
Dégustation du 4 décembre 2019
« Bio vs biodynamie »
organisée par Marie-France Champagne
Cette année encore, Marie-France nous a organisé un
atelier, plus qu’une dégustation, visant à nous
familiariser avec le monde des vins biologiques et biodynamiques. On en
entend de plus en plus parler, on les goûte de temps à
autre, mais sait-on vraiment ce que ces certifications signifient?
Quelles sont les règles qui les définissent? Nous avons
pu en apprendre un bout sur le sujet, avec la présentation
étoffée de Marie-France et la dégustation des vins
qu’elle a sélectionnés pour l’occasion.
On commence avec un mousseux, le Champagne
Rosé Brut NM de Leclerc Briant, composé de
chardonnay (95 %) et de pinot noir vinifié en rouge, donc
un assemblage de blanc et de rouge, technique autorisée
seulement en Champagne. Le tirage a été effectué
en 2017 et le dégorgement en 2019. La maison Leclerc-Briant est
en biodynamie depuis la fin des années 50. La robe est saumon et
l’intensité aromatique moyenne, avec un beau fruit
épicé, une note florale et légèrement
briochée. L’attaque est bien vive, le vin pas très
gras, mais très fruité (fraise, framboise, concombre); un
vin croquant à l’équilibre un peu pointu de
jeunesse. Ça finit un peu amer. Beaucoup trop jeune, mais quand
même le deuxième vin le plus apprécié de la
soirée, ex aequo avec le margaux servi plus tard.
Suit une présentation sur les vins bios : quelques
statistiques importantes, les techniques et traitements permis ou
proscris, les diverses certifications à travers le Monde, ce
qu’elles signifient et comment les reconnaître, etc., et la
dégustation de deux vins blancs de chardonnay, un
millésimé, un non millésimé, un bio et un
en biodynamie.
Le Pouilly-Fuissé
« Vers Châne » 2016 du Château de
Lavernette vient d’un domaine en bio et, depuis 2007, en
biodynamie également. Il est or pâle et assez aromatique.
Plutôt boisé (bois vanillé), beurré,
fruité, avec de l’ananas et de la citrouille. Le corps est
moyen, le vin bien fruité, très sec et assez chaud; la
bouche suit le nez et l’équilibre est bon. La finale est
boisée, fruitée, assez fraîche et persistance
aromatique est bonne.
Le Chardonnay Bonterra NM de Fetzer
Vineyards est un petit vin générique
à moins de 20 $ qui en a surpris plusieurs. Le vignoble est
en bio et biodynamie depuis 1987. Ce vin fait exclusivement de
chardonnay est jaune verdâtre, très brillant. Le nez est
intense, exubérant même, très fruité
(agrumes, fruits tropicaux), floral, très herbacé (rappel
le sauvignon blanc), avec un bois plus discret que le
Pouilly-Fuissé. Il n’est pas très corsé,
mais assez rond, bien fruité en bouche et très bien
équilibré. La fin de bouche est juteuse, un peu
rêche, fruitée, herbacée, un peu caramel et la
longueur est bonne. Ce chardonnay fait vraiment très sauvignon
blanc.
Pour la troisième volée, la présentation de
Marie-France continue avec la biodynamie, son origine, ses objectifs,
les différentes « préparations »
qu’elle emploie et les certifications. Cette fois, ce sont deux
vins de pinot noir.
Le Pinot Noir Laundry Vineyard (VQA
Lincoln Lakeshore) 2016 de Southbrook Vineyards qui est le
premier vignoble certifié Demeter (biodynamie) au Canada. Il est
rouge pâlot. Le nez est intense, médicamenteux, alcooleux
(peu agréable pour beaucoup), avec des notes d’amande et
de fumée et, tout de même, du fruit (cerise). Il est
beaucoup plus agréable en bouche, avec une belle texture assez
fine, des tannins faciles, un peu de levure, le tout assez sec sans
être rêche et raisonnablement équilibré. La
finale, sur les fruits rouges et l’amertume, est très
longue. Le mal-aimé de la soirée.
Le Momo Pinot Noir (GI Marlborough,
N.-Z.) 2017 de Seresin Estate s’en tire mieux. Il
vient d’un vignoble certifié bio, mais qui travaille aussi
en biodynamie. Il est bien pâle, mais plus rubis. Au nez, bien
ouvert, le pinot noir de style Nouveau Monde est évident; le vin
est bien fruité (fraise, cerise, petits fruits rouges
épicés), avec une note fumée et une impression qui
rappelle le bois neuf. Il n’est pas gros en bouche (presque
mince), très sec, très fruité, avec une bonne
acidité qui fait saliver et un assez bon équilibre; il
finit sur le fruit, mais un peu rêche et vert. Contrairement au
précédent, il est plus beau au nez.
Volée suivante : deux vins du même pays, un bio et un
en biodynamie.
L’Etna Rosso « de
Aetna » 2016 de Terra Costantino Di Fabio Vincenzo
est un assemblage de nerello mascalese et de nerolle cappucio issus de
culture biologique. Il est d’un rouge clairet, typique des vins
de nerello. Le nez est discret, peu défini, mais tout de
même fruité (fraise) et assez minéral (graphite).
On ressent un léger perlant en attaque, mais il disparait assez
vite. Le vin n’est pas très corsé et même un
peu creux, jusqu’à l’arrivée des tannins; il
est bien sec et minéral. La fin de bouche est astringente, bien
fruitée, assez juteuse et la longueur est correcte.
Le Colle Massari Poggio Lombrone
(DOCG Montecucco) 2013 de Castello Colle Massari, fait
exclusivement de sangiovese, est rubis plus foncé. Il est assez
ouvert au nez, bien fruité (cassis, cerise rouge),
épicé, avec une note fumée et une dose de bois. En
bouche, il est corsé, gras, il a de la mâche, avec des
tannins granuleux assez fins, des fruits cuits, de la
torréfaction (chocolat noir, café) et un boisé
rappelant le sapinage; l’équilibre est excellent. La
finale de fruits cuits est chaude et boisée et il est
très, très persistant.
Cinquième paire : un bio et un en biodynamie.
Le Gallen de Château Meyre (AOC
Margaux) 2015, certifié bio depuis 2011, est fait de
merlot à 79 % et de cabernet sauvignon. Il est rubis assez
foncé et très ouvert aromatiquement, avec des fruits
noirs, de la fumée, des épices, du bois vanillé et
une note chauffée. La bouche est grasse, corsée,
fruitée (cassis), avec des tannins plutôt faciles pour un
2015 et la note chauffée qui revient (rappelle les jeunes rouges
chiliens); l’équilibre est très bon. La finale est
bien sèche, avec du bois brûlé et de la
torréfaction, mais pas très persistante. C’est le
deuxième vin le plus apprécié de la soirée,
avec le champagne du début.
Le Koyle Royale Cabernet Sauvignon
Los Lingues Vineyard (Colchagua Valley, Chili) 2016 de Koyle Family
Vineyards, élaboré en biodynamie, est un
assemblage de cabernet sauvignon (86 %), avec du malbec, du merlot
et du petit verdot. La robe est du même rubis limpide. Le
nez est assez discret, fruité (cassis, mûres, framboises),
avec de la réglisse, une note végétale et le
caractère chauffé fréquent au Chili. En bouche, il
est moyennement corsé et bien fruité, avec des tannins
assez fins, une bonne acidité (très bel
équilibre), une certaine chaleur et la note chauffée
toujours présente. Il finit sur le fruit et le chocolat, avec
une fine astringence et est assez persistant.
Pour la dernière paire : des vins d’assemblage, un du
Nouveau Monde et un d’Europe :
Le Coyam Los Robles Estate (Valle de
Colchagua, Chili) 2016 d’Emiliana Organic Vineyards , le
plus gros producteur bio au monde, avec 3000 ha, dont une bonne partie
est en biodynamie, est fait de 49 % syrah, 22 %
carmenère, 16 % cabernet sauvignon, 5 %
mourvèdre, 4 % malbec, 3 % grenache et 1 %
tempranillo. Il est rubis opaque et très intense au nez,
fruité (on reconnait bien la syrah), avec des fines herbes, du
poivre vert et de la vanille; la note chauffée est très
discrète dans ce cas-ci. L’attaque et fruitée
(bleuets), le vin gras, corsé, plein, avec une bonne
acidité, des tannins peu astringents, des fruits noirs cuits
(cerise, mûre) et de la vanille; l’équilibre est
impeccable. La fin de bouche est sèche, onctueuse, très
torréfiée (chocolat noir), avec une belle amertume (noyau
de cerise) et elle est très, très longue. Un des vins
très appréciés de la soirée.
Le Gigondas Terre des Ainés
2016 du Domaine Montirius (80 % grenache et 20 %
mourvèdre) est en biodynamie depuis 1999. Il est rubis un peu
plus transparent et brillant. Le nez est bien ouvert, fruité
(cerise), un peu boisé, avec de la garrigue et de la pâte
d’amande. L’attaque est vive, le corps moyen, le vin bien
fruité (fruits rouges et bleuets), les tannins assez fins, le
tout très bien équilibré, malgré une
certaine chaleur. En finale, les fruits cuits reviennent, avec le bois
et une belle astringence et la persistance aromatique est très
bonne. Un vin délicieux.
Et, pour finir en beauté, une gâterie comme dessert :
Le Riesling Alsace Grand Cru
Altenberg de Bergbieten Sélection de Grains Nobles 2015 du
Domaine Loew certifié bio et biodynamique. La robe est
d’un beau doré riche et scintillant. Le nez est intense,
fruité (abricot), botrytisé, avec du miel et une
minéralité relativement discrète. La bouche est
très fruitée, bien sucrée mais sans amertume, sans
lourdeur, grâce à une très belle acidité.
Ça finit sur les agrumes (orange, mandarine) et c’est
vraiment très persistant. Le vin de la soirée, à
l’unanimité!
Nous voici donc mieux informés sur ces formes de viticulture et
sur la grande variété des vins qui en sont issus.
Marie-France a également suggéré une vidéo
(en anglais) sur la biodynamie : https://www.youtube.com/watch?v=tUvdpbDpmT8.
Cet exercice a évidemment généré beaucoup
de discussions, parfois favorables, parfois moins. Mise à part
l’impression d’une certaine phobie (justifiée ou
non) des sulfites, la culture biologique semble passer sans
problèmes, mais la biodynamie est perçue avec beaucoup
plus de scepticisme, surtout pour ses pratiques qualifiées
d’« homéopathiques » et même
d’« ésotériques » par
plusieurs. Cette pseudoscience demeure très controversée
et, pour ceux qui désirent approfondir le sujet, on trouve de
nombreuses discussions dans l’internet, parfois avec la
participation de professionnels dont la crédibilité est
bien établie; en voici un exemple : https://les5duvin.wordpress.com/2019/09/07/secheresse-et-biodynamie/
Alain Brault