
Dégustation du 1er mai 2019
« 100 % syrah en Italie »
organisée par Mario Couture
Lors de cette dégustation, Mario a d’abord
présenté une courte introduction, rappelant que la syrah
fait partie des six cépages les plus cultivés et
commercialisés dans le monde, avec le merlot, le
cabernet-sauvignon, le pinot noir, le sauvignon et le chardonnay et que
la surface cultivée de syrah dans le monde ne cesse
d’augmenter, l’échantillon italien étant
désormais suffisamment important pour que l’on s’y
attarde.
Présentement, la syrah est autorisée dans une soixantaine
d’appellations italiennes (DOC ou IGT), situées dans 14
des 20 régions viticoles d’Italie, mais surtout en Sicile
(78 %) et en Toscane (11 %).
Dans le vieux monde, nous avons une très bonne idée de ce
que la syrah peut produire en France, mais comment s’en sort-elle
en Italie et où performe-t-elle le mieux ?
Les dix vins, répartis en quatre volées, ont
été servis en double aveugle.
En 1re volée, deux vins siciliens, un Mahâris 2013 (DOC Sicilia) de Feudo
Maccari, situé à la pointe sud-est de la Sicile,
à Noto, connu surtout pour ses vins de moscato et de nero
d’Avola, accompagné d’un Maroccoli 2011 (DOC Menfi), de
Planeta, provenant de l’autre bout (pointe ouest) de la Sicile.
Le Mahâris est grenat
assez foncé et sans trace d’évolution.
Aromatiquement, il est bien ouvert, jeune, fruité (fruits
noirs), épicé, avec des notes animale et de barrique
brûlée. En bouche, il est rond, costaud, très
fruité, épicé (poivre), un peu vert (amertume),
chaud (14,5 %/vol) et un peu pointu côté équilibre.
La finale est très sèche, plutôt acide et
astringente, avec une bonne persistance aromatique.
Le Maroccoli est un peu plus
pâle, avec un début d’évolution. Le nez est
intense mais très fin, très épicé (girofle,
poivre, anis), avec la même note animale, de la barrique et du
goudron. Le vin est rond, plus fin, bien fruité (cerise), mais
moins que le Mahâris, assez tannique, mais plus
élégant, avec un super équilibre (il titre
également 14,5 %/vol, mais ça ne paraît pas). La
fin de bouche est fruitée, astringente, fumée et
très, très longue.
Pour la 2e volée, trois vins toscans, un Maremma et deux IGT
génériques : le Perenzo
2010 (DOC Maremma Toscana) de Fattoria di Magliano, le Marchesale 2001 (IGT Toscana) de Terre all
Marchesato et le Syrah «
Collezione de Marchi » (IGT Toscana) d’Isole e Olena.
Le Perenzo est rouge
violacé opaque, avec quand même une légère
évolution dans la couronne. Il est assez aromatique, bien
fumé (goudron), très chocolat au lait, avec des fruits
noirs (mûres), de la réglisse, du tabac et une
légère note de carton (oxydation). Le corps est moyen,
l’acidité très bonne et l’équilibre
impeccable; il est bien fruité, juteux, frais et assez fin. Il
finit sur la torréfaction (café), la fraîcheur et
il est très long. Un vin savoureux, mais qui n’a pas
été apprécié par tous.
Beaucoup moins violacé, le Marchesale
est très aromatique, très fruité (mûres),
épicé, torréfié (chocolat au lait), avec
des notes médicamenteuses, d’anis, de menthol, de vanille
et de champignons. Il est très rond, plus enrobant et plus
alcooleux que le Magliano, avec un beau fruit qui ne dure pas, de
l’astringence et un bon équilibre. La finale est
plutôt chaude, poivrée et bien persistante. Plusieurs ont
qualifié ce vin d’ « anonyme ».
D’un producteur de Chianti bien connu, le Collezione de Marchi est rubis
foncé. Le nez est très ouvert, fruité,
torréfié, un peu médicamenteux, avec des fines
herbes séchées, du bran de scie, dans un style
plutôt Nouveau Monde. En bouche, il est gras, très
extrait, pour ne pas dire énorme, très boisé (trop
pour plusieurs), et un peu lourd, avec une belle astringence et des
fruits noirs (mûre, prune). La finale est boisée,
alcooleuse, fruitée (fruits cuits), avec quand même une
certaine fraîcheur, et est très persistante.
3e volée, une mini verticale : Bramasole
2004, 2006 et 2008 (DOC Cortona) de Tenuta La Braccesca (Marchese
Antinori). La Braccesca se trouve à la limite sud de la
Toscane, à l’est de Montepulciano.
Le 2004 est encore opaque,
avec une couronne qui tire sur le brique. Il est plutôt discret
au nez, bien fumé, avec des fruits noirs compotés, de la
vanille, et il évolue constamment dans le verre, ce qui lui
confère une belle complexité. La bouche est ronde,
pleine, torréfiée (chocolat noir), poivrée, avec
des tannins enrobés, des fruits cuits, un bois vanillé
discret, le tout très bien équilibré. La finale
est chaude (14 %/vol) et torréfiée; l’arôme
de chocolat persiste très longtemps. Le troisième vin le
plus apprécié de la soirée.
La robe du 2006 est aussi
opaque, mais un peu moins évoluée. Le nez est ouvert,
fruité (fruits rouges et noirs, framboise, mûre),
légèrement fumé, animal, plus complexe que le
précédent. En bouche, il est plus frais, plus vif,
beaucoup plus fruité, avec des tannins plus faciles, plus
agréables, une certaine chaleur (14,5 %/vol comme le 2004) et un
très, très bel équilibre. La finale bien
fruitée, encore astringente et très persistante indique
un vin qui mérite encore plusieurs années de cave. Une
des deux vedettes de la soirée.
Beaucoup moins apprécié que les deux autres, le 2008 est de même teinte, mais
plus pâle. Il n’est pas très expressif au nez, peu
précis, légèrement fruité et assez simple.
Il est moins corsé, trop boisé, peu fruité en
bouche, avec de la minéralité et un équilibre
acceptable, mais une touche supplémentaire
d’acidité aurait plu. Finissant sur le bois et la
torréfaction, c’est un vin qui ne
s’améliorera probablement plus.
Et pour terminer, une volée de luxe : Magliara 2007 (Doc Cortona) de Tenimenti
d’Alessandro et Per
Sempre 2008 (IGT Toscana) de Tua Rita.
Le Magliara est grenat opaque,
à peine évolué malgré ses onze ans bien
sonnés. L’intensité du nez est moyenne, avec des
arômes plutôt tertiaires, crémeux, du sapinage
(surprenant), de la minéralité, du carton, un peu de
fruit (melon) et de l’iode. Le vin est très corsé,
très fruité et sans défauts en bouche, avec des
tannins bien enrobés et l’acidité qu’il faut;
il est très sec et assez chaud (14,5 %/vol). La finale est
astringente, juteuse, fruitée (prunes cuites),
épicée et interminable. Un régal et un grand vin
de garde qui mérite encore au moins cinq ans de cave.
Le Tua Ruta est un des vins de
syrah les plus recherchés (et chers) d’Italie.
Après dix ans, cet échantillon est grenat opaque,
légèrement brouillé et assez évolué.
Le nez est plus ouvert, plus fruité que le Magliara, très
complexe, tertiaire, avec des herbes séchées, de la
réglisse noire, du goudron, du sous-bois (champignons, feuilles
mortes), du tabac blond et une très légère
oxydation. L’équilibre en bouche est parfait et la texture
est très belle; le vin est plus frais, plus délicat que
le Magliara, torréfié (grillé, café,
chocolat au lait), encore bien fruité (fruits rouges et noirs)
et très juteux. Plus mature et plus complexe, il est presque
aussi long et termine sur la torréfaction, le fumé et le
tabac. L’autre grande vedette de la soirée.
Cette dégustation a bien montré que, quoique
l’Italie ne soit pas particulièrement connue pour ses vin
de syrah, elle en produit d’excellents, dans des styles se
situant quelque part entre celui du Nord du Rhône et le style
Nouveau Monde, mais plus proche du style européen. Nous avons eu
droit à une superbe sélection illustrant bien la
qualité des syrahs qui y sont produits et leur sérieux
potentiel de garde. Grazie mille Mario.
Alain
Brault
Académie
du vin de
l'Outaouais