
Dégustation du 11 septembre 2019
« Le pinot gris »
organisée par Laurent Gémar
L’année 2019-2020 de l’Académie
démarre sur les chapeaux de roues, avec une dégustation
de douze pinots gris, agrémentée tout au long de la
soirée d’une excellente présentation sur ce
cépage sous-estimé. L’objectif de Laurent
était de faire découvrir aux participants les
différents visages que peut prendre le pinot gris, selon le
terroir d’origine et les méthodes de production et
d’élevage ainsi que de montrer son potentiel de garde,
pour les vins d’Alsace en particulier.
La soirée s’est déroulée en trois
volées thématiques de quatre vins, tous servis en double
aveugle.
La première volée, intitulée « Terroirs
d’origine », a pour sous-titre « Petite histoire du
pinot gris en quatre vins ». Elle débute avec un vin de
Bourgogne, berceau supposé de ce cépage appelé
localement pinot-beurot et autorisé dans un grand nombre
d’AOC (même dans certains grands crus). Suivent trois vins
de régions où le pinot gris est cultivé depuis
très longtemps, le Pays de Bade allemand, le Haut-Adige italien
et le Burgenland autrichien.
Marsannay Pinot Beurot 2014, Domaine Fougeray de Beauclair
Vin jaune pâle au nez bien ouvert, de fruit (pomme verte)
épicé; il est très sec, minéral,
très vif, un peu raide même, donc à
l’équilibre approximatif. La finale est fruitée et
assez longue, mais surette et amère; un vin austère
(défectueux pour certains).
Grauburgunder Achkarrer Schlossberg GG 2016 (Baden), Weingut Dr. Heger
Le GG (Großes Gewächs) signifie qu’il s’agit
d’un vin sec venant d’un vignoble classé Grand Cru
(Große Lage) par l’association VDP. D’un jaune
doré un peu plus foncé, il est moyennement aromatique,
avec des notes fruitée, florale, minérale,
épicée, et un peu de bois. En bouche, il est gras, rond,
fruité (pêche, mangue), mais un peu lourd (léger
manque d’acidité). La fin de bouche, très longue,
est minérale et beurrée. Vinifié à la
bourguignonne, il ressemble à un chardonnay.
Pinot Grigio « Unterebner » 2015 (DOC Alto
Adige/Südtirol), Cantina Tramin
Un peu plus foncé que le Heger, il n’est pas plus intense
aromatiquement, mais beaucoup plus floral et épicé; il
fait presque gewurztraminer. C’est une bombe de fruit (litchi,
pêche, poire) avec de la minéralité, toute la
fraîcheur qu’il faut et il finit juteux et fruité.
Délicieux.
Pinot Gris Graupert 2017 (DAC Neusiedlersee), Meinkland
Sa robe orange et brouillée indique déjà
qu’on a affaire à un vin « nature ». Il est
très aromatique, très fruité (tangerine,
pamplemousse rose) et légèrement oxydé. La bouche
est mince, un peu âcre, avec un léger perlant, beaucoup de
fruit, une note de levure et une acidité volatile assez
marquée. La finale est très vive et fruitée, mais
légèrement vinaigrée. Certains apprécient
ce style.
Deuxième volée : « Ancien vs Nouveau ». Ici,
l’idée est de comparer le style de vin «
traditionnel » pratiqué en Europe,
représentée par deux vins d’Alsace, avec celui des
vins du Nouveau Monde, représenté par l’Oregon et
la Nouvelle-Zélande. Les participants ont correctement
identifié l’origine des vins dans 57 % des cas.
Pinot Gris 2016 (AVA Willamette Valley), Willamette Valley Vineyards
Or pâle très légèrement rosé,
c’est un vin aux arômes subtils de fruit (agrumes) et de
vanille. Il est corsé, gras, presque sirupeux, fruité
(pamplemousse, pêche, poire), légèrement
sucré, mais assez bien équilibré. La finale est
fruitée, vive, très minérale, un peu amère,
granuleuse et de bonne longueur.
Pinot Gris Fronholz 2015 (AOC Alsace), Domaine Ostertag
De couleur un peu plus intense, c’est un vin moyennement
aromatique, fruité (poire confite) et épicé
(poivre). En bouche, il est fin, soyeux, très fruité et
très bien équilibré, sans être très
complexe. La fin de bouche est fraîche, fruitée et
persistante.
Pinot Gris « Cuvée Ste-Catherine » 2016 (AOC
Alsace), Domaine Weinbach
Un vin jaune pâle, au nez d’intensité moyenne mais
assez complexe, fruité (pêche), floral, avec une note
végétale (courgette crue), du miel et de la cire. Il est
très gras, assez sucré, fruité et
équilibré en bouche et très long.
Pinot Gris 2016 (GI Martinborough), Dry River
Aussi pâle que le Weinbach, mais plus ouvert, assez complexe
également, bien fruité (poire), épicé, avec
une intéressante note d’échalote crue et du miel.
La bouche est grasse, sucrée, mais avec l’acidité
nécessaire pour un très bel équilibre, des
épices (poivre blanc, piment de la Jamaïque, cardamome) et
de l’amande grillée. La fin de bouche est crémeuse,
fumée, mais un peu courte. Un des vins les plus
appréciés de la soirée, ex aequo avec le
Saint-Imer et le Saint-Théobald de la dernière
volée.
Troisième volée, la plus appréciée des
trois : « Terroirs historiques d’Alsace ». Laurent en
a profité pour présenter un survol de l’histoire de
pinot gris en Alsace et, tout particulièrement, de son nom,
passant avec les époques et les traités de pinot gris
à tokay, puis à tokay d’Alsace, pour revenir
à pinot gris, après une période de transition en
tokay pinot gris.
Quatre vins issus de deux Grands Crus d’Alsace, Rangen et
Goldert. D’abord, deux millésimes du Pinot Gris «
Clos Saint Urbain » Rangen de Thann (AOC Alsace Grand Cru Rangen)
du Domaine Zind-Humbrecht, un 2001 et un 2008.
Le 2001 est d’un bel or ambré. Le nez est bien ouvert,
légèrement botrytisé, épicé,
fumé, avec une note rancio et un début d’oxydation.
La bouche est grasse et sucrée, avec l’acidité pour
un équilibre impeccable; on retrouve les arômes du nez, en
plus d’une note d’amande grillée. La finale est
très fumée et très persistante.
Le 2008 est jaune doré brillant, beaucoup moins évolue
que le 2001; en fait, de beaucoup le moins avancé de la
volée. Le nez est explosif, fruité et très
épicé (pain d’épice). En bouche, il est
gras, sucré, plus vif, avec un fruit éclatant et une
belle fraîcheur; un autre vin à l’équilibre
parfait. La fin de bouche est juteuse, fruitée et très
longue. Un vin encore bien jeune. Le vin le plus apprécié
de la soirée.
Dégusté à l’Académie en mai 2018, ce
2008 avait été décrit comme "or pâle",
très "expressif", avec comme arômes, "la cire
d’abeille, le litchi, la pêche, l’abricot, un peu de
poivre et, également, le miel et l’acacia", bien
"équilibré, malgré ses 46 g/l de sucre" et avec
une finale d’agrumes confits fraîche et
épicée. Il semble avoir peu évolué depuis.
Pinot Gris « Clos Saint-Imer » La Chapelle 2010 (AOC Alsace
Grand Cru Goldert), Domaine Ernest Burn
Ce vin est orangé, un peu plus foncé que le Saint-Urbain
2001, plutôt avancé pour un 2010. Le nez est moyen, peu
botrytisé et fruité, avec une note de caramel. En bouche,
il est gras, fruité (poire), avec du sucre d’orge et il
est très bien équilibré, malgré une
certaine amertume, une dureté. Il finit sur le caramel
brûlé tout en fraîcheur et est très,
très long. Finalement, encore assez jeune, malgré sa robe.
Tokay Pinot Gris « Clos Saint-Théobald »
Sélection de Grains Nobles 2002 (AOC Alsace Grand Cru Rangen),
Domaine Shoffit
Doré assez foncé et très brillant, ce dernier vin
est très aromatique, très grillé, avec des
épices et de la tire-éponge. Il est également
très gras, onctueux même, bien sucré, mais assez
bien équilibré par son acidité et très
fruité (abricot, marmelade). La fin de bouche est
botrytisée, très sucrée, avec une pointe
d’amertume; on dirait un vieux sauternes.
Alors, les vedettes de la soirée sont : le Clos Saint Urbain
2008, suivi du Dry River 2016, du Clos Saint-Imer 2010 et du SGN Clos
Saint-Théobald 2002, ex aequo; quatre très grands vins.
Laurent nous a offert une dégustation qui tenait plus de
l’atelier que de la simple dégustation – un
participant l’a même qualifiée de classe de
maître – le tout accompagné d’une
présentation très documentée. Douze vins
très intéressants, certains encore jeunes et
d’autres à maturité, regroupés de
façon à favoriser les comparaisons et la discussion
… que demander de plus?
Alain Brault