
Dégustation du 13 novembre 2019
« Le riesling et ses meilleurs terroirs »
organisée par Alexandre Craig, Nicolas Raymond et Philippe Muller
Cette dégustation de onze vins faits exclusivement de riesling
est surtout centrée sur les vins allemands, mais les
organisateurs ont également voulu montrer le potentiel de ce
cépage ailleurs dans le monde. Ils ont divisé leur
dégustation en trois volées, une première
présentant quatre vins venant de quatre pays autres que
l’Allemagne, une deuxième sur les vins du Rheingau et une
troisième sur ceux de la Mosel. Tous les vins ont
été servis en double aveugle.
Première volée : l’Alsace, l’Autriche,
l’Australie et le Canada
Le Riesling Kaefferkopf
« Vieilles Vignes » 2015 (AOC Alsace Grand Cru)
de J.-B. Adam est jaune verdâtre assez pâle et
très brillant. Le nez est très ouvert, très
pétrolé, fruité (pêche, pomme verte) et
floral, avec une note de miel. L’attaque est chaude, le vin assez
gras en bouche, bien vif, très fruité, plutôt sec
(très légèrement sucré) et
l’équilibre est là. La finale est très,
très fruitée, juteuse et chaleureuse.
Riesling Kapuzinerberg 2013 (DAC
Kremstal) de Weingut Fritsch. Jaune très pâle,
celui-ci est encore plus ouvert, aussi pétrolé,
fruité (zeste d’agrume), avec une note florale.
L’attaque est grasse (presque huileuse), le vin est bien sec,
avec une belle acidité, bien fruité (pommes mûres),
assez chaud et bien équilibré; la bouche suit le nez. La
fin de bouche est très fruitée (agrumes), avec un
léger caramel et elle est assez persistante.
En Autriche, comme en Allemagne,
c’est une association de producteurs, la Österreichische
Traditionsweingüter (ÖTW), qui s’occupe de classer les
vignobles. On en compte une cinquantaine classés erste lage
(premier cru), identifiés par ce sceau auquel seuls les membres
de l’ÖTW ont droit : 1ÖTW
Gilbert + Gilbert Single Vineyard
Riesling 2015 (GI Eden Valley) de Gilbert Family Wines. Ce
troisième vin est jaune encore plus pâle, presque
incolore. L’intensité aromatique est moyenne, la
minéralité plus discrète; il est fruité
(pomme Granny Smith) et légèrement vanillé. En
bouche, il est moyennement corsé, moins vif
(l’acidité, correcte sans plus, ne fait pas saliver),
moins fruité, moins minéral, peu complexe. Ça
finit sur le sucre et une pointe d’amertume. Encore bien jeune,
mais pas pour la longue garde.
Riesling CSV 2003 (VQA Niagara
Peninsula) de Cave Spring. Il est plus foncé, plus
doré et limpide. Le nez est bien ouvert, fruité (mangue,
ananas, abricot), avec une légère note rancio. La bouche
est grasse, sucrée, épicée, fruitée (pomme
mûre), pas trop chaude (11,5 %/vol), mais un peu lourde,
avec une surprenante nuance qui rappelle la croûte de Brie. En
finale, ce sont les fruits exotiques et une note aigre-douce. Le vin le
plus apprécié de la volée.
Avant de s’attaquer aux deux volées de rieslings
allemands, Alex a offert une présentation concise, assez
complète et éclairante, sur la nomenclature des vins
allemands. Un sujet en particulier a généré
beaucoup de questions et de discussions : celui du classement des
crus; plus précisément, la signification des indications
erste lage, grosse lage, erstes gewächs et grosses gewächs.
En Allemagne, l’association de
producteurs Verband Deutscher
Prädikatsweingüter (VDP) a entrepris un classement des
vignobles de ses membres. Ce classement sur quatre niveaux ressemble
à celui de la Bourgogne et les quatre mentions en question
correspondant aux niveaux bourguignons premier cru et grand cru.
Au sommet de la pyramide du VDP, on
retrouve Grosse Lage (grand site), suivi de Erste Lage (premier site).
Les vins provenant de ces lieux-dits peuvent afficher le logo VDP et la
mention optionnelle VDP. GROSSE LAGE® ou VDP. ERSTE LAGE®,
selon le classement de la parcelle. De plus, les vins secs issus
d’un vignoble classé grosse lage sont appelés
Grosses Gewächs (grands crus), mais, pour des raisons
légales, seule l’indication GG apparaît sur la
bouteille.
La mention Erstes Gewächs est un
cas spécial. Elle a été réservée
légalement (contrairement au classement VDP) par
l’association de producteurs du Rheingau (Charta), pour ses
meilleurs crus. Ainsi, ceux qui ne sont pas membres de Charta n’y
ont pas droit; ils doivent s’en tenir, pour leurs vins secs,
à la mention VDP. ERSTE LAGE® accompagnée de la
mention Troken. Du côté du Rheingau cependant, plusieurs
vins classés Erstes Gewächs de producteurs qui font
également partie du VDP sont devenus des VDP. GROSSE
LAGE®/GG.
Donc, si vous désirez un vin
allemand sec de niveau 1er cru bourguignon, recherchez le logo VDP
accompagné de la mention VDP. ERSTE LAGE® ou, dans certains
cas en Rheingau, la mention et le logo Erstes Gewächs. Pour un
grand cru sec, recherchez le logo VDP accompagné de la mention
VDP. GROSSE LAGE® (optionnelle) et la mention GG ou, dans bien des
cas en Rheingau, les mêmes mentions et le logo Erstes
Gewächs.
Espérons qu’ils
s’entendent un jour pour intégrer les deux classements. En
attendant, il semble que la mention Erstes Gewächs soit en train
d’être remplacée par Rheingau Grosses
Gewächs/RGG. Pas sûr que ce soit un progrès.
Alain Brault
Alexandre
Craig AIWS, FWS
Deuxième volée : quatre vins du Rheingau, une
région qui produit surtout des vins secs. Les rieslings y sont
généralement assez corsés et marqués par
une forte minéralité.
Riesling Berg Schlossberg
Rüdesheim GG 2015 de Weingut Leitz. Il est jaune paille
bien jeune, mais sans reflets verts. Le nez est ouvert, bien
fruité (zeste), floral (camomille), minéral mais peu
pétrolé, avec une touche de tourbe rappelant le scotch.
L’attaque est vive, le vin bien sec, avec de la rondeur tout en
restant très délicat; l’acidité est bonne,
la minéralité importante et l’équilibre
impeccable. La finale est juteuse, bien fruitée, avec une note
de miel et elle est très, très longue. Un vin encore bien
jeune. Deuxième vin le plus apprécié de la
soirée.
Riesling Kabinett Hallgartener Jungfer
1995 de Balthasar Ress. Celui-ci, or orangé très
brillant, est beaucoup plus évolué. Il est
assez aromatique, avec des fruits jaunes (coing, abricot), du miel, et
une note rancio, oxydée que certains ont prise pour du bouchon.
En bouche, il est assez ample, tout en restant délicat, il est
fruité (pomme blette), tout juste assez frais (on aurait
aimé un peu plus d’acidité), avec une note de cire
d’abeille. Il est difficile de croire que ce vin soit
bouchonné, car un des participants l’a identifié
(producteur et millésime!)
Riesling Kabinett Hattenheimer
Wisselbrunnen 1987 de Weingut Schloß Reinhartshausen.
Même robe que le précèdent. Le nez est ouvert, avec
de la cire d’abeille, de la fumée, du caramel et de
l’oxydation. La bouche est rêche, très
oxydée, peu agréable. Un vin périmé, le
moins apprécié de la soirée.
Riesling Spätlese 2005 de Schloss
Vollrads. Il est jaune doré assez riche et intense
aromatiquement, assez complexe, bien pétrolé, avec des
fruits tropicaux, une belle minéralité et une
légère oxydation. Parfaitement équilibré en
bouche, il est bien gras et bien fruité (pêche), avec une
texture onctueuse. La fin de bouche est agréablement
sucrée, fruitée, avec une note de caramel et elle est
très persistante. Le vin de la soirée, à
l’unanimité!
Troisième volée : trois vins de Mosel
(appelée Mosel-Saar-Rüwer jusqu’en 2007), où
l’on produit des rieslings plus fruités, plus
délicats et, là aussi, de plus en plus secs.
Riesling Kabinett Saarburger Rausch
2002 (M-S-R) de Weingut Forstmeister Geltz-Zilliken. Ce vin est
jaune pâle, encore très jeune. Le nez est assez discret,
fruité (poire, agrumes), avec de la cire et une note
pétrolée. En bouche, c’est une très belle
texture, tout en rondeur et en finesse, avec l’acidité
qu’il faut pour un très bon équilibre; les
35 g/l de sucre ne paraissent pas et l’alcool est
limité à 8 %/vol. La finale est juteuse,
fruitée (agrumes), d’une belle
légèreté et très, très longue.
Troisième vin le plus apprécié de la
soirée, avec le suivant.
Riesling Auslese Zeltinger Sonnenuhr
2009 de Selbach-Oster. D’un jaune doré assez riche
et très limpide, ce vin est assez discret au nez, avec une
légère minéralité, un peu de caramel au
beurre et un début de rancio. L’attaque en bouche est
onctueuse, sucrée, le vin est bien fruité (fruits
confits) et l’acidité est bonne; la bouche suit le nez.
Ça finit sur le caramel et c’est très persistant.
Troisième vin de la soirée, ex aequo avec kabinett
précédent.
Riesling Auslese Brauneberger Juffer
Sonnenuhr (Mosel) 2005 de Weingut Wwe. Dr. H. Thanisch. Il est
jaune doré un peu plus pâle. Le nez est intense, bien
pétrolé, fruité, avec une note de sucre
grillé. L’attaque est fraîche et l’on
détecte une belle maturité, avec du caramel, du beurre,
un léger botrytis et de la tire d’éponge; certains
l’ont trouvé un peu trop sucré, d’autres
parfaitement équilibré. La finale est très
fruitée (pomme mûre, fruits exotiques),
légèrement amère et très, très
longue.
Une superbe dégustation, couvrant quatre décennies, avec
13 ans d’âge moyen d’âge, ce qui a permis de
bien apprécier l’évolution de ces vins avec les
années. Il ne fait aucun doute que le riesling est un
très grand cépage et cet exercice a montré les
différents visages qu’il peut prendre, selon son terroir
d’origine et son âge.
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Alain Brault