
Dégustation du 17 avril 2019
« Grands blancs de France
»
organisée par Philippe Richer
Chaque année, Philippe aime bien célébrer son
anniversaire en organisant, pour l’Académie, une
dégustation de vins de sa cave. Cette année, c’est
en France qu’il nous a emmenés, avec dix vins blancs de
quatre régions différentes et de six de ses producteurs
fétiches.
La dégustation s’est faite en double aveugle, avec la
directive d’analyser les vins de chaque volée les uns par
rapport aux autres, plutôt qu’individuellement.
1re volée, deux champagnes blancs de noirs du domaine Roses de Jeanne de
Cédric Bouchard : un Côte
de Béchalin 2010 et un Côte
de Vilaine 2016, deux vins faits exclusivement de pinot noir.
Le Béchalin est jaune doré très brillant, tandis
que le Vilaine est un peu plus foncé, avec des reflets
rosés. Au nez, c’est le Béchalin qui est le plus
intense, avec du fruit (agrumes), de la minéralité
(craie) et du biscuit; le Vilaine est un peu plus discret, mais plus
précis, plus complexe, fruité (pêche, pomme),
floral, minéral, très brioché, avec un peu de
vanille et de champignon. En bouche, première surprise : enfin,
deux vins qui ne perdent pas leur mousse lorsqu’ils sont servis
dans des verres à dégustation et non dans des
flûtes, selon la dernière mode; dans les deux cas, la
mousse emplit bien la bouche dès l’attaque. Ne manque que
le plaisir visuel d'admirer les trains de bulles. Les deux vins sont
bien équilibrés, fruités et frais, mais, là
encore, le Vilaine est plus intéressant, plus rond, plus
crémeux, plus fruité (griotte, framboise) et
légèrement rancio. Les deux ont une finale assez vive,
mais le Vilaine est plus long. Le « petit » Côte de
Vilaine a été, de beaucoup, le
préféré des participants.
2e volée, deux Graves blancs du même millésime : le
Domaine de Chevalier 2007,
Pessac-Léognan, grand cru classé de Graves (85 %
sauvignon et 15 % sémillon) et le Château Smith Haut Lafitte 2007,
classé en rouge seulement (90 % sauvignon blanc, 5 %
sémillon et 5 % sauvignon gris).
Les deux vins sont d’un beau doré très brillant,
mais le SHL est plus foncé. Ils sont tous les deux
exubérants; le Chevalier est très minéral et bien
boisé, tandis que le SHL est plus fruité (mangue, ananas,
concombre), aussi minéral, « roche mouillée
». Les deux sont bien gras en bouche, presque huileux pour le
Chevalier, bien fruités, très secs, bien
équilibrés, avec de la cire d’abeille et des noix
grillées pour le Chevalier et une certaine chaleur pour le SHL
(14 %/vol). En fin de bouche, le Chevalier est très sec, juteux
et beaucoup plus persistant que le SHL, plus fruité et
boisé. Les deux vins ont été également
appréciés.
3e volée, deux sancerres d’un même producteur, Pascal Cotat, et d’un
même millésime, mais de deux parcelles différentes
: La Grande Côte 2015 et
Les Monts Damnés 2015,
les deux faits à 100 % de sauvignon blanc.
Deux vins identiques à l’œil, or pâle,
très brillant, avec de légers reflets verdâtres. La
Grande Côte est bien ouvert, très fruité (poire,
citron) et un peu salin; Les Monts Damnés est plus discret, un
peu moins fruité, avec des amandes. Les deux ont une bonne
présence en bouche, avec du fruit (agrumes), de la
minéralité, un très bon équilibre, mais Les
Monts Damnés est plus vif, plus droit. C’est cependant La
Grande Côte, beaucoup plus persistant, qui a été
préféré.
4e volée, quatre bourgognes blancs du même
millésime; il s’agit en fait de deux demi-volées,
une de Chablis Grand Cru de William
Fèvre : le Bougros « Côte Bouguerots » 2014
et Les Clos 2014, suivis de
deux Pouligny-Montrachet 1er Cru du
domaine Henri Boillot : le monopole Clos de la Mouchère 2014 et Les Pucelles 2014.
D’abord, les chablis. Le Bougros est jaune verdâtre assez
pâle et Les Clos est plus doré, plus foncé. Les
deux nez sont d’intensité moyenne, mais le Bougros est
plus intéressant, fruité (agrumes, pomme), fleurs
blanches, amandes, tandis que Les Clos est plus minéral, plus
épicé. En bouche, le Bougros est moyennement
corsé, très vif (pointu même), minéral, bien
fruité (citron) et bien sec; Les Clos est plus gras, plus
corsé, mieux équilibré, également
fruité, mais plus minéral. La finale du Bougros, sur la
crème et le beurre, est assez longue, mais pas autant que Les
Clos, interminable, très fruité et bien frais. Les Clos a
été préféré de très peu au
Bougros.
Dernière paire, de chardonnay également, les poulignys
sont plus dorés, plus riches. Ils sont tous deux très
intenses aromatiquement, boisés juste à point,
très fruités (figues, melon, pêche) surtout dans
Les Pucelles qui rappelle à certains un grand champagne sans les
bulles. En bouche, le Mouchères est assez corsé,
légèrement rancio et parfaitement
équilibré; Les Pucelles est plus droit, vif et tendu
(presque tannique) et moins gras. La finale du Mouchère est vive
et boisée, avec du caramel; celle des Pucelles est plus
grillée et beaucoup plus persistante. Les deux vins de la
soirée, presque à l’unanimité, avec une
légère préférence pour le Clos de la
Mouchère.
Pour sa fête, Philippe nous a fait partager un très beau
tour de France, avec une sélection de vins blancs issus de
domaines réputés, certains en début de
maturité et d’autres encore bien jeunes. Tous des vins non
seulement représentatifs, mais des modèles pour leur
région. Une dégustation qui montre à quel point
les grands vins blancs peuvent être exceptionnels, même en
jeunesse.
Une dégustation qui restera dans les mémoires.
Alain
Brault
Académie
du vin de
l'Outaouais