Le millésime 2009 a été coté de très
bon à très grand, parfois même excellent, selon les
critiques et les régions. Il s’agit d’un
millésime soleil; on peut donc s’attendre à
beaucoup de maturité (lire sucre) à peu près
partout.
Cette dégustation de onze vins a couvert quatre régions
de France, la Loire, la Bourgogne, le Rhône et Bordeaux; une
d’Italie, la Toscane; une d’Espagne, la Rioja; ainsi que
l’Afrique du Sud.
Les vins ont été servis à l’aveugle, les
participants connaissant l’identité des vins, mais pas
l’ordre de service.
D’abord, le Vouvray Pétillant Brut Réserve 2009 du
Domaine Huet. Nous sommes en Touraine, pays du chenin blanc, au centre
de la Loire, où l’effet millésime est toujours
important. 2009 y a été coté
« très bon millésime » et le vin
devrait avoir atteint sa maturité il y a quelques années
et devrait tenir encore une dizaine d’années. Il est jaune
doré et bien pétillant. Le nez est intense, fruité
(pomme, pêche, coing), minéral et légèrement
brioché. L’attaque est vive, l’effervescence
éclate en bouche et l'on retrouve les mêmes arômes
qu'au nez, avec un léger rancio; l’équilibre est
très beau. La finale est juteuse, fruitée, un peu dure et
très persistante. Un des vins les plus appréciés
de la soirée.
Viennent ensuite deux chardonnays faciles à différencier
juste au nez : le Meursault Collection Bellenum 2009 de la maison
Roche de Bellene et le Chardonnay Five Soldiers 2009 de Rustenberg.
En Côte de Beaune, 2009 est considéré comme un
« très grand millésime » pour les
blancs, malgré un manque d’acidité
généralisé et un risque de surmaturité. On
est également en pleine période ou les bourgognes blancs
souffraient souvent d’oxydation prématurée. Ce
Meursault est plutôt pâlot et assez discret, mais
n’est pas oxydé; il est fruité (agrumes,
écorce de citron, pomme blette) et peu boisé. En bouche,
la texture est correcte, le vin est bien sec, l’acidité
acceptable et l’on détecte des arômes de noix
(amande), de beurre et d’agrumes. La fin de bouche est
très sèche, un peu dure et très chaude.
En Afrique du Sud, il y a eu canicule, ce qui a demandé une
bonne irrigation. Five Soldiers est un clos particulier dans le ward
Simonsberg-Stellenbosch (Coastal Region). Ce Rustenberg est fait
exclusivement de chardonnay et a passé quinze mois sur lies, en
barriques de chêne français (70 % neuf). Le vin est
un peu plus foncé. Il est très aromatique, très
boisé, vanillé, assez fruité (pomme, citron), avec
une légère note soufrée au début. Il est
très gras en bouche et le bois (coconut) couvre le fruit; on y
détecte quand même des fruits mûrs (pomme, poire),
du beurre, du poivre blanc et l’acidité donne un
très bel équilibre. Ça finit très sec, un
peu rêche même, un peu chaud et fruité, mais surtout
boisé et c’est très, très long. Un vin
encore bien jeune.
Suivent trois vins rouges très différents,
également facilement identifiés : le Pinot Noir
Seven Flags 2009 de Paul Cluver, l’Imperial Rioja Gran Reserva
2009 de CVNE et le Saint-Joseph 2009 de Vincent Paris.
Le Seven Flags est un assemblage des meilleures cuvées de pinot
noir de ce producteur. Ce vin vient du district Elgin (Cape South
Coast), juste au sud de Stellenbosch, où 2009 est
considéré un « très bon
millésime » pour le pinot noir, le riesling, le
sauvignon blanc et le cabernet sauvignon. Avec sa robe pâle,
assez évoluée, ce pinot noir a évidemment
été immédiatement reconnu par les participants. Le
nez est très ouvert, bien typé, un peu chauffé,
assez tertiaire, fumé, épicé, fruité
(fruits noirs, mûres), avec une note végétale. Il
est rond en bouche, moyennement corsé, bien sec, peu
fruité, avec une belle vivacité, des tannins assez fondus
mais bien présents et une note animale. La finale est
astringente, fumée et assez longue.
En Rioja, on parle de gros rendements en 2009 et de vins à boire
jeune. Le millésime est classé « très
bon », même si la température moyenne y a
été plus élevée qu’en 2003!
L’Imperial est rubis opaque peu évolué. Il est bien
ouvert au nez, avec du bois vanillé et des épices. En
bouche, il est soyeux, pas gros, tout en finesse, avec des tannins
souples, le bois vanillé typique, du tabac, du fruit (framboise,
fraise, cerise) et l’acidité du tempranillo qui donne un
très bon équilibre. La fin de bouche est
torréfiée (café noir) et très persistante.
Dans le Nord du Rhône, on compare le millésime 2009
à 1990, excellent en quantité et en qualité, ayant
donné des vins délicieux jeunes, mais pouvant vieillir.
Le Saint-Joseph, grenat pâle, est le plus évolué
des trois vins. Il offre un très beau nez, ouvert, complexe,
fumé, avec du fruit, de la viande, du cuir, du poivre et de
l’olive. En bouche, il est tout en rondeur, bien sec, encore bien
fruité, avec une très bonne acidité, peu de bois
et un équilibre parfait. La finale est juteuse, fruitée,
très fumée et très longue. Un vin très fin,
prêt à boire; troisième vin le plus
apprécié de la soirée, ex aequo avec le sauternes.
On arrive aux « gros canons » : deux
super-toscans, Luce 2009 de Frescobaldi et Tignanello 2009 de Marchesi
Antinori, servis à côté de deux bordeaux,
Château Clerc-Milon 2009 de Rothschild et Clos du Marquis 2009 de
Léoville-Las-Cases. En Toscane, 2009 a donné des vins
généralement concentrés, énormes même
et souvent confiturés, les meilleurs ayant un fruité
riche, mais une bonne acidité. À Bordeaux, on parle
d’un millésime extraordinaire, très (trop?)
mûr, ayant donné des vins très extraits, mais
certains châteaux ont réussi à faire des vins
superbes.
Avec le Luce, on est à Montalcino et le vin est un assemblage de
sangiovese et de merlot. Il est bien foncé. Au nez, il est
torréfié (chocolat) et bien boisé, avec un peu de
sel de céleri. En bouche, il est très corsé,
costaud, plutôt boisé, avec des tannins encore
austères, un beau fruit et un bon équilibre. La fin de
bouche est fraîche, très astringente, plus boisée
que fruitée et très, très persistante. Un vin
encore bien jeune.
Le Tignanello est un assemblage de sangiovese, de cabernet sauvignon et
de cabernet franc. Il est rubis foncé, peu évolué,
mais au nez, il semble plus avancé, avec des fruits cuits
(raisins de Corinthe), de la réglisse noire, du tabac et
même du « garden cocktail » et une note
végétale. Il est beaucoup plus rond, plus soyeux que le
Luce en bouche, plus fruité aussi (fruits noirs cuits), avec des
tannins quand même bien présents, une bonne acidité
et un bois relativement discret. La finale est juteuse, astringente,
fruitée, torréfiée (chocolat au lait) un peu
chaude et assez longue.
5e grand cru classé de Pauillac, le Clerc-Milon est fait de
cabernet sauvignon (50 %), de merlot (44 %) et de cabernet
franc, petit verdot et carmenère. La robe est très
foncée et un peu plus évoluée que les trois
autres. L’intensité aromatique est moyenne et le vin
montre des signes d’évolution avec une note sauvage qui
s’ajoute aux fruits rouges et à la note
végétale typiques. En bouche, la texture est très
belle, malgré des tannins bien présents, mais assez fins
et l’équilibre est impeccable; on y détecte des
arômes de torréfaction (chocolat noir),de la cerise noire
et un début de maturité. En fin de bouche, c’est un
beau bois, de la torréfaction, de la
générosité et une grande persistance aromatique.
Une merveille qui n’a pas encore atteint son apogée. Le
vin de la soirée!
Pour sa part, le Saint-Julien Clos du Marquis est un assemblage de
cabernet sauvignon (70 %), de merlot (20 %), de cabernet
franc (8 %) et de petit verdot. Encore bien jeune à
l’œil, le vin est très ouvert au nez,
exubérant même; il est très fruité,
chocolaté et minéral (graphite). L’attaque est
végétale et il est assez rond, bien charpenté en
bouche, avec des tannins assez souples, des fruits cuits (griotte), de
la minéralité, de la chaleur et un équilibre
irréprochable. La finale est fraîche, astringente juste ce
qu’il faut et très, très longue. Mérite
encore 5 à 10 ans de cave. C’est le deuxième vin le
plus apprécié de la soirée.
Et, pour dessert, un grand sauternes, Château Doisy-Daëne
2009, 2e grand cru classé de Barsac, voisin du Château
Climens. Le millésime 2009 est considéré comme
exceptionnel dans la région, avec le botrytis qui est
arrivé tard en septembre, ce qui a obligé à
vendanger très vite, parfois même par grappes
entières au lieu des tries successives habituelles. Le
Doisy-Daëne est fait à 88 % de sémillon et
12 % de sauvignon. La robe est d’un bel or riche, à
peine évolué. Le nez est très intense, très
fruité (agrumes, pelure d’orange confites, marmelade),
avec du miel et de la cire d’abeille. L’attaque est
sucrée, mais fine, sans lourdeur; on retrouve le miel, le
botrytis est moyen, le fruité intense, très agrume, avec
de la pêche et l'équilibre assez bon quoique certains
auraient aimé un peu plus d’acidité. La finale
sucrée, passerillée et botrytisée est très
persistante. Troisième vin le plus apprécié de la
soirée avec le Saint-Joseph.
En conclusion, quelques très belles surprises – les trois
bordeaux, le Clerc-Milon surtout – et quelques déceptions
– les super-toscans et le bourgogne. On voit que le
millésime a été très chaud. Certains vins
ont atteint leur apogée, certains sont encore jeunes et
d’autres sont fatigués. Une dégustation très
intéressante qui a fait réfléchir plusieurs
participants sur l’avenir à réserver aux 2009
qu’ils ont en cave.
L’an prochain… le millésime 2010, un peu moins
coté que 2009 en France sauf, peut-être, dans le
Rhône, mais considéré comme supérieur
à peu près partout ailleurs.
Alain Brault