonne acidité et une charge tannique bien dosée; un côté terreux se révèle en bouche ainsi que de légères notes animales (brett.), mais ça reste élégant. La fin de bouche est bien sèche, légèrement amère et assez persistante. La plupart l’ont pris pour le Saint-Émilion.

Moins bien coté qu’à Pomerol, le millésime 2008 est tout de même classé excellent à Saint-Émilion, sans être considéré comme ayant produit des vins de longue garde. Le Grand Mayne (75 % merlot, 20 % cabernet franc et 5 % cabernet sauvignon) est rubis opaque, très, très jeune. Le nez est ouvert et très (trop pour certains) boisé (coconut), vanillé, alcooleux, mais quand même assez intéressant, avec des arômes de cerise noire, d’aneth étoilé et de menthe. En bouche, il est rond, bien fruité (fruits noirs), avec une note végétale (olive noire) et des tannins assez souples, mais quand même plus austères que le Guado. L’équilibre est irréprochable et ça finit sur les fruits confits et, évidemment, sur le bois, avec une bonne persistance aromatique.

Même cote pour le millésime 2008 à Margaux. Le Malescot (moitié cabernet sauvignon, un tiers merlot, avec du cabernet franc et un peu de petit verdot) est très foncé et la couronne indique une légère évolution. Le vin est très expressif, exubérant même et assez complexe; on y détecte du fruit (cerise), de la torréfaction (chocolat), du tabac, du poivron vert, du poivre et une note de saucisse fumée. L’attaque est fruitée; il est gras et bien frais, très sec, avec des tannins enrobés, assez fondus, tout à fait harmonieux. En fin de bouche, un peu courte, on retrouve des fruits cuits, du chocolat amer, du café et un peu d’amertume. Un vin un peu racoleur pour certains, envoutant pour d’autres, qui tiendra bien encore plusieurs années. Le préféré des trois, mais de peu.

On en arrive à une des deux grandes vedettes de la soirée, vin icône de l’Afrique du Sud, l’Anwilka 2008 de Klein Constancia, en partenariat avec les bordelais bien connus Bruno Prats (Cos d’Estournel) et Hubert de Boüard (Château l’Angelus); un assemblage de syrah (48 %), de cabernet sauvignon (42 %) et de merlot. La robe la moins évoluée de la soirée, rubis brillant, assez foncée. Le nez est très ouvert, plutôt végétal, un peu chauffé (ce qui a permis à plusieurs de l’identifier), avec une note fumée, de la réglisse noire, de l’anis étoilé. Malgré son taux plutôt élevé (14,5 %/vol), l’alcool ne dérange pas. Le vin est corsé, bien sec, les tannins serrés, mais assez fins et les fruits noirs encore bien présents; viennent s’ajouter du chocolat noir et une belle dose de bois.
La finale est bien sèche, torréfiée et interminable. Un grand vin de terroir qui allie extraction et finesse.

Suit un vin dont on attendait beaucoup, le Châteauneuf-du-Pape de Château de Beaucastel 2008 (30 % grenache, 30 % mourvèdre, 10 % syrah, 10 % counoise, 5 % cinsault et 15 % des huit autres cépages permis dans l’appellation). Le millésime a été coté quelconque pour les syrahs du Nord, mais très bon pour les assemblages du Sud. Les deux bouteilles servies sont évoluées, mais l’une beaucoup plus que l’autre; le vin est quand même assez foncé. Le nez, très ouvert, est passé au tertiaire (prune, garden cocktail). Une des deux bouteilles est sérieusement oxydée, imbuvable pour certains; l’autre bouteille est encore fruitée, le vin plus tannique, torréfié (café), plus chaud (kirsch), encore racoleur et il finit sur le fruit avec, quand même, une légère oxydation, tout en étant très persistant. Le vin le plus avancé de la soirée.

On change complètement de style avec le vin suivant, le Ribera del Duero Alión 2008 de Vega Sicilia, un vin 100 % tinto fino (tempranillo) élevé 14 à 20 mois en barriques de chêne français. Le millésime est coté excellent, mais prêt à boire. Plusieurs s’attendent à des vins plus élégants, dus à la maturation lente des raisins en 2008. Rubis profond, le vin est bien ouvert, très torréfié, avec un beau bois et beaucoup de fruit rouge bien mûr. Il est ample, solide, avec des tannins encore astringents, mais agréables; il est très sec, un peu pointu même, mais reste enrobant, avec un bois plutôt discret (peu typé) et une très bonne longueur. Le vin de la soirée, ex aequo avec l’Anwilka d’Afrique du Sud.

Enfin, comme dessert, un vin d’Alsace, le Gewurztraminer Vieilles Vignes Herrenweg de Turkheim 2008 de Zind-Humbrecht. La robe est jaune doré assez riche et le vin contient des cristaux de tartre. Le nez est très intense, explosif; le botrytis, bien présent, couvre presque le fruit (litchi) auquel viennent s’ajouter du gingembre, du miel et des épices (clou de girofle). La bouche est grasse, sucrée (80 g/l de sucre résiduel) et un peu lourde malgré une belle acidité. Ça finit sur le caramel brûlé, la marmelade, une légère amertume et une très grande persistance due surtout au sucre.

Un régal!

On remet ça l’an prochain, avec le superbe millésime 2009.

Alain Brault

Dégustation du 3 octobre 2018
« Vins de Bordeaux, ces négligés »
Organisée par François Lamontagne

Rive droite contre rive gauche, merlot contre cabernet sauvignon (la plupart du temps), est-ce si évident à différencier?… De millésime en millésime?… À n’importe quel degré de maturité? C’est l’exercice auquel François nous a conviés. Cinq volées de deux vins à analyser, à comparer et à tenter d’identifier.

Première volée, deux vins très jeunes : le Margaux Château Marsac Séquineau 2014 et le Lussac-Saint-Émilion Château des Landes 2014, deux appellations classées exceptionnelles en 2014. Également, deux vins faits à majorité de merlot, ce qui n’a pas facilité pas la tâche. 40 % des participants ont correctement identifié l’origine des vins.

Le margaux (65 % merlot, 23 % cabernet sauvignon et 12 % cabernet franc) est grenat très clair. Il est bien ouvert, peu fruité, minéral, avec une belle note végétale, de poussière et une bonne dose de bois (noix de coco). En bouche, il est gras, corsé, avec des tannins solides, serrés, mais assez fins (certains l’ont trouvé très astringent) et une bonne acidité, le tout assez bien équilibré; on y détecte mieux le fruit et le bois reste assez marqué. Il n’est pas très long. Un des vins les moins appréciés de la soirée. Pour la cave tout de même.

Le lussac, rubis très foncé, paraît beaucoup plus jeune. Le nez est très expressif, animal (écurie), torréfié, fumé, avec un peu de goudron et un beau boisé. Il est plus délicat que le margaux en bouche, plus fruité, aussi bien équilibré, mais quand même assez austère. Plus long, il est bien sec et se termine sur une impression métallique et des arômes de chocolat amer.

 

Deuxième volée, des vins beaucoup plus matures, mais d’un millésime un peu moins coté (sauf à Pomerol) : le Pomerol Château la Croix de Gay 2006 et le Haut-Médoc Château Sociando-Mallet 2006. Malheureusement, le pomerol était défectueux. Il n’y a donc pas eu de comparaison et ceux qui ont essayé de localiser le Sociando ont connu leur pire score de la soirée, avec seulement 27 % de succès.

Le Sociando (55 % cabernet sauvignon, 40 % merlot et 5 % cabernet franc) est rubis très foncé, opaque. Il est peu expressif, avec des fruits rouges, un beau bois « toasté » et un léger menthol. En bouche, il est corsé, très fruité (cerise), plutôt astringent, mais quand même assez équilibré. Il est très long, peu végétal et se termine sur des arômes de torréfaction (café noir), une impression asséchante et une certaine chaleur, malgré son taux d’alcool (12,5 %/vol) très raisonnable. Sans sa minéralité habituelle (mine de crayon), peu l’ont reconnu.

Troisième volée, deux 2008, millésime excellent, mais à maturation rapide : le 4e cru classé de Saint-Julien Château Saint-Pierre 2008 et le Saint-Émilion Grand Cru Château Monbousquet 2008. Cette fois, 77 % des participants ont correctement identifié l’origine des deux vins; le meilleur score de la soirée.

Le Saint-Pierre est très foncé, presque opaque, brillant, à peine évolué sur la couronne. Il est moyennement aromatique et assez peu défini, avec un peu de fruit, de la poussière, des champignons et du tabac. Il est très gras en bouche et l’attaque est assez chaude; les tannins sont durs, un peu verts et l’on voudrait plus de fruit. Le vin est un peu lourd. La finale est astringente, végétale et la longueur moyenne.

Le Montbousquet (60 % merlot, 30 % cabernet franc et 10 % cabernet sauvignon) est également très foncé et légèrement évolué. Il est bien ouvert et mieux défini, plus complexe, avec des fruits noirs, des épices, un beau boisé, des notes animales (cuir, viande), d’iode et de goudron. Il est plus chaud, plus gras, plus grillé, avec de très beaux tannins granuleux et un super équilibre. Il est plus tanique, mais plus fruité et très long. C’est malgré tout le Saint-Julien qui a été préféré.

Volée no 4 : le 5e cru classé de Pauillac Château Haut-Bages-Libéral 2003 (80 % cabernet sauvignon, 17 % merlot et 3 % petit verdot) et le Castillon-Côtes-de-Bordeaux Château d’Aiguilhe 2003 (80 % merlot et 20 % cabernet franc). Ici, le succès dans l’identification a été de 50 %.

Rubis très foncé, à la couronne presque orangée, le pauillac semble assez avancé. Moyennement expressif, il offre des arômes de fruits très mûrs, de bois vanillé, d’épices, avec des notes florales et tertiaires (feuille de thé, goudron, sous-bois, tabac). Il est rond et gras en bouche et assez bien équilibré par des tannins accessibles, mais bien présents. Il est très long et l’équilibre se maintient dans la finale bien sèche où l’on détecte des zestes confits et de la réglisse. Un très beau Haut-Bages-Libéral à maturité.

Le castillon est encore plus foncé et semble moins évolué. Au nez cependant, il est encore plus tertiaire, plus exubérant, plus complexe, avec un très beau bois, du goudron, de l’anis étoilé, de la viande fumée, une forte torréfaction (chocolat noir), du cuir et de l’alcool (racoleur pour certains). La bouche est grasse, bien fraîche, les tannins agréables et l’équilibre impeccable; il est encore très fruité et une note végétale vient s’ajouter. La fin de bouche est juteuse, chaude et très, très longue. Les deux vins ont été également très appréciés des dégustateurs.

Dernière volée : le Saint-Émilion Grand Cru Château la Dominique 2004 et le 5e cru classé de Pauillac Château Grand-Puy-Lacoste 2004. Même score que la volée précédente dans l’identification de l’origine, 50 %. Un troisième vin a été ajouté à cette volée, pour remplacer le pomerol bouchonné de la deuxième volée : le 4e cru classé de Pauillac Château Duhart-Milon (Lafite) 2004. Pour ce dernier, 57 % des participants ont correctement identifié l’origine.

Deuxième vin le plus apprécié de la soirée, la Dominique (80 % merlot, 15 % cabernet franc et 5 % cabernet sauvignon) présente une robe assez évoluée, avec une couronne très pâle. Le nez est intense, complexe, plutôt végétal (poivron vert) et l’évolution évidente, avec du cuir, du tabac, de la saucisse fumée et un très beau bois vanillé. Le vin est parfaitement équilibré, plutôt corsé, avec des tannins assez fins été une belle acidité; il est épicé, agréablement végétal et animal. La finale est peu astringente, très grillée et très persistante. Un vin tout en finesse.

Le Grand-Puy-Lacoste (75 % cabernet sauvignon, 20 % merlot et 5 % cabernet franc) est très foncé et la couronne est peu évoluée. Le nez, d’intensité moyenne, est assez simple, malgré des notes cendrée, végétale, légèrement animale et chocolatée, et il est gâté par une odeur de linge mouillé. La bouche offre une assez belle texture, plutôt fine, peu corsée, d’abord assez équilibrée, jusqu’à l’apparition de tannins sévères qui donnent une fin de bouche austère, métallique. Désagréable maintenant, mais on n’aura rien à perdre à le laisser plusieurs années supplémentaires en cave. L’autre mal-aimé de la soirée.

Le Duhart-Milon est grenat moyen, tirant sur le brique. Le nez est intense, classique, très complexe, assez évolué et animal (brett.). L’attaque est curieusement salée, l’acidité agréable, les tannins très fins donnent une belle astringence et le tout est parfaitement équilibré par le fruit encore bien présent. La finale fait saliver tout en restant crémeuse et elle est très persistante. Complexité, race et finesse : du grand bordeaux. La vedette de la soirée, à l’unanimité.

En conclusion, une dégustation qui démontre que, malgré la mode du « c’est trop bon pour être du bordeaux », les grands vins de la Gironde demeurent très appréciés des dégustateurs, même si beaucoup d’entre eux ont du mal à identifier les différents styles et assemblages. Taux de succès moyen : 45 %; une autre leçon d’humilité.

Alain Brault

Dégustation du 31 octobre 2018
« Trouvez l’intrus »
Organisée par Louis Grignon
 

Trouver l’intrus… un petit jeu bien anodin en dégustation et assez facile lorsque les vins sont jeunes, mais de moins en moins évident à mesure qu’ils développent leurs arômes de maturité et souvent pratiquement impossible pour les très vieux vins. De toute évidence, Louis n’a pas voulu nous rendre la tâche trop facile en sortant généreusement de sa cave dix vins rouges de huit millésimes différents, allant de 2013 à 2000.

Tous les vins ont subi une double décantation et ont été servis en double aveugle.

Première volée, trois vins faits exclusivement de syrah : un Crozes-Hermitage Domaine des Grands Chemins 2013 de Delas, un Shiraz lieu-dit Malakoff 2010 du Domaine Terlato et Chapoutier dans les Pyrenees australiennes et un Hermitage Domaine des Tourettes 2009 de Delas.

Le meilleur score de la soirée, mais quand même un maigre 31 % de succès dans l’identification du shiraz comme intrus. La moitié des dégustateurs ont cru que c’était l’hermitage.

Le Crozes est rubis foncé et semble le plus jeune des trois. Le nez est bien ouvert, très fruité, fumé, épicé, animal (cuir), torréfié (café), avec une note florale. Il est très jeune en bouche également, pas gros, plutôt acide, assez astringent, ce qui donne un équilibre approximatif; il est bien fruité, minéral, un peu vert (noyau) et épicé (poivre). La finale est fruitée, grillée, pointue et un peu amère et la longueur est acceptable. Le vin le moins apprécié de la soirée.

Passons à l’intrus, le deuxième vin le plus apprécié de la soirée, le shiraz australien. Il est grenat plus pâle, plus évolué. Il est très aromatique, chocolaté, également fumé, épicé et animal (ici, la syrah est évidente), avec du zeste d’orange, du camphre et une légère note végétale. Le corps est moyen, plus rond que le crozes, aussi fruité et torréfié, avec des tannins enrobés, plus fondus et une certaine chaleur, le tout mieux intégré. La fin de bouche est plus difficile, légèrement astringente et amère (verte pour certains), grillée et assez persistante.

L’hermitage, le plus vieux des trois vins, est peu évolué, encore violacé. On y détecte des arômes de fruits noirs, d’épices, de fleurs, de fumée, avec une note médicamenteuse et un peu de vanille. L’attaque est sévère, tannique, le vin est solide sans être très gras, astringent, torréfié, très bien équilibré quand même. La finale est chocolatée, assez rustique et plutôt longue.

Deuxième volée, trois vins qu’on a pris pour des vins de nebbiolo : le Barbaresco Rombone 2006 de Nada Fiorenzo, le Naoussa Terre et Ciel 2010 du Domaine Thymiopoulos et le Naoussa 2007 de Kthma Foundi, ces deux derniers faits entièrement de xinomavro, en Macédoine grecque.

Cette fois, c’est la déroute; une seule personne a réussi à identifier l’intrus. Ce n’est pas pour rien qu’on dit que le xinomavro mature ressemble à s’y méprendre à du nebbiolo.

Le barbaresco, l’intrus, n’est pas très foncé et assez peu évolué. Le nez est assez discret, peu défini, surtout sur le fruit. L’attaque est bien sèche, le corps moyen, puis les tannins arrivent, serrés; le vin est bien fruité, grillé et assez alcooleux (cerises au marasquin) et l’équilibre est assez beau. La fin de bouche est bien astringente et très chaude (brandy); la persistance est gustative plutôt qu’aromatique. Le vin préféré de cette volée.

Le premier naoussa est plus pâle et un peu plus évolué. L’intensité aromatique est moyenne et très chocolatée, avec une note médicamenteuse. L’attaque est fruitée (presque compotée), le vin est rond, soyeux, les tannins très fins, mais quand même astringents et l’équilibre est excellent; il est plus épicé et moins chaud que le barbaresco. La finale est bien fruitée, grillée, juteuse et de bonne longueur. Tous, sauf un, ont pris ce vin pour l’intrus.

L’autre naoussa, un 2007, montre bien son âge. Le nez est intense, très avancé, assez oxydé, avec du sel de céleri et de la compote de pruneaux comme fruit. Le vin n’est pas gros, mais solide, soutenu par ses tannins, c’est celui qui fait le plus nebbiolo avec du goudron, de la réglisse noire et du cuir, complétés par un peu de fruit; il est relativement fin et équilibré. La fin de bouche est très astringente et le vin est dépassé pour certains; il est certainement en passe de sécher.

Dernière volée, quatre vins à base de cépages bordelais, sauf l’intrus, évidemment : le Margaux, Château d’Issan 2000, le Chianti Classico Riserva, Badia a Passignano 2005, le Haut Médoc, Cambon la Pelouse 2009 et le St-Julien, Branaire-Ducru 2004.

Ici, nous avions affaire à des vins bien matures et les résultats n’ont pas été beaucoup plus brillants; 15 % des participants seulement ont correctement identifié le Badia comme intrus.

Le margaux 2000 (70 % cabernet sauvignon et 30 % merlot) est très foncé mais montre des signes d’évolution. Le nez est intense, très bordeaux, mature, minéral, végétal, avec un peu de moka et une belle note boisée. Le corps est moyen, l’acidité très agréable, les tannins encore présents, mais fins, le fruité encore bien marqué et le bois (barrique brûlée) bien dosé; un vin savoureux et très bien équilibré qui finit sur une belle astringence. Le vin de la soirée, à l’unanimité.

Le chianti 2005 (100 % sangiovese) est assez évolué. Moyennement expressif, il est crémeux, fruité (pruneaux), légèrement végétal et assez complexe. Moyennement corsé, il est tout de même assez puissant, avec des tannins plutôt fins, une belle note végétale et un bon équilibre. La finale est fruitée, grillée, plutôt astringente, un peu métallique et la persistance est moyenne. Seulement deux personnes l’ont identifié comme étant l’intrus.

Le Cambon 2009 (54 % merlot, 42 % cabernet sauvignon et 4 % petit verdot) est très foncé et d’apparence assez jeune. Il est très ouvert et plus mature au nez, plutôt végétal, avec un soupçon de sauce soya. En bouche, c’est du gras, de la concentration, de la torréfaction; c’est costaud, serré, mais équilibré, avec de superbes tannins granuleux. Ça finit sur le végétal (asperge crue), les fruits noirs (mûres), la torréfaction et assez astringent, avec une bonne persistance aromatique.

Le Branaire 2004 (encépagement : 70 % cabernet sauvignon, 22 % merlot, 5 % cabernet franc et 3 % petit verdot) est très foncé et paraît être le plus jeune des quatre. Le nez d’intensité moyenne est poussiéreux, avec une note végétale assez prononcée. Il est assez corsé, bien fruité, les tannins sont fins, pas très astringents, le tout bien équilibré et tout en finesse. La fin de bouche est fruitée, soyeuse, torréfiée (bois grillé), légèrement évoluée et très, très longue.

S’il y en a un qui s’est beaucoup amusé à ce petit jeu, c’est bien Louis; il a réussi à mystifier un groupe de dégustateurs, très expérimentés pour la plupart, mais dont le taux de succès final n’a été que de 18 %. Cela dit, on lui doit un gros merci pour sa très belle sélection de vins, dont plusieurs à maturité. Faudra remettre ça car, de toute évidence, un peu de pratique ne fera pas de tort.

Alain Brault

Dégustation du 7 novembre 2018
«Bulles-Blancs-Rouges bis»
Organisée par Richard Milot
 
Richard nous propose un jeu… d’analyse pour certains, de mémoire pour d’autres et probablement de hasard pour quelques-uns. Il s’agit de déterminer, pour chaque volée, si les vins sont des « frères » (même pays, même cépage), des « cousins » (un des critères diffère) ou des « étrangers » (les deux critères diffèrent).

Quatre volées de deux ou trois vins à analyser, suivies d’un vin de dessert pour terminer; toujours en double aveugle.

Première volée, deux vins mousseux de Méthode Cap Classique, deux « frères » sud-africains à base de chardonnay : le Borealis Vintage Cuvée Brut 2016 (WO Tulbagh) de Krone et la Cuvée Royale Brut Blanc de Blancs 2011 (WO Stellenbosch) de Simonsig. Deux vins de styles totalement différents.

Le Krone (90 % chardonnay et 10 % pinot noir) est jaune doré légèrement orangé, moyennement aromatique, très fruits mûrs (pêche, poire, mais la pomme domine) et un peu rancio. Il est visuellement et aromatiquement plutôt évolué pour un vin si jeune. L’attaque est vive, mais le beau fruité (compote de pommes) assure l’équilibre et une belle note de levure vient ajouter un peu de complexité. La finale est cependant assez austère (note terreuse, un peu pâteuse et amère).

Le Simonsig est jaune pâle, très effervescent. Il est plus expressif, exubérant même, au nez, plus minéral (crayeux), avec des fruits blancs, des agrumes et des épices. La bouche est fruitée (pomme verte), bien vive (presque tranchante), grillée, briochée et bien minérale (un blanc de blanc pour la longue garde). La fin de bouche est juteuse, rafraîchissante, avec un goût de noix (amande) et elle est assez persistante. Comme cela arrive fréquemment, plusieurs l’ont pris pour un Grand Cru de Champagne. Le vin le plus apprécié de la soirée.

Deuxième volée, deux vins blancs « cousins », d’Afrique du Sud encore une fois : le Henriëtta 2008 (WO Franschhoek) de Bizoe et l’Old Vines White 2011 (WO Swartland) d’Andrea et Chris Mullineux.

Le Bizoe est un assemblage de sémillon (70 %) et de sauvignon blanc (30 %). Il est jaune paille d’intensité moyenne, assez intense aromatiquement, minéral, floral, fruité (agrumes), plutôt boisé (vanille) et bonbon jaune. Il est assez gras (un peu huileux), bien sec, légèrement oxydé et l’acidité est limite (un peu mou). En finale, c’est très fruits compotés, boisé (trop pour certains), caramel et assez court.

Des producteurs réputés Mullineux, un « estate white » fait surtout de chenin blanc (80 %), avec de la clairette et du viognier à parts égales. Il est plus pâle, plus verdâtre, assez ouvert, mais plus discret, plus fin que le Bizoe, avec du fruit (pomme), du miel et de la cire d’abeille. En bouche, cependant, il est plus gras, plus beurré, beaucoup mieux équilibré et on retrouve la chair de pomme. La fin de bouche est un peu dure, asséchante, avec de la vanille et une légère amertume et c’est bien long.

Troisième volée, deux vins de pinot noir « frères », toujours d’Afrique du Sud : le Pinot Noir 2011 (WO Stellenbosch-Polkadraai Hills) de Giorgio Dalla Cia et le Seven Flags Pinot Noir 2008 (WO Elgin) de Paul Cluvier.

Le Dalla Cia est le premier millésime de ce pinot noir produit par Giorgio Dalla Cia, créateur de l’assemblage bordelais Rubicon chez Meerlust, au début des années ’80. La couleur n’est pas très foncée et est plutôt avancée. Le nez, d’abord discret, finit par s’ouvrir sur des notes de fruits, d’épice (poivre), de fumée, de pinot noir mature (ça pinote, comme on dit). L’attaque est épicée, le corps moyen, l’acidité très bonne, le bois bien dosé, les tannins discrets et les petits fruits rouges bien marqués, avec une légère note chauffée. L’équilibre est très beau, la finale est fruitée et grillée et la longueur agréable. Un style de pinot noir entre la Bourgogne et l’Oregon. La plupart des participants ont beaucoup aimé ce vin.

Le Cluvier, plus vieux de trois ans, paraît moins évolué. Il est plus aromatique, très fruité, plus boisé avec des notes bonbon (gomme balloune), florale (violette) et cendrée. Il est plus gros, plus rond, moins « chauffé », mais plus tannique et moins bien intégré. La fin de bouche est fruitée, un peu sucrée, légèrement fumée et chaude (13,5 %/vol). Il est un peu plus persistant que le Dalla Cia.

Quatrième volée, trois vins, deux « cousins » et un « cousin/étranger », Le Grand Vin 2005 (VQA Okanagan Valley) d’Osoyoos Larose, le Trilogy 2010 (WO Simonsberg-Stellenbosch) de Warwick Estate et le Faith Cape Blend 2010 (WO Stellenbosch) de Beyerskloof.

Le seul intrus dans cette dégustation de vins d’Afrique du Sud, l’Osoyoos, considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs assemblages bordelais du Canada, est fait de merlot (67 %), de cabernet sauvignon (34 %), de cabernet franc (4 %), de petit verdot (4 %) et de malbec (2 %). Il est assez foncé et légèrement évolué, très expressif, très fruité (cerise noire), assez complexe, avec du bois épicé, de la fumée et une note florale. La bouche suit; elle est très fruitée et bien sèche, avec des tannins enrobés et un très bon équilibre. La fin de bouche est astringente, fruitée et fumée, avec une nuance qui rappelle l’eau de rose. La longueur est moyenne.

Le Trilogy est également un assemblage bordelais, mais à base de cabernet sauvignon (49 %), complété de cabernet franc (34 %) et de merlot (17 %). Il est très ouvert, avec des fruits noirs, du bois et des notes végétale et médicamenteuse. En bouche, il est peu corsé, très fin, avec une belle acidité, du fruit et du chocolat; l’équilibre est correct. La fin de bouche est astringente, un peu chaude (14 %/vol) et de bonne longueur.

Assemblage typiquement sud-africain, le Cape Blend est un style de vin non règlementé qui contient, en général, entre 30 % et 70 % de pinotage, ce croisement de pinot noir et de cinsault, cépage emblème du pays. Le Faith en contient 36 %, le reste étant du cabernet sauvignon (47 %) et du merlot (17 %). Le moins foncé de la volée, il est rubis brillant. Le nez, d’intensité moyenne, est peu défini, avec de la cerise noire et un boisé discret. C’est en bouche qu’il s’exprime; assez corsé et rond, avec une légère note chauffée typique de beaucoup de vins rouges de ce pays, il est peu fruité (fruits cuits), mais très torréfié (chocolat), le tout harmonieux, très bien équilibré. Il finit sur une belle astringence, un bois vanillé, presque sucré et est très persistant. Un très bon Cape Blend; le vin rouge préféré de la soirée.

Et, pour dessert : un Riesling Noble Late Harvest 2010 (WO Elgin) de Paul Cluvier. Doré foncé aux reflets orangés, presque rouille et très brillant, le vin semble assez mature. Le nez est très exubérant, très fruité (poire, fruits exotiques, plusieurs l’ont pris pour un vidal icewine), muscaté, épicé, avec du zeste d’orange. En bouche, il est gras, très sucré (156 g/l), mais équilibré par une forte acidité; on y détecte des saveurs de pomme et de miel. La finale est sucrée, épicée et très, très longue.

Finalement, le thème aurait pu (ou dû) être « Les vins d’Afrique du Sud » (avec un intrus), mais peut-être valait-il mieux ne pas le savoir, car Richard nous a offert l’occasion de déguster, à l’aveugle, un bel échantillonnage des vins de ce pays, certains à maturité et tous élaborés par des producteurs classés parmi les meilleurs.

Alain Brault

Dégustation du 21 novembre 2018
«La syrah à travers le Monde»
Organisée par Richard Archambault et Stéphan Gagné
 

Après une brève introduction sur les origines de la syrah, sur sa répartition dans le monde et sur ses principales caractéristiques, Richard et Stéphan ont servi aux participants quatre volées de deux ou trois vins, chacune comptant un vin français et un ou deux vins d’ailleurs. Le défi consistait à identifier le vin français et son appellation ainsi que le pays d’origine des autres vins.

Après les quatre volées, Stéphan qui avait apporté un vin de secours, au cas où, a décidé de le servir. Cela fait donc onze vins, tous servis en double aveugle.

Première volée, trois vins faits exclusivement de syrah : le Syrah 2015 (VQA Okanagan Valley) de Painted Rock, le Sentinel Oak Vineyard Pyramid Block 2009 (AVA California Shenandoah Valley) du Domaine de la Terre Rouge et Les Amandiers 2015 (AOC Minervois-La Livinière) du Château Maris.

Painted Rock Estate Winery est situé dans la zone centrale (au sud de Penticton) de l’indication géographique Okanagan Valley. Ce Pyramis Block 2015 est rubis assez foncé. Il est bien aromatique, sur le fruit de jeunesse, les épices (vanille) et la minéralité domine. Rond et gras en bouche, il est bien fruité, les tannins sont assez faciles, mais le vin est quand même bien sec et un peu chaud; l’équilibre est correct. La fin de bouche est fruitée, épicée, grillée, minérale et très, très longue.

L’AVA California Shenandoah Valley est située au centre de la super AVA californienne Sierra Foothills. Ce Terre Rouge 2009 est encore plus foncé. Le nez est bien ouvert, avec des fruits noirs (confiture de mûres), des herbes sèches (thym), une bonne dose de bois vanillé et une note goudron. Moyennement corsé, il est très fruité, chocolaté, bien frais et encore astringent. L’équilibre est impeccable et la finale juteuse, fruitée, boisée, torréfiée et très persistante.

L’AOC Minervois-la Livinière est l’un des six « Crus du Languedoc », la plus prestigieuse catégorie du nouveau classement des vins de cette région. Le Maris 2015 est le plus pâle des trois. Il est moins ouvert, plus sur la retenue, un peu poussiéreux, avec du fruit épicé, un peu de viande fumée et un peu de bois. La texture est très belle, fine, les tannins sont accessibles et le bois bien présent, mais il manque un peu de nerf. Ça fini tout en finesse, sur le bois vanillé et la longueur est bonne. La plupart des dégustateurs l’ont correctement identifié comme étant le vin français.

Deuxième volée, deux autres 100 % syrah : le Saint-Joseph 2012 du Domaine Jean-Louis Chave et le Syrah 2011 (WO Franschhoek) de Boekenhoutskloof en Afrique du Sud.

Le Saint-Joseph est rubis moyen. Bien ouvert, il est très fumé, bien fruité (mûres, olives), très fin et complexe. Il n’est pas très corsé, mais bien rond, plutôt soyeux et bien fruité en bouche, avec une belle fraîcheur et des tannins agréables, ce qui donne un superbe équilibre. La fin de bouche est fraîche, fruitée, à peine boisée, avec une surprenante note salée et la persistance assez bonne. Le vin de la soirée, à l’unanimité.

Le Franschhoek est plus foncé et aussi peu évolué. Très expressif, il est fumé, plus boisé (noix de coco), avec un peu de viande, de l’encre et une bonne dose de fruits. En bouche, il est plus costaud, plus extrait, plus confituré, un peu médicamenteux, avec d’aussi beaux tannins, mais un peu lourd. La finale est boisée, cuite, torréfiée (chocolat noir), assez chaude (14,5 %/vol) et très longue, mais c’est surtout le bois qui dure.

Troisième volée, encore deux purs syrahs, mais du même producteur : le Crozes-Hermitage La Guiraude 2012 d’Alain Graillot et son Heathcote Syrah 2011 australien.

Le Crozes est rubis assez foncé, légèrement brouillé. Il est bien ouvert, plutôt fumé, torréfié, très terreux (betterave), avec des petits fruits, une note écurie et une certaine verdeur herbacée (fougère, asperge). Le vin n’est pas gros, très fruité (cerise), vif, assez tannique, un peu pointu, mais rafraîchissant. Ça finit un peu suret, fruité (mûres), bien sec et c’est très, très long.

Heathcote est près de Melbourne, dans Victoria, Le vin est grenat plus pâle, un peu trouble et beaucoup plus évolué. Le nez est explosif, fruité, épicé, bien fumé et assez animal, avec du goudron; un peu racoleur pour certains. En bouche, il est plus rond, plus corsé, bien fruité, à peine boisé, avec de la viande fumée, de la tapenade, du caramel brûlé et du café; l’équilibre est irréprochable. La finale est grillée, fruitée, fumée et bien persistante. Deuxième meilleur vin de la soirée.

Dernière volée, trois vins plus évolués : le Castello del Terriccio 2006 (IGT Rosso di Toscana), le Côte-Rôtie 2009 de Pierre Gaillard et le Syrah Pago Garduña 2006 (Vino de la Tierra de Castilla y León) d’Abadia Retuerta.

Le Castello del Terriccio 2006, un assemblage (50 % syrah, 25 % petit verdot et 25 % d’autres cépages autorisés en Toscane), est très foncé, mais la couronne tourne au brique. Le nez est moyen, assez sauvage (quelqu’un a parlé de chausson sale), torréfié, fruité (cerise), avec une note de sous-bois. La bouche est grasse, corsée, assez végétale (céleri), un peu médicamenteuse et les tannins sont serrés, mais assez fins; c’est le plus fruité des trois et l’équilibre est correct. Ça finit sur les fruits cuits et l’astringence. Deuxième vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le Crozes d’Alain Graillot.

Le Côte-Rôtie 2009 (90 % syrah et 10 % viognier) est assez pâle et très évolué. Il est assez expressif, très fruité (encore du fruit primaire), chocolaté, avec du menthol et du camphre. En bouche, il est rond, soyeux, alcooleux (kirsch, malgré ses 13 %/vol), un peu « chimique », bonbon (sucre d’orge), il a même été question de Cherry Coke; l’équilibre est approximatif. La finale est juteuse, grillée, bonbon et très, très longue.

Le Garduña 2006 (100 % syrah) est d’une teinte entre les deux précédents. Le nez est d’intensité moyenne, mais très boisé (le bois prend toute la place); il est plutôt tertiaire (sous-bois, tabac, cuir) et évolue beaucoup dans le verre. En bouche, c’est tissé serré, avec des tannins bien présents, un peu de fruit et beaucoup de bois. La fin de bouche, hormis le bois, est astringente, rafraîchissante, caramélisée et assez persistante.

Enfin, l’extra, un Coteaux du Languedoc Grès de Montpellier 2007 de Mas du Novi, est encore opaque et à peine évolué. Il est bien ouvert, torréfié, avec des fruits rouges (framboise, cerise), un peu de fumée et d’épices. Très gras en bouche, il présente des tannins solides, beaucoup de fruit (cuit), du camphre, un très bon équilibre, une belle astringence et un peu de chaleur en finale, avec une bonne longueur.

Onze vins de syrah de styles très variés dont quelques très grands vins : quelle belle façon de clore la session d’automne 2018 de l’Académie!

Alain Brault

Dégustation du 5 décembre 2018
« Le malbec »
Organisée par Charles Bérubé et Éric Michaud

Pour nous présenter le malbec, Éric et Charles ont choisi de s’en tenir aux deux plus grandes régions qui cultivent ce cépage, le Cahors dans le Sud-Ouest de la France et la région de Mendoza en Argentine, à l’exception d’un intrus, de Touraine.

Des dix vins servis en trois volées, la plupart étaient faits à forte majorité de malbec. Tous ont été servis en double aveugle.

Première volée, quatre vins : l’intrus, le Côt-Malbec 2015 (AOC Touraine) du Domaine du Chapitre; de Mendoza, le Malbec BenMarco 2012 (Valle de Uco) de Dominio del Plata et deux Cahors de Verhaeghe et Fils, le Château du Cèdre Le Prestige 2014 et Le Cèdre 2004 (le 2001 prévu étant défectueux).

Le Touraine (100 % malbec) est clairet et très jeune. Il est ouvert, très fruité, épicé et bonbon (banane), macération carbonique, avec un soupçon d’eau de rose. Un peu mince en bouche, il est assez vif, bien fruité, peu tannique, avec une certaine minéralité et une note d’arômes secondaires; l’équilibre est correct, sans plus. La finale est bien fruitée, mais rêche. Un vin simple, rustique, mais assez bien fait.

Le BenMarco 2012 (90 % malbec, 10 % bonarda) est assez foncé, avec des reflets violacés. Très ouvert au nez, il offre des notes animales, de torréfaction (pain grillé), d’épices, de menthol et est plutôt boisé. En bouche, il est assez gras, souple, avec des tannins fins, bien fruité, frais, avec un peu de chocolat et de caramel et un boisé qui donne une impression sucrée; l’équilibre est très beau. La fin de bouche est légèrement astringente, torréfiée (grillée, café) un peu chaude (14 %/vol) et persistante. Le deuxième vin le plus apprécié de la soirée.

Le premier Cahors, Le Prestige (90 % malbec, 5 % merlot, 5 % tannat), est également foncé et très jeune à l’œil. Le nez, moyennement expressif, est boisé, avec une note chauffée, végétale. Il est corsé, juteux, avec de beaux tannins granuleux, légèrement fruité (cerise) et très droit (trop acide pour certains). Il finit sur des fruits cuits, avec une belle astringence et de la longueur.

L’autre Cahors, Le Cèdre (100 % malbec), est pâlot comme le Touraine. Bien ouvert, il est fruité, terreux (champignons), minéral et légèrement évolué avec un peu d’écurie. La bouche est grasse, solide, serrée, encore un peu tannique, mais assez fondue, assez boisée, avec une très belle acidité, le tout très bien équilibré. Le vin est très épicé, juteux et très long. Prêt pour certains, d’autres l’ont trouvé fatigué.

Deuxième volée, trois vins du Cahors : deux millésimes, 1997 et 2015, de la Cuvée Réservée de l’Aïeul du Château Eugénie (90 % malbec, 10 % tannat) et le Prestige 1995 du Château des Ifs.

L’Eugénie’97 est grenat d’intensité moyenne. Il est ouvert, épicé, très chocolaté, tertiaire (cuir), avec un début d’oxydation (de bouchon?). La bouche suit le nez; il est rond, soyeux, mais plutôt pointu, peu fruité, évolué et peu tannique, avec une note végétale en finale et une bonne longueur. Le mal-aimé de la soirée.

Le 2015 est plus foncé et plus jeune. Il est très intense, très boisé, médicamenteux, avec une note végétale, des fruits rouges et un peu de menthol. En bouche, il est gras, rond, crémeux, peu astringent, assez boisé (coconut) et assez équilibré (trop « sucré » pour certains). La finale est quand même astringente, alcooleuse (14 %/vol) et assez fruitée.

Le Château des Ifs s’en est beaucoup mieux tiré. La teinte est entre les deux autres, légèrement évoluée, avec un dépôt. Le nez, assez intense, est très fruits noirs, légèrement médicamenteux, mentholé (choco-menthe), avec des notes tertiaires (champignon, feuille de thé). Pas gros en bouche, il est de structure assez fine, avec un fruité, une acidité et des tannins bien équilibrés. Il finit sur une belle astringence, du chocolat et de la réglisse et est très persistant. La grande classe.

Dernière volée, quatre vins : un Cahors, le Troisième Terrasse 2010 de Rigal et trois Mendoza, le Malbec-Cabernet Grande Reserve 2007 (Valley de Uco) de Bodega DiamAndes, le Quimera 2009 d’Achával-Ferrer et le Gran Reserva Malbec Cabernet Sauvignon 2012 de Bodega La Azul.

Le Cahors 2010 (100 % malbec) est très foncé et encore assez jeune. Le nez, assez typique, est intense, boisé, fruité et légèrement mentholé. Pas très corsé, le vin est assez vif, très épicé (cannelle), confituré, mais tout de même fin et très bien équilibré, avec du chocolat et une belle astringence en finale.

Le DiamAndes (70 % malbec, 30 % cabernet sauvignon) est de même teinte, mais il est encore plus ouvert, plus torréfié, plus boisé, avec une note chauffée, des petits fruits noirs et de la minéralité (graphite). En bouche, il est gras, solide, très torréfié, avec une bonne acidité, une certaine chaleur et un bel équilibre. On devra l’attendre encore 5 à 10 ans.

Le Quimera est le vin contenant le moins de malbec (40 % malbec, 22 % merlot, 20 % cabernet sauvignon, 14 % cabernet franc et 4 % petit verdot). Il est opaque. C’est un vin très classique et expressif, avec une belle complexité, très crémeux, très chocolat-cerise, fruité (cerise, prune), floral et un peu de cèdre. En bouche, il est rafraîchissant, plus fin, plus floral, plus fruité (mûres, cassis), épicé (poivre, clou de girofle), avec un peu de vanille et un équilibre irréprochable. La persistance aromatique, soutenue par une belle astringence, est remarquable. Un très beau vin encore un peu jeune.

À l’œil, le Azul (60 % malbec, 40 % cabernet sauvignon) est beaucoup plus clair et plus évolué. Le nez, d’abord assez discret, s’ouvre progressivement, avec des fruits noirs, de la minéralité, de la fumée, des épices, de la maturité; il n’arrête pas d’évoluer. Très complexe au nez, il est encore plus beau en bouche. Il est assez corsé, avec de très beaux tannins bien enrobés, au grain fin; il est torréfié (chocolat noir) fruité, épicé, parfaitement équilibré et très, très long. De loin le vin de la soirée, à l’unanimité.

En conclusion, des dix vins servis (si l’on ignore l’intrus), on retrouve six Cahors et quatre Mendoza. Les participants à cette dégustation ont clairement (deux fois plus!) préféré les vins argentins aux français. Seul le Château des Ifs s’est classé dans la même ligue que ses cousins sud-américains. Les Argentins ont toutes les raisons d’être fiers de ce qu’ils ont réussi à faire de ce cépage en 150 ans.

Alain Brault

Dégustation du 9 janvier 2019
« Les vins d’Elisabetta Foradori »
Organisée par Louis Landry
 

La soirée a débuté par une présentation, très documentée, du thème de la dégustation avec, d’abord, un survol de l’histoire de la maison Foradori, jusqu’à sa prise en main par Elisabetta Foradori, suivi d’une revue de ses réalisations dans les vignes et dans le chai.

Louis a également fait mention de quelques événements marquants comme la création de la grande cuvée Granato en 1986, la certification en biodynamie en 2009, la production des cuvées Sgarzon et Morei en 2009 et la vinification de certains vins (comme le nosiola) en amphores à partir de 2009 également.

Ensuite, il a parlé du cépage teroldego et de la région du Trentino où se trouve la maison Foradori, le Campo Rotaliano, dans la DOC Teroldego Rotaliano.

Une dégustation de douze vins a suivi : un mousseux, deux blancs et neuf rouges, répartis sur quatre volées; le tout en double aveugle, comme à l’accoutumée.

Comme mise en bouche, un mousseux 100 % chardonnay, le Brut Metodo Classico (DOC Trento) de Ferrari. Le vin est jaune pâle, très aromatique, avec du fruit (pomme), du biscuit et des amandes. Il est très vif en bouche, bien fruité, épicé (poivre blanc), avec une finale fruitée (pomme verte) très rafraîchissante et une bonne longueur. Cette simple « mise en bouche » est l’un des quatre vins les plus appréciés de la soirée (ex aequo).

Première volée : n’ayant pu obtenir le vin de nosiolo de Foradori, Louis a servi deux vins de manzoni bianco, le Fontanasanta 2013 (IGT Vigneti delle Dolomiti) de Foradori et le Agno Casto 2012 (DOC Colli Euganei dans le Veneto) de Vignalta.

Le Fontanasanta est doré assez foncé. Le nez est intense, plutôt évolué, fruité complexe (pêche, abricot sec, coing, marmelade), épicé (muscade) et minéral, avec du miel et des amandes rôties. Il est plutôt délicat en bouche, bien frais, juteux, très sec, avec une légère impression tannique et un très bel équilibre. La finale fruitée fait saliver, est légèrement amère et est très, très longue. Un autre des vins les plus appréciés de la soirée.

Le Vignalta est doré encore plus riche. Il est moyennement aromatique, plus floral, avec de la pomme blette et un léger caramel. Le corps est moyen (légèrement huileux), avec une belle acidité, une légère oxydation (qui ajoute à la complexité); il est bien sec, un peu chaud (14 %/vol) et très bien équilibré. La fin de bouche est fruitée, un peu rêche et très persistante. Un très beau vin.

Pour la deuxième volée, trois vins IGT Vigneti delle Dolomiti de Foradori très différents malgré leur proche parenté : le Teroldego 2003, le Granato 2003 et le Teroldego 2011.

Le Teroldego 2003 est rubis très foncé, avec un bon dépôt. Le nez est moyen, fumé, avec des fruits cuits (un peu chauffé), très chocolaté et épicé (poivres exotiques). En bouche, il n’est pas très corsé, avec beaucoup d’olive, de la pomme verte, du chocolat noir, une note végétale, un équilibre acceptable et une finale de fruits noirs, astringente, torréfiée et assez persistante.

Le Granato 2003 est rubis opaque. Il est plus ouvert, fruité (framboise noire), plus torréfié (chocolat au lait), épicé et légèrement végétal (certains ont parlé de gomme Bazzooka!). Plus gras en bouche, avec des tannins plus accessibles, mais quand même astringents, avec une note chauffée (le millésime) et un très bon équilibre. La fin de bouche est légèrement amère, juteuse, fruitée, un peu chaude et très longue. Un très bon vin.

Le Teroldego 2011 est rouge violacé opaque. Le nez est bien ouvert, fruité surtout (cerise noire), épicé (poivre), mais avec une légère acidité volatile (acétique). En bouche, il est plus délicat, plus fin que les deux autres, bien fruité, un peu pointu, avec des tannins faciles et, comme au nez, un soupçon de vinaigre (pas détecté par tous). La finale est fruitée et légèrement métallique; la longueur est acceptable.

Troisième volée, encore trois vins : le Granato 2009 de Foradori, le Teroldego 2008 (IGT Veneto) de Marion et le Teroldego 2009 de Foradori qui a remplacé le Granato 2015 jugé défectueux.

Le Granato 2009 est rubis opaque, bien aromatique, fruité (cerise), crémeux, torréfié et un peu terreux; mais c’est en bouche qu’il se révèle vraiment. L’attaque est fruitée, le vin rond avec de beaux tannins fins et un très bon équilibre. La fin de bouche est légèrement astringente (un peu râpeuse), fraîche, fruitée (noyau de cerise) et très longue. Pas très complexe, mais délicieux.

Le Marion 2008 est encore plus noir. Le nez est intense, très boisé (noix de coco grillée), vanillé, avec des herbes sèches (thym, origan, menthe); certains l’ont qualifié de « fabriqué ». Il est très gras (épais), corsé, très, très boisé, très extrait, avec des tannins moyens et une impression de sucre résiduel, le tout donnant un vin assez lourd. Il est très, très long, mais seulement en bois et en amertume. Un intrus très facile à identifier.

Le Teroldego 2009 est moins foncé, plus jeune que les deux autres. Le nez, d’intensité moyenne, est crémeux, chocolaté, fruité, légèrement fumé et terreux. Le corps est également moyen, bien sec, avec des tannins assez fins, des fruits noirs et une légère note animale. La finale est juteuse, fruitée et très persistante. C’est le troisième des vins les plus appréciés de la soirée.

Dernière volée, trois autres vins de teroldego, IGT Vigneti delle Dolomiti, de Foradori : les deux « crus » Sgarzon et Morei 2015, ainsi que le Granato du même millésime.

Le Sgarzon est grenat moyen, le plus pâle de la soirée. Moyennement aromatique, il est crémeux, avec des fruits rouges (cerise), des épices et une légère verdeur (rafle?). L’attaque est très fruitée, peu tannique, avec une belle acidité et un excellent équilibre; on y détecte une légère torréfaction et des olives. La fin de bouche est bien sèche, fruitée et très juteuse. Un vin tout en finesse. La quatrième vedette de la soirée.

Le Morei est plus foncé, d’intensité moyenne, très fruité, avec du poivre, de la cire et une surprenante note d’ail. En bouche, il est assez délicat, minéral, avec des agrumes (sanguines), des tannins fins et un équilibre impeccable. Il est très fruité en fin de bouche, avec une belle astringence et une très bonne persistance aromatique.

Le Granato 2015 est très foncé, bien ouvert, très fruité, torréfié, assez complexe, animal, avec des herbes séchées (lavande). Il est rond, gras, plus crémeux en bouche, avec des fruits noirs éclatants, des tannins plus serrés, une note terreuse et une finale astringente. Un vin beaucoup trop jeune pour être pleinement apprécié, mais très intéressant à déguster.

Cette dégustation a fait ressortir le caractère « vin de terroir » des produits de Mme Foradori, clairement illustré, d’abord par la grande diversité observée entre les différentes cuvées d’un même cépage et entres les différents millésimes d’un même vin, mais également par la comparaison directe avec un intrus de style très « moderne », certains diront « parkérisé » ou « bodybuildé », le Marion.

Mais les variations de prix entre les différentes cuvées sont-elles justifiées, gustativement parlant? Pas évident. Pour les vins qui seront bus jeunes, certainement pas, mais même pour les vins plus âgés, ce soir, le « petit » Teroldego a aussi bien paru que ses grands frères.

Voilà une dégustation qui nous a beaucoup appris sur le Trentin, sur la maison Foradori en particulier et, surtout, sur le cépage teroldego. Grazie mille professore.

Alain Brault

Dégustation du 23 janvier 2019
« Le Val de Loire en blancs »
Organisée par Jocelyn Audette
 

Jocelyn nous a préparé une dégustation de vins blancs secs issus des deux grands cépages blancs qui font la réputation de la Loire, le chenin blanc et le sauvignon blanc : onze vins de huit producteurs, sur six appellations, le tout en double aveugle.

Pour ouvrir la dégustation, des bulles : le Vouvray Pétillant Brut Réserve 2009 du Domaine Huet, fait à 100 % de chenin blanc. Jaune paille, il est très aromatique, fruité (pomme verte), avec de la cire d’abeille, de l’hydromel, une note grillée et un léger rancio. L’attaque est très fraîche, avec une bonne mousse qui dure en bouche; le vin est assez gras, mais peu minéral pour un chenin de la Loire et on retrouve en bouche le fruité (pomme, agrumes) qui s’étire en finale, avec du biscuit.

Suivent cinq vins faits exclusivement de chenin blanc : un Jasnières, un Coteaux du Loir, un Vouvray et deux Saumur.

Le Jasnières est un Calligramme 2013 du Domaine de Bellivière. Il est doré assez foncé. Le nez est bien ouvert, fruité, avec de la pâte de coing, de la mirabelle, du caramel et un début d’oxydation. En bouche, il est très fin, délicat, très bien équilibré et termine sur de l’amande amère et des notes tertiaires assez longues.

Le Coteaux du Loir est un Vieilles Vignes Éparses 2013 du même domaine. Cette cuvée est issue de vignes ayant entre 50 et 80 ans. Le vin est doré plutôt foncé (pour un 2013). Il est très ouvert, fruité (pomme), fumé, avec du miel et un léger rancio. La bouche est grasse, très fruitée et bien vive. La persistance aromatique est bonne.

Le Vouvray est un Clos de la Bretonnière 2015 du Domaine de la Taille aux Loups (Jacky Blot). Il est doré très clair, le plus pâle de la série et brillant. Très ouvert au nez, on y détecte du miel, de la cire, des fruits (pêche, agrumes) et un peu de noix. L’attaque est vive; il est gras, solide, bien fruité et assez équilibré (certains l’ont trouvé trop acide); la fin de bouche est très juteuse, avec une note grillée et elle est très longue.

Le premier Saumur est un Clos des Carmes 2013 du Domaine Guiberteau. Il est jaune clair avec des reflets verts. Le nez est explosif, très fumé, minéral (pierre à fusil), boisé, avec du miel et du zeste d’agrume. En bouche, il est moyennement corsé, très sec, droit, fruité, très minéral, boisé et très bien équilibré. La finale, assez longue, est très minérale, avec une légère amertume très agréable.

Le deuxième Saumur est un La Charpentrie 2013 du Domaine du Cellier. Le nez, d’intensité moyenne, donne une impression de sucré; il est fruité (pomme, poire, citron, coing), avec du miel, de la cire et un peu de chêne. Il s’exprime plus en bouche; il est rond et gras, légèrement muscaté, avec un peu de caramel et une acidité un peu pointue qui donne une finale très vive.

On passe ensuite aux vins de sauvignon blanc, tous à 100 % : deux Sancerre de la même parcelle et du même millésime, faits par les cousins Cotat à Chavignol, suivis de trois Pouilly-Fumé du très réputé Domaine Didier Dagueneau.

D’abord, Les Monts Damnés 2013 du Domaine Pascal Cotat, jaune doré assez clair. Il est très aromatique, très herbacé (asperge), bien fruité (agrumes) et légèrement fumé. Il est assez gras, ample et très fruité en bouche (pomme verte); le côté herbacé passe bien et il est un peu chaud. La fin de bouche est assez vive, très fruitée (pamplemousse) et très persistante.

Ensuite, un autre Les Monts Damnés 2013, mais du Domaine François Cotat cette fois. Le vin est plus pâle et plus verdâtre. Il est également plus discret au nez, moins herbacé; il s’ouvre lentement. La texture en bouche est d’une rondeur exceptionnelle; il est bien fruité (limonade), bien sec, minéral et mieux équilibré (moins acide). La finale donne une impression de sucré et est très, très longue. Ces deux vins, très différents, ont été également appréciés par les participants.

Le premier Dagueneau, servi à côté des deux Cotat, est un Blanc Fumé de Pouilly 2013. Il est très pâle et verdâtre comme le précédent. Le nez d’intensité moyenne est herbacé (pipi de chat), minéral (craie, silex) et légèrement ammoniaqué (brie). Il est peu gras en bouche, très herbacé, avec une acidité mordante et une note de patate crue. La finale est vive et végétale. Beaucoup trop jeune.

Et, enfin, les deux autres Dagueneau, deux 2005, qualifié de millésime du siècle par plusieurs : le Blanc Fumé de Pouilly « Symphonie des Galets » et le Buisson Renard.

Le Symphonie des Galets est doré léger, très ouvert, mais assez bizarre, végétal, légèrement soufré, oxydé, avec des noix et des fruits blets. En bouche, il est gras, minéral (silex), fruité (fruits confits) et l’équilibre est irréprochable, quoique la finale soit un peu amère. La persistance aromatique est exceptionnelle.

Le Buisson Renard est jaune verdâtre. Le nez est explosif, très herbacé (pipi de chat), très minéral, avec un léger arôme soufré qui s’estompe. La bouche, de très belle texture, est très fruitée, très minérale et d’une grande fraîcheur, mais trop herbacée. La finale est très vive et un peu saline. La longueur est bonne.

Après le Vouvray Pétillant de Huet qui a été le vin de la soirée, à l’unanimité, les vins les plus appréciés ont été le Saumur 2013 Clos des Carmes de Guiberteau, suivi de près par les deux Sancerre 2013 Les Monts Damnés des cousins Cotat; viennent ensuite le Jasnières 2013 Calligramme de Bellivière et le Buisson Renard 2005 de Dagueneau.

La grosse déception de la soirée : les vins de Didier Dagueneau, jugés « pas à la hauteur de leur réputation » et, surtout, de leur prix.

En conclusion, on peut dire que Jocelyn nous a offert une dégustation de vins exclusivement blancs qui fait mentir celui qui a écrit « the first duty of wine is to be red ». On devra faire ça plus souvent à l’Académie.

Alain Brault

Dégustation du 6 février 2019
« Les Olympiades »
Organisée par Isabelle Brault

 

Isabelle nous a conviés à déguster une sélection de ses vins « chéris » de partout à travers le Monde, présentés comme participants à des olympiades. Seule l’Asie n’y était pas représentée, malgré la présence d’un vin du Proche-Orient.

Le déroulement de la dégustation ne comptait pas vraiment de volées. Nous avons eu droit à dix vins de pays différents (sauf une exception) servis quelques un à la fois, en double aveugle.

On débute, comme souvent, avec des bulles : le Blanc de blancs NV Brut (VQA Niagara Escarpment) de Cave Spring (100 % chardonnay). Il est jaune pâle très brillant, avec une belle mousse, pas très aromatique, floral, fruité (pomme verte, agrumes) et un peu bonbon (gomme balloune). C’est en bouche qu’il se révèle; il est vif, bien fruité, très sec, calcaire, légèrement brioché et équilibré. La finale est juteuse et très fruitée. Un vin pas très complexe, mais délicieux. Il s’est classé en quatrième place, à côté d’un vin américain.

Comme deuxième compétiteur, un premier représentant de l’Europe, l’Herakles GRK 2013 de Madirazza, originaire de la côte dalmatienne, en Croatie. Le grk est un cépage blanc indigène. Le vin est jaune doré, bien ouvert aromatiquement, fruité (poire, pomme, citron), avec de la cire et du caramel. En bouche, il n’est pas très gras, il est légèrement fermentaire, avec un fruité bonbon (life savers), légèrement muscaté et son acidité élevée donne un équilibre approximatif. La finale est un peu pointue et amère (grk signifie amère).

Troisième concurrent, le vin américain qui partage la quatrième place avec le Cave Spring, le Pinot Noir 2015 (AVA Dundee Hills) du Domaine Drouhin, en Oregon. Il est assez pâle et la teinte est jeune. Le nez est bien ouvert, fruité, légèrement fumé et un peu boisé. Le vin est corsé tout en restant délicat, les tannins sont faciles, le fruité (fraise, griotte) est éclatant, un peu sucré et l’équilibre est bon. La fin de bouche est fruitée, un peu sucrée, légèrement animale, avec une note chocolat et une certaine chaleur (14,1 %/vol) et elle est très, très persistante.

A suivi le représentant du Moyen-Orient, le Hochar Père et Fils 2000 du Château Musar, au Liban, fait de cinsault, de cabernet sauvignon, de carignan et d’un peu de grenache et élevé neuf mois en chêne français. La robe est pâle et la couronne tuilée. Le nez est intense, légèrement oxydé, un peu alcooleux, avec un boisé vanillé qui ressemble à celui des vins de la Rioja espagnole, du fruit (pruneau, cerise, olive) et du goudron. En bouche, il est gras, soyeux, peu fruité, bien boisé, avec des tannins fondus et un équilibre irréprochable; la finale est boisée, épicée et il est très, très long. Un vin tout en élégance et en finesse, aromatiquement très semblable à son grand frère le Château Musar.

Ensuite, on revient en Europe et c’est au tour de la France, représentée par le Clos de l’Oratoire 2004 (AOC Saint-Émilion Grand Cru, Classé) des Vignobles Comtes von Niepperg. C’est un assemblage de merlot (80 %) et de cabernet franc qui a fait 18 mois de barrique. Il est grenat assez foncé et montre un peu d’évolution. Il est bien ouvert, fruité (pas assez au goût de certains), épicé (poivre), avec des notes tertiaires (tabac); un nez complexe, racoleur pour certains, extraordinaire pour d’autres. En bouche, il est gras sans être très puissant, avec des tannins bien présents, mais assez fondus, un fruité discret, un peu d’alcool, un boisé épicé et du noyau de cerise. Il finit très sec, sur le bois, le menthol et la torréfaction (café), avec une bonne persistance.

Le suivant est un vin australien, le Cabernet Sauvignon 2002 (Margaret River, South West Australia) de Cape Mentele (Groupe LVMH). Le vin est opaque, très aromatique, terreux (ciment pour certains), fruité, végétal (poivron vert) et sanguin. Le corps est moyen, les tannins assez accessibles, il est bien sec, très fruité et la note végétale revient; l’équilibre est impeccable. La finale terreuse lui donne des airs de cabernet franc et il est vraiment très persistant. Il a pris la sixième place, ex aequo avec un vin italien.

On revient à nouveau en Europe, avec un concurrent espagnol,  le Condado de Haza 2007 (DO Ribera del Duero) d’Alejandro Fernández. Même teinte, mais moins foncé que le Cape Mentele, ce 100 % tempranillo est bien expressif, avec un beau boisé, du café, un peu d’épices, de fumée et de graphite. Il est corsé, puissant, mais ses tannins sont soyeux, son fruité discret et évolué et son équilibre impeccable, malgré une légère chaleur. La persistance aromatique est excellente. Superbe maturité! Le vin de la soirée, à l’unanimité.

Huitième vin, du Portugal voisin, le Vinha Grande 2016 (DOC Douro) de Casa Ferreirinha (Vinhos Sogrape), un assemblage de touriga franca (50 %), de touriga nacional (35 %), de tinta roriz (10 %) et de tinta cão (5 %). Il est rubis opaque, violacé, très jeune. Le nez est très ouvert, végétal (style bordeaux), très fruité (bleuets, mûres) et un peu médicamenteux. Il est très corsé, gras, riche (costaud), très fruité (surmaturité?), avec des tannins enrobés, du bois et de la chaleur. La finale est assez sèche, avec des fruits cuits et elle est très longue.

L’avant-dernier participant est un vin italien, le Costasera 2013 (DOCG Amarone della Valpolicella) de Masi. Il a remplacé un membre vedette de son équipe, le Mazzano 2009 (même DOCG, même producteur) qui a dû déclarer forfait pour cause de « maladie ». À l’œil, le Costasera est assez foncé et légèrement évolué. Le nez est moyen, très torréfié (café espresso), boisé et très épicé, avec une note animale. Le corps est moyen, les tannins bien présents, mais quand même soyeux et l’équilibre est parfait; on détecte également des notes tertiaires d’évolution en bouche. La fin de bouche est légèrement chauffée et médicamenteuse (mélasse), très fruitée et interminable. Il a partagé la sixième position avec le Cape Mentele.

Et le dernier concurrent, un piémontais, deuxième représentant pour l’Italie : le Gattinara 2013 (DOCG Gattinara) de Travaglini, fait exclusivement de spanna (nebbiolo). Il est assez clair et, comme la plupart des vins de nebbiolo, même en jeunesse, orangé sur la couronne. Le nez est moyen, pour ne pas dire discret et assez peu défini. La bouche est surprenante, très fine pour un jeune nebbiolo, pas très corsée, avec des tannins fins, une belle acidité et un très bon équilibre. La finale est très, très sèche et fait saliver. Un vin de bouffe.

Finalement, ce sont trois vins européens qui sont montés sur le podium. Le bronze a été remporté, pour la France, par le Clos de l’Oratoire, l’argent est allé à l’Italie, grâce au Gattinara et c’est le Condado de Haza 2007 qui a remporté l’or, pour l’Espagne. Un podium assez surprenant, surtout pour le jeune Gattinara qui aurait dû être beaucoup plus austère; pour les autres, le millésime a sûrement compté pour beaucoup dans la performance.

Un tour du monde bien organisé, à l’aide d’une belle variété de très bons vins, tous bien représentatifs de leur lieu d’origine. Merci Isabelle.

Alain Brault

Dégustation du 20 février 2019
« Le combat des caves 2.0 – La revanche »
Organisée par Marc St-Onge et Laurent Gémar

 

Le déroulement de ce « combat » très amical est bien simple : les deux organisateurs soumettent à la dégustation chacun un vin par volée et les participants votent pour leur vin préféré. Non seulement les dégustateurs ne connaissent pas l’identité des vins, mais ils ne savent pas non plus quel organisateur a apporté quel vin.

L’année dernière, lors de la première présentation du combat des caves de Marc et Laurent, il y avait eu six confrontations et Laurent l’avait remporté haut la main avec un score final de 4 à 2.

Cette année, il y a eu cinq volées, dont une de trois vins.

Pour le premier round, les deux compétiteurs se sont présentés avec des champagnes génériques : le Blanc de noirs Côte de Val Vilaine du domaine Roses de Jeanne (Cédric Bouchard) pour Marc et la Cuvée 740 Extra brut de Jacquesson pour Laurent.

Le Bouchard (100 % pinot noir) est jaune paille avec des reflets cuivrés. Il est moyennement aromatique, fruité (pommes très mûres) et très légèrement brioché. En bouche, il est bien vif, très fruité (pomme, rhubarbe) et offre une belle mousse crémeuse; c’est le plus dosé des deux et on détecte de la pomme caramel en finale. Deuxième vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le Sauternes, il a obtenu près des deux tiers des voix.

Le Jacquesson (2012 à 80 %, un assemblage de 57 % chardonnay, 22 % meunier et 21 % pinot noir) est jaune paille d’intensité moyenne. Le nez, également d’intensité moyenne, est plus évolué, avec des arômes de levure et un léger rancio; il est minéral (crayeux) et fruité (pomme verte). Il est gras en bouche, très frais (presque tranchant), légèrement amère et bien fruité; la fin de bouche est très sèche, fruitée et assez persistante.

Marc prend donc les devants 1 à 0.

Pour la deuxième confrontation, ils présentent deux Riojas blancs : le 200 Monges Selección Especial Reserva blanco 2007 de Bodegas Vinicola Real (Marc) contre le Allende blanco 2013 de la Finca Allende (Laurent).

Le 200 Monges est un assemblage à base de viura (70 %) complété de malvasia fina (20 %), de moscatel (5 %) et de grenache blanc (5 %). Il est jaune doré légèrement plus foncé que l’Allende. Le nez est très ouvert, boisé, mais surtout rancio (style plus traditionnel), avec des fruits mûrs (pêche, coing, zeste d’agrumes), des amandes, des champignons et une bonne minéralité. En bouche, il est gras, rond, capiteux, bien sec,  l’acidité est bonne et le rancio persiste; la finale fraîche ajoute du caramel et le vin est très long.

L’Allende, 95 % viura et 5 % malvasia, est jaune doré assez riche. Il est plus aromatique, beaucoup moins rancio, avec du fruit (melon), une note végétale et du bois. Il a également moins de corps, mais il est plus fruité (pomme), plus minéral et mieux équilibré. Il finit sur les fruits, un peu de caramel et est plus persistant.

Cette fois, le résultat est beaucoup plus serré, avec 43 % des voix pour le 200 Monges et 57 % pour l’Allende. C’est l’égalité 1 à 1.

Troisième reprise, deux Volnay 1er Cru s’affrontent : le Volnay Clos des Chênes Premier Cru 2008 de Bitouzet-Prieur (Laurent) et le Volnay Premier Cru Frémiets 2006 de François Parent (Marc).

Le Clos des Chênes est grenat pâle avec une couronne tuilée d’évolution. Le nez est moyen, bien typé, fruité (petits fruits rouges) et épicé (poivre). La bouche est bien équilibrée, tout en rondeur, bien sèche et finit sur le fruit, un peu de chocolat et une légère note animale; le vin est très, très long. Certains l’ont trouvé rustique et il a dû se contenter du tiers des votes.

Le Frémiets a une teinte beaucoup plus jeune. Il est plus aromatique, animal, torréfié et assez fruité. Il est corsé, avec des tannins encore solides, très fruité et parfaitement équilibré par une belle acidité. La finale est torréfiée et un peu chaude et le vin est également très persistant.

Ici, le millésime a sûrement joué pour beaucoup. C’est maintenant 2 à 1 pour Marc.

Au quatrième round, ce sont trois (!) Montepulciano d’Abruzzo : le Montepulciano d’Abruzzo 2003 d’Emidio Pepe (Marc), le Villa Gemma 2011 de Masciarelli (Laurent) et le Pepe Rosso 2006 de Stefania Pepe (Marc et Laurent).

L’Emidio Pepe est foncé et évolué. Assez ouvert, il est bien fruité (cassis), avec du chocolat au lait, une note végétale et de l’écurie (brett); c’est le plus complexe et le plus évolué des trois. En bouche, il est corsé, très bien équilibré, avec des tannins serrés, fins, mais un peu asséchants, un beau fruité et le brett qui persiste. La fin de bouche est dominée par la torréfaction, une belle astringence, le noyau de cerise et il est très long.

Le Masciarelli est beaucoup plus jeune, avec ses reflets violacés. Moyennement aromatique, il est fruité, épicé, légèrement boisé et médicamenteux. Le corps est moyen, les tannins plus faciles, il est fruité (fruits noirs) et crémeux et l’équilibre est correct. Il finit très sec, avec des fruits cuits, de la tomate séchée, du bois vanillé, une légère amertume et une bonne persistance.

La robe du Stefania Pepe est d’intensité moyenne et montre une légère évolution. Le nez est intense, fruité (fruits noirs), animal, chocolaté, avec un peu d’acidité volatile. En bouche, il est fin, délicat, assez frais pour ne pas dire un peu pointu et légèrement bretté. La finale est fruitée, légèrement animale, agréablement astringente et très, très longue.

Le Montepulciano d’Emidio Pepe s’est mérité 36 % des voix, celui de Masciarelli 21 % et celui de Stefania Pepe 43 %; c’est le vin présenté par les deux concurrents qui gagne ce round. Marc conserve donc sont avance de 1 point.

Dernière confrontation, deux Sauternes sont présentés : le Cyprès de Climens 2005 (AOC Barsac) de Bérénice Lurton (Marc) et le Château Raymond-Lafon 2004 de la famille Mellier (Laurent).

Le Cyprès est doré avec des reflets orangés. Il est moins aromatique que le Raymond-Lafon, mais plus fruité, plus caramel, plus complexe, avec du miel et des épices (cannelle, clou de girofle). Il est assez gras, plus soyeux, moins amer, très bien équilibré par une bonne acidité et la finale est très fruitée, crème caramel et interminable. Le style rappelle plus le Recioto di Soave que le Sauternes.

Le Raymond-Lafon est or riche, mais plus pâle. Le nez est intense, bien botrytisé, fruité, épicé, iodé, avec une très légère oxydation. En bouche, il est gras, onctueux, très sucré (ça donne une impression d’amertume), épicé, l’acidité est très bonne, le fruité très présent (pêche, poire, mangue) et la finale de fruit, de botrytis et de noix est très, très longue. Plus classique comme Sauternes, il a obtenu les deux tiers des votes.

Ainsi, cette deuxième présentation du Combat des caves 2.0 se termine avec un pointage nul de 3 à 3 et Laurent maintient sont avance de 1 match contre 0. Marc réclamera-t-il un second combat revanche l’an prochain? À suivre.

Alain Brault

Dégustation du 27 février 2019
« Les vieux vins dans le Monde »
organisée par Pierre Bélanger et Alain Brault

 

Les participants aux dégustations de l’Académie sont généralement assez gâtés, en ce sens que les organisateurs s’efforcent toujours d’inclure un vin « mature », et parfois plusieurs, dans leur dégustation.

Cette fois, nous avons voulu faire une dégustation composée exclusivement de vieux vins, c’est-à-dire de vins d’au moins 20 ans d’âge; une dégustation couvrant quatre décennies, des années ‘90 au début des années ‘60.

La dégustation s’est déroulée à l’aveugle, les participants connaissant l’identité des vins, mais pas l’ordre de service. Les vins ont subi une double décantation quelques heures avant l’événement.

Comme première volée, deux vins rouges ont été servis : le Chinon “Les Picasses“ 1989 d’Olga Raffault  et le Cabernet Sauvignon Napa Valley 1984 de Burgess Cellars.

Un peu partout en Europe, mais en particulier en France et dans la Vallée de la Loire, 1989 a été qualifié, par beaucoup de commentateurs, de « millésime du siècle » ayant produit des vins pouvant s’améliorer durant au moins 20 ans. Ce Chinon 1989, dans sa trentième année, est tout à fait impressionnant. Fait à 100 % de cabernet franc, il est assez pâle et très brillant, avec des reflets cuivrés qui trahissent son âge. Aromatiquement, il est bien ouvert et très complexe, épicé, légèrement boisé, assez « bretté » (écurie), à peine oxydé, avec des oignons frits, de la poussière, du cuir, du poivron vert, du chocolat et la note terreuse typique au cabernet franc de la Loire. Il est moyennement corsé, très sec, un peu alcooleux, avec des tannins fondus, une très bonne acidité et des fruits cuits; la texture est très fine (certains l’on trouvée un peu mince) et le vin est un peu pointu côté équilibre. La finale, à peine astringente, mais un peu dure, est sur les fruits noirs cuits et de bonne longueur.

En Californie, 1984 n’a pas été un millésime parfait, mais on accordait quand même 20 ans de potentiel aux vins de cabernet sauvignon, malgré un léger manque d’acidité et une certaine lourdeur. Le Burgess 1984, fait principalement de cabernet sauvignon avec un peu de merlot et de petit verdot, cinq ans plus âgé que le chinon, a exactement la même robe pâlotte et cuivrée. Au nez, il est plus intense, aussi complexe, bien tertiaire, animal, végétal (poivron), encore fruité (cassis), avec un boisé agréable, vanillé et du chocolat au lait. En bouche, il est beaucoup plus équilibré, plus gras, plus rond, moins pointu, avec du goudron et un peu de sel de céleri. La finale est très sèche, étonnamment fruitée et assez persistante. Le vin de la soirée, à l’unanimité.

La deuxième volée devait comprendre : le Château Musar 1991 et le Barolo 1961 de Giacomo Mascarello, mais ce dernier, jugé défectueux (légèrement bouchonné), a été remplacé par un Spanna 1964 de la Cantina Curti à Gattinara.

Le Château Musar est un vin mythique de la vallée de la Bekaa au Liban. Ce Musar 1991 est plus rouge, moins évolué que les vins précédents et il est légèrement brouillé. Le nez intense, très complexe et tertiaire évolue beaucoup dans le verre; on y détecte du fruit (framboise, rhubarbe, dates, pruneaux), des épices (cannelle, girofle), de la rose, du sucre d’érable, du tabac, du bois (cèdre) et ça change constamment. La texture est soyeuse, le corps moyen, avec encore beaucoup de fruit (pour un Musar de cet âge), une très belle acidité; un vin à l’équilibre irréprochable, très fin, délicat, méditatif, dont les arômes de torréfaction, de goudron, de fruit et de caramel s’étirent très longtemps. Un des trois vins les plus appréciés de la soirée, après le Burgess.

Spanna est le nom qu’on donne au nebbiolo dans le nord du Piémont, surtout à Gattinara et c’est ainsi qu’on identifiait les vins avant la création de la DOC Gattinara en 1967 (DOCG depuis 1990). 1964 a été un très bon millésime et a produit des vins de nebbiolo très durs, austères, pour la très longue garde. Ce Spanna 1964 est également de teinte pâle et plutôt évoluée. Au nez, il est bien ouvert, encore fruité (fruits noirs), torréfié (pain grillé, très chocolaté), avec du cuir, de la réglisse et des herbes sèches (thym). En bouche, il est solide, texturé, nerveux, viandeux, avec des tannins encore bien présents, du beau fruit, des champignons (porcini);  il fait très nebbiolo classique mature (goudron, réglisse, cuir) et l’équilibre est excellent. La fin de bouche est très fruitée, juteuse, avec une belle astringence et du chocolat au lait et la persistance aromatique est exceptionnelle. Pas mal pour un vin de 55 ans!

Troisième volée : le Madiran Vieilles Vignes 1989 du Domaine Bouscassé et le Rioja Faustino I Grand Reserva 1970 de Bodegas Faustino.

Bouscassé est, comme Montus, la propriété du réputé producteur de Madiran Alain Brumont. Le « Vieilles Vignes » est fait exclusivement du cépage emblématique de la région, le tannat. Ce Madiran 1989, autre représentant de ce millésime exceptionnel, est le deuxième vin du trio le plus apprécié après le Burgess. Il est rouge moyen encore jeune; le plus foncé et le moins évolué de la soirée. Le nez est d’abord assez discret, mais s’ouvre lentement sur le fruit (cassis), les épices (poivre) la torréfaction, une note végétale typique au madiran et une note légèrement chauffée. Le corps est solide, l’acidité très bonne, l’astringence bien présente et le fruit impressionnant, tout ça quand même bien équilibré. La finale est astringente, fruitée, poivrée, un peu chaude et assez longue. Un vin qui, à 30 ans, a encore de nombreuses années devant lui.

On continue avec un Rioja qui approche la cinquantaine. Ce Faustino I 1970 est un assemblage de 85 % de tempranillo, 10 % de graciano et 5 % de mazuelo (carignan). Il est beaucoup plus clair et évolué que le madiran. C’est l’un de vins les plus exubérants de la soirée; il est très boisé, vanillé,  animal, plutôt tertiaire, légèrement oxydé et encore un peu fruité. En bouche, il est délicat, bien rond, avec des tannins encore présents mais fins, un beau bois et de la confiture de fraise. En fin de bouche, c’est surtout la légère oxydation et le bois qui se prolongent très, très longtemps.

Pour la volée suivante, un seul vin : Rioja Blanco Viña Tondonia Gran Reserva 1994 de R. López de Heredia.

Ce Tondonia 1994, un des vins blancs les plus traditionnels, les plus classiques d’Espagne, est un assemblage de 90 % de viura et de 10 % de malvasía de Rioja. Le nez est intense, boisé, fruité (pêche), avec une note oxydée moins marquée qu’à l’habitude et un côté poussière assez peu habituel également. La texture en bouche est bonne, sans être très corsée; le vin est bien boisé, on retrouve les arômes du nez, mais il s’exprime assez peu et l’équilibre est approximatif, un peu mou. La finale est très fruitée, avec du caramel et de la chaleur, mais sans la belle amertume habituelle et c’est un peu court. Une déception pour plusieurs qui connaissent bien ce vin.

Enfin, trois vins doux pour terminer : un Alsace Gewurztraminer “Clos Windsbuhl” 1994 de Zind-Humbrecht, un Vouvray Moelleux Première Trie “Le Mont“ 1996 du Domaine Huet et le Sauternes 1989 Château Doisy Védrines.

Du Gewurztraminer 1994, les deux demies bouteilles qui ont été servies sont identiques. La robe scintillante est vieil or. Le nez est explosif, très épicé, fruité (litchi), avec du caramel, de l’écorce d’orange (Grand Marnier) et un léger botrytis; l’intérêt est surtout au nez. En bouche, la texture est moyenne, le vin bien sucré, épicé (pain d’épices), un peu chaud et l’équilibre sucre-acidité est très beau. La fin de bouche est épicée, avec du caramel brûlé et est très, très persistante.

Le Vouvray 1996 est aussi limpide et brillant, mais en plus pâle. Le nez est bien ouvert, moins sucré, plus alcooleux, avec de la cire d’abeille et du blé d’Inde. La bouche est grasse, ronde, très, très fruitée, avec une bonne acidité qui donne un équilibre impeccable. La finale est juteuse, bien fruitée, crème caramel et de bonne persistance. Un excellent vin plus difficile à apprécier, pour avoir été servi entre deux très grands vins botrytisés.

On termine avec le dernier du trio très apprécié après le Burgess. À Doizy Védrines, l’encépagement est constitué à 80 % de sémillon, 15 % de sauvignon blanc et 5 % de muscadelle. Ce Sauternes 1989 est de même teinte que le gewurztraminer 1994. Au nez, il est bien expressif, grillé, fruité (fruits confits, ananas), assez botrytisé, avec du miel. Le vin est très gras, très sucré (amertume), très fruits cuits, avec une bonne acidité; un vin complexe. La fin de bouche, interminable, est toute en fruit, avec du caramel brûlé et du botrytis. Un vin encore bien jeune.

Dix vins très différents les uns des autres; pas de bordeaux rouge, pas de bourgogne, mais c’est un objectif de grande variété qui a guidé les choix. Un grand Tokaji hongrois ou autre vin doux d’Europe de l’Est y auraient surement bien paru aussi, ou un grand vin d’Afrique du Sud ou un très vieux champagne, ou encore un vieux « port » australien… et bien d’autres, mais ce sera peut-être pour une autre fois.

On n’a pas souvent l’occasion de déguster une telle gamme de vins matures côte à côte, d’apprécier leur délicatesse, dans certains cas leur fragilité, mais aussi leur grande complexité aromatique, acquise durant les années en cave. On en voudrait plus souvent.

Alain Brault

Dégustation du 20 mars 2019
«Le pinot noir à travers le Monde»
organisée par Denis Desjardins

Il est presque devenu d’usage, à l’Académie, de présenter une dégustation de pinot noir chaque année. Cette fois, c’est Denis Desjardins qui s’en est chargé.

Contrairement à d’autres cépages dits internationaux, le pinot noir s’exprime de façon très différente selon le millésime, le terroir dont il est issu et les pratiques œnologiques des différentes régions vinicoles. Denis l’a très bien illustré en nous servant onze vins provenant de sept pays des deux hémisphères et couvrant les millésimes 2014 à 2009.

Tous les vins ont été servis en double aveugle.

Mise en bouche : le Champagne Blanc de Noirs Brut de Devaux. Ce mousseux, fait exclusivement de pinot noir, est jaune doré avec des reflets gris. Il est très aromatique, bien fruité (pêche, pomme verte) et brioché. L’attaque est vive et très sèche, la mousse fine en bouche, et on détecte une note terreuse agréable et une très légère oxydation. La finale est sèche, juteuse (un peu pointue même), très rafraîchissante et assez persistante. Un des trois vins les plus appréciés de la soirée, ex aequo.

Première volée : un vin ontarien, le Pinot noir 2013 (VQA Twenty Mile Bench) de Pearl Morissette et un australien, le Pinot noir Sangreal by Farr 2012 (South Eastern Australia) de Farr Family.

Le Pearl Morissette 2013 est rubis assez pâle légèrement évolué et un peu trouble (non filtré). Le nez est bien ouvert, très typé pinot noir, fruité, fumé, avec une légère note animale. C’est en bouche qu’il s’exprime le plus. Il est rond, moyennement corsé, bien sec, fruité (cerise) et très bien équilibré par une bonne acidité. La fin de bouche est fruitée, fumée et légèrement amère.

Le Sangreal by Farr 2012, également non filtré (légèrement trouble), est un peu plus foncé et plus jeune à l’œil. Il est bien ouvert, très fruité, épicé, avec une note terreuse, végétale, qui rappelle les pelures de patates (non éraflé). Il est plus gras, plus extrait, bien rond (presque huileux), alcooleux, très fruité, torréfié (chocolat noir) et boisé; l’équilibre est acceptable sans plus. La finale est fruitée (cerise), terreuse (presque bouchon) et plus amère. Sans doute trop jeune.

La deuxième volée comporte trois vins, deux bourgognes et un australien : le Chambolle-Musigny Les Charmes 2009 du Domaine de La Pousse d’Or, le Ferrous 2009 (Mornington Peninsula) de Kooyong et le Clos des Mouches 2010 (Beaune Premier Cru) de Joseph Drouhin.

Le Chambolle 2009 est grenat bien pâle. Il est de plus en plus aromatique, très fruité, épicé (cannelle, anis étoilé), légèrement fumé et un peu « bretté »; le nez est plus intéressant que la bouche. Il est moyennement corsé, bien fruité (cerise), assez alcooleux, avec des tannins très (trop pour certains) serrés et un bon équilibre. Il finit sur le fruit, les épices (médicamenteux) et une belle astringence qui lui donne du mordant.

Le Kooyong 2009 est rubis beaucoup plus foncé (surprenant pour du pinot noir), plus jeune (pourpre) et brouillé. Au nez, il est plus discret, mais finit par s’ouvrir; il est fruité (cerise confite qui donne une impression sucrée), légèrement boisé, très épicé, un peu fumé, avec une légère note chauffée. L’attaque de fruits mûrs est bien sèche et juteuse; le fruit sort mieux en bouche (cerise, canneberge, rhubarbe), l’acidité très bonne, les tannins plus faciles et l’équilibre correct. La finale est très fruitée, torréfiée (chocolat noir), un peu végétale et légèrement sucrée tout en étant un peu pointue.

Le Clos des Mouches 2010 est grenat pâlot avec une couronne orangée de maturité. Le nez est ouvert, fruité (petits fruits rouges), épicé (poivre), avec une note animale qui apporte de la complexité; ça pinote. L’attaque est fruitée, épicée et bien équilibrée; le vin est gras, bien frais, les tannins assez fondus et bien enrobés. La fin de bouche est fumée, très fruitée, légèrement tertiaire et très, très persistante. Un très grand bourgogne, deuxième membre du trio de vedettes de la soirée.

Pour la troisième volée, deux vins américains : le Pinot noir Spring Hill Vineyard 2012 (AVA Sonoma Coast) de Pearl Morissette et le Pinot noir Le Pré du Col Vineyard 2013 (AVA Ribbon Ridge, Oregon) de Berdström Wines.

Le Spring Hill 2012, vin californien de François Morissette, est rouge d’intensité moyenne, peu évolué. Au nez, il est bien ouvert, avec un fruit éclatant, mûr, épicé. En bouche, il est rond, corsé, avec des fruits cuits, un peu sucrés, des tannins faciles, presque soyeux et un équilibre impeccable. La finale est sur le fruit, le bois vanillé et la fraîcheur, avec une belle amertume et une très bonne longueur. C’est la troisième vedette de la soirée.

Le Pré du Col 2013 est plus pâle et un peu plus évolué. Il est assez aromatique, très fruité, plus classique, avec du bois, une légère note médicamenteuse, de la cardamome et de l’encre. En bouche, il est très sec et bien boisé, assez gras, avec des fruits noirs, une note sucrée et du goudron, le tout très bien équilibré. La fin de bouche est fruitée, sucrée (caramel) et un peu médicamenteuse.

Quatrième et dernière volée, trois vins de l’Hémisphère Sud, très différents les uns des autres : le Pinot noir Cincuenta y Cinco 2014 (Patagonia) de la Bodega Chacra, le Pinot noir Bloc B 2013 (GI Wairapara, maintenant Wellington) de Shubert Wines et le Pinot noir Ocio 2012 (D.O. Valle de Casablanca) de Cono Sur.

L’argentin Chacra 2014 est l’œuvre de Piero Incisa della Rocchetta, de la famille qui produit le Sassicaia en Toscane. C’est un vin « nature » très original qui a dû être carafé énergiquement quelques heures avant la dégustation pour perdre son caractère « frizzantino » et certains arômes peu engageants. Il est rubis moyen, bien ouvert au nez, plutôt sauvage, tertiaire (champignons); plusieurs l’ont trouvé plus gamay que pinot noir. En bouche, il est très délicat, fruité, épicé et assez peu acide. La finale est épicée, animale et très, très longue. Une merveille pour certains, une curiosité pour tous.

De l’Île du Nord en Nouvelle-Zélande, le Shubert 2013 est de la même couleur, mais il est beaucoup plus intense au nez, très épicé (poivre noir), fruité (cerise, canneberge), crémeux, avec une note végétale, un peu de camphre et d’écurie. Il est gras, onctueux en bouche, bien fruité, assez chaud, végétal (poivron vert), avec des tannins moyens, du chocolat au lait et un très bon équilibre. La fin de bouche est fruitée (cerise noire, framboise), grillée, chocolatée, avec de la maturité et elle est très persistante.

On termine dans la Valle Central du Chili avec l’Ocio 2012, un pinot noir plus foncé, plus jeune. Au nez, il est ouvert sans plus et assez peu typé pinot noir; il est bien boisé (bois vanillé), assez fumé, torréfié (grillé), avec du goudron et une légère note de caoutchouc chauffé. On trouve beaucoup d’extraction en bouche, avec des fruits noirs, une très bonne acidité, de beaux tannins, de la torréfaction et beaucoup de bois, mais un super équilibre. Ça finit fruité, boisé, mais asséchant et médicamenteux. Un vin « excessif » et très jeune.

Denis nous a présenté une très belle brochette de vins de pinot noir, pour la plupart de styles très différents les uns des autres, mais au caractère bien défini; des vins de grande qualité, sans avoir recours aux Grands Crus. Chapeau!

La barre est haute pour les prochains qui s’attaqueront à ce cépage capricieux.

Alain Brault

Dégustation du 3 avril 2019
« Bordeaux, toujours Bordeaux »
organisée par Philippe DesRosiers

Le 29 novembre 2005, l’Académie organisait une dégustation intitulée « Grands Bordeaux 2002 » où dix crus réputés de ce millésime difficile ont été servis. Dans un article publié sur vinquebec.com, Marc André Gagnon commente le millésime et décrit chaque vin servi, en concluant, de façon plutôt positive, que « ces vins s’amélioreront encore pendant les 5 à 8 prochaines années ».

C’était il y a plus de 18 ans et Philippe DesRosiers a voulu nous montrer qu’en choisissant bien, ceux qui ont acheté des bordeaux 2002, malgré la mauvaise réputation du millésime, n’ont pas eu à le regretter.

Il nous a servi sept bordeaux rouges de ce millésime, dont un dégusté en 2005, le Pontet-Canet. La dégustation était en semi-aveugle, c’est-à-dire que les participants connaissaient l’identité des vins, mais pas l’ordre de service.

Voici les sept vins rouges dégustés:

Château Canon 2002, Saint-Émilion 1er grand cru classé « B »
Château Latour à Pomerol 2002
Château Malartic-Lagravière 2002, Pessac-Léognan
Château Brane-Cantenac 2002, Margaux
Château Lagrange 2002, Saint-Julien
Château Pontet-Canet 2002, Pauillac
Château Montrose 2002, Saint-Estèphe (au lieu du Calon-Ségur annoncé)

La robe du Canon, d’intensité moyenne, est plus évoluée que le Latour à Pomerol. Le nez est bien ouvert, avec des fruits noirs (cassis), de la poussière, de la torréfaction (chocolat), du cèdre, du tabac et un peu de cuir. La tenue en bouche est bonne, le corps moyen, l’acidité bonne, les tannins assez faciles et le fruit encore bien présent, avec un beau boisé discret. La fin de bouche est fraîche, torréfiée (chocolat au lait) et de bonne longueur. Un bordeaux assez classique et élégant; un des trois vins rouges très appréciés de la soirée, ex aequo (avec Brane-Cantenac et Montrose).

Un peu plus pâle, mais plus jeune, le Latour à Pomerol est plus ouvert, plus végétal (asperge), plus austère, mais bien typé, avec des fruits noirs et un bois discret. Il est également assez délicat, soyeux en bouche, mais moins fruité, plus végétal et un peu moins équilibré (un peu mou). Il finit sur la vanille, la torréfaction (café) et une certaine verdeur (amertume).

Encore foncé et bien jeune à l’œil, le Malartic-Lagravière, grand cru classé de Graves, est assez aromatique, avec du  fruit (fruits noirs, dattes), de la torréfaction, une note végétale, des épices (cannelle) et un beau bois bien dosé. Il est corsé, solide, avec beaucoup de matière et des tannins bien présents, une bonne acidité, de la chaleur,  beaucoup de fruit et une légère note d’écurie. La finale est astringente (rêche pour certains), assez boisée et bien fruitée; la persistance aromatique est très bonne.

Le Brane-Cantenac, 2e grand cru classé de Margaux, est rubis assez foncé, légèrement évolué. Le nez est bien ouvert, assez fruité, très torréfié, avec des notes florale, terreuse, animale, un beau bois grillé, des épices, du tabac, du foin et du poivron vert. L’attaque est plutôt végétale et le vin bien corsé, assez tannique, encore fruité (fruits cuits) et minéral (mine de crayon); l’équilibre est très beau. La fin de bouche est juteuse, bien sèche, fruitée et assez longue. D’une très belle maturité, ce vin fait partie du trio de vedettes.

Plus pâle et plus évolué que le précédent, le Lagrange, 3e grand cru classé de Saint-Julien, est moins aromatique, moins fruité, plus floral, avec des fruits cuits (dattes), de la torréfaction (café), des feuilles mortes et une légère note animale. Le corps est moyen, il est plus délicat, plus fin, mais plus boisé avec, en bouche, des arômes de tabac, de cacao, de café et l’équilibre est assez beau. La finale est boisée, moins rafraîchissante que le Brane, plus verte, plus austère et un peu amère; la longueur est bonne.

Le Pontet-Canet, un 5e cru classé de Pauillac, est grenat moyen et légèrement évolué. Le nez est intense, très torréfié (grillé, chocolat noir) et animal. Bien équilibré en bouche, il est rond, assez boisé, avec des tannins un peu austères. La finale est bien sèche, torréfiée, boisée, avec des fruits cuits et elle est très, très longue. Un des vins les moins chers de la soirée, il s’est classé tout juste derrière les trois vedettes (MAG l’avait coté ****).

Troisième membre du trio vedette de bordeaux rouges, le Montrose, 2e grand cru classé de Saint-Estèphe, est grenat très foncé et peu évolué. Le nez est moyennement intense, animal, un peu médicamenteux (menthol), assez complexe, avec de la cendre et des fruits cuits. Ce n’est pas le vin le plus corsé, le plus gras du lot, mais un des plus tanniques; avec beaucoup de fruit, une très belle acidité et un super équilibre. La fin de bouche est astringente, boisée, fruitée et légèrement végétale. Un vin encore bien jeune, superbe en bouche, presque parfait.

Philippe a terminé sa dégustation avec trois bordeaux blancs d’autres millésimes, dont deux vins doux :

Larrivet Haut-Brion 2009, Pessac-Léognan (au lieu de l’Esprit de Chevalier annoncé)
Sublime de Clos Jean 1995, Loupiac
Château Saint-Amand 2001, Sauternes

Le Larrivet Haut-Brion est jaune doré assez riche et brillant. Le nez est très intense, explosif, très fruité (pomme, pêche), floral, avec des noix (amande grillée), du bois vanillé et une légère oxydation. En bouche, il est solide, gras et très, très fruité; il est minéral, bien sec et « généreux » (14 %/vol); le bois et l’oxydation n’ont pas plu à tous. La finale est très fruitée et très rafraîchissante et le vin est très persistant. Probablement à son apogée.

Le Sublime de Clos Jean est or orangé assez foncé et bien évolué (reflets brunâtres). Il est très aromatique, assez botrytisé, très fruité (pêche), avec du miel et de la cire d’abeille, du zeste d’orange et un début d’oxydation. La bouche est grasse, avec un bon équilibre sucre-acidité, du sucre d’érable, de la tire éponge et une certaine chaleur. Ça finit sur la marmelade, les fruits confits et le caramel brûlé et c’est très long.

On termine avec la grande vedette de la soirée, qui a presque fait l’unanimité, devant les trois meilleurs rouges, le Saint-Amand, or orangé moins prononcé que le Loupiac. Le nez est très intense, très « sucré », très botrytisé, avec des fruits tropicaux (ananas), des notes florale et épicée (poivre blanc, muscade). Le vin est moyennement corsé, bien sucré, mais sans amertume, encore plus fin que le Loupiac et très bien équilibré. En finale, c’est de la cire d’abeille et de la marmelade et la persistance aromatique est impressionnante.

Philippe a très bien réussi son défi : montrer que, dans les grandes communes du Bordelais, les producteur les plus sérieux (chanceux ou audacieux peut-être) arrivent à faire des vins « classiques » avec un potentiel de garde tout à fait respectable, même dans les millésimes plus difficiles.

Il nous donne rendez-vous pour une prochaine dégustation où il s’attaquera au cépage crève-cœur : le pinot noir.

Alain Brault

Dégustation du 17 avril 2019
« Grands blancs de France »
organisée par Philippe Richer

 

Chaque année, Philippe aime bien célébrer son anniversaire en organisant, pour l’Académie, une dégustation de vins de sa cave. Cette année, c’est en France qu’il nous a emmenés, avec dix vins blancs de quatre régions différentes et de six de ses producteurs fétiches.

La dégustation s’est faite en double aveugle, avec la directive d’analyser les vins de chaque volée les uns par rapport aux autres, plutôt qu’individuellement.

1re volée, deux champagnes blancs de noirs du domaine Roses de Jeanne de Cédric Bouchard : un Côte de Béchalin 2010 et un Côte de Vilaine 2016, deux vins faits exclusivement de pinot noir.

Le Béchalin est jaune doré très brillant, tandis que le Vilaine est un peu plus foncé, avec des reflets rosés. Au nez, c’est le Béchalin qui est le plus intense, avec du fruit (agrumes), de la minéralité (craie) et du biscuit; le Vilaine est un peu plus discret, mais plus précis, plus complexe, fruité (pêche, pomme), floral, minéral, très brioché, avec un peu de vanille et de champignon. En bouche, première surprise : enfin, deux vins qui ne perdent pas leur mousse lorsqu’ils sont servis dans des verres à dégustation et non dans des flûtes, selon la dernière mode; dans les deux cas, la mousse emplit bien la bouche dès l’attaque. Ne manque que le plaisir visuel d’admirer les trains de bulles. Les deux vins sont bien équilibrés, fruités et frais, mais, là encore, le Vilaine est plus intéressant, plus rond, plus crémeux, plus fruité (griotte, framboise) et légèrement rancio. Les deux ont une finale assez vive, mais le Vilaine est plus long. Le « petit » Côte de Vilaine a été, de beaucoup, le préféré des participants.

2e volée, deux Graves blancs du même millésime : le Domaine de Chevalier 2007, Pessac-Léognan, grand cru classé de Graves (85 % sauvignon et 15 % sémillon) et le Château Smith Haut Lafitte 2007, classé en rouge seulement (90 % sauvignon blanc, 5 % sémillon et 5 % sauvignon gris).

Les deux vins sont d’un beau doré très brillant, mais le SHL est plus foncé. Ils sont tous les deux exubérants; le Chevalier est très minéral et bien boisé, tandis que le SHL est plus fruité (mangue, ananas, concombre), aussi minéral, « roche mouillée ». Les deux sont bien gras en bouche, presque huileux pour le Chevalier, bien fruités, très secs, bien équilibrés, avec de la cire d’abeille et des noix grillées pour le Chevalier et une certaine chaleur pour le SHL (14 %/vol). En fin de bouche, le Chevalier est très sec, juteux et beaucoup plus persistant que le SHL, plus fruité et boisé. Les deux vins ont été également appréciés.

3e volée, deux sancerres d’un même producteur, Pascal Cotat, et d’un même millésime, mais de deux parcelles différentes : La Grande Côte 2015 et Les Monts Damnés 2015, les deux faits à 100 % de sauvignon blanc.

Deux vins identiques à l’œil, or pâle, très brillant, avec de légers reflets verdâtres. La Grande Côte est bien ouvert, très fruité (poire, citron) et un peu salin; Les Monts Damnés est plus discret, un peu moins fruité, avec des amandes. Les deux ont une bonne présence en bouche, avec du fruit (agrumes), de la minéralité, un très bon équilibre, mais Les Monts Damnés est plus vif, plus droit. C’est cependant La Grande Côte, beaucoup plus persistant, qui a été préféré.

4e volée, quatre bourgognes blancs du même millésime; il s’agit en fait de deux demi-volées, une de Chablis Grand Cru de William Fèvre : le Bougros « Côte Bouguerots » 2014 et Les Clos 2014, suivis de deux Puligny-Montrachet 1er Cru du domaine Henri Boillot : le monopole Clos de la Mouchère 2014 et Les Pucelles 2014.

D’abord, les chablis. Le Bougros est jaune verdâtre assez pâle et Les Clos est plus doré, plus foncé. Les deux nez sont d’intensité moyenne, mais le Bougros est plus intéressant, fruité (agrumes, pomme), fleurs blanches, amandes, tandis que Les Clos est plus minéral, plus épicé. En bouche, le Bougros est moyennement corsé, très vif (pointu même), minéral, bien fruité (citron) et bien sec; Les Clos est plus gras, plus corsé, mieux équilibré, également fruité, mais plus minéral. La finale du Bougros, sur la crème et le beurre, est assez longue, mais pas autant que Les Clos, interminable, très fruité et bien frais. Les Clos a été préféré de très peu au Bougros.

Dernière paire, de chardonnay également, les poulignys sont plus dorés, plus riches. Ils sont tous deux très intenses aromatiquement, boisés juste à point, très fruités (figues, melon, pêche) surtout dans Les Pucelles qui rappelle à certains un grand champagne sans les bulles. En bouche, le Mouchères est assez corsé, légèrement rancio et parfaitement équilibré; Les Pucelles est plus droit, vif et tendu (presque tannique) et moins gras. La finale du Mouchère est vive et boisée, avec du caramel; celle des Pucelles est plus grillée et beaucoup plus persistante. Les deux vins de la soirée, presque à l’unanimité, avec une légère préférence pour le Clos de la Mouchère.

Pour sa fête, Philippe nous a fait partager un très beau tour de France, avec une sélection de vins blancs issus de domaines réputés, certains en début de maturité et d’autres encore bien jeunes. Tous des vins non seulement représentatifs, mais des modèles pour leur région. Une dégustation qui montre à quel point les grands vins blancs peuvent être exceptionnels, même en jeunesse.

Une dégustation qui restera dans les mémoires.

Alain Brault

Dégustation du 1er mai 2019
« 100 % syrah en Italie »
organisée par Mario Couture

 

Lors de cette dégustation, Mario a d’abord présenté une courte introduction, rappelant que la syrah fait partie des six cépages les plus cultivés et commercialisés dans le monde, avec le merlot, le cabernet-sauvignon, le pinot noir, le sauvignon et le chardonnay et que la surface cultivée de syrah dans le monde ne cesse d’augmenter, l’échantillon italien étant désormais suffisamment important pour que l’on s’y attarde.

Présentement, la syrah est autorisée dans une soixantaine d’appellations italiennes (DOC ou IGT), situées dans 14 des 20 régions viticoles d’Italie, mais surtout en Sicile (78 %) et en Toscane (11 %).

Dans le vieux monde, nous avons une très bonne idée de ce que la syrah peut produire en France, mais comment s’en sort-elle en Italie et où performe-t-elle le mieux ?

Les dix vins, répartis en quatre volées, ont été servis en double aveugle.

En 1re volée, deux vins siciliens, un Mahâris 2013 (DOC Sicilia) de Feudo Maccari, situé à la pointe sud-est de la Sicile, à Noto, connu surtout pour ses vins de moscato et de nero d’Avola, accompagné d’un Maroccoli 2011 (DOC Menfi), de Planeta, provenant de l’autre bout (pointe ouest) de la Sicile.

Le Mahâris est grenat assez foncé et sans trace d’évolution. Aromatiquement, il est bien ouvert, jeune, fruité (fruits noirs), épicé, avec des notes animale et de barrique brûlée. En bouche, il est rond, costaud, très fruité, épicé (poivre), un peu vert (amertume), chaud (14,5 %/vol) et un peu pointu côté équilibre. La finale est très sèche, plutôt acide et astringente, avec une bonne persistance aromatique.

Le Maroccoli est un peu plus pâle, avec un début d’évolution. Le nez est intense mais très fin, très épicé (girofle, poivre, anis), avec la même note animale, de la barrique et du goudron. Le vin est rond, plus fin, bien fruité (cerise), mais moins que le Mahâris, assez tannique, mais plus élégant, avec un super équilibre (il titre également 14,5 %/vol, mais ça ne paraît pas). La fin de bouche est fruitée, astringente, fumée et très, très longue.

Pour la 2e volée, trois vins toscans, un Maremma et deux IGT génériques : le Perenzo 2010 (DOC Maremma Toscana) de Fattoria di Magliano, le Marchesale 2001 (IGT Toscana) de Terre Del Marchesato et le Syrah « Collezione de Marchi » (IGT Toscana) d’Isole e Olena.

Le Perenzo est rouge violacé opaque, avec quand même une légère évolution dans la couronne. Il est assez aromatique, bien fumé (goudron), très chocolat au lait, avec des fruits noirs (mûres), de la réglisse, du tabac et une légère note de carton (oxydation). Le corps est moyen, l’acidité très bonne et l’équilibre impeccable; il est bien fruité, juteux, frais et assez fin. Il finit sur la torréfaction (café), la fraîcheur et il est très long. Un vin savoureux, mais qui n’a pas été apprécié par tous.

Beaucoup moins violacé, le Marchesale est très aromatique, très fruité (mûres), épicé, torréfié (chocolat au lait), avec des notes médicamenteuses, d’anis, de menthol, de vanille et de champignons. Il est très rond, plus enrobant et plus alcooleux que le Magliano, avec un beau fruit qui ne dure pas, de l’astringence et un bon équilibre. La finale est plutôt chaude, poivrée et bien persistante. Plusieurs ont qualifié ce vin d’ « anonyme ».

D’un producteur de Chianti bien connu, le Collezione de Marchi est rubis foncé. Le nez est très ouvert, fruité, torréfié, un peu médicamenteux, avec des fines herbes séchées, du bran de scie, dans un style plutôt Nouveau Monde. En bouche, il est gras, très extrait, pour ne pas dire énorme, très boisé (trop pour plusieurs), et un peu lourd, avec une belle astringence et des fruits noirs (mûre, prune). La finale est boisée, alcooleuse, fruitée (fruits cuits), avec quand même une certaine fraîcheur, et est très persistante.

3e volée, une mini verticale : Bramasole 2004, 2006 et 2008 (DOC Cortona) de Tenuta La Braccesca (Marchese Antinori). La Braccesca se trouve à la limite sud de la Toscane, à l’est de Montepulciano.

Le 2004 est encore opaque, avec une couronne qui tire sur le brique. Il est plutôt discret au nez, bien fumé, avec des fruits noirs compotés, de la vanille, et il évolue constamment dans le verre, ce qui lui confère une belle complexité. La bouche est ronde, pleine, torréfiée (chocolat noir), poivrée, avec des tannins enrobés, des fruits cuits, un bois vanillé discret, le tout très bien équilibré. La finale est chaude (14 %/vol) et torréfiée; l’arôme de chocolat persiste très longtemps. Le troisième vin le plus apprécié de la soirée.

La robe du 2006 est aussi opaque, mais un peu moins évoluée. Le nez est ouvert, fruité (fruits rouges et noirs, framboise, mûre), légèrement fumé, animal, plus complexe que le précédent. En bouche, il est plus frais, plus vif, beaucoup plus fruité, avec des tannins plus faciles, plus agréables, une certaine chaleur (14,5 %/vol comme le 2004) et un très, très bel équilibre. La finale bien fruitée, encore astringente et très persistante indique un vin qui mérite encore plusieurs années de cave. Une des deux vedettes de la soirée.

Beaucoup moins apprécié que les deux autres, le 2008 est de même teinte, mais plus pâle. Il n’est pas très expressif au nez, peu précis, légèrement fruité et assez simple. Il est moins corsé, trop boisé, peu fruité en bouche, avec de la minéralité et un équilibre acceptable, mais une touche supplémentaire d’acidité aurait plu. Finissant sur le bois et la torréfaction, c’est un vin qui ne s’améliorera probablement plus.

Et pour terminer, une volée de luxe : Magliara 2007 (Doc Cortona) de Tenimenti d’Alessandro et Per Sempre 2008 (IGT Toscana) de Tua Rita.

Le Magliara est grenat opaque, à peine évolué malgré ses onze ans bien sonnés. L’intensité du nez est moyenne, avec des arômes plutôt tertiaires, crémeux, du sapinage (surprenant), de la minéralité, du carton, un peu de fruit (melon) et de l’iode. Le vin est très corsé, très fruité et sans défauts en bouche, avec des tannins bien enrobés et l’acidité qu’il faut; il est très sec et assez chaud (14,5 %/vol). La finale est astringente, juteuse, fruitée (prunes cuites), épicée et interminable. Un régal et un grand vin de garde qui mérite encore au moins cinq ans de cave.

Le Tua Ruta est un des vins de syrah les plus recherchés (et chers) d’Italie. Après dix ans, cet échantillon est grenat opaque, légèrement brouillé et assez évolué. Le nez est plus ouvert, plus fruité que le Magliara, très complexe, tertiaire, avec des herbes séchées, de la réglisse noire, du goudron, du sous-bois (champignons, feuilles mortes), du tabac blond et une très légère oxydation. L’équilibre en bouche est parfait et la texture est très belle; le vin est plus frais, plus délicat que le Magliara, torréfié (grillé, café, chocolat au lait), encore bien fruité (fruits rouges et noirs) et très juteux. Plus mature et plus complexe, il est presque aussi long et termine sur la torréfaction, le fumé et le tabac. L’autre grande vedette de la soirée.

Cette dégustation a bien montré que, quoique l’Italie ne soit pas particulièrement connue pour ses vin de syrah, elle en produit d’excellents, dans des styles se situant quelque part entre celui du Nord du Rhône et le style Nouveau Monde, mais plus proche du style européen. Nous avons eu droit à une superbe sélection illustrant bien la qualité des syrahs qui y sont produits et leur sérieux potentiel de garde. Grazie mille Mario.

Alain Brault

Dégustation du 15 mai 2019
« Les terroirs d’Alsace»

organisée par Marc St-Onge et Cédric Lemaître

 

De retour d’un voyage autour de Colmar, en Alsace, Cédric et Marc nous ont invités à « parcour[ir] la route des vins d’Alsace dans cette dégustation aux allures de visite guidée qui vous fera découvrir l’incroyable mosaïque des terroirs alsaciens ».

Après une courte présentation de cette région vinicole française, de son climat, de l’orientation et de l’exposition de ses parcelles et de l’AOC Alsace Grand Cru, ils nous ont servi douze vins issus de trois des cépages « nobles » d’Alsace, de neuf millésimes s’étalant de 2015 à 1989, de sept producteurs, de six grands crus, en plus de quelque vins d’appellation Alsace simple.

À quelques exceptions près, tous les vins ont été rapportés d’Alsace par Cédric et Marc et ils ont tous été servis en double aveugle.

La dégustation a débuté avec un vin très original : un assemblage de pinot gris et de gewurztraminer (30 %), l’Alsace Grand Cru Schoenenboug 2010 du Domaine Marc Tempé. D’un jaune doré riche et brillant, ce vin montre une belle évolution. Il est très aromatique, légèrement rancio, bien fruité (fruits exotiques, compote de pommes) et d’une belle complexité, avec le gewurztraminer bien reconnaissable, une note minérale et de la cire. En bouche, il est gras, très sec (6 g/l de sucre résiduel), très fruité, avec des amandes grillées, une légère amertume, un rancio plus prononcé qu’au nez et un bon équilibre. La finale est fruitée, très fraîche, légèrement oxydative et assez persistante. C’est le troisième vin le plus apprécié de la soirée, avec le VT de Bott-Geyl.

La première volée, intitulée « La pureté », comprenait quatre rieslings : le Riesling Grand Cru Sommerberg 2012 de Paul Blank, le Riesling Grand Cru Wineck-Schlossberg 2007 du Domaine Meyer-Fonné, le Riesling « Cuvée Frédéric Émile » 2008 du Domaine Trimbach et le Riesling « Cuvée Sainte-Catherine » 2004, Clos des Capucins du Domaine Weinbach.

Le Sommerberg 2012 est pâle et assez discret et peu précis au nez; on y détecte du fruit et des épices. En bouche cependant, le riesling est évident; le vin est bien sec, gras, minéral, très fruité (pêche), avec une note saline, une légère chaleur (13 %/vol) et l’équilibre est bon. La fin de bouche est fruitée (agrumes), un peu sucrée, avec une légère amertume et elle est très longue. Un vin très fin.

D’un millésime exceptionnel, le Wineck-Schlossberg 2007 est un peu plus foncé. Il est très ouvert, avec un premier nez herbacé qui s’estompe; il est minéral (pétrole, pierre à fusil) et bien fruité (fruits exotiques, coing), avec du miel. À peine moins gras que le précédent, il est plus droit, très sec, assez fruité en bouche, avec une très belle fraîcheur et un super équilibre. Il finit sur le fruit, la minéralité et fait bien saliver.

Le Frédéric Émile 2008, étant issu de deux grands crus, Geisberg et Osterberg, n’a pas droit à la DOC Alsace Grand Cru. Il est plus pâle, avec des reflets verdâtres. Il est assez expressif, pétrolé, herbacé, floral et fruité (agrumes), avec une curieuse note d’oignon frit. Il est beaucoup plus austère que les précédents, avec une attaque très vive, presque tranchante; il est vraiment très sec, pas très gras, avec des fruits blancs et de la minéralité. La finale est un peu verte et légèrement amère. Un 2008 qui, de toute évidence, a encore besoin de nombreuses années de cave.

Un autre grand vin d’appellation Alsace simple, le riesling Cuvée Sainte-Catherine 2004 est jaune doré, comme les deux premiers et très brillant. Le nez est d’intensité moyenne, bien fruité, à peine minéral, le pétrole étant couvert par le fruit et un léger botrytis. La texture est moyennement corsée et le cépage s’exprime mieux en bouche, avec du fruit, une très belle acidité et une légère évolution. Un vin très fin qui se prolonge assez longtemps sur le fruit (abricot), le miel et une certaine amertume.

Pour la deuxième volée, ce sera « l’exubérance », illustrée par quatre gewurztraminers : le Gewurztraminer Grand Cru Wineck-Schlossberg 2015 du Domaine Meyer-Fonné, le Gewurztraminer Grand Cru Mambourg 2012 du Domaine Paul Blank, le Gewurztraminer Grand Cru Furstentum Vieilles Vignes 2012 de Paul Blank également et le Gewurztraminer Grand Cru Schoenenbourg Vieilles Vignes 2005 de Marc Tempé.

Le Wineck-Schlossberg 2015 est jaune doré d’intensité moyenne. Il est très aromatique, bien fruité (litchi) et très floral, avec un arôme d’eau de rose prononcé qui lui donne un petit air « poupoune ». En bouche, l’attaque est fruitée, la texture très belle, grasse, le vin plutôt sec, très épicé, avec une belle acidité, une certaine chaleur (13,7 %/vol) et un équilibre irréprochable. La fin de bouche est sucrée (49 g/l), très florale et bien persistante.

La robe du Mambourg 2012 est identique, mais le vin est plus discret; il est fruité, floral, épicé (cannelle), très gewurztraminer. Il est gras en bouche, un peu plus sucré, mais quand même bien équilibré, avec une agréable note de caramel. La finale est juteuse, à peine amère, très aromatique et interminable.

L’autre gewurztraminer de Paul Blank, le Furstentum 2012, est jaune paille avec de légers reflets verdâtres. Assez discret au nez, il est bien fruité (litchi, orange), plus épicé (cannelle, poivre), avec une note de miel. Le corps est moyen, la bouche bien fruitée, avec de la glycérine, un léger sucre résiduel, une curieuse note végétale (concombre) et un équilibre irréprochable. La fin de bouche est fruitée et épicée, mais un peu courte.

Enfin, le Schoenenbourg 2005 est doré beaucoup plus foncé, plus évolué et contient des cristaux de tartre. Il est moyennement aromatique, très épicé, fruité (fruits séchés, zeste d’orange), avec une note caramel et pas mal de botrytis. La bouche est grasse, très sucrée, presque vendange tardive (72 g/l) et minérale, avec l’acidité qu’il faut pour un super équilibre. La finale de sucre brûlé est légèrement amère et interminable. Le vin de la soirée, à l’unanimité!

« La richesse » est le titre de la dernière volée, composée de trois pinots gris en vendanges tardives : le Pinot Gris Grand Cru Sonnenglanz Vendanges Tardives 2010 de Bott-Geyl, le Pinot Gris Altenbourg Vendanges Tardives 2009 de Paul Blank et le Pinot Gris Vendanges Tardives 1989 du Domaine Hugel.

Troisième meilleur vin, avec le vin d’assemblage de Marc Tempé servi en ouverture, le Sonnenglanz 2010 est d’un beau doré brillant. Le nez est assez ouvert, fruité, un peu botrytisé, épicé (poivre blanc), avec une note fumée et du miel. Il est bien sucré en bouche (70 g/l), fruité (fruits tropicaux), avec du caramel, une belle acidité et un très bon équilibre. La finale est grillée, légèrement botrytisée et très, très longue.

De même couleur et vraiment scintillant, l’Altenberg 2009 – un lieu-dit autorisé mais non classé en Grand Cru – est bien ouvert, très, très fruité (poire), avec de la cire d’abeille et une note passerillée, sans être botrytisé. Le vin est très gras, très sucré mais bien équilibré, crémeux, avec du zeste d’agrumes, des épices et une belle complexité. Ça finit sur le caramel, le sucre d’orge et la persistance est incroyable!

Finalement, d’un millésime exceptionnel en Alsace, le Pinot Gris 1989 de Hugel est plus foncé, ouvert au nez, un peu moins précis, avec des fruits tropicaux compotés, du foin, une note fumée marquée, des épices sucrées, du botrytis et du miel. La bouche est ample, huileuse, très, très sucrée, avec des fruits confits, du caramel brûlé et un très bon équilibre. La finale, tout en sucre brûlé est également interminable. Un très grand vin qui s’est classé bon deuxième, tout juste derrière le gewurztraminer 2005 de Marc Tempé.

Pour chaque vin servi, Cédric nous a présenté, diaporama à l’appui, le vin, le domaine et le vigneron l’ayant produit et, le cas échéant, le grand cru d’où il est issu. Une dégustation très instructive qui, en plus de nous faire découvrir quelques producteurs inconnus chez nos chers monopoles, nous a permis d’apprécier différents styles de vins, différents millésimes et différents degrés de maturité.

Ça donne le goût d’aller approfondir le tout sur place.

Alain Brault

Brault

Dégustation du 21 mai 2019
au bar à vin Soif
organisée et animée par Véronique Rivest

 

Comme chaque année, Véronique a accepté d’animer une dégustation pour les membres de l’Académie et quelques amis. Comme chaque année également, son mandat était de nous sortir des sentiers battus, de nous présenter des vins peu connus ou sous-estimés dans le milieu de la dégustation.

Elle nous a servi dix vins, d’importation privée pour plusieurs, généralement d’appellations peu connues et même de simples « vins de table », tous faits par des producteurs réputés pour leur sérieux et leur originalité. Certains vins provenaient de régions très connues, mais pas pour les cépages présentés.

Les vins ont été servis en double aveugle, un à la fois.

#1 – Britagne Rosé, Exton Park Vineyard.
Un mousseux anglais de méthode classique, composé de pinot noir (70 %) et de pinot meunier. Il est légèrement cuivré (oeil de perdrix) et assez pâle. Le nez est très intense et fruité (framboise), avec une note de miel. La mousse est très belle en bouche, avec une bonne texture plutôt soyeuse; le vin est vif et brut (8,8 g/l). La finale fruitée rappelle un peu le ginger ale, avec une acidité et une amertume qui lui donnent une certaine dureté. Intéressant.

#2 – Metoxi Chromista 2009 (IGP Agioritikos), Tsantali.
Ce vin blanc de Macédonie, en Grèce, vient du mont Athos et est fait d’assyrtiko et de sauvignon blanc. Il est d’un beau jaune doré aux reflets verdâtres et à la couronne transparente. Bien expressif au nez, il est floral et fruité, avec une légère minéralité. La bouche est assez grasse, bien sèche, fruitée sans plus (compote de pommes) et montre un début d’oxydation; l’équilibre est acceptable. Ça finit sur le miel, la pêche et l’amertume mais c’est malheureusement un peu court.

#3 – Le Cigare Blanc 2014 (AVA Arroyo Seco), Bonny Doon.
Fait de 66 % de grenache blanc et 34 % de roussanne, ce vin blanc vient de Monterey County en Californie. Il est beaucoup plus pâle et verdâtre que le précédent. Il est très aromatique et très floral. En bouche, assez gras, il nappe le palais et est très sec, presque tannique, avec des arômes de beurre, une bonne chaleur (14,5 %/vol) et un équilibre acceptable, mais un peu faible côté acidité. La fin de bouche est fruitée, très minérale et de bonne longueur.

#4 – Mature Vine Riesling 2016 (Central Otago), Rippon Vineyard.
Ce riesling néo-zélandais, de la région du lac Wanaka, a été fermenté sur lies. À l’œil, il ressemble assez au Bonny Doon. Le nez intense et minéral est bien typé riesling. En bouche, il n’est pas très corsé, plutôt amer et asséchant, mais quand même bien fruité (abricot, pamplemousse) et minéral; côté équilibre, il reste un peu pointu. La finale est juteuse, très, très sèche (malgré ses 8,2 g/l de sucre résiduel) et la persistance aromatique est très bonne. Encore bien jeune.

#5 – Denavolino Bianco (Vino da tavola), Denavolo.
Ce vin très original d’Émilie-Romagne est fait d’ortrugo, de malvasia di Candia et de marsanne (25 % chacun), plus une variété d’autres cépages de la région. Ayant subi une longue macération pelliculaire (jusqu’à 2 mois), il est orange et brouillé. Au nez, il est explosif et bien marqué par la levure (rappelle la bière), avec des notes florale et bonbon. En bouche, il est perlant, plutôt mince, quoique ses tannins lui donnent une certaine mâche; il est très levuré, avec du zeste d’orange et du foin séché et l’équilibre offre une très belle fraîcheur. C’est l’arôme de bière qui persiste, très longtemps.

#6 – Côt à Côte 2017 (AOC Côtes-du-Forez), Cave Verdier-Logel.
Ce vin de Loire (près de Lyon), fait de malbec, est très violet et peu foncé. Il est très aromatique et passerait facilement pour un beaujolais; il est très fruité (fruits noirs, bleuet, mûre) et bien terreux. Il est moyennement corsé, bien fruité, bien sec, épicé (poivre) et bien équilibré par son acidité. La finale est bien sèche, très fruitée et de bonne longueur.

#7 – Xinomavro Jeunes Vignes 2017 (AOP Naoussa), Domaine Thymiopoulos.
Un vin grec fait exclusivement de xinomavro, rubis très pâle, presque rosé. Assez discret au nez, il est plutôt petits fruits rouges (fraise), tomate séchée et grenade. Il est cependant beaucoup plus impressionnant en bouche, bien gras, corsé, très bien équilibré, parfaitement sec, très fruité (confiture), avec des tannins assez fins et une certaine chaleur, malgré son raisonnable de 13 %/vol. La fin de bouche est bien sèche et très fruitée.

#8 – Nero d’Avola 2016 (Mendocino County), Martha Stoumen.
Un cépage du sud de l’Italie, cultivé en bio, en Californie. Le vin n’est pas beaucoup plus foncé que le précédent, mais est plus violacé. Il est assez ouvert au nez, avec du fruit (confiture de cerises), des épices (poivre), une note médicamenteuse et de la cendre. En bouche, le corps est moyen, le fruit bien présent (rhubarbe) et on détecte une note de coconut frais. La finale, à peine astringente, est très fruitée (framboise, agrumes) et très longue. Un vin savoureux pour plusieurs, mais pas apprécié par tous; certains l’ont qualifié de « fabriqué ».

#9 – À table avec Léandre, Domaine Pignier.
Ce vin rouge du Jura, issu de onze cépages en complantation (trousseau, poulsard, pinot noir de Bourgogne, pinot noir du Jura, pinotin, gamay noir, gamay teinturier, gamay blanc, petit béclan, argan et enfariné, pour ne pas les nommer), peut être qualifié de « naturel » (zéro intrants). Un autre vin rouge très pâle, presque rosé. Il est bien aromatique, fruité, avec une note animale (viande) et de la vanille. La bouche, assez grasse, ronde et bien fruitée, est dominée par le pinot noir et est très bien équilibrée. La fin de bouche est torréfiée, fruitée, animale, légèrement amère et très, très persistante. Une trouvaille.

#10 – Viñas de Sierra El Cadastro 2015 (DO Arlanza), Olivier Rivière.
Ce vin de Castilla y Léon est fait de tempranillo à 95 % et de grenache. Il est beaucoup plus foncé, avec des reflets violacés. Le nez est explosif, énorme, très chauffé (caoutchouc), avec des fruits cuits (prune), des notes soufrée et animale (cuir); quelqu’un l’a qualifié d’entêtant. Il est très corsé, avec des tannins serrés, torréfié (chocolat noir) et assez chaud (14,5 %/vol); l’équilibre est bon, mais un peu plus d’acidité n’aurait pas nui. La finale est bien astringente, très torréfiée, confiturée et très longue.

Encore une fois, Véronique a réussi à nous surprendre et à nous faire partager son goût pour les vins qui ont le caractère de leur terroir et de leur(s) cépage(s), des vins aussi naturels que possible, rien de « bodybuildé », mais plutôt de la finesse et de la fraîcheur.

On ne sort jamais de ces dégustations sans avoir fait quelques découvertes et appris quelque chose. Merci Véronique et à l’année prochaine, j’espère.

Alain Brault

Dégustation du 29 mai 2019
«Le saké dans toute sa divrersité»
organisée par Marie-France Champagne

Toujours prête à nous faire profiter de ses connaissances très étendues en sommellerie, Marie-France a décidé, cette année, d’initier les membres de l’Académie aux subtilités du saké.

Si le saké est généralement incolore, il peut, comme le vin, varier beaucoup en arômes et en saveurs (et en prix!), selon le riz utilisé, le degré de polissage du riz, la méthode de brassage et même l’âge du saké (il y a des sakés millésimés).

Le saké n’est pas un vin (il n’est pas vinifié, mais brassé), mais le protocole habituel de la dégustation analytique du vin peut très bien y être appliqué puisque, comme pour le vin, on juge un saké par l’intensité et la complexité de ses arômes et par sa tenue et son équilibre en bouche.

Après une présentation sur la nature du saké, les techniques de fabrication, les types et styles de saké et son service, Marie-France a dirigé la dégustation, à bouteille découverte, de douze produits, tous japonais, sauf le premier et le dernier, illustrant les particularités des différents styles.

D’abord, un saké junmai (sans alcool ajouté) californien « de base », le Junmai de Gekkeikan, servi de deux façons, chaud et chambré. Clair comme de l’eau, il est assez aromatique, avec des arômes d’herbe et de céréales, un corps moyen, une faible acidité et une finale de gingembre mariné assez persistante. Servi chaud, il est plus aromatique, plus moelleux (doucereux), plus alcooleux et plus persistant.

Viennent ensuite deux nigori (à peine filtrés). Le Sparkling Nigori d’Hakkaisan
servi frais, est blanc presque opaque. Le nez est d’intensité moyenne et plutôt fruité. L’effervescence aidant, l’acidité et l’amertume couvrent le sucre (SMV = -2). La fin de bouche est plutôt chaude et levurée.

Ici, Marie-France a introduit le concept du SMV (Sake Meter Value) qui est une mesure de la densité du saké par rapport à l’eau et sert à indiquer la quantité de sucre résiduel. Le SMV varie de -3 (très sucré) à +3 (très sec).

Le Honjozo Nigori Taihei-Zan de Kodama (honjozo signifie que de l’alcool a été ajouté, mais dans de cas-ci, ça ne paraît pas) est blanchâtre brouillé, moyennement aromatique, légèrement levuré, lacté, avec du fruit et des noix (amande). Il est assez corsé, plutôt amer, mais peu acide, ce qui donne une impression de douceur malgré un SMV de +3.

On revient avec deux junmai, le Kimoto Tokubetsu de Sohomare et le Tengumai Yamahai Jikomi de Shata Shuzo. Le Sohomare est jaune très pâle, avec des bulles sur la couronne, sans être pétillant. Il est très aromatique, surtout floral, moyennement corsé, mi-sec, assez peu acide et très persistant. Le Shata Shuzo est d’un beau jaune doré scintillant. Le nez est explosif, tropical, grillé, avec de la tourbe, il fait penser à un scotch, est un peu plus acide et finit sur les arômes grillés.

Ensuite, trois junmai ginjo (sans alcool ajouté, mais un riz poli plus fin, à 60 % ou moins). D’abord, le Masumi Karakuchi Kiippon de Miyasaka, presque incolore, très légèrement verdâtre. Le nez, d’intensité moyenne, est tout en fruit. La texture est bonne, avec un beau gras, mais le vin est un peu mou. SMV = +3 (très sec).

Le Southern Beauty de Nanbu Bijin est d’un jaunâtre très léger, plus expressif que le précédent, encore plus fruité et surtout plus floral. Le corps est moyen, la bouche plus équilibrée et la persistance assez bonne. Il est très, très sec.

Enfin, le Kozaemon Dewasansan Jikagumi de Nakashima est à peine plus foncé que le Nanbu Bijin, mais encore plus intense aromatiquement, avec des noix et une bonne dose d’alcool (16,5 %/vol, contre 15,5 pour les deux autres). Il est plus costaud, assez sucré (malgré son SMV de +2), avec des saveurs de crème fouettée et de réglisse.

Suit un daiginjo (alcool ajouté et le riz poli encore plus fin, à 50 % ou moins), le Sajura d’Okonomatsu. Jaune très pâle, il est très aromatique, bien floral, avec de la cendre; en bouche, il a de la rondeur et l’acidité qu’il faut pour un bon équilibre.

Puis un junmai daiginjo (comme le précédent, mais sans alcool ajouté), l’Eau du Désir 2016 de Kamoshibito Kuheiji. Jaune très pâle comme le précédent, il est peu aromatique, peu défini, plus fin et discret au nez, mais plus vif, plus équilibré et plus long en bouche. SMV = 0.

Un genshu (non dilué, 18,9 %/vol), le Genshu Jizake de Tenzan, très pâle, est intense aromatiquement, peu fruité, herbacé et minéral, avec des notes de noix. La texture en bouche est bonne, c’est vif (SMV = +2) et ça finit sur les amandes.

Et, pour conclure en beauté, un genshu ontarien, l’Arabashiri Genshu d’Izumi, fait à Toronto, un saké non pasteurisé. Il est très fruité (melon, cantaloup), bien vif, mais tout en rondeur et en délicatesse et la persistance aromatique est très, très longue. Impressionnant.

Une dégustation un peu déroutante, mais très intéressante et instructive. Nous avons même eu droit à un exercice d’association saké/saveurs. Ainsi, selon les sakés servis et les goûts des participants, le junmai s’en tire assez bien avec le salé, l’amer et les épices, mais beaucoup moins bien avec le sucré et l’umami; le daiginjo (Sajura), très bien avec l’amer, moyennement avec le sucré et pas vraiment avec les autres saveurs. Enfin, le junmai daiginjo (Eau du Désir) a été jugé très bon avec le sucré, mais on a préféré continuer à le déguster tout seul… un délice!

L’an prochain, Marie-France pense nous emmener dans le monde des vins issus de la culture certifiée biologique ou biodynamique, catégories très à la mode, mais pas nécessairement bien comprises de tous. À ne pas manquer.

Alain Brault

Dégustation du 5 juin 2019
« Découverte des régions d’Italie: viticulture, histoire et gastronomie »
organisée par Claude Deschênes

 

La dégustation en double aveugle n’a pas pour but premier de créer un jeu de devinette consistant à identifier les vins, mais plutôt de permettre de les analyser sans les préjugés qui nous influencent, qu’on le veuille ou non, à étiquette découverte. La tentative d’identification doit se faire après l’analyse seulement. Cela dit, beaucoup de dégustateurs aiment bien ce jeu de devinette basé sur la première impression (ou presque) et résistent difficilement à la tentation.

Claude a voulu jouer le jeu, en fournissant quelques indices pouvant aider à l’identification de la région vinicole dont chaque vin était issu. Il nous a servi, en trois volées, douze vins rouges de douze des vingt régions vinicoles d’Italie, avec, pour chaque vin, des indices sur la viticulture (cépages, histoire, etc.), sur la culture régionale (personnages célèbres, châteaux, légendes, catastrophes naturelles, etc.) et sur la gastronomie.

Pour ceux qui ont d’abord dégusté et analysé les vins, c’était de l’information supplémentaire pour confirmer ou corriger leurs conclusions. Pour ceux qui ont sauté directement à l’étape d’identification, au moins, cela diminuait le risque de partir sur de mauvaises prémices… en supposant, évidemment, que l’identification de la région, selon les indices, était correcte, ce qui n’était pas toujours évident.

Première volée :

2 500 ans d’histoire viticole, Pythagore, quelques mafiosi célèbres et une charcuterie de cochon noir nous amènent en Calabre, avec le Magno Megonio 2013 (IGT Val di Neto Rosso) de Librandi, fait à 100 % de magliocco dolce, un cépage presque exclusif à la région. Le vin est rubis moyennement foncé, assez ouvert, fumé, fruité (fruits rouges cuits), avec des notes végétale, florale, animale (cuir) et torréfiée (bois brûlé, 12 mois de barrique). Très corsé, il est bien sec et frais, plutôt tannique et très fruité (confiture de cerises, sucré). La finale de fruits cuits est astringente, légèrement amère et assez persistante.

Pour le Frioul-Vénétie julienne, les indices parlent de différentes influences d’Allemagne ou d’Europe de l’Est, de la forteresse de Palmanova et du Prosciutto di San Daniele. Le vin : Vistorta 2011 (DOC Friuli Grave) de Conte Brandolini, un 100 % merlot. De teinte identique au Librandi, il est un peu plus aromatique, fruité, épicé (poivre), avec un début d’évolution, des herbes sèches, du bran de scie et un beau bois discret. Moyennement corsé, il est plus léger que le précédent, plus fruité, avec une très bonne acidité et une astringence assez marquée (râpeux pour certains). La fin de bouche est bien sèche, fruitée et assez persistante.

La troisième région, où la viticulture ne se développe vraiment qu’au XXe siècle, où l’on parle d’une apparition de Marie-Madelaine et d’où les farfalle seraient originaires, est la Lombardie et le vin est un Inferno Fiamme Antiche 2012 (DOCG Valtellina Superiore) d’Ar.Pe.Pe., fait exclusivement de chiavennasca, nom local du nebbiolo. La robe est typique du nebbiolo, assez claire et légèrement tuilée. Le nez est moyen, épicé et fumé. La bouche est étonnamment peu corsée, bien fruitée et plutôt acide, ce qui donne un équilibre approximatif, un peu pointu. La finale est juteuse, fruitée et de bonne longueur.

Pour les Pouilles, on parle de 4 000 ans de viticulture, du Castel del Monte et de taralli. Le vin : Il Falcone 2012 (DOCG Castel del Monte Rosso Riserva) de Rivera, 70 % nero di Troia, complété d’autres cépages autochtones. La couleur est identique aux deux premiers. Il est bien ouvert aromatiquement, fruité et épicé, avec une note animale. Le vin est assez costaud en bouche, fruité, terreux, avec une association acidité-astringence qui le rend plutôt austère. Un vin d’un très bon rapport qualité/prix qui mérite habituellement qu’on l’attende une bonne dizaine d’années.

Deuxième volée de quatre vins, trois 2010, millésime exceptionnel presque partout en Italie et un 2009, millésime presque aussi bien coté :

La cinquième région est connue pour ses cépages autochtones, a été le site d’un « drame gigantesque » en l’an 79 et est le pays de la mozzarella du buffala; c’est la Campanie, avec le Sabbie di Sopra il Bosco 2010 (IGT Terre del Volturno) de Nanni Copè, à base de pallagrello nero, complété d’aglianico et de casavecchia, trois cépages autochtones du sud de l’Italie. Il est rouge violacé opaque, assez aromatique, fruité et viandé, avec une note d’encre; rond, gras en bouche et très fruité (presque sucré), avec des tannins enrobés, mais quand même astringents. La finale est très fruitée, avec une belle astringence de jeunesse. Tiendra encore plusieurs années. Deuxième vin le plus apprécié de la soirée, ex aequo avec le Brunello.

Ensuite, on parle de l’origine du cépage montepulciano, de la création de l’alpinisme au Gran Sasso, de Canestrato di Castel del Monte et d’antipasti; on est dans les Abruzzes et le vin est le Podere Castorani 2010 (DOC Montepulciano d’Abruzzo) de Castorani, fait exclusivement de montepulciano. Le vin est foncé, opaque, presque noir. Le nez est explosif, complexe, très torréfié (chocolat, café), très fruits noirs, épicé (muscade, anis étoilé) et un peu iodé. En bouche, il est rond, très fruité, avec des tannins assez fins, soyeux, une très belle acidité, de la réglisse et un excellent équilibre. La fin de bouche est légèrement astringente, confiturée et très, très persistante. Le vin de la soirée!

Septième région : le cœur de l’empire romain, avec ses nécropoles étrusques de Cerveteri et de Tarquinia et ses huiles d’olive réputées de Canino, Sabina et Tuscia, le Latium, avec le Nenfro 2010 (IGT Lazio) de Sergio Mottura, un autre 100 % montepulciano, rouge assez foncé. Il est bien ouvert, fruité (framboise), boisé (12 mois de barrique) et légèrement végétal. Moyennement corsée et à l’équilibre impeccable, la bouche est bien fruitée et légèrement terreuse, avec des tannins accessibles et une certaine chaleur (13,5 %/vol). La finale de fruits cuits est un peu rugueuse, asséchante et de bonne longueur.

Pour la région suivante, on parle dès le IVe siècle d’un vin passerillé, l’acinatico, de la république Sérénissime et du Riso Nano Vialone; c’est la Vénétie et le vin est l’Osar 2009 (IGT Rosso del Veronese) de Masi Agricola, fait à 100 % d’un cépage autochtone presque disparu, l’oseleta. Le vin est rubis foncé, assez intense aromatiquement, très fruité (fruits noirs), épicé et torréfié (grillé), avec des noix. En bouche, il est bien texturé, plein, fruité, bien sec, avec une belle astringence due à des tannins souples, le tout parfaitement équilibré. Ça s’étire sur le tabac et la torréfaction. Un vin encore très jeune, encore loin de son apogée.

Troisième volée :

Ici, on parle de la ville de Vittoria et de son cerasuolo, de l’émirat des Kalbites, de Scarlatti et d’arancini; nous sommes en Sicile, avec un vin bio, le NeroBaronj 2011 (IGT Sicilia) de Gulfi di Vito Catania, 100 % nero d’Avola. Il est rubis assez foncé, intensément aromatique, fruité et très chocolaté. En bouche, il est rond, souple, parfaitement équilibré, avec des tannins fins, une très belle acidité, une bonne dose de fruits et de la chaleur (14 %/vol). La finale est très sèche, fruitée, chocolatée et très, très longue.

On remonte dans les Marches, avec sa viticulture vieille de plus de 2 500 ans, berceau du cépage biancame, anciens territoires pontificaux et pays de l’oliva ascolana del Piceno. Le vin, un Roggio del Filare 2013 (DOC Rosso Piceno) de Velenosi (montepulciano 70% et sangiovese 30%) est malheureusement bouchonné.

Pour la Toscane, les indices parlent du ciliegiolo, ancêtre du « sang de Jupiter », de Gallilée et de bistecca alla fiorentina. Le vin, d’un millésime exceptionnel à Montalcino, est le Tenuta Nuova 2012 (DOCG Brunello di Montalcino) de Casanova di Neri (100 % sangiovese), rouge assez pâle, presque clairet. Le nez est bien ouvert, torréfié, fruité (fruits noirs), avec des fines herbes et une note de cèdre. Le vin est moyennement corsé, torréfié (chocolat au lait, café), avec des tannins solides et un superbe équilibre. La fin de bouche est fraîche, fruitée, torréfiée, agréablement astringente et d’une bonne longueur. Deuxième vin le plus apprécié, avec le Terre del Volturno de la volée précédente.

Et enfin, la douzième région visitée, connue pour ses coopératives vinicoles, pour son ancienne principauté épiscopale où s’est tenu un célèbre concile, pour sa Mortandela affumicata della Val di Non et son fromage Stelvio ou Stilfser, est le Trentin-Haut-Adige et le vin, d’un millésime également exceptionnel dans la région, est le Lagrein 2009 (DOC Alto Adige) d’Elena Walsh (100 % lagrein, cépage autochtone du Südtirol). Il est assez foncé, bien aromatique, fruité et grillé. Il est moyennement corsé en bouche, bien fruité, avec des tannins plutôt soyeux, un début de maturité (tertiaire) et un superbe équilibre. La finale est fruitée, torréfiée et juteuse. Un vin à son apogée.

Un très beau tour d’Italie, amusant et instructif, qui n’a couvert que douze des vingt régions viticoles italiennes, mais servir vingt vins d’un seul coup aurait été excessif. En ce qui concerne les vins rouges des régions restantes, Val d’Aoste, Piémont, Émilie-Romagne, Ligurie, Ombrie, Sardaigne, Molise et Basilicate, ce sera peut-être pour une autre fois; quoique Claude semble plutôt intéressé à répéter l’exercice avec les vins blancs. À suivre.

Alain Brault