
Dégustation du 5 décembre 2018
« Le malbec »
Organisée par Charles Bérubé et
Éric Michaud
Pour nous présenter le malbec, Éric et Charles ont choisi
de s’en tenir aux deux plus grandes régions qui cultivent
ce cépage, le Cahors dans le Sud-Ouest de la France et la
région de Mendoza en Argentine, à l’exception
d’un intrus, de Touraine.
Des dix vins servis en trois volées, la plupart étaient
faits à forte majorité de malbec. Tous ont
été servis en double aveugle.
Première volée, quatre vins : l’intrus, le Côt-Malbec 2015 (AOC Touraine) du
Domaine du Chapitre; de Mendoza, le Malbec BenMarco 2012 (Valle de Uco) de
Dominio del Plata et deux Cahors de Verhaeghe et Fils, le Château du Cèdre Le
Prestige 2014 et Le
Cèdre 2004 (le 2001 prévu étant
défectueux).
Le Touraine (100 % malbec) est clairet et très jeune. Il
est ouvert, très fruité, épicé et bonbon
(banane), macération carbonique, avec un soupçon
d’eau de rose. Un peu mince en bouche, il est assez vif, bien
fruité, peu tannique, avec une certaine minéralité
et une note d’arômes secondaires; l’équilibre
est correct, sans plus. La finale est bien fruitée, mais
rêche. Un vin simple, rustique, mais assez bien fait.
Le BenMarco 2012 (90 % malbec, 10 % bonarda) est assez foncé,
avec des reflets violacés. Très ouvert au nez, il offre
des notes animales, de torréfaction (pain grillé),
d’épices, de menthol et est plutôt boisé. En
bouche, il est assez gras, souple, avec des tannins fins, bien
fruité, frais, avec un peu de chocolat et de caramel et un
boisé qui donne une impression sucrée;
l’équilibre est très beau. La fin de bouche est
légèrement astringente, torréfiée
(grillée, café) un peu chaude (14 %/vol) et
persistante. Le deuxième vin le plus apprécié de
la soirée.
Le premier Cahors, Le Prestige (90 % malbec, 5 % merlot, 5 %
tannat), est également foncé et très jeune
à l’œil. Le nez, moyennement expressif, est
boisé, avec une note chauffée, végétale. Il
est corsé, juteux, avec de beaux tannins granuleux,
légèrement fruité (cerise) et très droit
(trop acide pour certains). Il finit sur des fruits cuits, avec une
belle astringence et de la longueur.
L’autre Cahors, Le Cèdre (100 % malbec), est
pâlot comme le Touraine. Bien ouvert, il est fruité,
terreux (champignons), minéral et légèrement
évolué avec un peu d’écurie. La bouche est
grasse, solide, serrée, encore un peu tannique, mais assez
fondue, assez boisée, avec une très belle acidité,
le tout très bien équilibré. Le vin est
très épicé, juteux et très long. Prêt
pour certains, d’autres l’ont trouvé fatigué.
Deuxième volée, trois vins du Cahors : deux
millésimes, 1997 et 2015, de la Cuvée Réservée de
l’Aïeul du Château Eugénie (90 %
malbec, 10 % tannat) et le Prestige 1995
du Château des Ifs.
L’Eugénie’97 est grenat d’intensité
moyenne. Il est ouvert, épicé, très
chocolaté, tertiaire (cuir), avec un début
d’oxydation (de bouchon?). La bouche suit le nez; il est rond,
soyeux, mais plutôt pointu, peu fruité,
évolué et peu tannique, avec une note
végétale en finale et une bonne longueur. Le
mal-aimé de la soirée.
Le 2015 est plus foncé et plus jeune. Il est très
intense, très boisé, médicamenteux, avec une note
végétale, des fruits rouges et un peu de menthol. En
bouche, il est gras, rond, crémeux, peu astringent, assez
boisé (coconut) et assez équilibré (trop
« sucré » pour certains). La finale est
quand même astringente, alcooleuse (14 %/vol) et assez
fruitée.
Le Château des Ifs s’en est beaucoup mieux tiré. La
teinte est entre les deux autres, légèrement
évoluée, avec un dépôt. Le nez, assez
intense, est très fruits noirs, légèrement
médicamenteux, mentholé (choco-menthe), avec des notes
tertiaires (champignon, feuille de thé). Pas gros en bouche, il
est de structure assez fine, avec un fruité, une acidité
et des tannins bien équilibrés. Il finit sur une belle
astringence, du chocolat et de la réglisse et est très
persistant. La grande classe.
Dernière volée, quatre vins : un Cahors, le Troisième Terrasse 2010 de Rigal
et trois Mendoza, le Malbec-Cabernet
Grande Reserve 2007 (Valley de Uco) de Bodega DiamAndes, le Quimera 2009 d’Achával-Ferrer et
le Gran Reserva Malbec Cabernet
Sauvignon 2012 de Bodega La Azul.
Le Cahors 2010 (100 % malbec) est très foncé et
encore assez jeune. Le nez, assez typique, est intense, boisé,
fruité et légèrement mentholé. Pas
très corsé, le vin est assez vif, très
épicé (cannelle), confituré, mais tout de
même fin et très bien équilibré, avec du
chocolat et une belle astringence en finale.
Le DiamAndes (70 % malbec, 30 % cabernet sauvignon) est de même
teinte, mais il est encore plus ouvert, plus torréfié,
plus boisé, avec une note chauffée, des petits fruits
noirs et de la minéralité (graphite). En bouche, il est
gras, solide, très torréfié, avec une bonne
acidité, une certaine chaleur et un bel équilibre. On
devra l’attendre encore 5 à 10 ans.
Le Quimera est le vin contenant le moins de malbec (40 % malbec,
22 % merlot, 20 % cabernet sauvignon, 14 % cabernet
franc et 4 % petit verdot). Il est opaque. C’est un vin
très classique et expressif, avec une belle complexité,
très crémeux, très chocolat-cerise, fruité
(cerise, prune), floral et un peu de cèdre. En bouche, il est
rafraîchissant, plus fin, plus floral, plus fruité
(mûres, cassis), épicé (poivre, clou de girofle),
avec un peu de vanille et un équilibre irréprochable. La
persistance aromatique, soutenue par une belle astringence, est
remarquable. Un très beau vin encore un peu jeune.
À l’œil, le Azul (60 % malbec, 40 %
cabernet sauvignon) est beaucoup plus clair et plus
évolué. Le nez, d’abord assez discret,
s’ouvre progressivement, avec des fruits noirs, de la
minéralité, de la fumée, des épices, de la
maturité; il n’arrête pas d’évoluer.
Très complexe au nez, il est encore plus beau en bouche. Il est
assez corsé, avec de très beaux tannins bien
enrobés, au grain fin; il est torréfié (chocolat
noir) fruité, épicé, parfaitement
équilibré et très, très long. De loin le
vin de la soirée, à l’unanimité.
En conclusion, des dix vins servis (si l’on ignore
l’intrus), on retrouve six Cahors et quatre Mendoza. Les
participants à cette dégustation ont clairement (deux
fois plus!) préféré les vins argentins aux
français. Seul le Château des Ifs s’est
classé dans la même ligue que ses cousins
sud-américains. Les Argentins ont toutes les raisons
d’être fiers de ce qu’ils ont réussi à
faire de ce cépage en 150 ans.
Alain Brault
Académie du vin de
l'Outaouais